Argentine
La réponse du mouvement ouvrier à l'exacerbation de la crise néolibérale
- Miranda Jolie -
Les rues de Buenos Aires sont vides pendant la grève
générale du 29
mai 2019 contre l'offensive néolibérale antisociale
du gouvernement
Macri.
Mercredi le 29 mai, les travailleurs de
l'Argentine ont organisé
leur cinquième grève générale contre
l'administration néolibérale du
président Mauricio Macri depuis qu'il a pris le pouvoir
en 2015. La
grève, qui a duré 24 heures, a été
organisée par la Confédération
générale du travail (CGT), la principale organisation
syndicale du pays.
Les transports publics ont été
paralysés toute la journée et aucun
vol domestique ou international n'a quitté ou atterri aux
aéroports
principaux du pays. Les classes de l'élémentaire, du
secondaire et du
niveau universitaire ont été interrompues, et il en a
été de même des
services bancaires et des services public de santé car tous les
travailleurs de
ces secteurs se sont joints à la grève. Les membres des
mouvements
sociaux et d'autres personnes se sont joints aux travailleurs membres
des 70 syndicats qui ont manifesté dans les rues. Des
activistes ont
fourni de la nourriture gratuitement dans de grosses marmites pour
illustrer à quel point les Argentins ont faim à cause des
sévères
mesures d'austérité qui ont été
imposées par le gouvernement et le Fond
monétaire international (FMI).
Dans un pays comme l'Argentine, qui a une fière
tradition de
syndicalisme, les grèves générales sont
perçues comme des messages
clairs aux présidents sortants, bien que l'importante
réduction des
travailleurs syndiqués ces dernières années ait eu
comme effet que
l'impact de ces grèves n'est pas ce qu'il a déjà
été. De plus, en dépit
de ces
grèves générales, le mouvement ouvrier est loin
d'être uni. Il existe
plusieurs lignes de division et des factions au sein du leadership avec
leurs propres objectifs et ordres du jour différents.
Néanmoins, la
situation est si grave que les syndicats ont trouvé le moyen
d'agir de
concert et de s'unir pour contester massivement
l'austérité imposée par
le
gouvernement Macri et le FMI. Maintenant, le gouvernement cherche
à
négocier avec divers dirigeants de la CGT et de la Centrale des
travailleurs d'Argentine, la deuxième plus grande organisation
syndicale du pays, afin d'éviter le déclenchement d'une
autre grève
générale avant la fin de l'année.
Un scénario inquiétant
Manifestation d'enseignants et d'étudiants le 16 mai 2019 contre
les coupures à l'éducation
L'Argentine vit présentement une situation
économique consternante
(l'activité économique a chuté de 6,8 %
de mars 2018 à mars 2019) et il
n'y a aucun signe de reprise et d'amélioration à
l'horizon. Selon
l'Observatoire de la dette étrangère de
l'Université métropolitaine
pour l'éducation et le travail, la dette publique
de l'Argentine atteint approximativement 332 milliards de dollars
US et
représente 86,2 % du PIB. La dette extérieure
en représente la plus
grande partie, et le gouvernement Macri a ajouté 187
milliards à la
dette extérieure du pays depuis qu'il a pris le pouvoir
en 2015. Selon
les résolutions du ministère des
Finances, le gouvernement a honteusement renoncé à la
souveraineté du
pays sur ses ressources naturelles en les utilisant comme garanties
pour assurer leur tribut aux détenteurs de la dette
extérieure d'une
manière ou d'une autre.
D'autre part, les élections
générales auront lieu en octobre et les
observateurs étrangers et locaux ont les yeux rivés sur
l'Argentine et
sa dette. Il y a deux résultats possibles à ces
élections en ce moment,
selon les différents sondages. L'un serait la
réélection de
l'administration actuelle et la continuation du désastreux
modèle
économique que
Macri et les oligarques qui sont derrière lui ont imposé
au pays. Le
deuxième serait l'élection de l'opposition,
dirigée par le mouvement
péroniste, avec Alberto Fernandez comme président et
l'ancienne
présidente Cristina Fernandez de Kirchner comme
vice-présidente, qui
tentera de changer ce modèle contre un modèle plus
axé sur la
revitalisation
du marché domestique et de l'activité industrielle.[1]
La préoccupation de l'oligarchie
financière est que l'Argentine ne
remboursera pas ses dettes, bien que les candidats potentiels assurent
qu'elle le fera. Afin d'obtenir une mesure de sauvetage de 56
milliards
de dollars U.S. du FMI, le gouvernement Macri s'est engagé
à réaliser
un budget équilibré en 2019 et un surplus
en 2020 en imposant de sévères mesures d'ajustement
structurel. En
dépit de ce scénario faussement optimiste décrit
par le gouvernement
afin de vendre son ordre du jour antisocial et antinational, les
experts économiques s'entendent pour dire que les mesures
d'austérité
du FMI sont là pour rester au moins pour dix autres
années. Cela
présume évidemment que les travailleurs ne vont pas
réussir à s'organiser pour réaliser leurs propres
revendications basées sur leur position qu'assez c'est
assez et s'organiser pour mettre fin à cette situation par
laquelle
toutes les ressources du pays sont appropriées par les riches.
La réponse sociale
Les rues de Buenos Aires durant la grève générale
de 24 heures le 6
avril 2017 contre les politiques néolibérales du
gouvernement Macri,
qui coïncidait avec l'ouverture du Forum économique mondial
sur
l'Amérique latine dans cette ville
Depuis la formation de Cambiemos (Changeons), l'alliance
électorale
entre le Parti Proposition républicaine de Macri et l'Union
civique
radicale, en préparation de l'élection de 2015, la
situation sociale se
détériore de plus en plus, selon différents
indicateurs. Par exemple,
au cours de la dernière année, la pauvreté s'est
accrue
de 32 % et l'emploi a baissé de 2,2 %
Un autre indicateur de la dégradation de la
situation sont les
actions et manifestations successives. La plus récente est la
grève
générale du 29 mai. Les arrêts de travail et
les manifestations vont
sans doute se poursuivre dans les différents secteurs de
l'économie.
Ces dernières années, le peuple, les
travailleurs et les syndicats
argentins sont descendus dans la rue pour non seulement s'opposer au
modèle économique axé sur
l'austérité de Macri et de son gouvernement,
mais aussi pour exiger la restauration de la négociation
collective et
la réduction des impôts des travailleurs qui ont perdu une
grande
partie de leur pouvoir d'achat en raison d'un taux d'inflation
de 54 %,
des augmentations continuelles des tarifs des services publics et d'une
importante dévaluation monétaire. Pour bien saisir
l'ampleur du
problème, il suffit de mentionner les manifestations qui ont
aussi lieu
dans la communauté scientifique, qui a subi un redressement
brutal, alors que les programmes de prêts et bourses dans le
domaine de
la recherche ont chuté dramatiquement depuis 2015.
« La tactique de la grève
générale a été suivie parce qu'il n'y a
pas eu de réponse, aucune réaction du gouvernement
à nos
revendications », a dit Hugo Moyano, le dirigeant d'une des
branches de
la Confédération générale du travail.
« Il y a une grande
insatisfaction vis-à-vis le gouvernement. Plusieurs travailleurs
ont
voté pour ce
gouvernement parce qu'il devait se débarrasser des impôts
sur le
revenu. Ils lui ont fait confiance, mais cette fois ils ne feront pas
la même erreur », a dit Moyano en pensant aux
prochaines élections
du 27 octobre.
D'autres dirigeants syndicaux se sont aussi
exprimés à ce sujet,
tels Hugo Yasky, le secrétaire général de la
Centrale des travailleurs
d'Argentine, qui a dit que « la grève du 29 mai
laisse espérer qu'en
octobre nous allons voter et défaire ce gouvernement qui
confirme
l'échec lamentable de la droite argentine ».
Il a dit que l'alliance Changement de Macri s'est
d'abord promue
comme une « expression du modernisme, mais nous a en fait
ramenés au
même désastre et à la même destruction du
néolibéralisme dans les
années 90 ».
Note
1. Le péronisme fait référence au
mouvement politique argentin basé sur l'idéologie de
l'ancien président Juan Domingo Peron, qui remonte à
1946, date à laquelle Peron a été élu pour
ce premier des trois mandats. Les « trois drapeaux » du
péronisme seraient la justice sociale, l'indépendance
économique et la souveraineté politique.
(Sources: TeleSUR,
Trading Economics, AFP)
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 22 - 8 juin 2019
Lien de l'article:
Argentine: La réponse du mouvement ouvrier à l'exacerbation de la crise néolibérale - Miranda Jolie
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