Défendons la stabilité des relations Canada-Cuba en défendant l'état de droit international


Piquetage du 11 mai 2019 contre la suspension par le Canada des services de visa du bureau consulaire à La Havane

Les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par la perturbation des relations entre le Canada et Cuba, d'autant plus que le gouvernement Trudeau obéit aux ordres des États-Unis qui, eux, intensifient leur ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays. Ils veulent que les relations canado-cubaines soient harmonieuses et passent par la défense de l'état de droit international. Ils n'acceptent pas que le gouvernement canadien agisse pour servir les objectifs agressifs des États-Unis contre Cuba.

C'est à la lumière de ces inquiétudes que plusieurs ont suivi de près la visite que la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a effectué le 16 mai, une visite de travail à La Havane où elle a rencontré son homologue, le ministre des Affaires étrangères de Cuba, Bruno Rodriguez Parrilla. Freeland avait préalablement dit qu'elle avait l'intention de discuter de la « détérioration de la situation au Venezuela » et comment le Canada et Cuba pourraient « travailler ensemble pour défendre les Canadiens qui font du commerce et des investissements légitimes à Cuba à la lumière de la levée par les États-Unis de la suspension du Titre III de la Loi Helms-Burton ». Rappelons que Freeland est loin d'être étrangère à ce qui se passe au Venezuela, elle qui dirige le Groupe de Lima dont le seul objectif est d'imposer un changement de régime dirigé par les États-Unis contre le gouvernement démocratiquement élu de Nicolas Maduro, un gouvernement qui jouit de l'appui de la majorité des pays du monde.


La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland rencontre son homologue, le ministre cubain des Relations internationales Bruno Rodriguez Parrilla à La Havane le 16 mai 2019.

À la fin de son voyage, elle a dit dans un gazouillis que « le Canada, avec ses partenaires du Groupe de Lima, espère trouver des façons de travailler avec Cuba afin de traiter de la crise politique, économique et humanitaire qui s'exacerbe au Venezuela », et elle a dit avoir eu une « discussion franche » à ce sujet avec Rodriguez Parrilla. Sur la question de la Loi Helms-Burton, elle a simplement répété ce qu'elle a dit dans une déclaration le mois dernier lorsque les États-Unis ont annoncé leur décision – que le Canada défendrait les Canadiens qui font du commerce et des investissements légitimes à Cuba.

Freeland est le premier membre de haut rang du gouvernement canadien à visiter Cuba depuis la visite officielle du premier ministre Trudeau en novembre 2016. De toute évidence, l'objectif principal de sa visite était de donner suite à la conversation téléphonique qu'a eu le premier ministre Justin Trudeau le 3 mai avec le président Miguel Diaz-Canel au nom du soi-disant Groupe de Lima. Trudeau avait alors sollicité la coopération du gouvernement cubain pour imposer un changement de régime « pacifique » au Venezuela en forçant la tenue de nouvelles élections présidentielles. À ce moment-là, Freeland n'était pas passé par quatre chemins. Elle avait affirmé d'un ton ferme que « Cuba ne doit pas faire partie du problème au Venezuela, mais faire partie de la solution ». La réponse du président cubain à cette proposition mise de l'avant au nom des forces favorables au changement de régime dirigées par les États-Unis a été de réitérer la position de principe de Cuba en appui au dialogue avec le président Nicolas Maduro fondé sur le respect de la souveraineté du Venezuela et le droit international, sans menaces ni ingérence étrangère. Le même message a été transmis à la ministre Freeland par Bruno Rodriguez lors de leur réunion à La Havane. Selon une déclaration émise le 16 mai par le ministère des Affaires étrangères de Cuba (Minrex) : « Le ministre Rodriguez a réitéré la volonté de Cuba de contribuer aux initiatives visant à promouvoir un dialogue respectueux avec le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela sur la base de l'égalité souveraine des États, des principes de droit international et des dispositions de la Proclamation de l'Amérique latine et des Caraïbes pour une Zone de Paix, en particulier le rejet du recours ou de la menace du recours à la force et l'application de mesures économiques coercitives et unilatérales qui engendrent un préjudice humanitaire. »

Au sujet des autres questions discutées, il est dit dans la déclaration que Rodriguez a remercié le Canada pour son appui de longue date à la résolution contre le blocus des États-Unis contre Cuba à l'Assemblée générale des Nations unies ainsi que la position du gouvernement canadien en opposition à la récente application par l'administration actuelle des États-Unis du titre III de la Loi Helms-Burton.


Piquetage mensuel à Vancouver le 17 mars 2019 pour exiger la levée du blocus
américain de Cuba

On a rapporté aussi que Rodriguez a fait part des inquiétudes de Cuba face à la décision du Canada de suspendre les services de visa aux citoyens cubains dans son bureau consulaire de la Havane. Il a dit que cela aurait des répercussions négatives sur les liens familiaux et personnels des Cubains et sur le développement des échanges culturels, éducatifs, académiques et scientifiques entre les Cubains et les Canadiens. Il a aussi dit à Freeland que la décision du Canada de retirer un certain nombre de membres de son personnel diplomatique et consulaire de la Havane était sans fondement, en raison de l'absence de preuves indiquant un risque pour la santé. Jusqu'ici, les experts cubains et internationaux n'ont pas réussi à confirmer le fondement des présumées « attaques soniques » qui, selon les États-Unis et le Canada, ont touché leur personnel diplomatique à la Havane.

Les travailleurs qui ont participé au congrès de 2019 du Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes à Toronto du 13 au 17 mai ont annoncé avec regret que pour la première fois, leurs homologues de la Fédération des travailleurs cubains (CTC) n'ont pu participer parce qu'ils n'ont pas pu obtenir leurs visas dans les délais.


Piquetage mensuel à Ottawa le 17 avril 2019

Contextualisation de la visite de Freeland à Cuba

Le même jour où Freeland s'est rendue à La Havane, tôt le matin, la police américaine est entrée de force dans l'ambassade du Venezuela à Washington, DC, en violation flagrante de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Elle a arrêté les activistes américains qui vivaient et travaillaient à l'intérieur de l'édifice depuis les derniers 37 jours avec la permission du gouvernement vénézuélien, précisément pour le protéger de telles actions illégales. Soulignons qu'en dépit de la rupture des relations diplomatiques officielles entre les États-Unis et le Venezuela le 23 janvier, le Venezuela continue d'assumer sa responsabilité de protéger le site de l'ambassade des États-Unis à Caracas.

Freeland, qui elle-même était à Washington le 16 mai pour rencontrer les représentants du commerce de l'administration Trump pour tenter de faire lever les tarifs imposés à l'acier et à l'aluminium canadiens – ce qui s'est produit le lendemain – n'a rien dit au sujet de cette violation qui crée un précédent et qui va à l'encontre des règles de la diplomatie et qui n'a rien à voir avec l'ordre international fondé sur les règles dont elle prétend être la championne.

La visite à La Havane a aussi eu lieu en même temps que se tenaient des pourparlers à Oslo, en Norvège, sous les auspices du gouvernement norvégien – et avec la participation de représentants du gouvernement vénézuélien et de l'opposition – afin d'explorer la possibilité d'initier un dialogue avec médiation. Le même jour, une délégation du Groupe international de Contact (GIC), dominé par l'UE, a été accueillie à Caracas par le président Nicolas Maduro. Tout comme le Groupe de Lima, le GIC appelle à une « transition pacifique » par la tenue de nouvelles élections présidentielles au Venezuela. La plupart des membres du GIC reconnaissent Juan Guaido comme « président par intérim » du pays. De toute évidence, compte-tenu du prestige de Cuba et des nombreuses années qu'il a consacrées à travailler avec la Norvège en particulier et le Venezuela pour faciliter des négociations de paix pour la Colombie, il est normal qu'il joue un rôle pour faciliter le dialogue et une résolution pacifique de la crise au Venezuela aujourd'hui – en autant que le point de départ, comme le maintient Cuba, soit la défense du droit international et les droits du peuple vénézuélien, et non la violation des deux avec un langage trompeur.

Soulignons aussi qu'en ce sens deux jours avant que Freeland ne rencontre ses homologues cubains, son ministère a émis une déclaration disant que le premier ministre Trudeau avait discuté avec le « président » autoproclamé du gouvernement parallèle et illégal que le Canada a contribué avec les États-Unis à mettre en place, et qu'il l'avait félicité pour ses récents efforts sans succès de coup d'État contre le gouvernement de Nicolas Maduro. Trudeau a dit que cette tentative d'inciter une guerre civile entre Vénézuéliens était un exemple du « courage des efforts constants en vue de rétablir la démocratie au Venezuela » de Juan Guaido, de l'Assemblée nationale et du « peuple du Venezuela ». Selon le communiqué, le premier ministre et le « président par intérim » ont réaffirmé « la nécessité pour la communauté internationale d'harmoniser ses efforts afin d'assurer une transition pacifique au Venezuela ». Trudeau a informé Guaido des présumés efforts du Groupe de Lima à cette fin, mentionnant ses propres discussions avec d'autres partenaires internationaux. Guaido aurait remercié Trudeau pour le rôle dirigeant joué par le Canada à la tête de l'intervention de la communauté internationale en réponse à la crise au Venezuela.

Peu importe les illusions qu'entretiennent les forces de changement de régime dont fait partie le Canada, ou les machinations qu'elles inventent pour tenter de forcer Cuba à abandonner ses positions de principe en appui à la souveraineté du Venezuela et son droit à l'autodétermination, leurs efforts ne réussiront pas – ni auprès de Cuba, ni auprès du peuple vénézuélien, qui ont une longue tradition de lutte pour leur liberté et leur indépendance.

À cet effet, les Canadiens doivent être vigilants et agir contre toute tentative que ce soit par ce gouvernement ou tout autre futur gouvernement canadien de faire preuve d'apaisement envers les États-Unis et ses plans criminels contre Cuba et le Venezuela. Ils doivent aussi élever leurs voix pour veiller à ce que rien ni personne ne puisse rompre les relations amicales de longue date entre le Canada et Cuba, et pour que les relations diplomatiques se poursuivent, fondées sur le respect de l'état de droit international et l'égalité.

(Sources : Cubadebate, CTV, CBC. Photos: LML, Ottawa-Cuba Connections, Vancouver Communities in Solidarity with Cuba, Minrex)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 19 - 18 mai 2019

Lien de l'article:
Défendons la stabilité des relations Canada-Cuba en défendant l'état de droit international - Margaret Villamizar


    

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