Les élections
albertaines
Des résultats qui ne présagent rien de bon, ni pour l'Alberta ni pour le Canada
- Pauline Easton -
Le Parti conservateur uni (PCU) formera un
gouvernement
majoritaire à l'issue de l'élection du 16 avril en
Alberta, ayant
remporté 63 des 85 sièges à
l'assemblée
législative. Le NPD a
remporté les 24 sièges restants tandis que les
trois
autres
partis qui siégeaient à l'Assemblée
législative lors de la
dissolution, le Parti de l'Alberta, le Parti libéral et le
Parti
conservateur de la liberté, n'ont remporté aucun
siège. Ce
résultat prévisible est dû à l'absence
d'une
opposition ouvrière
dotée de sa propre conscience sortie de la vie
réelle,
synonyme
de changement social et libérée de toutes
idées
préconçues.
Le slogan « arrêtez la
droite »
de la
base sociale libérale
s'est avéré totalement inefficace au Canada, pas
seulement dans cette élection mais aussi dans les
élections récentes en Ontario et au Québec comme
ailleurs dans le
monde également.
C'est
un slogan qui réduit à l'impuissance, au
désespoir
et à
l'humiliation la demande du mouvement ouvrier et de l'ensemble du corps
politique de mettre fin
à
l'offensive antisociale néolibérale parce que le
système de partis cartellisés n'a qu'un objectif :
maintenir le peuple à l'écart du pouvoir. Les
électeurs ne décident pas du résultat d'une
élection. Ils n'exercent aucun contrôle sur la
sélection des candidats, ni sur les élus, ni sur
l'ordre
du jour établi. Tout cela est contrôlé par
l'État des riches et leurs conglomérats et
médiats
privés qui ont pour tâche de privent le peuple de sa
propre conception du monde.
Une opposition ouvrière doit
reconnaître
avec courage et
conviction que le parti, quel qu'il soit, qui forme le
gouvernement a
pour tache de préserver ce qu'on appelle les institutions
démocratiques
libérales et se fusionne à ces institutions
devenues
anachroniques. Le rôle de ces institutions est de
préserver le privilège et elles sont totalement
déconnectées
des besoins de notre temps. Le parti politique qui forme le
gouvernement reflète en lui tout le dysfonctionnement du
système
et révèle dans la pratique que les institutions
démocratiques
libérales servent les intérêts
économiques
les plus puissants. La
corruption du Parti libéral au pouvoir au
fédéral
et la
corruption qui a créé et propulsé le PCU de
l'Alberta et son chef
montrent qu'ils sont faits de la même étoffe.
La victoire du PCU était peut-être
prévisible, mais elle
n'augure rien de bon, ni pour l'Alberta, ni pour le Canada.
L'opposition ouvrière doit faire face aux
réalités
de sa position
de faiblesse et y remédier. Ce faisant, elle
réalise dans
le sens
immédiat que l'élection de Jason Kenney en Alberta
signifie un
regain d'acrimonie au sein de l'élite dirigeante, la
dégénérescence continue du système de
partis cartellisés et la continuation et possiblement
l'intensification de l'offensive antisociale. Le discours discordant et
désagréable de Kenney et d’autres personnes
exprime les
intérêts étroits privés qu'ils
représentent, étrangers pour la plupart. Ces
intérêts agissent en imposant l'anarchie et la
violence et
montrent que les conditions du respect d'une autorité
légale ne sont plus réunies. Il appartient donc au
peuple
de s'investir de pouvoir et d'établir un état de
droit
qui le favorise. Pour dissimuler la lutte pour le pouvoir et le
contrôle de l'oligarchie financière internationale,
on dit
que c'est la faute du peuple, que les gens sont
arriérés
et réactionnaires. Les « voies ensoleillées
»
des libéraux ont la même source et le même
objectif
et produisent le même résultat que toute autre
demande de
réconciliation avec les riches et leurs ambitions.
Le discours de victoire de Jason Kenney montre
l'amertume, la
rancoeur, le ressentiment, le malaise, la mauvaise
volonté,
l'animosité, l'hostilité et l'inimitié que
créent les
antagonismes et la rivalité pour le pouvoir au sein de
l'oligarchie financière.
Le cafard libéral et
social-démocrate
Un analyiste décrit
bien
l'effroi qui
s'empare des libéraux et sociaux-démocrates devant
« la vague
bleue ». Andrew Coyne écrit : « Grâce à
cette
victoire en Alberta, il y a
maintenant six gouvernements provinciaux conservateurs qui
s'étendent des Rocheuses à la baie de Fundy,
représentant
ensemble plus de 80 % de la population du pays. »
Or, en quoi les cercles dominants représentent
le
peuple et ses besoins et demands n'est évidemment pas
discuté. On sait par contre que la corruption largement
médiatisée
entourant la fusion du
Parti progressiste-conservateur et du Wildrose pour créer
le
Parti conservateur uni avec Kenney à sa tête est
sans
pareil.
Nombreux sont ceux qui pensent qu'elle est comparable à la
corruption de l'approche « basée sur les
règles
» de Justin
Trudeau comme façon de servir les oligarques.
Dans ce marais de corruption et de
servilité
à la minorité
riche qui envahit ce qu'on appelle les institutions
démocratiques
libérales et les
partis cartellisés, les conservateurs sont souvent
décrits comme
plus responsables que leurs rivaux sur le plan financier et
même
parfois sur le plan social. Pendant ce temps, des
épithètes de
toutes sortes sont lancées contre les travailleurs
canadiens qui
seraient en train de devenir populistes, anti-immigrants,
suprématistes blancs, antisociaux, etc. puisqu'ils ont
permis
à «
six gouvernements provinciaux conservateurs s'étendant des
Rocheuses à la baie de Fundy » de prendre le
pouvoir.
Les
travailleurs canadiens sont soucieux d'avoir une
société
qui
veille au bien-être économique et social de ceux qui
en
dépendent. Ils ont un véritable mépris pour
l'hypocrisie
libérale, l'opportunisme et les justifications de ce qui
ne peut
être justifié et le disent souvent de façon
assez
crue. Mais ils
n'ont pas plus d'estime pour la façon dont Jason Kenney et
son
ancien patron, Stephen Harper, exercent le pouvoir. Ils rejettent
le but donné à la société tant par
l'aile
droite que par l'aile
gauche de la classe dirigeante. C'est essentiellement le
même but
et il ne comprend pas la défense du bien-être
économique et
social de ceux qui dépendent de l'économie et de la
société pour
vivre. Comment expliquer autrement les crises économiques
récurrentes, les problèmes non résolus et
l'offensive antisociale
néolibérale qui s'attaque au bien-être du
peuple
quel que soit le
parti cartellisé au pouvoir ? Ce fait est un sujet de
grave
préoccupation pour les travailleurs et est la raison pour
laquelle l'opposition ouvrière doit aller aux devants et
proposer
une direction prosociale et un ordre du jour prosocial.
Le but que donnent à la
société les
prétendues ailes droite et
gauche du système de partis cartellisés canadien
est
d'utiliser le
pouvoir
des institutions étatiques dites démocratiques
libérales
pour mettre
les avoirs du pays à la disposition de l'oligarchie
financière
internationale et ses oligopoles, qui laissent sans solution,
voire qui aggravent, les problèmes économiques,
sociaux
et
environnementaux qui préoccupent le peuple. Sur le plan
international, les prétendues ailes droite et gauche sont
unies,
avec l'impérialisme américain en tête, dans
la
destruction
nationale, l'incitation à la guerre et la destruction des
forces
productives
humaines et de l'environnement social et naturel.
L'élite dirigeante a créé
l'illusion que les soi-disant ailes
droite et gauche de la classe dirigeante offrent quelque chose de
différent et que parfois, selon les circonstances, l'une
vaut
mieux que l'autre. Les principaux journaux de l'Alberta, le
libéral Edmonton Journal et le conservateur Calgary
Herald, ont tous deux soutenu Jason Kenney dans la formation
du prochain gouvernement. Ils ont obtenu ce qu'ils ont
souhaité
et maintenant ils ont l'arrogance de dire que les citoyens ont
parlé et que le NPD dans l'opposition est là pour
demander des
comptes au gouvernement Kenney.
Ce qui n'est pas discuté, c'est comment les
puissants intérêts économiques qui
souhaitaient ce
résultat ont réussi à ramasser les 200 000
électeurs supplémentaires qui avaient droit de vote
à l'élection
de
2015 mais n'ont pas voté et à les amener à voter
pour obtenir une
majorité pour le PCU. Les 63 sièges obtenus par le
PCU
représentent un gain de 38 sièges par rapport au
total
obtenu par le Parti progressiste-conservateur et Wildrose en
2015. Le
vote du NPD est resté identique à celui de 2015, ce
lui
avait valu 52 sièges mais seulement 24 cette fois-ci. Il
est
clair que le NPD a « tenu le coup », mais ce n'est
pas
comparable à ce qu'ont obtenu les puissants
intérêts privés qui achètent les
résultats voulus. La conclusion qui s'impose est que le
mouvement ouvrier et les forces populaires doivent définir
leurs
propres objectifs et se mobiliser pour les atteindre. Ils doivent
s'investir de pouvoir et non se diviser en fonction de telle ou
telle
faction de riches sous prétexte que l’une est
meilleure que
l’autre.
Au lendemain de l'élection d'un
gouvernement
majoritaire du PCU en Alberat, les journaux de la classe
dominante dits
de droite et de gauche ont proclamé
que l'ordre du jour est maintenant fixé pour les
travailleurs.
Essentiellement, ils doivent se constituer en groupes de pression
extraparlementaires et laisser d'autres parler en leur nom et
penser à leur place. Les travailleurs doivent oublier
l'idée de
s'organiser en une opposition ouvrière indépendante
de
l'élite
dirigeante, avec son propre ordre du jour et sa propre analyse de
ce qu'il faut faire pour défendre les droits et le
bien-être du
peuple et bâtir le nouveau.
Une voie vers l'avant
Les travailleurs de l'Alberta, voire l'ensemble du
corps
politique du
Canada, ne
peuvent se permettre de rester piégés dans
l'équation
gauche-droite. Il y a la réalité d'un
système de
partis
cartellisés au sein d'institutions démocratiques
libérales devenues anachroniques sur
lequel le peuple n'exerce aucun contrôle.
L'évaluation que
les
médias font de l'élection le confirme quand ils
disent
que le
fait qu'il ne reste que deux partis à l'assemblée
législative
montre que la stratégie de Jason Kenney de détruire
le
Parti
progressiste-conservateur et Wildrose pour créer une
nouvelle
«
marque » a réussi.
Mais que fera la « nouvelle marque »
qui
sera différent des
autres ? Les querelles intestines sont plus
intenses que jamais et éclatent de façon toujours plus
criante. La
stratégie et la victoire de Kenney montrent
l'incapacité
de
l'élite dirigeante qui sert et
représente
les oligarques mondiaux de donner un but à la
société qui
corresponde aux besoins de l'humanité et de
l'époque.
Elles
montrent que la classe ouvrière doit trouver sa propre
voix et
donner une nouvelle direction à l'économie et
à la
politique pour
garantir les droits et le bien-être du peuple.
Nouvelle marque ou pas, comment vont-ils surmonter
les
querelles et le manque d'unité ? Sur quelle base ces
dirigeants
de l'élite dominante peuvent-ils exercer un contrôle
même dans
leurs propres rangs lorsque les oligarques qu'ils
représentent
s'empoignent au point de se menacer de violence
libérale/conservatrice comme on le voit aux
États-Unis et
en Grande-Bretagne, alors qu'ils s'engagent dans des
guerres continuelles à l'étranger ?
Le manque d'unité dans les rangs de la
classe
dirigeante en
Alberta est tel que les progressistes-conservateurs qui ont
combattu la prise de contrôle de leur parti par Kenney sont
allés
grossir les rangs du Parti Alberta. Ils ont élu comme chef
Steven
Mandel, ancien maire d'Edmonton et progressiste-conservateur, et
obtenu 9,2 % des suffrages exprimés aux élections.
Malgré cela,
ils n'ont pas réussi à remporter un seul
siège,
pas plus que les
libéraux d'ailleurs.
La prise de contrôle hostile des partis
Wildrose
et PC a
pratiquement mené à l'élimination du Parti
progressiste-conservateur qui a gouverné l'Alberta pendant
44
ans. Cela reflète la soi-disant fusion de l'Alliance
réformiste
et du Parti progressiste-conservateur au niveau
fédéral
qui a
éliminé l'ancien Parti progressiste-conservateur et
donné
naissance au parti de Stephen Harper - un coup d'État
inspiré de
l'étranger dans lequel Jason Kenney a été un
acteur majeur. Son
discours contre l'ingérence étrangère dans
les
élections n'est
pas différent de celui de la ministre des Affaires
étrangères
libérale du Canada. Ses affiliations
étrangères ne
sont pas
différentes non plus.
Que les travailleurs renversent la situation
Les travailleurs ont des réclamations
légitimes à faire à
l'économie et à la société. Ces
réclamations sont en
contradiction avec celles de l'oligarchie financière au
pouvoir.
Pour faire valoir leurs réclamations, ils doivent se tenir
à
l'écart de la rivalité et de l'acrimonie de
l'élite dirigeante.
Leur premier devoir est envers eux-mêmes et envers la
société.
Ils ne peuvent permettre à l'élite dirigeante de
les
priver de
leur propre point de vue et de leur capacité de
définir
leurs
positions et de lutter pour défendre leurs droits.
Prenons, par exemple, les
tentatives
pathétiques
de blâmer les
travailleurs pour l'élection de gouvernements
réactionnaires de
droite alors que les soi-disant gouvernements de gauche sont
pratiquement les mêmes et appliquent la même
politique de
payer
les riches. Quelle meilleure preuve que les agissements du
gouvernement Trudeau au cours des quatre dernières au
niveau
fédéral ? Nous avons eu droit à de beaux
discours
mais les faits
et gestes ne sont pas différents de ceux du régime
Harper
avant
lui. L'objectif du Parti libéral était et demeure
de
rendre
inefficaces l'opposition des travailleurs à l'offensive
antisociale, l'opposition des peuples autochtones à
l'effacement
final de leurs droits ancestraux, l'affirmation des droits des femmes
et des enfants, la recherche d'un brillant avenir des jeunes et la
demande d'un environnement
naturel et social sain. C'est un but qu'ils n'ont pas atteint.
Malgré l'influence de la base sociale libérale dont
disposent les cercles dirigeants pour s'asurer que le mouvement
populaire ne leur échappe pas, le désir du peuple
d'être investi de pouvoir continue de s'affirmer et de
prendre de
la force. Le désir du peuple de prendre le contrôle de
toutes ses affaires est la réalité d'aujourd'hui que les
travailleurs doivent faire leur, nourrir et utiliser pour se
bâtir un avenir.
Les travailleurs peuvent renverser la situation en
refusant
l'ordre du jour fixé par les élites dirigeantes et
en
discutant
directement des questions qui les concernent. La discussion et la
recherche de moyens de résoudre les problèmes
économiques,
politiques, sociaux et environnementaux en leur faveur et non en
faveur des riches peut mobiliser les travailleurs à la
défense de
leurs droits et mener à un mouvement de masse pour
construire le
Nouveau.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 15 - 20 avril 2019
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