La traite des êtres humains au Canada

Une seule humanité, ensemble agissons contre la traite des êtres humains


Les Nations unies définissent ainsi la traite des êtres humains : « recruter, transporter, transférer, héberger ou accueillir une personne en ayant recours à la force, à la contrainte, à la tromperie ou à d'autres moyens, en vue de l'exploiter ».

Selon les rapports de l'Organisation internationale du Travail (OIT), en 2016 plus de 40 millions de personnes vivaient dans des conditions d'esclavage moderne, et la majorité de ces personnes avaient été victimes de traite des êtres humains. Selon ce rapport, 25 millions de ces personnes travaillaient dans des conditions d'esclavage dans les domaines de la construction, de l'industrie manufacturière et du travail domestique. Cinq millions de personnes, la majorité des jeunes femmes et des filles, étaient victimes d'esclavage sexuel.

Le Canada est un des principaux pays ayant participé à la création en 2000 du Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants. Il s'agit du Protocole de Palerme, que le Canada a ratifié en 2004. Toutefois, en ce qui concerne l’application du protocole, le Canada est un exemple de la façon dont les prétextes sont utilisés pour fournir une main-d’œuvre peu coûteuse et imposer l’offensive antisociale qui abaisse le niveau de vie de tous les travailleurs. Les trafiquants d'êtres humains, connus pour recruter de la main-d'œuvre dans des pays étrangers, sont accommodés par tous les moyens. Les travailleurs et les étudiants sont recrutés en leur extorquant de grosses sommes d’argent qui leur donneront la chance, après deux ans, de soumettre une demande de résidence permanente. Cela a eu comme conséquence que des centaines de milliers de travailleurs sont privés de leurs droits de travailleurs et d'êtres humains, et expulsés avec leurs familles si jugés « illégaux », la plupart du temps sans faute de leur part. Cela grossit également les rangs des soi-disant travailleurs sans papiers dont les conditions de vie et de travail sont les pires. Le gouvernement insiste pour dire que c'est illégal et qu'il défend l'état de droit, mais les lois canadiennes facilitent la traite des êtres humains.

Dans un rapport intitulé La traite des êtres humains au Canada, 2016, Statistique Canada souligne entre autres : « Par sa nature même, la traite des êtres humains est difficile à mesurer. Dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, Statistique Canada recueille des renseignements sur les infractions relatives à la traite des êtres humains qui viennent à l'attention des services de police canadiens. Il s'agit d'infractions prévues au Code criminel et d'infractions transfrontalières visées par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. »

Selon le rapport, « De 2009 à 2016, la police a déclaré 1 220 affaires d'infraction de traite des êtres humains » au Canada et le nombre et le taux de traite des êtres humains ont sans cesse augmenté depuis 2010. On y cite des données de tendances qui indiquent que la police a déclaré 1 099 affaires de 2009 à 2016 comprenant une infraction de traite des êtres humains. Plus de la moitié de ces affaires se sont produites de 2015 à 2016.

Entre 2009 et 2016, de toutes les affaires de traite des êtres humains signalées, 66 % ont eu lieu en Ontario, 14 % au Québec et 8 % en Alberta. Le reste du Canada représentait l'autre 12 %. Selon Statistique Canada, la vaste majorité des victimes du trafic d'êtres humains sont des femmes.

Le rapport relève que la vaste majorité des crimes liés à la traite des êtres humains ne sont pas signalés au Canada. Les victimes de la traite des êtres humains sont rendues vulnérables en raison même de leur situation et craignent de demander de l'aide puisque l'État canadien les déclare illégales et sans droit en tant qu'humains.

Les cas de traite des êtres humains sont peu signalés et il y a peu de condamnations au Canada même si l'ancien gouvernement Harper avait déclaré qu'il s'agissait « d'un des crimes les plus haineux qu'on puisse imaginer ». Selon le rapport de Statistique Canada, « en raison de la difficulté à poursuivre des contrevenants pour des infractions de traite des êtres humains, les procureurs choisissent souvent de porter des chefs d'accusation pour des infractions connexes ou moins graves, ce qui pourrait expliquer la forte proportion de causes de trafic de personnes qui se soldent par un arrêt ou un retrait ».

Le faible taux de signalement et de condamnations dans les poursuites criminelles montre que tout le système nébuleux lié aux travailleurs migrants mis sur pied par l'État canadien sert à offrir un approvisionnement ample et bon marché de travailleurs à la disposition des monopoles canadiens et d'autres entreprises qui profitent de leur travail, sans parler de l'escroquerie inadmissible des individus qui baignent directement dans la traite des êtres humains, la version moderne de la traite mondiale des esclaves.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui permet aux entreprises qui ont besoin de travailleurs étrangers de recruter outre-mer et le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) qui existe depuis 50 ans, et d'autres programmes de recrutement des travailleurs gérés entre autres par les provinces, ont créé les conditions permettant à ceux qui font la traite des êtres humains d'opérer impunément dans le cadre légal de ces programmes.

Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) est aux premières lignes de la lutte à la défense des immigrants et des réfugiés depuis plus de 40 ans. Dans son mémoire sur la traite des êtres humains au Canada devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en avril 2018, le CCR fait valoir que si certaines affaires de traite des êtres humains se trouvent devant les tribunaux, peu est fait par le Canada pour protéger les victimes. Le CCR affirme : « La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) ne prévoit aucune mesure de protection pour les personnes ayant subi la traite. La seule référence aux personnes ayant subi la traite dans la loi est une disposition du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés selon laquelle le fait qu'une personne ait subi la traite constitue un facteur en faveur de la détention liée à l'immigration. »

Le CCR souligne aussi dans son mémoire que le seul outil disponible pour la protection des victimes de la traite des êtres humains qui se manifestent — le permis de séjour temporaire (PST) — ne répond pas aux besoins. Selon le CCR : « Un très petit nombre de PST sont délivrés chaque année et ces permis sont limités. [...] Entre 2011 et 2015, de 5 à 22 nouveaux PST ont été délivrés chaque année. Ces nombres semblent particulièrement peu élevés étant donné que le Canada figure sur la liste des pays de destination pour la traite des êtres humains, et que quelque 80 000 travailleurs étrangers temporaires entrent au Canada chaque année. »

Aussi le CCR souligne-t-il que les quelques PST délivrés par le gouvernement ne sont pas valables pour les membres de la famille.

Dans un autre rapport intitulé Évaluer les droits des travailleurs migrants au Canada, 2018, le CCR souligne le rôle joué par le Canada dans la création des conditions permettant le déplacement de personnes partout dans le monde. Il mentionne notamment les Philippines, le Guatemala et le Mexique, où des compagnies minières privées canadiennes ont délocalisé des communautés entières, forçant les gens à aller voir ailleurs pour un moyen de subsistance et devenant ainsi vulnérables à la traite des êtres humains. Le CCR mentionne aussi les accords commerciaux du Canada tels que l'ALÉNA, qui est responsable d'avoir forcé des agriculteurs mexicains, dont le moyen de subsistance a été détruit, à se chercher du travail au Canada en tant que travailleurs agricoles migrants et à devenir des cibles pour les trafiquants d'êtres humains.

La participation du Canada aux guerres d'agression, aux occupations, aux blocus économiques, aux sanctions et à d'autres actes d'ingérence dans les affaires internes d'autres pays — comme il le fait à l'heure actuelle en organisant un coup et un changement de régime au Venezuela — a contribué à ce qu'un grand nombre de gens soient devenus des réfugiés et des migrants. L'ONU a indiqué dans un rapport de 2018 que la crise internationale des réfugiés avait rendu des populations entières vulnérables à la traite des êtres humains, ce qui génère un profit criminel d'approximativement 32 milliards de dollars annuellement.

En participant à ce commerce d'esclaves moderne, le gouvernement canadien, malgré ses larmes de crocodile au sujet des droits de la personne et du trafic d'humains, n'a pas corrigé le problème. La simple proposition formulée par le CCR et d'autres — que les travailleurs migrants au Canada puissent bénéficier d'une certaine stabilité et statut juridique par le biais d'un permis de travail ouvert qui leur permettrait de sortir d'un environnement de travail d'exploitation et d'abus — a été ignorée jusqu'à présent. Aussi le gouvernement a-t-il ignoré les propositions du CCR et d'autres organisations visant à réglementer le recrutement des travailleurs migrants afin de veiller à la protection de leurs droits et, puisqu'il existe un besoin de travailleurs migrants pour accomplir du travail au Canada, leur accorder un statut d'immigrant pour qu'ils puissent s'établir ici de façon permanente s'ils le désirent.

Le gouvernement Trudeau, qui a accédé au pouvoir en 2015 en disant qu'il mettrait fin à la traite des êtres humains au Canada, n'y a pas mis fin, tout comme il n'a pas réglé la question des femmes autochtones assassinées et disparues qui sont aussi souvent victimes de la traite des êtres humains au Canada.

La traite des êtres humains et la situation des réfugiés et des travailleurs migrants qui sont victimes de ces crimes et de beaucoup d'autres constituent un problème auquel est confrontée la société canadienne. Les réfugiés et les travailleurs migrants, notamment les victimes de la traite des êtres humains, sont partie intégrante de notre grande humanité et plus précisément de notre classe ouvrière canadienne. Cette classe ouvrière, par la mobilisation de sa pensée, de son organisation indépendante et de sa force numérique, doit intensifier la défense des droits de tous. Alors que les travailleurs sont accusés d'être anti-immigrants et xénophobes, ce sont en réalité les intérêts privés étroits des trafiquants d'être humains qui sont « anti-immigrants ». Ils blâment le peuple afin de diviser la lutte de résistance à l'offensive antisociale tout en modifiant les lois sur la citoyenneté et l'immigration pour faciliter l'importation de travailleurs étrangers temporaires, dont beaucoup doivent verser des sommes énormes à de soi-disant recruteurs pour obtenir des permis de travail sous prétexte que lorsque leur mandat est terminé, ils peuvent demander la résidence permanente. Au Canada, d’autres détenteurs de permis de travail temporaire sont exploités à outrance et n’ont pas accès aux services, car leur statut est rendu quasi illégal dans les meilleures conditions, par exemple quand ils sont obligés de travailler avec des noms et des numéros d’assurance sociale empruntés sous peine d'être expulsés s'ils n'acceptent pas. Le mouvement de défense des droits de tous mène à l'abolition de ce système d’esclavage des temps modernes, non seulement au Canada, car par son action il contribue à la solution dans le monde entier.

(Sources : Conseil canadien pour les réfugiés, Migrante Canada, www.ilo.org, Statistique Canada, www.UNODC,org)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 17 - 4 mai 2019

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