Le contexte de la guerre civile espagnole
- Dougal MacDonald -
En février 1936, le résultat
des
élections était très favorable au
Front populaire, un regroupement de différentes forces
progressistes,
et cela en dépit du fait que plusieurs dirigeants des
forces
populaires
avaient été emprisonnés ou exilés au
cours
des « deux années noires »
de répression de l'État pour tenter de supprimer le
mouvement antidictatorial dirigé contre le gouvernement
réactionnaire
de Gil Robles. Près de 40 000 Espagnols ont
été emprisonnés et des
milliers ont dû quitter le pays. Le nouveau parlement
élu
en 1936 était
composé de 268 membres du Front populaire et de 140
membres
des forces
de l'extrême-droite. Les débats
parlementaires devenaient de plus en plus mouvementés, en
particulier
sur la question de la réforme agraire visant à
mettre fin
aux vieilles
propriétés féodales de l'aristocratie
espagnole.
Les fascistes ont
tenté d'assassiner et mené à bien des
assassinats
contre des
représentants officiels, tandis que l'Allemagne et
l'Italie
incitaient
l'aile droite à agir.
Certains industriels qui appuyaient les fascistes ont mis les
travailleurs en lockout pour contribuer au chaos. Le 18
juillet a
marqué le début d'un soulèvement militaire
dans
tout le pays contre le
gouvernement.
Les fascistes espagnols étaient
dirigés
par le général Francisco
Franco et appuyés par les grands propriétaires,
dont le
duc d'Alba,
l'Église catholique et les puissants capitalistes comme
Juan
March, et
ils voulaient tous maintenir leurs profits et leurs
privilèges.
Des
monopoles étrangers, tels que Rio Tinto
contrôlé
par les Rothschild,
appuyaient
aussi Franco. En août 1936, la région
minière
de Rio Tinto est tombée
entre les mains des forces de Franco. L'administrateur
britannique de
Rio Tinto est allé à Londres pour dire au
gouvernent
britannique de
faire affaire avec Franco. En 1937, les troupes de Franco
ont
directement assisté Rio Tinto à brutalement
écraser la grève des
mineurs aux mines Huelva de la compagnie en Andalousie. À
la
réunion
générale annuelle de la compagnie en 1937, le
président de Rio Tinto,
sir Auckland Geddes (dont le gendre était un prince
allemand) a
annoncé
d'un air triomphant : « Depuis que la région
minière est occupée par
les forces du général Franco, il n'y a plus de
problèmes ouvriers... Les mineurs accusés de
méfait sont traînés devant
la cour martiale et fusillés. »
Les fascistes espagnols ont grandement
bénéficié de la politique
non interventionniste bidon des cercles dirigeants du
Royaume-Uni, de
la France et des États-Unis, qui souhaitaient
éventuellement inciter
les nazis allemands et les fascistes italiens à attaquer
l'Union
soviétique. En fait, 27 pays, y compris l'Allemagne
et
l'Italie, ont
conclu
une entente bidon de non-intervention en septembre 1936.
Malgré tout,
l'Allemagne et l'Italie continuaient de fournir de l'aide
militaire
à
Franco sous forme de personnel, d'avions, de chars d'assaut, de
camions
et d'autres matériels et ont officiellement reconnu le
gouvernement
Franco en novembre 1936. Le 26 avril 1937,
la légion du Condor du Lustwaffe allemand a entrepris le
désormais
tristement célèbre bombardement de la ville
paisible de
Guernica, l'un
des premiers raids aériens contre une population civile
sans
défense,
un crime de guerre immortalisé par la
célèbre
murale de Picasso. Les
États-Unis avaient déclaré leur «
neutralité » pendant la guerre,
mais les compagnies américaines comme Texaco, General
Motors et
Ford
ont fourni du combustible et de l'équipement aux forces de
Franco. La
Grande-Bretagne et la France ont officiellement reconnu
l'administration de Franco en février 1939.
Guernica de
Pablo Picasso (1937)
Seul le gouvernement soviétique a fourni de
l'aide matérielle aux
vaillantes forces républicaines, dont 1 000
aéronefs, 900 chars
d'assaut, 1 500 pièces d'artillerie, 300
chars
blindés, 15 000
mitraillettes, 30 000 armes
automatiques, 30 000
obus de
mortier, 500 000 carabines et 30 000 tonnes
de
munitions. L'Union
soviétique avait signé en septembre 1936 un
traité de non-intervention,
mais le 26 octobre l'ambassadeur soviétique pour
l'Espagne
a déclaré
dans un message au représentant britannique, le ministre
lord
Plymouth,
qu'elle ne pouvait plus
respecter cette entente à la lumière de
l'intervention
allemande et
italienne. Dans son message, il était expliqué que
l'Union soviétique
avait appuyé la non-intervention afin de restreindre
l'approvisionnement d'armes, réduire le nombre de victimes
et
mettre
fin à la guerre. Cependant, il était devenu
évident que « l'entente a
été systématiquement
violée par plusieurs participants » et que
«
l'approvisionnement
d'armes aux rebelles (les forces de Franco) se fait
impunément ».
Entre-temps, le « gouvernement légitime de l'Espagne
est
tombé sous le
joug d'un boycottage, privé de la possibilité
d'acquérir des armes à
l'extérieur de l'Espagne pour la défense du peuple
espagnol ».
Des pilotes et des chars d'assaut
soviétiques
participant à la Guerre civile espagnole
Les forces populaires ont combattu avec
héroïsme contre un ennemi
puissant. Au lendemain de la révolte des
généraux
fascistes, la
dirigeante communiste Dolores Ibarruri a lancé le
désormais célèbre
slogan « No pasaran ! » (Ils ne passeront
pas !) qui a servi
d'inspiration à la résistance antifasciste en
Espagne et
partout dans
le monde. L'une des batailles les plus mémorables est
celle
contre le
siège de Madrid par Franco, qui a débuté
le 8
novembre 1936 et a duré
jusqu'au 28 mars 1939 grâce à la forte
défense de la ville. Peu après
le début du siège, un nouveau gouvernement
républicain est entré en
fonction et a armé les syndicalistes de
fusils. Après l'échec de Franco à prendre
Madrid,
ses forces ainsi que
les forces italiennes ont encerclé la ville, mais les
forces
républicaines décidément moins nombreuses
ont
remporté des victoires
dans les batailles de Jarama et de Guadalajara en février
et
mars 1937.
Les forces républicaines ont mis la main sur de grandes
quantités de
matériaux et d'équipement dont ils avaient
grandement
besoin. Le siège
s'est poursuivi et le principal problème des forces
populaires
dans la
ville était qu'elles n'avaient pas d'avions pour se
défendre contre les
attaques aériennes. Les nazis allemands et les fascistes
italiens
fournissaient une couverture aérienne et des unités
de
blindés pour
l'offensive de Franco contre Madrid, alors que la légion
du
Condor du
Luftwaffe attaquait directement sous commandement nazi.
« Pour remporter la guerre, aidons
Madrid. »
|
L'Allemagne et l'Italie ont refusé de
respecter
l'entente de
neutralité qu'elles avaient signée et ont combattu
activement du côté
de Franco. Julio Alvarez del Vayo, le ministre espagnol des
Affaires
étrangères du gouvernement républicain
pendant une
grande partie de la
guerre civile, a bien résumé la situation :
«
...la saga de la
non-intervention... a été le plus bel exemple de
l'art de
remettre les
victimes entre les mains des États agresseurs, tout en
préservant les
bonnes manières de gentlemen et en laissant entendre que
la paix
est
l'unique objectif et l'unique
considération. »
Un des principaux groupes au Canada qui
préconisaient la «
neutralité », mais qui dans les faits
appuyaient
Franco était les
industriels canadiens qui avaient des intérêts
financiers en
Espagne. Un exemple est la Barcelona Traction Light and Power
Company
(BTLP), constitué du magnat du Canadien Pacifique William
Mackenzie et
son ingénieur Frederick Pearson, ainsi que des
capitalistes
belges.
En 1948, le bailleur de fonds de Franco, le
multimillionnaire Juan
March, s'est taillé une place à la tête de la
BTLP.
Une autre force pro-Franco importante au Canada
était la hiérarchie
réactionnaire de l'Église catholique.
L'Église
était un des principaux
propriétaires fonciers en Espagne et un proche
allié de
Franco. Le
gouvernement libéral de Mackenzie King, qui
exerçait le
pouvoir au nom
des monopoles, était prosterné devant ses vieux
maîtres en
Grande-Bretagne et ses nouveaux maîtres aux
États-Unis,
les deux ayant
adopté des législations de «
neutralité » dans l'intérêt de
leurs
propres industriels qui avaient des investissements en Espagne.
En 1953, le gouvernement des États-Unis a conclu un
pacte
pour fournir
une aide importante au régime Franco en échange de
la
mise
en place de bases américaines en Espagne.
« Écrasons le
fascisme ! »
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La guerre civile espagnole n'était pas
qu'une
guerre avec l'Espagne,
c'était une des batailles annonciatrices de la
Deuxième
Guerre
mondiale. Les deux principales puissances européennes de
l'Axe,
l'Allemagne et l'Italie, ont combattu du côté des
rebelles
fascistes
avec leurs propres objectifs, c'est-à-dire, entre autres,
un
accès aux
ressources de
l'Espagne, la capacité de menacer la France à
partir
d'une nouvelle
frontière ennemie et un meilleur accès à la
Méditerranée. La guerre
civile espagnole a été
précédée
en 1936 par l'annexion italienne de
l'Éthiopie et a été suivie de nouvelles
agressions
des puissances de
l'Axe - l'Allemagne, l'Italie et le Japon - en Mandchourie, en
Rhénanie,
en Tchécoslovaquie et en Albanie. Mais c'est en Espagne
que la
bataille
contre le fascisme a d'abord fait rage et qu'il était
encore
possible
d'arrêter l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste, et leurs
collaborateurs. Cependant, la victoire de Franco en Espagne,
facilitée
par l'inaction délibérée du Royaume-Uni,
mais
aussi
du Canada, de la
France et des
États-Unis, a incité les nazis et les fascistes
à
intensifier leurs
agressions et déclencher une guerre mondiale sanguinaire.
La
défaite
tragique des forces antifascistes héroïques en
Espagne a
marqué le
début de l'invasion nazie et de l'occupation de l'Europe
et de
la
Deuxième Guerre mondiale qui, pendant six ans, a
massacré
des millions
de
personnes.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 14 - 13 avril 2019
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