Des préposés aux demandes d'asile dénoncent le programme Trump
L'administration Trump a lancé ce qu'elle
appelle son programme de protocoles de protection des migrants (MPP) en
janvier et l'a élargi depuis. En vertu de ce programme, les
demandeurs d'asile sont envoyés au Mexique dans l'attente du
traitement de leur demande, ce qui prend généralement au
moins six mois et souvent des années.
Auparavant, les personnes étaient relâchées sous la
responsabilité des familles se trouvant déjà aux
États-Unis ou d'organismes de parrainage tels que des
églises et des organisations communautaires. La mise en
application de ce programme touche de près les agents
préposés aux demandes d'asile, qui sont formés
pour déterminer si les personnes
qui demandent asile craignent avec raison d'être
persécutées, torturées ou assassinées si
elles sont renvoyées dans leur propre pays.
Ce corps d'agents de
demandes d'asile n'est pas une force armée et est distinct des
services de douane et de protection frontalière (CBP) et de
contrôle de l'immigration et des douanes (ICE). Une de ses
tâches est de veiller à ce que les États-Unis
respectent le droit international et le droit américain sur les
réfugiés. Cela comprend le principe
fondamental de la loi sur les réfugiés appelé
non-refoulement, selon lequel un gouvernement ne doit pas renvoyer un
migrant dans un pays où il serait persécuté ou en
péril.
Les préposés aux demandes d'asile sont
forcés de jouer un rôle très différent avec
le nouveau MPP. Le programme de Trump supprime leur pouvoir
discrétionnaire et crée également des
difficultés pour les demandeurs d'asile d'Amérique
centrale, car ils sont renvoyés au Mexique, et non dans leur
pays d'origine, s'ils sont refusés. Conformément aux
protocoles du
MPP, l'administration Trump a commencé à renvoyer au
Mexique les demandeurs d'asile centraméricains après le
processus initial - d'abord une poignée par semaine, puis des
dizaines, voire des centaines - avec la directive de se
présenter à un point d'entrée à une date
spécifiée pour l'audience devant un juge d'immigration.
Les avocats et les
défenseurs des droits humains affirment qu'il n'y a aucun moyen
pour les immigrants de se prévaloir des services d'avocats
américains pendant leur séjour au Mexique ; qu'ils
ne pourront peut-être pas retourner aux États-Unis
à temps pour leurs audiences ; et que le nord du Mexique
n'est pas nécessairement un lieu sûr pour les
Centraméricains fuyant la persécution — c'est-à
dire que dans ces cas les États-Unis violeraient le principe de
non-refoulement.
Les agents dénoncent le MPP et le processus
actuel qui élimine leur pouvoir de discrétion et qui
force les gens qui ont des craintes légitimes du Mexique
à y retourner. Beaucoup de préposés aux demandes
d'asile croient que leur intégrité personnelle et celle
de leur bureau est mise en cause. Ils craignent d'être
utilisés pour justifier le
programme de Trump et ne disposent pas de plus de pouvoirs pour
permettre aux immigrants de rester aux États-Unis s'ils sont en
danger, comme affirme le faire l'administration Trump.
Avec les nouvelles règles, les
préposés n'ont en pratique aucun pouvoir de
décider si un demandeur d'asile peut rester aux
États-Unis en attendant le traitement de sa demande. Un agent
dit que les entrevues ne sont que pour la frime. Un autre explique
qu'il avait entendu une personne raconter que les
Centraméricains sont menacés par les
cartels de la drogue lorsqu'ils traversent le Mexique pour se rendre
aux
États-Unis et qu'il était convaincu que sa vie
était en danger. Et pourtant, aux termes du MPP, il n'a
même pas été autorisé à
présenter l'argument en faveur du demandeur d'asile, pour qu'il
soit autorisé à rester aux États-Unis pendant
l'examen de son dossier.
Normalement,
après un entretien avec le demandeur d'asile, l'agent
résume les faits de l'affaire et les lit au demandeur. Ensuite,
il rédige une analyse juridique qui détermine si la
personne interrogée décrit une persécution (d'une
ethnie, une nationalité, une opinion politique, d'une religion
ou d'un « groupe social particulier ») ou une torture
spécifique, et
quelle est la probabilité qu'elle s'expose à une telle
persécution ou à la torture si elle est renvoyée
dans
son pays d'origine. Typiquement, la personne interrogée doit
démontrer une « crainte crédible »
d'être torturée ou persécutée, une norme
conçue pour pécher par excès en faveur du
non-refoulement. L'agent soumet l'analyse juridique avec sa
décision finale.
Avec le MPP, les normes de dépistage
traditionnelles
ne s'appliquent pas. Au lieu de cela, le demandeur doit montrer qu'il
est « plus susceptible qu'autrement » d'être
confronté à la persécution au Mexique pour
être autorisé à rester aux États-Unis en
attendant son audience. C'est un critère plus strict que la
« crainte crédible » ou la «
crainte raisonnable » et pas celui avec lequel les
préposés ont l'habitude de travailler. Les agents disent
qu'en pratique il est presque impossible de respecter cette norme. La
norme juridique exige un témoignage tellement
spécifique et convaincant que personne ne peut satisfaire,
disent-ils.
De plus, comme le dit un agent, les demandeurs
d'asile ont peur, ne sont pas préparés, sont
épuisés et ne comprennent pas pourquoi ils seraient
renvoyés au Mexique. Les agents des douanes et de la protection
des frontières (CBP), généralement les
premières autorités d'immigration américaines
rencontrées par ces demandeurs d'asile lorsqu'ils entrent aux
États-Unis, ne leur demandent pas s'ils
ont peur d'être renvoyés au Mexique et les renvoient
à un préposé aux demandes d'asile s'ils
mentionnent volontairement qu'ils ont peur du retour. L'agent des
douanes
a dit : « Nous ne voulons pas leur souffler le mot
magique » qui leur faciliterait la chose.
Des proposés aux demandes d'asile ont
déclaré que souvent les personnes interrogées ne
comprennent pas pourquoi on leur posait des questions sur le Mexique et
ne font que répéter qu'ils ont peur d'être
renvoyés dans leur pays d'origine. Ils semblent en savoir
beaucoup moins sur le Mexique que les agents qui les interrogent, ce
qui veut dire
qu'ils ne peuvent pas donner de réponses suffisamment
détaillées pour pouvoir convaincre l'agent qu'ils doivent
rester aux États-Unis.
Comme un préposé l'a souligné, les
immigrants épuisés et déconcertés «
n'ont tout simplement pas les outils » pour donner ce
témoignage et ne doutent pas qu'ils risquent de subir la
persécution au Mexique. Ils n'ont certainement pas la
capacité de définir un « groupe social
particulier » pour lequel ils étaient ciblés.
Avec le MPP, les agents ne sont pas invités
à synthétiser leurs réponses ni à fournir
une analyse juridique ; ils ne font que cocher des cases sur un
formulaire et le soumettre à leurs superviseurs. La formation
qui était donnée aux agents assignés aux
demandeurs d'asile de recueillir des témoignages et de les
traduire dans un langage
juridique a été écartée.
En conséquence, les approbations des demandes
sont rares. Celles qui sont accordées sont examinées par
les supérieurs. Normalement, si un superviseur n'est pas
d'accord avec une décision finale, il peut demander à
l'agent préposé des demandes d'asile de revenir en
arrière et de recommencer. Le responsable du syndicat des
agents, qui est
fonctionnaire chargé des demandes d'asile depuis la
création d'un corps spécialisé dans les demandes
d'asile au début des années 90, n'a eu à
connaître que trois cas dans lesquels un supérieur
hiérarchique était en désaccord avec son
évaluation. « Dans aucun de ces cas », a-t-il
dit, « j'ai été forcé de faire quelque chose
en quoi je ne
croyais pas. »
Dans le cadre du MPP, les agents ont
déclaré que les décisions de permettre aux
demandeurs d'asile de rester étaient souvent
réexaminées et bloquées ou annulées par
leur quartier général. Les agents ont également
signalé qu'un superviseur avait reçu l'ordre de ne pas
rendre de décision positive à l'égard du MPP sans
vérifier au préalable
auprès des autres agents de son équipe et du quartier
général. Dans les deux cas, des agents ont
déclaré que l'agent chargé de l'entrevue des
demandeurs d'asile et le superviseur avaient convenu que celui qui
passait l'entrevue et qui avait été kidnappé par
des cartels alors qu'il traversait le Mexique ne devrait pas être
renvoyé, mais le quartier
général a renversé leur décision.
Le corps des agents chargés des demandeurs
d'asile considérait déjà que leur autorité
en tant que force entraînée était en train
d'être supprimée et que la loi sur l'asile était
violée. Ils ont dû mettre en oeuvre d'autres
décisions de l'administration Trump, par exemple celles qui
éliminent la violence domestique et les gangs comme
critère pour
faire une demande d'asile.
Les agents préposés aux demandes d'asile
craignent également d'être remplacés.
L'administration Trump a également récemment émis
des ordres pour encore plus de restrictions et d'exigences
élevées. Le président et le département de
la Sécurité intérieure auraient également
jeté les bases pour que des agents du CBP - supposés
être « plus
durs » avec les migrants et n'ayant aucune formation en
matière de réfugiés - mènent ces entretiens
à leur place. Les agents préposés aux demandes
d'asile savent que le CBP n'est pas en mesure de faire respecter la loi
sur les réfugiés et que leur remplacement fait partie
del'ensemble du processus en cours visant à saper le droit
international.
Beaucoup ne veulent pas en faire partie et ne veulent certainement pas
que leurs noms soient utilisés pour justifier ces attaques. De
plus en plus de personnes s'expriment ouvertement et demandent que la
loi sur les réfugiés et leur autorité à
déterminer l'admissibilité à l'asile soient
respectés.
Un tribunal fédéral a temporairement
bloqué la nouvelle politique du MPP consistant à obliger
les demandeurs d'asile à retourner au Mexique et à y
rester pendant l'examen de leur demande. Cependant, une cour d'appel a
suspendu cette décision et le programme reste en vigueur.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 18 - 11 mai 2019
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Des préposés aux demandes d'asile dénoncent le programme Trump
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