Un recours collectif contre le gouvernement fédéral concernant les services aux enfants autochtones
Une requête d'action collective pour la somme
de 3,05 milliards de dollars a été
déposée le 8 mars contre le gouvernement
fédéral au nom des dizaines de milliers de jeunes
autochtones qui « ont souffert ou qui sont
décédés » en raison de la
négligence ou de la discrimination du gouvernement. Il est
question de traitement
discriminatoire de longue date de la part d'agences gouvernementales,
alors que des enfants et des jeunes ont été
retirés de leurs famille ou se sont vu refuser les mêmes
services prodigués aux non-autochtones.
Le recours collectif est
défendu par deux
cabinets juridiques, Sotos LLP (Toronto) et Kugler Kandestin LLP
(Montréal). Dans leur communiqué de presse du 8
mars, on peut lire :
« Il s'agit de deux formes de discrimination.
D'abord, le sous-financement chronique par le gouvernement des Services
aux familles et à l'enfance autochtones a fait en sorte qu'un
nombre catastrophique de jeunes autochtones ont été
retirés de leurs familles et de leurs communautés et
placés dans des foyers d'accueil — ce qu'on appelle
désormais le 'Millennial Scoop'. » Selon la
requête, non seulement les services aux communautés
autochtones ont-elles été sous-financés, mais le
financement existant serait lié au nombre d'enfants
retirés des réserves et placés en foyer d'accueil.
« L'incitatif financier de retirer les enfants autochtones de
leurs maisons est ce qui explique le
nombre incroyable d'enfants autochtones à avoir
été pris en charge par l'État ». Aussi,
« il y a aujourd'hui approximativement trois fois plus d'enfants
pris en charge par l'État qu'au plus fort du
phénomène des pensionnats dans les
années 1940. »
La deuxième question soulevée par le
recours collectif est « l'échec du gouvernement à
honorer le principe de Jordan, ce qui a eu pour conséquence que
des dizaines de milliers de jeunes des Premières Nations se sont
vus refuser les services et les produits nécessaires en raison
de chicanes bureaucratiques au sujet de quel niveau de
gouvernement — fédéral ou provincial — ou quel
ministère du gouvernement fédéral, allait assumer
les coûts. Dans les deux cas, le Tribunal canadien des droits de
la personne (le 'Tribunal') a tranché qu'il s'agissait d'une
discrimination systématique contre les jeunes des
Premières Nations dans la décision historique de La
Société canadienne des
services aux familles et aux enfants des Premières Nations et al
contre le Canada, 2016, CHRT 2. »
Le principe de Jordan est un important règlement
juridique établi en 2005. Il a été
nommé en mémoire de Jordan River Anderson, un enfant de
la nation crie du Norway House au Manitoba, qui avait passé plus
de deux ans dans un hôpital en raison d'une dispute entre le
gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Le
garçon de
cinq ans est décédé à l'hôpital sans
jamais retourner chez lui. Il s'agit du principe de l'enfant d'abord
qui vise à régler les conflits juridictionnels au sein
des gouvernements provinciaux/territoriaux et fédéraux,
et entre eux, au sujet des paiements de services prodigués aux
enfants autochtones, et à veiller à ce que ceux-ci aient
le même accès aux
services gouvernementaux que tous les autres enfants du Canada et que
ces services soient prodigués immédiatement. Au cours des
années intermédiaires, divers bureaux et agences et des
instances internationales ont sans cesse rappelé à
l'ordre le gouvernement fédéral pour sa négligence
à défendre le principe de Jordan.
Plutôt que de
reconnaître les conditions effroyables
auxquelles sont confrontés les peuples autochtones, en
particulier les jeunes, en grande partie dues à l'assaut
génocidaire de l'État canadien et son refus d'honorer ses
obligations constitutionnelles et de traité, le
communiqué affirme qu'au cours des neuf dernières
années les gouvernements canadiens ont contesté
les décisions du
Tribunal canadien des droits de la personne « que ce soit sur la
question de financer les services aux enfants et aux jeunes dans les
réserves ou de leur refus de se conformer au principe de
Jordan » de même que la portée discriminatoire
de ces actes. Selon le cabinet
juridique, le « gouvernement a perdu dans
les deux cas. Le Tribunal a décidé que le gouvernement
avait fait preuve de discrimination systémique envers les jeunes
des Premières Nations à l'encontre de la section 5
de la Loi canadienne des droits de la personne. Grâce
à ce procès, les requêtes juridiques ont
été reconnues, fondées sur les mêmes
conclusions factuelles tirées par
le Tribunal. Aussi, un dédommagement est demandé pour les
jeunes des Premières Nations qui ont été
lésés par ces actes. »
Le principal plaignant de ce procès est Xavier
Moushoom, dont la situation reflète ce qui vivent plusieurs
jeunes autochtones partout au Canada. Moushoom est un homme algonquin
de la nation Anishinabe du Lac-Simon au Québec. De l'âge
de neuf à dix-huit ans, il a vécu dans des familles
d'accueil. « Arrivé à l'âge adulte, M.
Moushoom
avait perdu ses racines, sa culture et sa langue », lit-on
dans la requête.[1]
Tout indique que peu importe les excuses que
l'État canadien a faites aux peuples autochtones au fil des
années, il poursuit sa politique de génocide et
d'assimilation envers eux, qui est le fondement même sur lequel
le Canada a été créé.
Il s'agit du troisième recours collectif contre
le gouvernement canadien sur le traitement des enfants autochtones de
plusieurs générations. L'une d'elles, portant sur les
survivants du système des pensionnats, qui a existé
de 1879 à 1996, a été
réglée en 2005/2006. La deuxième, portant sur
les tristement célèbres « Sixties
Scoop » par lesquels les enfants autochtones ont
été enlevés en masse et placés dans des
foyers d'accueil avec des familles non autochtones, portait sur la
perte de la culture, de la langue et de l'identité. Elle n'a pas
soulevé la question des abus subis par les enfants dans ces
foyers d'accueil. Cette action a été réglée
en 2017.
Note
1. Pour lire la requête
d'action collective au complet (en anglais), cliquer ici.
(Photos: LML, R.L.
Birchark)
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 20 - 25 mai 2019
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Un recours collectif contre le gouvernement fédéral concernant les services aux enfants autochtones
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