Une décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique signifie que les Britanno-Colombiens et les peuples autochtones demeurent vulnérables aux déversements de pétrole
Piquetage à Terrace, le 18 avril 2019, à
l'extérieur des audiences du Sénat sur le projet de loi
C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers,
qui interdirait aux navires-citernes transportant plus
de 12 500 tonnes
de pétrole de s'arrêter ou de décharger leur
cargaison sur la côte nord
de la
Colombie-Britannique.
Une décision de la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique publiée le 24 mai indique que les
modifications proposées à l'Environment Management
Act
(EMA) de la Colombie-Britannique ne relèvent pas
de la
compétence provinciale. Cela « rend les
Britanno-Colombiens vulnérables aux risques pour la
santé, la
sécurité et l'environnement liés à
l'augmentation du transport de pétrole lourd dans la
province », indique un communiqué de presse
publié par West Coast Environmental Law.
« Les modifications
proposées par la Colombie-Britannique incluent un régime
de permis pour les entreprises qui transportent des substances
dangereuses, telles que le bitume dilué, dans toute la
province », a dit le communiqué de presse.
« Pour relever les défis environnementaux
de notre époque, toutes les administrations,
fédérales, provinciales et autochtones, devront prendre
des mesures réelles, a déclaré Jessica Clogg,
directrice générale et avocate principale. Avec cette
décision, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a fait
marche arrière en ce qui a trait au fédéralisme
coopératif, ce qui met en péril notre santé, notre
sécurité et notre environnement. »
L'avocat-conseil Eugene Kung souligne que la
décision est un pas en arrière, car « les
marées noires ne respectent pas les frontières, pas plus
que les changements climatiques ». « C'est aussi une
gifle pour les gouvernements autochtones dont la juridiction a
été ignorée », a-t-il
déclaré.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a
annoncé son intention de faire appel de cette décision
devant la Cour suprême du Canada. Si celle-ci accepte l'appel,
elle se prononcera sur la constitutionnalité du projet de loi
qui, sans aucun doute, ne résout pas la question de fond, qui
est la justesse de la cause pour laquelle luttent le peuple de
la Colombie-Britannique et les peuples autochtones.
Les nations Haida et Heiltsuk ont condamné la
décision de la Cour d'appel dans un communiqué de presse
parce qu'elle « réduit le pouvoir des provinces de
protéger les terres et les eaux de projets d'infrastructure
interprovinciaux et ne reconnaît pas le rôle des peuples
autochtones dans la protection de l'environnement. La décision
augmentera
le risque de déversement de pétrole et de dommages
environnementaux liés à l'agrandissement proposé
du pipeline Trans Mountain. »
« La décision
d'aujourd'hui est décevante, car elle révèle le
manque de compréhension et/ou le refus des tribunaux de
reconnaître la juridiction autochtone sur nos territoires. Le
refus de reconnaître nos arguments dans cette décision est
une occasion manquée pour les tribunaux de démontrer par
un geste une véritable réconciliation »,
déclare Nang Kaadlljuus, président de la nation
Haïda Gaagwiis Jason Alsop.
« La décision de la Cour d'appel est
offensante et irresponsable. Il est inacceptable que, malgré le
statut de partie intéressée qui ait été
accordé, la Cour n'ait même pas reconnu nos arguments ou
ceux d'autres gouvernements autochtones. Elle nous a invités
à entrer dans la salle, mais elle nous a totalement
ignorés », ajoute Marilyn Slett,
conseillère en chef élue de la nation Heiltsuk. «
Malgré plus de 30 ans de litiges qui ont renforcé la
reconnaissance constitutionnelle des droits des peuples autochtones, la
Cour a adopté un point de vue très étroit. En
cette période de réconciliation et d'engagement de la
part de la Couronne à mettre en oeuvre la Déclaration des
Nations unies
sur les droits des peuples autochtones, la décision
d'aujourd'hui est un grand pas en arrière », a-t-elle
déclaré.
Dans le communiqué de presse publié par
les Heiltsuk et les Haïdas, il est mentionné qu'ils font
partie des quatre personnes intéressées autochtones qui
ont présenté des arguments pour appuyer la
Colombie-Britannique dans sa protection de l'environnement. Ils ont
présenté des arguments liés à leurs titres
et droits autochtones inhérents et ont
soulevé les lacunes du cadre actuel de lutte contre les
déversements que la législation proposée par la
Colombie-Britannique permettrait de corriger. « Cependant, le
raisonnement derrière la décision d'aujourd'hui ne
mentionne pas les arguments autochtones, mais plutôt les seules
compétences de juridiction fédérales et
provinciales. Ignorer les
compétences autochtones témoigne de la réticence
persistante à prendre des mesures concrètes en faveur de
la réconciliation et de la reconnaissance des titres et des
droits dans le monde réel », souligne le
communiqué.
Gaagwiis a rappelé au public que « les
gouvernements autochtones n'ont pas des pouvoirs équivalents
à ceux des municipalités, les tribunaux pouvant choisir
d'entendre ou d'ignorer les débats à leur convenance.
Nous parlons en tant que nations. Nos lois et nos juridictions sont le
premier ordre de gouvernement, car elles découlent des lois
naturelles de la Terre. Nous avons la responsabilité de faire
respecter ces lois et de protéger nos territoires pour les
générations à venir de notre peuple et des
Canadiens ».
Le communiqué de presse explique que, devant la
cour, s'exprimant en faveur du projet de loi de la
Colombie-Britannique, la nation Heiltsuk a présenté son
expérience de la marée noire du Nathan E Stewart,
qui « a mis en lumière les lacunes de la réponse
fédérale qui ont nui à ce que leur
communauté éloignée puisse se remettre de la
marée noire de 2016. Ces lacunes n'ont même pas
été abordées par le tribunal et, en
conséquence de la décision d'aujourd'hui, elles demeurent
en place ».
Manifestation organisée par la nation Heiltsuk lors de la visite
du
ministre des
Transports Marc Garneau en novembre 2016, peu après que le
remorqueur Nathan E. Stewart se soit échoué sur
leur territoire.
Les lacunes incluent le refus des dédommagements
pour
les pertes encourues par les autochtones. « Dans
l'éventualité d'un déversement d'hydrocarbures,
aucune indemnisation n'est actuellement pas disponible pour les
nombreuses
pertes encourues par les
autochtones, y compris les pertes encourues par la communauté.
Ceci s'explique par le fait que les indemnisations liées
à la définition des 'dommages dus à la pollution',
selon la Loi sur la responsabilité en matière maritime
du Canada, se concentrent exclusivement sur les 'pertes
de revenus' en ignorant les effets dévastateurs que des
déversements peuvent avoir sur les pertes alimentaires, sociales
et rituelles ».
Il n'existe pas non plus de nécessité
d'une évaluation approfondie de l'impact sur l'environnement,
ont souligné les Heiltsuk. « À l'heure actuelle,
les lois provinciales et fédérales n'imposent pas
l'obligation de mener une évaluation de l'impact sur
l'environnement, ni de fournir une forme de financement aux
gouvernements autochtones qui
leur permettraient de mener une telle évaluation. Une
évaluation de l'impact sur l'environnement est essentielle pour
comprendre les effets à court et à long terme d'un
déversement d'hydrocarbures sur l'environnement
naturel. »
« Tant que ces deux lacunes existeront, les
marées noires continueront de toucher de manière
disproportionnée les peuples autochtones », explique
le communiqué de presse.
Pour une copie de la décision, cliquez ici. Pour
une copie en format PDF du communiqué de presse, cliquez ici. Pour
obtenir le précédent communiqué de presse des
Heiltsuk sur cette cause devant les tribunaux, cliquez ici.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 21 - 1er juin 2019
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