Aggravation de la situation politique internationale avant la Deuxième Guerre mondiale

Nous reproduisons ci-dessous un extrait du Rapport présenté au XVIIIe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique sur l'activité du Comité central, 10 mars 1939. Le rapport présenté par Joseph Staline porte entre autres sur la faillite du système de traités de paix de l'après-Première Guerre mondiale et analyse le début de la nouvelle guerre impérialiste.

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2. Aggravation de la situation politique internationale, faillite du système d'après-guerre des traités de paix, début d'une nouvelle guerre impérialiste

Et voici les événements les plus importants de la période envisagée, qui ont marqué le début de la nouvelle guerre impérialiste. En 1935, l'Italie a attaqué l'Éthiopie et s'en est emparée. Pendant l'été de 1936, l'Allemagne et l'Italie ont entrepris en Espagne une intervention militaire, au cours de laquelle l'Allemagne a pris pied dans le nord de l'Espagne et dans le Maroc espagnol, et l'Italie dans le sud de l'Espagne et dans les îles Baléares. En 1937, après s'être emparé de la Mandchourie, le Japon envahit la Chine centrale et du Nord, occupe Pékin, Tientsin, Changhaï ; il évince de la zone occupée ses concurrents étrangers. Au début de 1938, l'Allemagne s'est annexé l'Autriche, et, à l'automne de 1938, la région des Sudètes de Tchécoslovaquie. À la fin, de 1938, le Japon s'est emparé de Canton et, au début de 1939, de l'île de Hainan.

C'est ainsi que la guerre, qui s'était imperceptiblement glissée vers les peuples, a entraîné dans son orbite plus de 500 millions d'hommes et étendu la sphère de son action sur un immense territoire, depuis Tientsin, Changhaï et Canton jusqu'à Gibraltar, en passant par l'Éthiopie.

Après la première guerre impérialiste, les États vainqueurs, principalement l'Angleterre, la France et les États-Unis, avaient créé un nouveau régime de rapports entre les pays, le régime de paix d'après-guerre. Ce régime avait pour bases principales, en Extrême-Orient, le pacte des neuf puissances et, en Europe, le traité de Versailles et toute une série d'autres traités. La Société des Nations était appelée à régler les rapports entre les pays dans le cadre de ce régime, sur la base d'un front unique des États, sur la base de la défense collective de la sécurité des États. Cependant, les trois États agresseurs et la nouvelle guerre impérialiste déclenchée par eux ont renversé de fond en comble tout ce système du régime de paix d'après-guerre. Le Japon a déchiré le pacte des neuf puissances ; l'Allemagne et l'Italie, le traité de Versailles. Afin de se délier les mains, ces trois États se sont retirés de la Société des Nations.

La nouvelle guerre impérialiste est devenue un fait.

Mais il n'est guère aisé, à notre époque, de rompre d'un seul coup les entraves et de se ruer droit dans la guerre, sans compter avec les traités de toutes sortes, ni avec l'opinion publique. Les hommes politiques bourgeois le savent bien. Les meneurs fascistes le savent de même. C'est pourquoi, avant de se ruer dans la guerre, ils ont décidé de travailler d'une certaine manière l'opinion publique, c'est-à-dire de l'induire en erreur, de la tromper.

Un bloc militaire de l'Allemagne et de l'Italie contre les intérêts de l'Angleterre et de la France en Europe ? Allons donc, mais ce n'est pas un bloc ! « Nous » n'avons aucun bloc militaire, « Nous » avons tout au plus un innocent « axe Berlin-Rome », c'est-à-dire une certaine formule géométrique de l'axe.

Un bloc militaire de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon contre les intérêts des États-Unis, de l'Angleterre et de la France en Extrême-Orient ? Jamais de la vie ! « Nous » n'avons aucun bloc militaire. « Nous » avons tout au plus un innocent « triangle Berlin-Rome-Tokyo », c'est-à-dire un léger engouement pour la géométrie.

Une guerre contre les intérêts de l'Angleterre, de la France, des États-Unis ? Des bêtises ! « Nous » faisons la guerre au Comintern, et non à ces États. Si vous ne nous croyez pas, lisez le « pacte anticomintern » conclu entre l'Italie, l'Allemagne et le Japon.

C'est ainsi que messieurs les agresseurs pensaient travailler l'opinion publique, bien qu'il ne fût pas difficile de voir que toute cette maladroite comédie de camouflage était cousue de fil blanc. Car il serait ridicule de chercher des « foyers » du Comintern dans les déserts de la Mongolie, dans les montagnes de l'Éthiopie, dans les brousses du Maroc espagnol.

Mais la guerre est inexorable. Il n'est point de voiles qui puissent la dissimuler. Car il n'est point d'« axes », de « triangles » et de « pactes anticomintern » capables de masquer le fait que, pendant ce temps, le Japon a conquis un immense territoire en Chine ; l'Italie – l'Éthiopie ; l'Allemagne – l'Autriche et la région des Sudètes ; l'Allemagne et l'Italie ensemble – l'Espagne. Tout cela contre les intérêts des États non agresseurs. La guerre reste la guerre ; le bloc militaire des agresseurs, un bloc militaire, et les agresseurs restent des agresseurs.

La nouvelle guerre impérialiste a ceci de caractéristique qu'elle n'est pas encore devenue une guerre universelle, une guerre mondiale. Les États agresseurs font la guerre en lésant de toutes les façons les intérêts des États non agresseurs et, en premier lieu, ceux de l'Angleterre, de la France, des États-Unis, qui, eux, reculent et se replient en faisant aux agresseurs concession sur concession.

Ainsi nous assistons à un partage déclaré du monde et des zones d'influence aux dépens des intérêts des États non agresseurs, sans aucune tentative de résistance, et même avec une certaine complaisance de leur part.

Cela est incroyable, mais c'est un fait.

Comment expliquer ce caractère unilatéral et étrange de la nouvelle guerre impérialiste ?

Comment a-t-il pu se faire que des États non agresseurs disposant de vastes possibilités, aient renoncé avec cette facilité et sans résistance à leurs positions et à leurs engagements pour plaire aux agresseurs ?

La raison n'en serait-elle pas dans la faiblesse des États non agresseurs ? Évidemment non ! Les États démocratiques non agresseurs, pris ensemble, sont incontestablement plus forts que les États fascistes tant au point de vue économique que militaire.

Comment expliquer alors les concessions que ces États font systématiquement aux agresseurs ?

On pourrait expliquer la chose, par exemple, par la crainte de la révolution, qui peut éclater si les États non agresseurs entrent en guerre, et si la guerre devient mondiale. Certes, les hommes politiques bourgeois savent que la première guerre impérialiste mondiale a abouti à la victoire de la révolution dans un des plus grands pays. Ils craignent que la deuxième guerre impérialiste mondiale ne conduise de même à la victoire de la révolution dans un ou plusieurs pays.

Mais pour le moment, ce n'est pas l'unique motif, ni même le motif principal. Le principal motif, c'est que la majorité des pays non agresseurs et, en premier lieu, l'Angleterre et la France, ont renoncé à la politique de sécurité collective, à la politique de résistance collective aux agresseurs ; c'est que ces pays ont pris position pour la non-intervention, pour la « neutralité ».

Formellement, on pourrait caractériser la politique de non-intervention comme suit : « Que chaque pays se défende contre les agresseurs, comme il veut et comme il peut, cela ne nous regarde pas ; nous ferons du commerce et avec les agresseurs et avec leurs victimes. » Or, en réalité, la politique de non-intervention signifie encourager l'agression, déchaîner la guerre et, par conséquent, la transformer en guerre mondiale. La politique de non-intervention trahit la volonté, le désir de ne pas gêner les agresseurs dans leur noire besogne, de ne pas empêcher, par exemple, le Japon de s'empêtrer dans une guerre avec la Chine et mieux encore avec l'Union soviétique ; de ne pas empêcher, par exemple, l'Allemagne de s'enliser dans les affaires européennes, de s'empêtrer dans une guerre avec l'Union soviétique ; de laisser les pays belligérants s'enliser profondément dans le bourbier de la guerre ; de les encourager subrepticement ; de les laisser s'affaiblir et s'épuiser mutuellement, et puis, quand ils seront suffisamment affaiblis, – d'entrer en scène avec des forces fraîches, d'intervenir, naturellement « dans l'intérêt de la paix », et de dicter ses conditions aux pays belligérants affaiblis.

Et ce n'est pas plus difficile que cela !

Prenons, par exemple, le Japon. Chose caractéristique : dès avant son invasion dans la Chine du Nord, tous les journaux français et anglais influents proclamaient hautement que la Chine était faible, incapable de résister ; que le Japon pourrait, avec son armée, subjuguer la Chine en deux ou trois mois. Ensuite, les hommes politiques d'Europe et d'Amérique se sont mis à attendre, à observer. Lorsque plus tard le Japon eut développé ses opérations militaires, on lui céda Changhaï, le coeur du capital étranger en Chine. On lui céda Canton, le foyer de l'influence exclusive de l'Angleterre dans la Chine méridionale ; on lui céda Hainan ; on le laissa cerner Hong Kong. N'est-il pas vrai que tout cela ressemble beaucoup à un encouragement de l'agresseur : autrement dit, engage-toi plus à fond dans la guerre, et puis on verra.

Ou bien prenons l'Allemagne. On lui a cédé l'Autriche malgré l'engagement à défendre son indépendance ; on lui a cédé la région des Sudètes ; on a abandonné à son sort la Tchécoslovaquie en violant tous les engagements pris à son égard. Ensuite, on s'est mis à mentir tapageusement dans la presse au sujet de la « faiblesse de l'armée russe », de la « décomposition de l'aviation russe », des « désordres » en Union soviétique, en poussant les Allemands plus loin vers l'Est, en leur promettant une proie facile et en leur disant : Amorcez seulement la guerre avec les bolchéviks, et pour le reste tout ira bien. Il faut reconnaître que cela aussi ressemble beaucoup à une excitation, à un encouragement de l'agresseur.

Caractéristique est le tapage que la presse anglo-française et nord-américaine a fait au sujet de l'Ukraine soviétique. Les représentants de cette presse ont crié jusqu'à l'enrouement que les Allemands marchaient contre l'Ukraine soviétique, qu'ils avaient maintenant entre les mains ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique avec une population d'environ 700 000 habitants ; qu'au plus tard au printemps de cette année, ils réuniraient l'Ukraine soviétique, qui compte plus de 30 millions d'habitants, à ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique. Il semble bien que ce tapage suspect ait eu pour but d'exciter la fureur de l'Union soviétique contre l'Allemagne, d'empoisonner l'atmosphère et de provoquer un conflit avec l'Allemagne, sans raison apparente. Certes, il est fort possible qu'il y ait en Allemagne des fous qui rêvent de raccrocher l'éléphant, c'est-à-dire l'Ukraine soviétique, au moucheron, c'est-à-dire à ce qu'ils appellent l'Ukraine carpathique. Et si réellement il y a là-bas de ces déséquilibrés, on peut être sûr que dans notre pays il se trouvera des camisoles de force en quantité suffisante pour ces aliénés. Mais si on laisse de côté les aliénés et qu'on s'adresse aux gens normaux, n'est-il pas clair qu'il serait ridicule et stupide de parler sérieusement de la réunion de l'Ukraine soviétique à ce qu'on appelle l'Ukraine carpathique ? Songez un peu. Le moucheron vient trouver l'éléphant, et, les poings sur les hanches, il lui dit : « Ah ! mon cher frère, comme je te plains... Tu te passes de 'grands propriétaires fonciers, de capitalistes, d'oppression nationale, de meneurs fascistes, ce n'est pas une vie... Je te regarde, et je ne puis m'empêcher de me dire : -ton seul salut, c'est de te réunir à moi... Allons, soit : Je te permets de réunir ton petit territoire à mon territoire immense... »

Fait encore plus caractéristique : certains hommes politiques et représentants de la presse d'Europe et des États-Unis, ayant perdu patience à attendre la « campagne contre l'Ukraine soviétique », commencent eux-mêmes à dévoiler les dessous véritables de la politique de non-intervention. Ils parlent ouvertement et écrivent noir sur blanc que les Allemands les ont cruellement « déçus » ; car, au lieu de pousser plus loin vers l'Est, contre l'Union soviétique, ils se sont tournés, voyez-vous, vers l'Ouest et réclament des colonies. On pourrait penser qu'on a livré aux Allemands les régions de la Tchécoslovaquie pour les payer de l'engagement qu'ils avaient pris de commencer la guerre contre l'Union soviétique ; que les Allemands refusent maintenant de payer la traite, et envoient promener les souscripteurs.

Je suis loin de vouloir moraliser sur la politique de non-intervention, de parler de trahison, de félonie, etc. Il serait puéril de faire la morale à des gens qui ne reconnaissent pas la morale humaine. La politique est la politique, comme disent les vieux diplomates bourgeois rompus aux affaires. Toutefois, il est nécessaire de remarquer que le grand et périlleux jeu politique, commencé par les partisans de la politique de non-intervention, pourrait bien finir pour eux par un grave échec.

Tel est l'aspect véritable de la politique de non-intervention qui domine aujourd'hui.

Telle est la situation politique dans les pays capitalistes.

(J. Staline, Oeuvres choisies, Éditions du Nentori, Tirana, 1980)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 14 - 13 avril 2019

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