Défense des droits de traité en Colombie-Britannique

Les premières nations de Blueberry River intentent une poursuite historique sur les impacts cumulatifs

Ce qui suit est un compte-rendu du Conseil et du Chef de la Première Nation de Blueberry River sur leur décision de saisir à nouveau la Cour suprême de la Colombie-Britannique d'une poursuite historique sur les impacts cumulatifs – tel que publié sur leur site web le 24. Le procès des impacts cumulatifs du Traité 8, Première Nation de Blueberry River c. la Province de Colombie-Britannique, a débuté le 27 mai à la Cour suprême de Colombie-Britannique.

Le Chef et le Conseil ont dit :

« La Première Nation de Blueberry River a été obligée de retourner devant les tribunaux pour faire respecter ses droits de traité contre la Province de la Colombie-Britannique. [...] Nous avons recours au tribunal parce que nous voulons protéger nos droits de traité et nos futures générations contre les impacts d'un développement accru sur notre territoire.

« Notre nation était prête à négocier et à travailler en collaboration avec le gouvernement pour en arriver à une résolution de la crise des impacts cumulatifs sur notre territoire, cependant le gouvernement provincial a adopté une position unilatérale sur la question du développement du pétrole et du gaz sur notre territoire et nous avons dû à nouveau porter l'affaire devant les tribunaux.

« Plutôt que de continuer sur la voie de la réconciliation et de négocier une solution, nous sommes forcés de demander une injonction pour protéger nos droits de traité et interdire tout empiètement des terres sur notre territoire jusqu'à ce que nos droits de traité soient respectés.

« En vertu du Traité 8, le gouvernement a le droit de saisir des terres à des fins de colonisation, mais a aussi la responsabilité de protéger notre mode de vie. C'était là l'engagement fondamental du Traité 8.

« Nous avons poursuivi notre mode de vie Dane-Zaa axé sur la chasse, la trappe et la pêche depuis plusieurs générations, même si pendant ce temps notre territoire était colonisé et développé.

« Mais l'équilibre a disparu.

« Maintenant, plus de 73 % de notre territoire est à 250 mètres d'une coupe à blanc, d'un puits de pétrole et de gaz, d'une usine de transformation, d'une route, d'un barrage ou d'une infrastructure industrielle quelconque. Les rivières, les ruisseaux et le muskeg s'assèchent, les pierres à lécher sont en voie de disparition. La faune sur laquelle nous comptons est en voie de disparition. Il ne nous reste presque plus d'espace pour la chasse, la trappe et la pêche et pour vivre en paix dans les endroits que nous avons toujours connus comme appartenant au peuple Dane-Zaa.

« Ce n'est pas ce que nos ancêtres ont accepté en signant le Traité 8.

« C'est une cause historique qui nous permet d'établir qu'il y a des limites au droit du gouvernement de saisir des terres sur notre territoire en vertu du Traité 8, et que la limite a été atteinte. Nous allons demander que la Cour fasse respecter la restriction des droits de la Couronne sur notre territoire en vertu du Traité 8. »

Historique du procès de la Première Nation de Blueberry River sur les impacts cumulatifs c. la province de Colombie-Britannique


Carte des projets de gaz naturel dans le nord de la Colombie-Britannique. Les territoires
de la première nation Blueberry sont dans le haut de la carte à droite. Cliquer sur
l'image pour l'agrandir.

Historique : le coin abandonné de la Colombie-Britannique et les nations abandonnées

Il y a un peu plus de cent ans que le gouvernement canadien a cherché le consentement des ancêtres de la Première Nation de Blueberry River (PNBR) et d'autres nations de Traité 8 à la colonisation de notre territoire qui avait été occupé par notre peuple depuis de nombreuses générations. Nos ancêtres ne voulaient pas donner leur consentement sauf si le gouvernement s'engageait à ce que notre mode de vie, axé sur la chasse, la pêche et la trappe partout sur notre territoire, soit préservé, même s'il y avait colonisation. La Couronne nous avait fait une promesse solennelle. Cette promesse était la fondation même du Traité 8.

Aujourd'hui, cependant, la Première Nation de Blueberry River déclare que cette promesse a été rompue. En raison d'une colonisation et d'un développement rapides, nous avons perdu des régions primordiales telles que Peace River, Charlie Lake et Montney. Nous avons été de plus en plus déplacés, alors que notre peuple tente d'exercer ses droits de traité promis, entouré d'une des plus grandes densités de perturbation industrielle de la Colombie-Britannique. Notre territoire est en train de devenir méconnaissable.

La Première Nation de Blueberry River est l'une des nations du Traité 8 à prendre position contre cet assaut incontrôlé de perturbation de notre environnement.

En 2015, nous avons entrepris une action civile contre le gouvernement de la Colombie-Britannique déclarant que l'ampleur du développement industriel autorisé par le gouvernement de la Colombie-Britannique avait dépassé les limites, et que leurs membres ne pouvaient plus poursuivre leurs activités traditionnelles telles qu'assurées par le traité - « aussi longtemps que le soleil luit et que la rivière coule ».

Nous avons recours aux tribunaux afin de faire respecter le Traité 8 et empêcher l'empiètement accru de nos terres jusqu'à ce que nos droits de traité soient respectés.

Un aperçu de la perturbation

Selon l'Atlas des perturbations cumulatives de l'environnement sur le territoire traditionnel des PNBR de 2016, il y a déjà :

- 110 300 km.de formations linéaires (y compris des routes, des lignes de transmission, des lignes sismiques et des oléoducs) existant sur 38 327 km2 du territoire – ou 2,88 km de perturbation linéaire par kilomètre carré.

- des régions où la perturbation linéaire est beaucoup plus élevée (variant entre 6,1 et 12 km par km2 tandis que dans certaines régions elle peut atteindre 24 km par km2)

-19 974 puits de pétrole et de gaz dont 36 % sont actifs. Plusieurs de ces puits sont maintenant « abandonnés », et personne n'est chargé du nettoyage ou de l'enlèvement puisque les compagnies viennent, font de l'argent ou font faillite, et quittent.

- En tout, 73 % de la région sur le territoire traditionnel de la PNBR est à une distance de 250 mètres d'une perturbation industrielle, et approximativement 84 % du territoire est à une distance de 500 mètres d'une perturbation industrielle.

- Ajoutons que des régions qui jadis constituaient les principaux territoires de la nation sont maintenant des terres agricoles – 28 % du territoire de la PNBR est zoné ou converti en Réserve de terres agricoles (RTA).

- Aussi, deux barrages hydroélectriques, le W.A.C. Bennett et le Peace Canyon, sont sur le territoire traditionnel de la PNBR, et la construction d'un troisième barrage, le Site C, a commencé.

Comme dans la plus grande partie de la Colombie-Britannique, il existe une industrie forestière dans le nord-est. Mais contrairement à d'autres régions de la Colombie-Britannique, les pratiques forestières n'ont pas beaucoup évolué dans cette région depuis les années 1980. Ici, les mesures visant à protéger la faune et la forêt ancienne n'ont pas été adoptées, et les mesures de base en foresterie telles que le reverdissement ne sont pas obligatoires. Le code territorial de Blueberry est une zone de foresterie à forte intensité. Pire encore, moins de 1 % du territoire de la PNBR est protégé – il n'y a donc pas de régions essentielles qu'on peut déclarer hors d'atteinte du développement, ou qui peut servir d'habitat essentiel pour les espèces et les écosystèmes qui permettent à la PNBR de jouir de ses droits de traité de façon significative.

Il y a beaucoup d'autres indications que tout ne va pas pour le mieux en ce qui concerne la terre et l'eau ici :

Les ours grizzly et le caribou boréal sont extirpés de leur zone traditionnelle dans ce coin sud du territoire boréal de la Colombie-Britannique. Ce qui reste de caribou sur le territoire des Blueberry disparaît à toute vitesse, et sans action immédiate il disparaîtra sans doute à tout jamais. Les politiques gouvernementales et le développement ont provoqué une baisse du nombre d'orignaux, et ceux que nous trouvons sont souvent malades ou impropres à la consommation. Les membres de la Première Nation refusent de boire l'eau en raison de la senteur provenant des hydrocarbures versés dans l'air et de l'usage intensif de l'eau pour la fracturation dans l'extraction du gaz. On hésite à consommer des animaux qui sont peut-être passés par des régions contaminées. Et la séismicité induite – le terme scientifique pour la création de séismes par les humains – est à la hausse. La page spéciale du site web de l'Office du pétrole et du gaz de la Colombie-Britannique révèle qu'au cours des 14 mois de surveillance (en 2013-2014)) il y a eu 231 événements séismiques 'induits' sur le territoire principal des Blueberry.

Pour quelle raison le territoire traditionnel de la PNBR est-il si gravement touché ?

Sous la forêt boréale et le muskeg existent des gisements de gaz de schiste parmi les plus grands au monde, et depuis 15 ans il y a un développement intense pour déterminer qui peut mettre la main sur ce marché. Plus de 80 % du territoire principal de la PNBR est déjà occupé, alors que des droits sont accordés aux compagnies pour l'extraction du gaz. De récentes annonces sur le développement du gaz naturel liquéfié sur la côte de la Colombie-Britannique sont d'importants incitatifs pour le développement de ce combustible émetteur à forte intensité de gaz à effet de serre, et indiquent que le rythme et l'intensité du développement du gaz vont se poursuivre au cours des prochaines décennies. Malgré cela, il n'y a toujours pas de régions protégées ni de régions hors-limites au développement. Des mesures de réparation urgentes sont requises – il faut s'occuper de l'immense empreinte écologique qui est déjà présente, et plus rapidement qu'une empreinte nouvelle ne se forme, si on veut permettre à la terre de se réparer plus vite qu'elle ne se détériore. Ce travail ne peut être remis à plus tard.

De récents rapports gouvernementaux confirment le problème

Le forestier en chef de la Colombie-Britannique a reconnu que l'essentiel du territoire des Blueberry a été coupé à blanc de façon disproportionnelle au cours des dernières années (87 % de la récolte régionale provient du coeur du territoire des Blueberry.) Selon les dossiers de l'Office national de l'énergie, des milliers de nouveaux puits et une vaste infrastructure liée au gaz et au pétrole font partie de projets devant se développer à même le territoire principal des Blueberry, dont le sous-sol est le bassin de gaz North Montney. Ce développement s'ajoute au développement intensif qui a déjà eu lieu (voir le résumé des données de l'Atlas plus haut.) Le vérificateur général de la Colombie-Britannique a récemment confirmé l'ampleur du désastre environnemental et écologique sur le territoire des Blueberry et dans le nord-est de la province, alors que des dizaines de milliers de puits ont été abandonnés et d'autres laissés sans entretien. Le projet du gouvernement d'électrifier les champs gaziers ne pourra qu'engendrer un développement et une infrastructure accrus dans la région.

Historique des négociations et du procès

Bien que nous soyons déterminés et prêts à nous battre sur le plan juridique pour protéger nos droits de traité et ceux des générations futures, nous espérions pouvoir l'éviter.

Les Blueberry ont tout fait cette année pour collaborer avec la province de la Colombie-Britannique pour commencer à traiter des impacts cumulatifs du développement pétrolier, gazier, forestier et autre sur notre territoire. Comme nous en avons rendu compte à nos familles, nous avions fait des pas dans la bonne direction et sur plusieurs questions. Notre nation avait espoir que des efforts fondés sur la bonne volonté des deux parties allaient nous éviter d'avoir recours aux tribunaux pour qu'ils imposent des mesures pour faire respecter nos droits de traité.

Cependant, à la suite des pressions de l'industrie pétrolière et gazière, le gouvernement nous a imposé une position à prendre ou à laisser, défaisant des mois d'efforts pour développer une solution collaborative et une meilleure gestion du développement à venir. Le gouvernement est revenu à son approche d'agir « comme d'habitude », par l'approbation expéditive d'un plus grand développement pétrolier et gazier sur notre territoire.

En dépit de la reconnaissance par le gouvernement, les scientifiques, les Premières Nations et le public que les bassins hydrographiques où le peuple de Blueberry vit depuis d'innombrables générations ont été gravement touchés par le développement, en particulier au cours des vingt dernières années, la province force notre nation à en faire la preuve devant ce tribunal pendant plusieurs mois.

La Couronne avait pris un engagement fondamental envers nos grands-parents en adhérant au Traité 8 : que nos futures générations pourraient toujours exercer nos droits de traité sur un territoire capable de nous soutenir et de soutenir la faune et les cours d'eau dont nous dépendons. Plutôt que de reconnaître cet engagement fondamental, la Couronne nie que le traité nous fournit quelque protection que ce soit contre les impacts cumulatifs du développement.

Le territoire sur lequel nous vivons, et sur lequel nous, nos parents et nos grands-parents ont toujours compté est aujourd'hui développé au point qu'il nous devient méconnaissable. Il ne nous reste presque rien à transmettre à nos futures générations.

Les terres, les cours d'eau et la faune que nous luttons pour préserver et restaurer sont essentiels à la santé de nos générations présentes et à venir.

Nous ne voyons pas en quoi le fait de nous forcer à entreprendre cette démarche est conforme à l'engagement du gouvernement provincial envers l'adoption et la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), et envers les Appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.

Nous rappelons une fois de plus à quel point nous sommes déçus d'être obligés de dépenser du temps et de l'argent précieux dans une démarche juridique alors que nous préférerions continuer le vrai travail, celui de résoudre cette crise.

(watershedsentinel.ca, 30 mai 2019. Traduit de l'anglais par LML. Photos: Blueberry First Nations, Carrier Sekani Tribal Council)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 22 - 8 juin 2019

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