Opposition au trafic des êtres humains sanctionné par l'État

Une association d'avocats du Québec dénonce l'utilisation de mesures coercitives contre les travailleurs désirant immigrer au Québec

Le 26 février l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI) a comparu devant la Commission des relations avec les citoyens de l'Assemblée nationale du Québec pour discuter du projet de loi 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Au nom de l'AQAADI, l'avocat en droit de l'immigration, Guillaume Cliche-Rivard, s'est opposé à l'utilisation prévue de la coercition par le gouvernement contre les travailleurs qui cherchent à immigrer au Québec, car cela placerait les personnes dans une situation d'insécurité quant à leur capacité à conserver leur statut de résident permanent. « Il devient résident permanent du Canada au complet et non pas d'une ville ou d'une profession », a-t-il déclaré. Rendre la résidence permanente conditionnelle à une régionalisation des besoins sectoriels en main-d'oeuvre constituerait une violation de l'article 6.2 de la Charte canadienne des droits et libertés, en vertu duquel les résidents permanents ont le droit de déménager et de s'établir n'importe où au Canada, a-t-il ajouté.

Cliche-Rivard a poursuivi en affirmant que le même droit s'applique au travail d'une personne. Les personnes ne peuvent pas être forcées d'accepter un emploi ou menacées de perdre leur statut si elles perdent leur emploi. « Mais la logique où on ajoute en plus un volet coercitif de potentiel retrait de la résidence, c'est là que j'ai un problème parce que ça va toucher des enfants, ça va toucher des familles, ça va toucher des gens qui vont peut-être devoir quitter le Québec parce qu'ils n'auront pas à 100 % répondu à vos conditions », a-t-il déclaré.


Des membres de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration devant la Commission des relations avec les citoyens

Le ministre de l'Immigration du Québec, Simon Jolin-Barrette, a dit qu'avant 2016, des conditions pour obtenir la résidence permanente existaient déjà dans la législation sur l'immigration au Québec. « Pour un peuple, pour une nation, c'est fondamental de faire en sorte que l'immigration, au Québec, elle puisse avoir un mot à dire, et donc, à partir du moment où une personne est sélectionnée, en fonction des critères québécois, il en va de soi que le gouvernement du Québec puisse imposer certaines conditions comme c'est le cas pour le gouvernement fédéral lorsqu'on obtient la citoyenneté. Et ça, c'est un choix que nous faisons [...]. Nous réintroduisons un article qui faisait partie des pouvoirs du gouvernement du Québec. »

Reconnaissant néanmoins qu'un résident permanent ne peut pas être contraint de s'établir dans une région donnée, le ministre a suggéré qu'un tel pouvoir puisse être exercé dans le cas d'une entreprise pour une personne reçue en tant qu'immigrant entrepreneur, l'obligeant ainsi à établir son entreprise dans diverses régions du Québec. Le gouvernement « pourrait utiliser cet article pour faire en sorte que les gens connaissent le français », a-t-il ajouté.


Le ministre de l'Immigration du Québec Simon Jolin-Barrette à la Commission
des relations avec les citoyens

Me Cliche-Rivard a répondu en faisant remarquer la contradiction dans la prétention du gouvernement que ses conditions n'obligent pas à la localisation : « Lisez vos propres mots, parce que c'est exactement ça que vous dites. 'On met des conditions à assurer la satisfaction des besoins régionaux.' Alors, si ça, ce n'est pas une imposition de localisation, vous allez nous l'expliquer. Au sectoriel de main-d'oeuvre, la création régionale d'entreprises ».

Le ministre n'a pas répondu.

L'AQAADI a également mis au défi le ministre en ce qui a trait au retard dans le traitement des 18 000 demandes de résidence permanente. L'association avait réussi à obtenir une injonction temporaire de la Cour supérieure du Québec obligeant le ministre à continuer de s'occuper de ces dossiers. La demande exige que le gouvernement termine le traitement des demandes en papier contenant quelque 4 500 dossiers qui avaient été envoyés au ministère avant décembre 2015, car ces dossiers sont complets. Elle suggère ensuite de traiter les 3 700 applications soumises par l'internet de personnes qui résident actuellement au Québec, puisqu'il s'agit de personnes qui ont un permis de travail ou d'études et qui correspondent directement aux besoins du marché du travail et ont déjà démontré leur capacité à s'intégrer. En ce qui a trait aux 10 000 candidatures restantes, il a souligné le fait qu'il y a actuellement 120 000 postes à pourvoir au Québec. Sur cette base, l'AQAADI propose de faire une évaluation rapide du nombre de personnes qualifiées sur la base de la grille d'évaluation utilisée, modifiée la dernière fois en août 2018.

(Photos : site Web de l'Assemblée nationale du Québec)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 17 - 4 mai 2019

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