Un rassemblement de la Première Nation Kashechewan pour exiger que les gouvernements fédéral et provincial relocalisent la communauté de façon permanente
La communauté de la Première Nation de
Kashechewan du Nord de l'Ontario a manifesté devant le Parlement
le mardi 30 avril pour exiger du gouvernement Trudeau qu'il
respecte son engagement de relocaliser la communauté, en vertu
d'une entente tripartite à ce sujet conclue en 2017 entre
la Première Nation de Kashechewan,
le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement fédéral.
Plusieurs jeunes et enfants ont participé au
rassemblement, tout comme plusieurs qui sont venus exprimer leur appui.
Une jeune personne est intervenue pour dire que les jeunes de
Kashechewan veulent un avenir prometteur, mais sont plutôt
confrontés tous les printemps à
l'insécurité de se voir déracinés alors
qu'ils
sont envoyés dans des centres d'évacuation dans
différents endroits en Ontario. D'autres ont exprimé leur
profonde sympathie envers les victimes des inondations en Ontario, au
Québec et au Nouveau-Brunswick. Un autre orateur a
souligné l'urgence de la situation et a soulevé que les
enfants présents devaient être à l'école,
mais que chaque année
leur éducation est interrompue et cette année ils ont
dû se rendre jusqu'à Ottawa pour exiger que les
engagements pris envers eux soient respectés et qu'ils
soient traités avec la dignité qui leur revient.
Le Kashechewan est situé sur la rive nord de la
rivière Albany, à proximité de la rive ouest de la
baie James. Chaque année, lorsqu'a lieu la
débâcle de la rivière, le débit de l'eau qui
se jette dans la baie est obstrué, et en même temps le
débit d'eau provenant de la fonte des neiges augmente. Les gens
doivent déclarer un état d'urgence à la suite des
crues printanières et être évacués,
comme ils le font depuis les 17 dernières années.
Cette année, l'état d'urgence a
été déclaré le 14 avril. La date
initiale des évacuations pour les 2 500 personnes a
été fixée au 15 avril plutôt
qu'au 21 en raison de la fonte rapide des neiges. Durant
l'évacuation, un pont aérien d'hélicoptères
et d'avions commerciaux et militaires a permis d'évacuer les
résidents les plus vulnérables vers
d'autres communautés nordiques, telles que Timmins, Wawa, Smooth
Rock Falls, Fort Frances, Matachewan et Kapuskasing, et même plus
au sud vers Stratford. En général, ils ne peuvent
retourner chez eux avant plusieurs semaines et même pas avant
deux mois. En 2014, l'opération d'évacuation a
été estimée à 21 millions de dollars.
Ce chiffre ne tient pas compte des sommes requises pour l'inspection,
le nettoyage et la réparation des édifices
endommagés par l'inondation.
La Première Nation de Kashechewan et celle de
Fort Albany (situées sur la rive sud de la rivière
Albany)
formaient à l'origine une seule communauté crie qui a
été divisée à la suite d'un conflit
religieux
instigué par les missionnaires. Les catholiques romains ont
déménagé sur la rive sud de la rivière et
les anglicans au nord. En 1957, un
agent indien a « recommandé » que la
communauté établie sur la rive nord se relocalise plus
près du magasin de la baie d'Hudson pour être plus
près des marchandises transportées par les chalands.
Cette recommandation a été rejetée parce que,
comme l'avaient souligné les aînés cris, cet
endroit
était la zone la plus basse de la région et était
facilement inondable. Le gouvernement a néanmoins
commencé à bâtir un village à cet endroit.
Deux mois plus tard, le gouvernement a envoyé la GRC pour faire
respecter la « recommandation ».[1][2]
Les gens de Kashechewan sont confrontés aux dangers
d'inondations printanières depuis ce temps.
L'entente de 2017
Le 31 mars 2017,
le gouvernement du Canada, le gouvernement de l'Ontario et la
Première Nation de Kashechewan ont conclu un accord-cadre pour
la relocalisation de la communauté autochtone en amont de la
rivière. La majorité de la communauté avait
voté en faveur d'une telle entente avant qu'elle ne soit
conclue. Selon un
communiqué de presse publié le jour même de
l'entente, les parties « s'engagent à dresser un plan
d'action visant à assurer la durabilité de la
collectivité à court, à moyen et à long
terme, en insistant sur l'amélioration des résultats dans
des domaines prioritaires, comme le logement, la durabilité
socioéconomique, les programmes et les installations
relatifs à la santé, le développement de
l'infrastructure, les écoles et les aménagements
communautaires.
Cette initiative de coopération annonce un avenir
meilleur pour les membres de la Première Nation de Kashechewan
et comprendra l'étude d'options de réimplantation de la
collectivité.
Un comité directeur, formé de
représentants de la
Première Nation de Kashechewan, du ministère des
Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation
de l'Ontario, d'Affaires autochtones et du Nord Canada et de
Santé Canada, assurera une fonction générale de
surveillance et d'orientation du plan d'action qui aura
été élaboré. Le Comité remettra aux
parties un rapport annuel sur les progrès accomplis au regard de
l'accord-cadre. »
Le 30 avril, le ministre des Services autochtones
Seamus O'Regan a dit aux journalistes qu'il ne proposait aucun
échéancier pour la relocalisation, mais a dit que le
gouvernement collabore avec la communauté Kashechewan pour que
le tout se réalise le plus tôt possible. Le ministre
O'Regan, selon un reportage de CBC, aurait dit que le
gouvernement fédéral est à l'oeuvre pour obtenir
la terre en question du gouvernement de l'Ontario. Dès que cette
question sera réglée, on devra construire une route pour
se rendre au site et faire un recensement cadastral. Suivrait une
période de consultation au cours de laquelle une ébauche
de la nouvelle ville sera élaborée.
Le 28 avril, la situation des Kashechewan a
été soulevée à l'Assemblée
législative ontarienne à la période de questions.
Répondant à des questions du NPD, le ministre de
l'Énergie, du Développement du Nord et des Mines et des
Affaires
autochtones, Greg Rickford, a déclaré : « Nous
avons un plan pour les Kashechewan pour éviter qu'ils
soient délocalisés chaque année à la suite
des
inondations et en raison du niveau du site où la
communauté se trouve présentement. » Il n'y a
pas eu davantage d'information jusqu'ici à ce sujet.
Le refus de relocaliser les Kashechewan dans un
délai convenable met en lumière les injustices de longue
date commises contre cette communauté. En 2005, celle-ci a
déclaré une crise d'eau potable à la suite d'une
contamination de E. Coli. De telles contaminations de l'eau et les avis
d'ébullition qui s'ensuivent auxquels sont confrontées
plusieurs autres communautés autochtones peuvent venir des
conséquences des inondations. Entretemps, ce serait un
euphémisme que de prétendre que l'éducation des
jeunes est interrompue par les inondations printanières. Face
à l'appauvrissement et au désespoir qu'on leur impose en
raison des relations coloniales du Canada avec les Premières
Nations, les jeunes de Kashechewan, comme tous les autres jeunes
autochtones partout au pays, ont souvent recours au suicide pour
échapper à leur souffrance.
Au moment où partout au Canada les gens vivent
les conséquences des crues printanières et la
possibilité que la situation s'aggrave en raison des changements
climatiques, l'épreuve vécue par les Kashechewan depuis
plusieurs décennies ne doit pas être oubliée et les
gouvernements fédéral et provincial
doivent rendre des
comptes pour cette négligence criminelle.
Notes
1. « How Kashechewan
Created a Political Stampede », Julius Strauss, Globe and Mail,
4
novembre
2005
2. Invisible North : The
Search for Answers on a Troubled Reserve, Alexandra Shimo, Dundern
Press (Toronto, 2016)
(Photos: LML)
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 17 - 4 mai 2019
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