Le rôle clé joué par les femmes patriotes
En 1837-1838, les
femmes patriotes ont joué un rôle sans pareil dans la
rébellion. Elles ont été aux toutes
premières lignes de la mobilisation et de l'organisation du
peuple du Bas-Canada pour combattre les colonialistes britanniques et
affirmer la République du Bas-Canada. Leur
ingéniosité et leurs sacrifices pour le succès de
la
cause
républicaine sont légendaires.
En 1837, dans le cadre des efforts pour
créer une économie propre à la jeune
république et mettre fin à son asservissement
économique par la Grande-Bretagne, les femmes ont lancé
un boycottage des biens et du commerce britannique. Elles se sont mises
à tisser des vêtements en étoffe du pays. Dans les
assemblées populaires, les jeunes
filles ont dit réserver leur coeur à ceux qui oseront
porter les toiles canadiennes. Sous leur impulsion, le sirop
d'érable a remplacé le sucre des Antilles et le cidre a
remplacé le
vin lors des repas. Selon l'historienne Micheline Lachance, plus
de 250 dames de la paroisse de Saint-Antoine ont organisé
un somptueux dîner où tout article importé avait
été
formellement banni.
Le 13 août 1837, le Comité
central et permanent des patriotes a reçu une pétition de
Marie-Louise Félix, épouse du notaire patriote
Jean-Joseph Girouard, qui a demandé à ce que soit
créée l'Association des dames patriotiques du
comté des Deux-Montagnes. C'est à cette même
époque que dans les assemblées des patriotes flottait le
fanion « Honneur aux dames patriotes ».
Marie-Louise et sa soeur Marie-Victoire, qui
était l'épouse du marchand Jean-Baptiste Dumouchel, se
sont installées à Saint-Benoît, et toutes deux ont
été actives dans la cause des patriotes, tout comme leurs
trois enfants, Vital-Léandre, Camille et Hercule. En plus
d'avoir participé à la fondation de l'Association des
dames patriotiques,
Marie-Victoire est aussi reconnue pour avoir confectionné le
drapeau des patriotes des Deux-Montagnes, représentant un
maskinongé auréolé d'une branche de pin, avec les
lettres C pour Canada et J-Bte, pour Jean-Baptiste, symbole à
l'époque des habitants du Bas-Canada. C'est ce drapeau qui a
flotté à la bataille de Saint-Eustache.
Le drapeau patriote des Deux Montagnes
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Pour écraser les rebelles et les aspirations du
peuple du Bas-Canada à se défaire du joug de l'empire
britannique, l'armée britannique a mis le pays à feu et
à sang. Les femmes et les familles associées de
près ou de loin avec le mouvement patriote ont été
laissées seules avec les enfants et les vieillards et ont
été la cible des pires humiliations.
Elles ont confronté avec courage la violence des militaires
britanniques. Lorsque leur demeure était pillée ou
brûlée, les femmes ne pouvaient compter que sur
elles-mêmes et sur la solidarité de leurs compatriotes
pour survivre. Elles ont dû marcher sur les routes avec leur
famille
pendant de longs kilomètres pour trouver un abri. Certaines,
comme
la soeur du docteur Chénier, ont traversé village
après village pour prendre et donner des nouvelles des patriotes
sur les champs de bataille.
Émilie Boileau, qui habitait Chambly, organisait
chez elle des assemblées de patriotes. Elle portait sur elle une
arme en tout temps et le patriote Robert-Shore-Milnes Bouchette a
écrit ceci dans ses mémoires : « À
peine y
étions-nous entrés, que nous vîmes les personnes
qui occupaient le fond de la salle se diviser respectueusement pour
laisser passer une dame qui s'avançait vers nous avec calme et
dignité. Elle tenait dans sa main droite un pistolet dont le
canon reposait sur son bras gauche. »[1] D'autres, comme les jeunes femmes
Labrie et Berthelot faisaient fondre des balles de fusil et
fabriquaient des cartouches de poudre. Elles
n'étaient jamais loin des champs de bataille, prêtes
à soigner les blessés.
Les femmes n'hésitaient pas à offrir un
refuge aux patriotes en fuite, au risque même de leur vie. Dans
une lettre datée du 9 mars 1838 adressée
à son épouse, le notaire Girouard écrivait :
« Si tu vois madame Mongrain, n'oublie pas de lui
témoigner combien je me rappelle avec sensibilité
l'intérêt qu'elle m'a porté lorsque
j'étais gardé par les braves femmes patriotes dans le
grenier de la maison de Payen... Quelle scène que
celle-là ! Je l'ai toujours à la mémoire. Si
jamais je retourne à St-Benoît et que j'en ai les moyens,
je vais rassembler avec nous toutes ces généreuses femmes
que les promesses, l'argent, la crainte, n'ont pu engager à
trahir un de leurs
compatriotes. Je voudrais avoir une occasion de les remercier, de leur
témoigner ma reconnaissance et l'admiration que j'ai pour leur
patriotisme. »[2]
Alors que le pouvoir britannique n'avait que la prison,
l'exil et la mort comme réponse à la volonté
d'établir une République du Bas-Canada, les femmes ne se
sont pas soumises à l'humiliation et à la peur et ont
continué de défendre le mouvement patriote. Elles
visitaient et apportaient des soins aux prisonniers,
intercédaient auprès des
autorités pour défendre la juste cause de leur
époux, leur frère ou leur fils et exiger qu'ils soient
libérés. Euphrosine Lamontagne-Perrault a perdu deux fils
durant la Rébellion, l'un tué et l'autre exilé.
Elle a bien illustré l'esprit qui animait les femmes durant
celle-ci : « Si c'était à refaire et que mes
enfants voulussent agir comme ils l'ont
fait, je n'essayerais pas à les détourner parce qu'ils
n'agissent nullement par ambition mais par amour du pays et par haine
contre les injustices qu'ils endurent. »
Notes
1. Mémoires de Robert-S.-M. Bouchette (1804-1840), recueillis
par son fils Errol Bouchette, et annotés par A.-D. Decelles
2. Jean-Joseph Girouard (1795-1855) « Lettre
adressée à son épouse Marie Louise Félix
(1780-1846) de la prison de Montréal le 9
mars 1838 »
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 19 - 18 mai 2019
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