La ville de Phoenix s'organise pour loger les familles migrantes

La ville de Phoenix en Arizona est une des principales villes où le Service de la douane et de la protection des frontières des États-Unis (CBP) et le Service de l'immigration et de l'application des règles douanières des États-Unis (ICE) relâchent les familles migrantes qui attendent leur demande d'asile, souvent sans nourriture et sans eau. Il arrive que les familles, dont plusieurs avec de jeunes enfants, sont simplement abandonnées à la station d'autobus et laissées à elles-mêmes. De nombreuses personnes de Phoenix, qui sont des défenseurs des familles migrantes, pensent que c'est là une façon de terroriser encore davantage les familles et d'accabler ceux qui luttent contre les détentions et les déportations et pour le droit d'asile. La communauté de Phoenix a répliqué en intensifiant ses efforts, en organisant un vaste réseau de 30 églises et d'autres endroits pour loger et nourrir environ 1 400 migrants par semaine, dont plusieurs sont des familles avec de jeunes enfants. En général, les familles qui sont relâchées à Phoenix y demeurent environ une semaine seulement avant que le transport soit disponible pour qu'elles rejoignent ceux qui les parrainent ou des membres de leur famille dans d'autres villes.

Dans ce qui semble être une tentative directe du CBP et de l'ICE de miner le travail qui se fait à Phoenix, de nombreuses familles sont maintenant relâchées dans la ville voisine de Yuma. Yuma est une ville d'environ 100 000 habitants qui abrite un centre de migrants qui loge 200 personnes. Ses représentants ont été informés que ce refuge doit servir uniquement de centre d'« excédent  » de migrants qui n'ont pas pu être relâchés dans des refuges à Phoenix.

Depuis le mois d'octobre, le CBP transférait les familles migrantes détenues à Yuma à l'ICE, qui les amenait alors à Phoenix. À la fin de mars cependant, cet arrangement a subitement été changé et le CBP a commencé à transférer moins de familles vers l'ICE et à les relâcher à Yuma.

En avril, le maire de Yuma, Douglas Nichools, a été forcé de déclarer un état d'urgence pour s'occuper du flot de familles migrantes qui sont relâchées par le CBP. Pendant ce temps, Phoenix a connu une baisse significative de familles et des centaines de lits disponibles étaient vides. Les organisateurs disent que le gouvernement crée délibérément le chaos et cherche à aggraver encore plus les conditions des migrants et des communautés.

Un autre exemple est celui de la Saint-Vincent-de-Paul à Phoenix. À la fin du mois de mars, l'église a accepté que l'ICE relâche jusqu'à 100 migrants par jour à l'une de ses cantines pendant la journée jusqu'à ce qu'ils soient conduits à des églises locales pour y passer la nuit. L'ouverture de la cantine visait à empêcher l'ICE de simplement abandonner de vastes groupes de familles migrantes à la station d'autobus Greyhound ou dans la rue, comme l'agence l'a fait à de multiples occasions avant que le réseau d'églises ne soit développé.

Cependant, juste avant que la cantine de la Saint-Vincent-de-Paul soit ouverte aux familles migrantes, le CBP a annoncé qu'il avait commencé à plutôt relâcher les familles migrantes à Yuma. Le CBP relâche aussi les familles à Blythe, une ville d'environ 20 000 personnes seulement en Arizona. Il agit ainsi bien que plusieurs des familles relâchées à Yuma et à Blythe vont vers les États plus à l'est et doivent passer par Phoenix de toute façon. Le CBP et l'ICE s'arrangent pourtant pour ne pas les amener à Phoenix.

Les données fournies par les Services sociaux luthériens du sud-ouest, un des principaux défenseurs des familles migrantes de Phoenix, montrent que pendant la période de 11 jours entre le 14 et le 25 avril, le nombre de migrants relâchés par l'ICE à Phoenix a fluctué entre 50 et 234 par jour. Pendant toutes ces journées sauf une, le nombre des migrants relâchés par l'ICE est tombé bien en dessous de la capacité d'accueil des près de 30 églises qui fournissent de l'abri présentement par rotation.

Par exemple, le 25 avril, l'ICE a relâché 70 migrants à Phoenix alors que la capacité d'accueil des églises locales était de 220 personnes. Pendant cette année fiscale jusqu'à maintenant, le CBP a connu une augmentation de 374 % du nombre des familles migrantes qui sont arrivées à la frontière, soit 189 584 comparativement à 39 975 l'an dernier, selon les données du CBP.

Dans le secteur de Yuma du CBP, les arrestations de familles migrantes ont augmenté de 273 % pendant l'année fiscale en cours, de 6 487 à 24 194, selon les données. L'ICE a relâché 153 000 personnes entre le 21 décembre et le 22 avril, selon les statistiques fournies par l'agence. De ce nombre, 26 700 personnes ont été relâchées par l'ICE en Arizona, 14 800 dans la région de San Diego, 49 300 à El Paso et 62 000 dans la région de San Antonio.

Les organisateurs qui défendent les droits des immigrants soulignent que les familles migrantes fuient des situations horribles dans leur pays d'origine, souvent créées par l'ingérence des États-Unis, et qu'elles ont le droit légal de faire valoir leur demande d'asile aux États-Unis. Plusieurs pensent aussi que l'ICE et le CBP agissent de façon à justifier des attaques encore plus grandes contre les familles migrantes et les attaques à la frontière en général. « Je pense que l'objectif plus vaste qui est visé dans tout ça est de créer l'impression que notre pays est assiégé par les réfugiés d'Amérique centrale », a dit un avocat qui est le directeur général d'Aide aux réfugiés. Cet organisme à but non lucratif amasse de la nourriture, des vêtements et d'autres biens de première nécessité qui sont distribués aux migrants qui sont relâchés par l'ICE et des bénévoles accueillent aussi des familles migrantes chez eux.

Layal Rabat, une porte-parole du Projet de rétablissement de Phoenix, un autre groupe communautaire d'aide aux familles migrantes, croit que l'administration Trump crée intentionnellement le chaos dans les communautés frontalières pour fournir des munitions aux attaques contre l'accord de Flores, une décision de la cour qui interdit au gouvernement fédéral de détenir des familles migrantes qui demandent asile pendant plus de 20 jours. Elle est inquiète aussi du fait que l'administration Trump essaie de justifier ses plans de bâtir de vastes installations de détention pour y détenir des familles indéfiniment en créant le chaos dans les communautés frontalières.

À Phoenix, à El Paso, San Antonio et San Diego et dans plusieurs autres villes qui s'opposent aux attaques du gouvernement contre les familles migrantes, les résidents rejettent ces tentatives de justifier encore plus de criminalisation et de déshumanisation des personnes et intensifient leurs efforts pour défendre les droits de tous.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 18 - 11 mai 2019

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