Le programme législatif du gouvernement Kenney


Des jeunes de Calgary participent à la grève des jeunes sur le climat, le 15 mars 2019,
pour demander que les gouvernements prennent des mesures pour protéger
l'environnement et leur avenir.

Permettre à l'oligarchie financière de tirer un profit privé des travailleurs
et des ressources de l'Alberta

Dans son discours du trône du 22 mai, le gouvernement conservateur albertain de Jason Kenney a commencé à présenter son programme législatif pour les sessions du printemps et de l'automne. Il a clairement indiqué qu'il entend intensifier l'offensive antisociale néolibérale. Quatre projets de loi ont été présentés rapidement.

Projet de loi 1, Loi de l'abolition de la taxe sur le carbone

Le projet de loi 1 éliminera la taxe sur le carbone de l'Alberta. En agissant de la sorte, Kenney promet d'intenter une poursuite en cour contre la taxe fédérale sur le carbone, que le gouvernement Trudeau entend mettre en oeuvre en Alberta tout de suite après que la loi provinciale aura été abrogée.

Kenney s'engage à contester la constitutionnalité de la loi fédérale en dépit de la décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan qui a soutenu le droit du gouvernement fédéral d'imposer une telle taxe. Cela illustre l'hostilité et l'animosité croissante qui existent entre les sections rivales de l'élite dirigeante, qui vont devenir encore plus acrimonieuses avec Kenney à la barre en Alberta.

Projet de loi 2, Loi pour une Alberta ouverte aux affaires

Le projet de loi 2, qui a été déposé le 27 mai, réduit le salaire minimum pour les jeunes travailleurs de 15 à 13 dollars l'heure. Le projet de loi qualifie de manière cynique cette compression salariale de mesure qui contribue à la création d'emplois pour les jeunes travailleurs.

Le projet de loi renverse également la loi du gouvernement néodémocrate précédent qui accordait la certification automatique à un syndicat lorsque 65 % des travailleurs d'un endroit de travail signaient une carte d'adhésion à un syndicat. Le discours du trône annonce à ce sujet que d'autres mesures du genre vont suivre, ce qui poursuit le plan de l'ancien gouvernement fédéral de Stephen Harper de faire obstacle au droit des travailleurs de s'organiser dans leurs collectifs de défense de façon à avoir un poids réel. On s'attend aussi à l'octroi d'une autorisation juridique aux employeurs de payer les heures supplémentaires accumulées à temps simple.

Projet de loi 3, Loi de réduction des impôts pour créer des emplois

Déposé le lendemain, le projet de loi 3 réduit le taux nominal d'imposition sur le bénéfice net des entreprises de 12 à 8 %, ce qui en fait le taux provincial le plus bas au Canada.

L'impôt sur les sociétés fixé à 12 % représentait une petite fraction seulement du revenu total amassé par le gouvernement de l'Alberta. En 2017-2018, le revenu total du gouvernement a atteint 47,295 milliards de dollars et seulement 3,448 milliards de dollars provenaient de l'impôt sur les sociétés, soit environ 7,2 % du budget total. Si le taux de 8 % avait été en vigueur pendant cette année fiscale, le revenu total aurait été amputé de 1,138 milliard de dollars et aurait été de 46,157 milliards de dollars. L'impôt sur les sociétés, qui aurait été de 2,310 milliards, aurait représenté seulement 5 % du revenu provincial total amassé.

Le discours du trône suppose qu'un impôt des sociétés réduit sur le bénéfice net des entreprises « générera 55 000 nouveaux emplois à temps plein, et fera croître notre économie de 12,7 milliards de dollars ». Comment le lapin va sortir du chapeau semble un mystère de l'économie impérialiste, doit-on croire. Comment sera compensé ce manque de revenu n'est pas un mystère. Il proviendra d'investissements plus bas dans les programmes sociaux et d'attaques contre les salaires et les conditions de travail des travailleurs du secteur public, et de coupures dans les emplois.

Projet de loi 4, Loi sur la réduction des formalités administratives

Le dépôt du projet de la loi 4 a aussi été fait le lendemain de celui du projet de loi précédent. Le gouvernement veut que ce projet de loi accélère l'approbation des projets relatifs aux ressources, réduise les coûts des entreprises recherchant l'approbation réglementaire, et fournisse le champ libre en général aux monopoles de faire tout ce qu'ils veulent sans restriction sur leurs actions, sans égard aux conséquences sociales et naturelles.

Plusieurs diront que cela contribuera au désastre compte tenu du fait que faire de l'argent le plus vite possible est le mobile et le modus operandi des entreprises au sein de l'économie impérialiste. Le mobile du profit pousse les grandes compagnies à ignorer de façon routinière leurs responsabilités sociales. Cela donne lieu à des aventures irresponsables et à des désastres tels ces 300 000 puits de pétrole et de gaz orphelins en Alberta, ou ces sites miniers abandonnés et à la pollution de l'air, de l'eau et des sols, dont aucune entreprise ne veut être redevable parce que cela nuit à ses profits.

Autres projets de loi

Le projet de loi Loi sur l'appropriation fournira des estimations provisoires qui seront suivies d'un plein budget à la session d'automne. On lit dans le discours du trône : « Ce budget profitera de l'éclairage provenant du rapport du Panel d'évaluation fiscale, dirigé par l'ancienne ministre des Finances de la Saskatchewan, Janice MacKinnon, qui fera des recommandations sur la façon de restaurer l'équilibre dans les finances de la province pour que nous cessions d'encombrer les générations futures avec des dettes. Mon gouvernement va également tenir des consultations publiques sur la meilleure façon de mettre fin au financement déficitaire tout en protégeant les services publics de première ligne. »

Le financement déficitaire et les dettes font partie intégrante de l'économie impérialiste. Le fait que les partis cartellisés utilisent l'existence de ces phénomènes comme excuse pour ne pas s'acquitter de leurs responsabilités sociales révèle leur rôle de lèche-bottes de l'oligarchie financière et leur inaptitude à gouverner. Les partis cartellisés empêchent les travailleurs de trouver, de proposer et de mettre en oeuvre une direction prosociale de l'économie qui garantit le bien-être et les droits du peuple, humanise l'environnement social et naturel et élimine le privilège de classe destructeur des riches oligarques.

Parmi les autres projets de loi à venir figurent celui de la Loi sur la modification des lois fiscales, qui devrait revenir à un régime d'imposition uniforme pour l'impôt sur le revenu des particuliers, qui ne fait qu'enchâsser son caractère rétrograde, et celui de la Loi sur la garantie des redevances qui vise à « assurer que la structure de redevances en place lorsqu'un puits est foré demeure en place pour la vie du puits ».

Le projet de loi Loi sur le choix en éducation rétablira et élargira « les choix offerts aux parents et aux enfants », une expression qui signifie la poursuite de la privatisation et une tentative de porter atteinte au droit des élèves à la vie privée et à la responsabilité des enseignants de respecter cette vie privée.

L'annonce la plus cynique de toutes est sans doute l'engagement de promulguer la loi intitulée « Loi visant à sauver la fille d'à côté » qui instaurerait des mesures contre la traite des êtres humains. Cela vient de Jason Kenney qui, lorsqu'il était ministre de l'immigration du gouvernement Harper. a lancé des attaques particulièrement brutales contre les travailleurs migrants, notamment les aides familiaux résidants et les travailleurs étrangers temporaires. Beaucoup considèrent le traitement de ces travailleurs par le gouvernement canadien comme l'équivalent de la traite des êtres humains.

Le discours du trône a répété que le gouvernement Kenney abrogerait la Réglementation pour stimuler la compétitivité du carbone et la remplacerait par un Fonds pour l'innovation technologique et la réduction des émissions, afin de « garantir les investissements dans de nouvelles technologies qui réduisent les émissions et peuvent être exportées dans le monde entier ».

Le gouvernement néodémocrate précédent a également mis à la disposition des riches des stratagèmes pour leur payer des « technologies de réduction des émissions ». Les entreprises des sables bitumineux souhaitent vivement introduire cette technologie, car elle permet de réduire la consommation de carburant et, par conséquent, les coûts de production de leurs produits. Elles souhaitent être payées par le trésor public pour faire ce qui sert leur intérêt étroit et pour attirer des investisseurs étrangers. L'engagement de Kenney de réduire les émissions doit être examiné dans le contexte du retrait, par certaines sections de l'oligarchie financière, d'investissements dans les produits issus du carbone et leur utilisation, vers la croissance des investissements privés et des stratagèmes publics pour payer les riches dans les programmes d'énergies vertes et dans des actions connexes, telles que le captage et le stockage du CO2.

Le gouvernement Kenney a également proclamé la loi adoptée par l'ancien gouvernement néodémocrate, mais qui n'a jamais reçu la sanction royale, la Loi visant à préserver la prospérité économique du Canada. Cette loi donne le pouvoir au gouvernement d'obliger les entreprises à obtenir une licence avant de transporter des produits énergétiques de l'Alberta par pipeline, par train ou par camion. La Loi est une menace adressée au gouvernement de la Colombie-Britannique que les autorités de l'Alberta « fermeront les robinets » si la Colombie-Britannique « fait de l'obstruction » à la construction de l'agrandissement du pipeline Trans Mountain.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a réagi en contestant devant les tribunaux le projet de loi, le déclarant inconstitutionnel. L'ancienne première ministre de l'Alberta Rachel Notley a dit que le geste de Kenney affaiblit la lutte de l'Alberta contre la Colombie-Britannique et ajouté que l'intention de son gouvernement, en adoptant le projet de loi, était d'attendre qu'il soit « nécessaire de fermer les robinets ». Ils auraient alors rapidement proclamé la loi et utilisé ses dispositions dans les trois heures qui ont suivi, avant que la Colombie-Britannique puisse déposer une contestation judiciaire. « Il (Kenney) ressemble un peu à un bandit armé qui parcourt les rues en fanfaronnant et en agitant son pistolet après en avoir intentionnellement retiré les balles », a dit Notley.

Le discours du trône a indiqué également que le gouvernement Kenney continuera l'opposition du gouvernement Notley à deux projets de loi fédéraux : le projet de loi C-48, qui, une fois adopté, interdira le chargement et le déchargement des pétroliers sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, au nord de l'île de Vancouver, et le projet de loi C -69 qui révise le régime réglementaire pour l'approbation de projets tels que les pipelines et les mines. Le discours du trône déclare que le projet de loi C-69, Loi sur l'évaluation d'impact « menace la compétence exclusive de l'Alberta sur les ressources naturelles non renouvelables et porte atteinte à la confiance des investisseurs ».

Jason Kenney, avant et maintenant

Jason Kenney a été un membre important du gouvernement fédéral conservateur de Stephen Harper qui a utilisé tous les moyens à sa disposition pour imposer la volonté de puissants intérêts privés à l'échelle du Canada pour mener à bien la destruction nationale, attaquer les droits des travailleurs et des nations autochtones, et tenter de réprimer toute opposition en déclarant que vous êtes avec nous ou contre nous.

Kenney est maintenant devenu le fervent défenseur d'intérêts privés particuliers de l'Alberta et des pouvoirs de la province, bien que les intérêts privés de l'oligarchie financière supranationale qui possèdent et contrôlent l'énergie, la construction et les autres secteurs principaux en Alberta ne s'arrêtent pas à une frontière, et ne la reconnaissent même pas, à moins qu'elle ne serve leurs intérêts étroits.

Le discours du trône a également répété la déclaration de guerre de Kenney contre quiconque s'oppose aux exigences et à la direction de l'élite dirigeante en ce qui a trait à la production de bitume et d'autres produits dérivés du carbone en Alberta. Une enquête publique sera menée sur « les sources de fonds étrangères responsables de la campagne visant à enclaver l'énergie de l'Alberta ». Cela n'a évidemment rien à voir avec les paroles, les gestes et les énormes sommes d'argent dépensées par l'Association canadienne des producteurs pétroliers, une organisation composée en grande partie d'entités étrangères, d'autres organisations des barons du pétrole ou de sociétés principalement étrangères qui dominent le secteur de l'énergie en Alberta, afin de promouvoir leurs intérêts privés et bloquer toute discussion ou réflexion sur une direction alternative de l'économie pouvant extirper la province de sa dépendance envers une économie unidimensionnelle, sujette aux crises et sous contrôle étranger.

(Photos : LML, Calgary Social Change)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 21 - 1er juin 2019

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