Rejetons les tentatives de blâmer les peuples pour la crise mondiale de la migration

Dans un document d'information d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté du 10 décembre 2018, on lit : « En réponse à la crise des réfugiés syriens et à la migration croissante des réfugiés et des migrants, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, en 2016, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants. Cette déclaration a déclenché des processus distincts visant à créer deux accords internationaux non contraignants : l'un pour les réfugiés (le Pacte mondial sur les réfugiés) et l'autre pour les migrants (le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (PMM)). »

Ce document précise que le nombre de migrants internationaux est estimé à 258 millions et représente une augmentation de 49 % par rapport à l'an 2000 et 3,3 % de la population mondiale totale.[1]

Selon le document, le PMM « cherche à apaiser les tensions sous-jacentes à la migration internationale, notamment les préoccupations en matière de sécurité nationale, de sécurité des personnes, de dignité et de droits » et conclut que « la négociation réussie du PMM dans le climat mondial actuel lié à la migration et à la souveraineté souligne l'importance d'un dialogue multilatéral sur des enjeux mondiaux critiques et du rôle que les Nations unies peuvent jouer pour favoriser un système international fondé sur des règles. »[2]

La tentative de donner foi à une règle de droit qui dans la pratique n'existe plus est très préoccupante. Diverses forces se sont manifestées pour défendre les notions démocratiques libérales de paix, d'ordre et de bon gouvernement, inscrites dans la primauté du droit, comme si c'était la solution aux très graves abus de pouvoir dont nous sommes témoins aujourd'hui. Cependant, chaque jour qui passe nous montre justement que c'est le système de la démocratie libérale qui est tombé dans l'anarchie, la violence et le chaos, qui engendre les abus, les cautionne et est incapable de développer une alternative prosociale.

Louise Arbour, une Canadienne qui est la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la migration internationale, déclare que l'initiative du PMM « est née de la vue intolérable d'un grand nombre de migrants qui perdent la vie, et d'une perception croissante que les gouvernements avaient perdu le contrôle de leurs frontières ».

Cette façon de parler est dénuée de contexte et donne aux gouvernements qui mettent en oeuvre l'offensive néolibérale antisociale une façon de justifier ces actions et d'utiliser la question de la migration pour fomenter la division sociale. Le trafic des êtres humains aujourd'hui est une conséquence de la création de ce qu'on appelle des économies prospères par le soutien aux soi-disant économies de marché, aux droits humains et aux systèmes à partis multiples. Les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres, et pourtant les architectes et les promoteurs de ce système s'en tirent à bon compte.

Les pertes de vie des migrants et la perte de contrôle des frontières ne sont pas quelque chose d'accidentel, mais bien l'épée à double tranchant de l'impérialisme. Les migrants et les réfugiés sont les canaris de la mine de charbon, les victimes de l'offensive néolibérale contre l'état de droit international et l'édification de la nation, nés des cendres de la grande victoire sur le fascisme de 1945 et qui sont maintenant détruits sous les assauts de la mondialisation impérialiste.

Sauf dans de rares cas, l'impérialisme dirigé par les États-Unis a violé les frontières de nombreux pays pour prendre le contrôle de leur économie, de leur politique et de tous les aspects de la vie, y compris la culture et l'idéologie. Dans le cas des pays que l'impérialisme a été incapable de vaincre, il a eu recours à la destruction par des guerres prédatrices, le financement de mercenaires pour favoriser le changement de régime, le sabotage économique, les blocus et les sanctions ciblées pour paralyser leur économie, comme c'est le cas du Venezuela. Ce sont ces attaques qui créent des réfugiés et une migration vers l'extérieur de personnes désespérées à la recherche d'une vie meilleure comme elles ont le droit de le faire.

Ces « 258 millions de migrants » sont devenus une armée de réserve internationale de chômeurs prêts à vendre leur capacité de travail à pratiquement n'importe quel prix pour arriver à une vie meilleure et stable. Comme il est commode pour les grandes puissances de trouver des millions de chômeurs dans le monde alors que leur propre population de travailleurs diminue en raison de la chute du taux de natalité.

L'impérialisme des grandes puissances est la force derrière l'ordre du jour de destruction nationale par des guerres injustes, des changements de régime, par l'ingérence des grandes puissances dans les affaires intérieures d'autres pays, par le sabotage économique, les blocus et les sanctions, le pillage effréné des ressources naturelles, l'instabilité et la dégradation de l'environnement et le changement climatique provoqués par la cupidité des entreprises qui échappent à toute réglementation. Le manque de contrôle sur les affaires qui touchent la vie des travailleurs est le défi auquel les travailleurs font face et ils doivent s'organiser pour gagner ce contrôle.

L'oligarchie financière traite de la migration de la manière la plus intéressée possible, pour blâmer les migrants pour leur sort et diviser les travailleurs des pays qui utilisent ces migrants comme main-d'oeuvre à bon marché. Les travailleurs canadiens ne doivent pas tomber dans le piège de cette propagande qui ne sert pas leurs intérêts. Les gouvernements de ces pays qui servent les intérêts des riches se plaignent ensuite du fait qu'en tant qu'êtres humains, les migrants doivent recevoir les choses essentielles de la vie conformément au niveau de vie que les différents pays ont atteint. Le sort des migrants et le rôle qu'ils jouent dans l'économie sont présentés comme l'« incapacité des gouvernements à contrôler leurs frontières et à arrêter les flux migratoires » parce que les intérêts privés ont été politisés. Les vieilles formes démocratiques n'exercent plus d'autorité parce que les conditions qu'elles avaient conçues pour servir ont changé.

Loin de restaurer une autorité nationale, les moyens qui sont utilisés pour défendre ce qui est appelé l'intérêt national transforment le peuple en catégories qui doivent être criminalisées. Dans le contexte d'un resserrement du contrôle des frontières et de la lutte au crime organisé et contre les gangs, les migrants et les réfugiés sont considérés comme des usurpateurs illégitimes qui doivent alors prouver leur valeur. Selon le gouvernement Trudeau, toute édification nationale qui s'oppose au contrôle impérialiste est une attaque contre la paix, l'ordre et le bon gouvernement de l'ordre démocratique libéral.

Quoi qu'il en soit, le sort de ceux qui sont forcés de migrer aujourd'hui nous pousse à agir de façon à bâtir le Nouveau et non à défendre un ordre qui n'existe plus et qui est donc incapable de résoudre quelque problème du présent.

De nombreux migrants, après un voyage périlleux qu'ils n'ont jamais voulu entreprendre, finissent par vivre et travailler clandestinement comme des travailleurs bon marché sans papiers qui vivent continuellement dans la peur de l'arrestation et de l'expulsion. Ils sont victimes d'abus de la part de trafiquants d'êtres humains et d'employeurs sans scrupules. Ils travaillent pour envoyer de l'argent à leur famille et pour donner une vie meilleure à la prochaine génération.

Les migrants sont les victimes d'un ordre mondial qui s'est effondré sous l'égide de l'oligarchie financière mondiale. Ils font partie de cette grande humanité, qui forme une classe ouvrière qui lutte pour s'investir de pouvoir afin d'humaniser l'environnement naturel et social. En défendant les droits de tous, surtout en utilisant notre parole contre les attaques contre d'autres êtres humains et contre leur asservissement et leur sort, nous assumons la responsabilité sociale et posons des gestes concrets pour prendre contrôle de nos vies et de l'édification nationale.

La force des travailleurs réside dans leur nombre extraordinaire et dans des objectifs pour la société qui ne sont pas égoïstes. Les travailleurs prennent contrôle de leur vie lorsqu'ils parlent à la défense des droits de tous en leur propre nom, et ne laissent pas les autres qui ont des ordres du jour que les travailleurs n'ont pas élaborés parler en leur nom, comme il arrive trop souvent en ce moment.

Note

1. « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 10 décembre 2018

2. Ibid


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 17 - 4 mai 2019

Lien de l'article:
Rejetons les tentatives de blâmer les peuples pour la crise mondiale de la migration - Diane Johnston


    

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