À propos de l'Enquête nationale et son rapport final


Des filles et des garçons des 13 provinces et territoires remettent le rapport aux représentants des provinces et des territoires durant la cérémonie.

L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a été annoncée en décembre 2015 et a officiellement commencé ses travaux en septembre 2016. Deux ans et demi plus tard, malgré la démission de plusieurs commissaires et membres du personnel et le manque de coopération du gouvernement fédéral, elle a publié son rapport final de 1183 pages le 3 juin dans la Grande Galerie du Musée canadien de l'histoire de Gatineau. Les commissaires avaient pour mandat « d'examiner et de faire rapport sur les causes systémiques de toutes les formes de violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA autochtones au Canada en regardant les tendances et les facteurs sous-jacents ».

Dans son rapport final intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place, l'Enquête nationale conclut que le meurtre et la disparition de femmes et filles autochtones s'inscrivent dans un génocide global contre les peuples autochtones du Canada. Le rapport est divisé en 11 chapitres d'examen, suivis de 231 recommandations, ou « appels à la justice ». L'Enquête nationale présente également deux rapports supplémentaires : un rapport de 180 pages axé sur les expériences vécues au Québec, avec 21 recommandations, et un rapport de 49 pages axé sur l'analyse du génocide.

La ténacité des amis et des familles des victimes, qui ont refusé de permettre que leurs soeurs, leurs filles, leurs mères et leurs tantes soient oubliées, a été le facteur déterminant dans l'ouverture de l'enquête et la publication de son rapport final. Les efforts de tous ceux et celles qui se battent pour qu'il n'y ait plus de victimes et qu'on en finisse avec la conception coloniale de l'État canadien et son refus d'établir des relations de nation à nation et d'assumer toutes ses responsabilités envers les peuples autochtones ont également été décisifs. Au total, 2380 personnes, dont 468 survivants et leurs familles, ont participé à l'Enquête nationale qui a coûté 90 millions de dollars. Il y a eu plus de 1 000 heures de témoignages de survivants, de témoins et de familles. De nombreuses autres personnes n'ont pas pu participer pour diverses raisons, notamment le refus du gouvernement libéral d'accéder à la demande des commissaires d'une augmentation du financement et d'une prolongation de deux ans afin que davantage de personnes puissent être entendues.

Pendant même que l'enquête se déroulait, plus de 130 femmes et filles autochtones auraient été victimes d'homicide, ou auraient perdu la vie dans des conditions suspectes ou seraient décédées alors qu'elles étaient hospitalisées, selon deux bases de données, pour une moyenne de trois morts par mois. Les commissaires disent ne pas pouvoir déterminer le nombre exact de femmes autochtones assassinées ou disparues au Canada au cours des dernières décennies mais estiment toutefois que les chiffres publiés par la GRC en 2014, qui font état de 1 181 femmes et filles autochtones disparues ou assassinées entre 1980 et 2012, sont susceptibles d'être une sous-estimation. L'Association des femmes autochtones du Canada estime ce chiffre à près de 3 000. « Malgré tous les efforts déployés pour consigner ces vérités, lit-on dans le rapport final, nous concluons qu'il est impossible pour quiconque de déterminer le nombre exact de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées au Canada. Des milliers de meurtres et de disparitions de femmes n'ont vraisemblablement pas été enregistrés, et ce, des décennies durant, et de nombreuses familles ont sans doute été incapables de trouver la force ou le courage de s'inscrire à l'Enquête nationale avant la fin de la période allouée. »

Quoi qu'il en soit, les chiffres montrent à la fois l'indifférence des autorités de l'État à l'égard des femmes et filles autochtones assassinées ou disparues ainsi que la nécessité d'une action urgente et immédiate pour remédier à cette situation qui perdure. Le rapport souligne que le génocide dont ces morts et disparitions font partie est facilité « par des structures coloniales » comme la Loi sur les Indiens, « la rafle des années 1960, les pensionnats indiens, les atteintes aux droits de la personne et aux droits des Autochtones, de même que les politiques actuelles, qui marginalisent ces derniers et entraînent une augmentation directe de l'incidence de la violence, des décès et du suicide chez leurs populations ».

Les quatre commissaires nationaux chargés de l'enquête, la commissaire en chef Marion Buller et les commissaires Brian Eyolfson, Qajaq Robinson et Michèle Audette, ont présenté leur rapport lors d'une cérémonie sacrée réunissant quelque 500 personnes. Le premier ministre Justin Trudeau, les dirigeants d'organisations autochtones nationales et régionales et de nombreux politiciens, dont les chefs du NPD, du Parti conservateur et du Parti Vert, étaient au nombre des participants.

À la cérémonie, la commissaire en chef, Marion Buller, a déclaré que les vérités rendues publiques dans le rapport final « ne seront pas effacées » et que les 231 appels à la justice contenus dans le rapport final ne sont pas de simples recommandations, mais des « impératifs juridiques » qui doivent être mis en oeuvre. Elle a déclaré : « Bien que notre mandat comporte la formulation de recommandations, ci-après nommées 'appels à la justice', il faut comprendre que ces recommandations constituent en fait des impératifs juridiques. Elles ne sont pas optionnelles. Les appels à la justice découlent des lois nationales et internationales régissant les droits de la personne et les droits des Autochtones, y compris les droits énoncés par la Charte, la Constitution et l'Honneur de la Couronne. Ainsi, le Canada a l'obligation légale de mettre pleinement en application ces appels à la justice et de veiller à ce que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones vivent dans la dignité. »

En conférence de presse plus tard, la commissaire en chef a souligné que l'État canadien et ses politiques sont à l'origine de la violence persistante contre les femmes et les filles autochtones, notant que « l'État canadien a appliqué et continue d'appliquer des politiques qui perpétuent la violation des droits humains et des droits autochtones. C'est de la colonisation. C'est de la discrimination. C'est un génocide. Il doit y avoir un changement transformationnel dans la façon dont nous construisons et maintenons des relations entre les peuples autochtones et non autochtones. »

Les 231 appels à la justice de l'enquête comprennent 46 appels spécifiques aux Inuits, 29 appels spécifiques aux Métis et 32 appels spécifiques aux personnes 2SLGBTQQIA. Les autres appels sont divisés par domaine – culture, santé et au bien-être, sécurité humaine, justice – et par industrie et institution. Ceux qui appartiennent à cette dernière catégorie s'adressent aux médias, aux influenceurs sociaux, aux avocats et associations de juristes, aux éducateurs et aux prestataires de services de santé et de bien-être, aux travailleurs sociaux, aux services de police et de transport, à l'industrie hôtelière et aux industries d'extraction et de mise en valeur des ressources. Tous les Canadiens sont également invités à lire le rapport final, à s'informer sur la violence historique à l'égard des femmes et des filles autochtones et à défendre les droits des peuples autochtones pour que tous les gouvernements rendent des comptes et s'assurent que les recommandations formulées dans le rapport final soient appliquées.

Lisez les 231 Appels à la justice de l'Enquête nationale.

Pour le rapport complet, voir Rapport final volume 1a et Rapport final volume 1b.

Voir le Rapport supplémentaire - génocide.


(Photos : Enquête nationale sur les FFADA, Fondation Canadienne des femmes)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 22 - 8 juin 2019

Lien de l'article:
À propos du rapport final - Barbara Biley


    

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