Le gouvernement fait preuve de mépris flagrant envers les droits
des réfugiés et des travailleurs étrangers

Des mesures pour réduire les demandes d'asile sont insidieusement incluses dans le projet de loi d'exécution du budget

Lorsqu'il était dans l'opposition au Parlement, le Parti libéral s'indignait du recours par le gouvernement conservateur de Stephen Harper à des projets de loi omnibus pour faire adopter toutes sortes de mesures auxquelles les citoyens n'ont jamais consenti. Il criait sur tous les toits que cette pratique était déplorable, un abus du processus démocratique, et qu'elle était problématique. Maintenant, son recours répété à des projets de loi omnibus, comme les projets de loi d'exécution du budget, montre que son objectif n'était pas de défendre des principes dans l'intérêt du corps politique, mais de discréditer le gouvernement Harper à des fins intéressées. Les Canadiens s'inquiètent maintenant des mesures intéressées du gouvernement qui attaquent l'intention des lois internationales qui défendent les réfugiés, leur accordent l'asile et déclarent que leur protection est un devoir. On apprend maintenant que le gouvernement Trudeau a enfoui dans le projet de loi omnibus, Loi n 1 d'exécution du budget de 2019 un amendement à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) qui introduit des modifications inacceptables. Cela montre le cynisme sans borne de ce gouvernement.

Dans le cadre de la loi canadienne et des accords internationaux en vigueur, le Canada doit accorder une audience à ceux qui font une demande d'asile une fois qu'ils sont arrivés en sol canadien, sauf s'ils arrivent de pays « sûrs » en vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Selon la modification proposée, les demandeurs d'asile ne seraient plus automatiquement entendus par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) après leur arrivée au Canada pour évaluer leur demande d'asile s'ils ont antérieurement fait une demande d'asile auprès d'un autre pays avec lequel le Canada a un accord de partage de l'information. En ce moment, cela semble comprendre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, à part les États-Unis.[1] Au lieu d'une audience, leur cas serait évalué selon un processus de demande sur papier sur lequel un agent d'immigration se prononcera. Cette modification priverait d'une audience en bonne et due forme un grand nombre de ceux qui demandent le statut de réfugié puisque le plus souvent ils arrivent au Canada après être passés par d'autres pays.

Richard Goldman, un avocat du Comité d'aide aux réfugiés de Montréal, souligne que la modification proposée « revient à retourner en arrière, avant 1985, quand la Cour suprême du Canada a décidé que tous les demandeurs d'asile avaient droit à une audition ».[2]

Des milliers de personnes ont été forcées de fuir leur pays d'origine en raison de conflits économiques, de guerres ou de violence (notamment les guerres d'agression et les prétendus changements de régime auxquels le Canada a participé) et bon nombre d'entre elles veulent se réfugier au Canada. Souvent, elles ont d'abord dû passer par les États-Unis. Une fois interceptées par les agents frontaliers américains, elles présentent une demande d'asile dans l'espoir d'être relâchées et de continuer vers le Canada. Pour arriver en sol canadien, elles sont obligées de traverser de façon irrégulière à des endroits comme le chemin Roxham à Saint-Bernard-de-Lacolle, au Québec, à cause de l'Entente canado-américaine sur les tiers pays sûrs. Même sans la modification proposée dans le projet de loi d'exécution du budget, cet accord permettait déjà au Canada de refouler tous les demandeurs du statut de réfugié qui arrivent des États-Unis aux postes-frontière officiels.

Cela a déjà été établi lorsque le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la création du ministère de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé le 28 juillet 2018 et a nommé Bill Blair au poste de ministre responsable. Par une manoeuvre perfide, le gouvernement Trudeau a trouvé un moyen de lier les migrants vulnérables à la sécurité frontalière et au crime organisé.

En faisant du passage irrégulier des demandeurs d'asile par le chemin Roxham, au Québec, et partout ailleurs au Canada une question de loi et d'ordre, Trudeau a transformé les demandeurs d'asile en une catégorie criminelle, tout cela au nom du maintien du traitement équitable et de l'état de droit, ce qui est inadmissible.

La lettre de mandat du ministre de Trudeau se lit en partie ainsi : « À titre de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, vos objectifs consisteront à assurer la sécurité de nos frontières et à diriger les efforts pangouvernementaux visant à réduire le crime organisé. Vous veillerez à ce que la gestion de nos frontières favorise les déplacements et le commerce légitimes, en plus d'assurer la sécurité des Canadiens et d'offrir à tous un traitement équitable et conforme à nos lois. Vous jouerez un rôle important dans la coordination des efforts visant à réduire la violence liée aux armes à feu [...]. Vous serez également le ministre responsable de la stratégie adoptée pour gérer la migration irrégulière. »[3]

La création du ministère la Sécurité frontalière
et de la Réduction du crime organisé

La création du nouveau ministère était une tentative du gouvernement Trudeau d'établir un lien de causalité entre le crime organisé et la migration « irrégulière ». En réalité, les gens traversent la frontière de façon irrégulière parce que l'Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis les empêche de présenter une demande de statut de réfugié aux postes frontaliers officiels. En toute logique, la solution à ce problème serait d'annuler cet accord et de permettre aux réfugiés des États-Unis de faire une demande de manière régulière.

Le gouvernement Trudeau a rejeté cette voie le 22 octobre, lorsque les fonctionnaires d'Immigration Canada ont déterminé que les États-Unis demeuraient un tiers pays sûr pour les demandeurs d'asile. Ils ont l'audace de tirer cette conclusion en dépit de la répression du gouvernement Trump envers ce qu'il qualifie d'étrangers illégaux et de tous les migrants, en dépit des mesures de séparation des familles, de la détention de femmes et d'enfants, des expulsions illégales, entre autres crimes du gouvernement américain. Les documents obtenus par La Presse canadienne grâce à la Loi d'accès à l'information montrent que le Canada a examiné son accord sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis de janvier à mars 2017.

« Les analyses canadiennes de ces politiques américaines ont été expurgées des documents », rapporte la Presse canadienne. Cependant, la conclusion générale à laquelle en sont venus les responsables canadiens est que les États-Unis « continuent de satisfaire aux exigences en matière de désignation en tant que tiers pays sûr. » [4]

Cela montre que la situation au Canada, comme terre d'injustice, se détériore, surtout pour ceux que le Canada considère comme des migrants irréguliers, comme si la situation difficile des réfugiés était toujours « régulière ». Cette injustice n'a fait que s'aggraver avec la création du ministère de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, une imitation du département de la Sécurité intérieure des États-Unis et de son Service de l'immigration et de l'application des règles douanières, le redouté ICE, que beaucoup de gens aux États-Unis veulent voir abolir.

L'ICE est l'agence de police fédérale utilisée par l'ancien président Barack Obama et le président Trump pour terroriser ce qu'on appelle les immigrants « sans papiers », les persécuter et séparer les familles qui traversent aux États-Unis après avoir fui diverses menaces dans leur pays d'origine.

La direction prise par le Canada en matière de sécurité consiste à intégrer les lois et les forces de police et de renseignement du Canada à la sécurité intérieure des États-Unis afin de relever les défis actuels en matière de sécurité. Cela revient à demander au loup d'assurer la sécurité des brebis. Qui plus est, les mesures ont complètement sapé toute base de souveraineté dévolue à un État-nation canadien. Même si le Canada a été créé à l'origine par l'empire britannique puis est devenu subordonné à l'impérialisme américain, l'importance de l'intégration qui s'est produite au cours des vingt dernières années devient très évidente par ses résultats, notamment que le Canada devient un participant actif dans les crimes que les impérialistes américains commettent dans leur lutte pour la domination du monde et qu'il joue un rôle d'apaisement envers ces crimes. La classe ouvrière doit constituer la nation en développant sa pensée indépendante sur ces questions et en s'assurant qu'elle prend position pour défendre les droits de tous dans toutes les conditions et circonstances.

Information
La Déclaration sur la frontière intelligente

La « Déclaration sur la frontière intelligente » des États-Unis et du Canada a été signée en décembre 2001 par Tom Ridge, ancien directeur pour la Sécurité intérieure des États-Unis de l'administration du président George W. Bush, et le ministre des Affaires étrangères puis vice-premier ministre du Canada de l'époque, John Manley.

Cette déclaration comprenait un Plan en 30 points au titre pompeux conçu pour cacher l'intégration et la subordination de la sécurité et de la protection frontalière du Canada à la sécurité intérieure des États-Unis « Plan d'action pour renforcer la sécurité de notre frontière commune tout en facilitant la circulation légitime des personnes et des biens » qui était « articulé autour de quatre piliers, soit la circulation sécuritaire des personnes, la circulation sécuritaire des marchandises, la sécurité des infrastructures et la coordination et la mise en commun de l'information. »[5]

Ce Plan d'action sur la sécurité frontalière en 30 points comprenait notamment les points suivants :

- Identification biométrique,
- Cartes de résident permanent
- Système d'inspection de rechange unique
- Traitement des réfugiés et des demandeurs d'asile
- Gestion des demandes d'asile et de statut de réfugié
- Coordination des politiques relatives aux visas
- Prédédouanement pour le transport aérien
- Information préalable sur les passagers et les dossiers des passagers
- Services conjoints d'analyse des passagers
- Gares maritimes
- Bases de données compatibles sur l'immigration
- Agents d'immigration à l'étranger
- Coopération internationale
- Dédouanement avant le passage à la frontière
- Installations communes
- Amélioration des infrastructures
- Protection des infrastructures essentielles
- Équipes intégrées d'application des règles à la frontière et dans les ports
- Coordination de l'application conjointe de la loi
- Services de renseignement intégrés
- Empreintes digitales
- Déportations
- Loi antiterroriste
- Formation et exercices conjoints.[6]

Le président Bush et le premier ministre Jean Chrétien se sont rencontrés à l'automne 2002 pour discuter des progrès du plan d'action pour une frontière intelligente et ont demandé à être informés régulièrement des progrès accomplis pour moderniser notre frontière commune.[7]

L'Agence des services frontaliers du Canada

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a été créée par décret le 12 décembre 2003 et a été inscrite dans la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada le 3 novembre 2005. L'ASFC regroupe les services frontaliers de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.[8]

Le 31 août 2006, le gouvernement conservateur de Harper a annoncé que « les agents de l'ASFC aux ports d'entrée terrestres et maritimes, ainsi que les agents qui exercent des fonctions d'application de la loi à l'intérieur du pays, seront formés et équipés d'armes de poing ».[9]

Selon son site Web : L'ASFC a un effectif d'environ 14 000 fonctionnaires, dont plus de 6 500 agents en uniforme, et offre des services dans quelque 1 200 points au pays et dans 39 endroits à l'étranger. L'ASFC gère 117 postes frontaliers terrestres et fournit des services dans 13 aéroports internationaux. L'ASFC compte des opérations maritimes dans les principaux ports, les plus importants étant Halifax, Montréal et Vancouver et est aussi présente à 27 emplacements ferroviaires.

L'ASFC enquête, détecte et appréhende les contrevenants à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. L'agence mène des enquêtes sur des cas liés à la sécurité nationale et les organisations criminelles. L'ASFC représente les intérêts de l'ASFC et de l'ICC auprès des délégués du ministre, de la Section de l'immigration (SI), de la Section d'appel de l'immigration (SAI), de la Section de la protection des réfugiés (SPR) et de la Cour fédérale. L'ASFC traite et examine le courrier international dans trois centres de traitement du courrier et administre plus de 90 lois, règlements et accords internationaux, dont plusieurs au nom d'autres ministères et organismes fédéraux, des provinces et des territoires.

Dans le cadre de ses responsabilités, l'ASFC applique la législation régissant l'admissibilité des personnes, détient les personnes susceptibles de constituer une menace pour le Canada et renvoie les personnes qui sont interdites de territoire au Canada.[10]

Le 10 août 2018, iPolitics a rapporté que des groupes de défense des droits des réfugiés canadiens, y compris la BC Civil Liberties Association et l'Association canadienne des bibliothécaires en recherche, réclamaient un examen indépendant de l'ASFC à la suite du décès d'un Nigérien âgé de 49 ans mort à la suite d'une altercation avec des agents de l'ASFC alors qu'il était en train d'être expulsé. Cette altercation a eu lieu à bord d'un vol KLM entre Calgary et Amsterdam. Il ne s'agit pas du premier décès d'un ressortissant étranger lors de son expulsion. Selon l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, plus de 14 ressortissants étrangers sont morts sous la garde de l'ASFC.[11]

Plusieurs croient que l'ASFC emploie des mesures répressives, malhonnêtes et sournoises contre les demandeurs d'asile. Par exemple, les réfugiés sont parfois cités à comparaître le samedi pour une audience, ce qui les empêche souvent de se présenter avec un avocat. S'ils sont désemparés et angoissés lorsqu'ils apprennent qu'ils seront expulsés, les demandeurs d'asile sont parfois placés en détention à cause d'un risque de fuite de leur part. On leur offre le choix d'acheter leur propre billet d'avion quand ils sont renvoyés dans leur pays d'origine. S'ils ne le peuvent pas, le gouvernement l'achète pour eux à un prix beaucoup plus élevé et l'ASFC les informe que si jamais ils veulent revenir au Canada, ils devront d'abord payer cette dette.

Notes

1. Échange de renseignements entre pays

2. « Radical change to Canadian asylum process wrong, unnecessary », Richard Goldman, Montreal Gazette, 2 mai 2019

3. Lettre de mandat du ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé (28 août 2018)

4. « Les É.-U. demeurent un pays sûr pour les demandeurs d'asile, conclut le Canada », Teresa Wright, La Presse canadienne, 22 octobre 2018

5. « Notre frontière commune : Faciliter la circulation des biens et personnes dans un environnement sécuritaire », Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, Rapport intérimaire, 2002

6. Ibid

7. Ibid

8. Décret transférant certains secteurs de l'Agence des douanes et du revenu du Canada à l'Agence des services frontaliers du Canada, TR/2003-216, Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada

9. « Le premier ministre Harper annonce des initiatives en vue de rehausser la sécurité des frontières canadiennes », 31 août 2006

10. L'Agence des services frontaliers du Canada

11. BC Civil Liberties Association, Lettre à Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 14 février 2019


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 18 - 11 mai 2019

Lien de l'article:
Le gouvernement fait preuve de mépris flagrant envers les droits : Des mesures pour réduire les demandes d'asile sont insidieusement incluses dans le projet de loi d'exécution du budget - Pauline Easton


    

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