La
protection de l'eau, un enjeu électoral
Les résidents de Clearwater s'organisent
pour protéger la rivière
Site de forage de puits près de la rivière
Clearwater
Les résidents du comté de Clearwater
en
Alberta mènent une lutte pour protéger la
rivière
Clearwater, un affluent de la rivière Saskatchewan du Nord
qui
alimente les Prairies en eau potable pour les Prairies. La
rivière
Clearwater est située près de Rocky Mountain House
au
centre de l'Alberta.
En mars 2018, le géant mondial de
l'énergie Repsol Oil and Gas Inc.[1]
a sollicité un permis de 10 ans à l'Agence de
réglementation de l'Alberta (ARA) pour la
dérivation de
près de 1,8 milliard de litres d'eau par
année,
sans compter d'autres permis temporaires liés à la
rivière
Clearwater. L'eau doit servir à des fins de fracturation
hydraulique (fracking) et au forage de 280 puits sur 18 ans.
Les
résidents font valoir que ce volume d'eau serait
supérieur au volume total de toutes les exploitations de
fracturation hydraulique au pays.
Des organisateurs du groupe formé pour
protéger l'eau
soulignent que leur
communauté n'a même pas été
avisée de
la demande de la compagnie puisqu'ils n'étaient pas
perçus comme des « partenaires directs »,
ce
qui expose comment la notion même de l'intérêt
public est absente de la législation touchant aux agences
de
réglementation et comment les autorités ont le
pouvoir
arbitraire de décider quand et même
s'ils aviseront le public si une demande leur a été
faite.
Deux femmes qui vivent dans la région
depuis
plusieurs années ont décidé de frapper aux
portes
et d'informer leurs voisins lorsqu'elles ont pris connaissance de
la
demande de Repsol. Grâce à leurs efforts, plus de
cinquante résidents se sont rassemblés pour
s'opposer
à la demande et pour exhorter la province à exiger
de
Repsol qu'elle utilise
des eaux usées recyclées.
Les organisatrices font valoir que les gens
s'unissent
dans l'action, peu importe leurs « couleurs
politiques » pour protéger un aquifère
et un
important approvisionnement d'eau. Elles expliquent qu'elles ne
s'opposent pas à l'industrie du gaz et du pétrole,
puisque dans leurs rangs militent des gens qui ont
travaillé
dans l'industrie toute leur
vie. « Je n'ai jamais dit que j'étais contre
l'industrie
pétrolière. Tout ce que je sais c'est que nous ne
pouvons
vivre sans eau potable », a dit un activiste.
L'agence de réglementation a rejeté
les
préoccupations des résidents et approuvé la
demande de Repsol en janvier 2019. Environnement Alberta a
défendu la décision. Il a affirmé que
« les
permis autorisant la dérivation des eaux sont
accordés
aux demandeurs lorsqu'il y a suffisamment d'eau pour
répondre
aux besoins de l'écosystème et
aux droits des détenteurs de permis ».
Le terme « dérivation des
eaux »
prête
à confusion. L'eau potable qui sert à la
fracturation
hydraulique est injectée profondément dans le sol
pour
déplacer le pétrole et le gaz qui y est
foré, mais
une grande partie de l'eau reste dans le roc. Selon une
étude
menée par l'université de l'Alberta et
subventionnée par Ressources naturelles Canada, la plus
grande
partie de l'eau qui sert à la fracturation n'est pas
récupérée. Selon l'étude :
« On
a déterminé que près de 30 % de l'eau
injectée au cours de la fracturation hydraulique et qui
remonte
à la surface est récupérable. L'eau qui
reste est
vraisemblablement prisonnière de la
matrice rocheuse et des réseaux complexes
occasionnés par
la fracturation. »[2]
Au bas mot, 70 % de l'eau potable utilisée ne
sera pas
récupérée.
C'est ce qui est au coeur des
préoccupations des
résidents. Non seulement l'eau est-elle retirée de
la
rivière, mais elle est retirée du cycle
hydrologique.[3] L'eau qui retourne à la
surface
est contaminée par des produits liquides de la
fracturation et
tout assainissement est très dispendieux. Cette eau
représente
un risque pour les humains si elle contamine l'eau potable. Elle
représente aussi un risque pour la flore et la faune
aquatiques.
Les résidents de Clearwater poursuivent et
intensifient leur lutte et discutent avec les membres des autres
communautés de l'Alberta afin d'alerter les gens des
dangers et
de la nécessité de protéger
l'approvisionnement en
eau dans les Prairies. Récemment, des citoyens actifs au
sein de
la Coalition de Clearwater ont fait une présentation
commanditée par le Groupe des droits de la surface de
Warburg
Pembina à Warburg, une communauté au sud-ouest
d'Edmonton.
La fracturation hydraulique et les séismes
Une autre préoccupation majeure liée
à la fracturation est la provocation de petits et moyens
séismes. En 2016, Repsol a fermé son
exploitation
par
fracturation près de Fox Creek en raison d'un
séisme
d'une magnitude de 4,6 causé par la fracturation
hydraulique près d'une faille sismique qui n'avait pas
été préalablement
identifiée. Il y a eu des centaines de petits et moyens
séismes dans la région de Fox Creek ces
récentes
années depuis le début de l'exploitation par
fracturation.
Selon une étude publiée dans le
journal Science,
de
petits
séismes
peuvent
se
manifester plusieurs mois
après que l'exploitation par fracturation ait pris fin,
des
événements qui ne sont aucunement soulevés
par les
autorités albertaines.
« Équilibrer l'économie et
l'environnement »
L'agence de
réglementation de l'énergie a déclaré
pour
la nième fois qu'elle a le souci d'équilibrer
l'économie et l'environnement. En réalité,
elle ne
se soucie ni de l'économie ni de la
nécessité de
défendre la Terre Mère.
Cette façon de voir selon laquelle le fait
de
s'occuper de la Terre Mère y compris l'eau et celui de
développer
l'économie socialisée sont naturellement en
contradiction
ne tient pas la route. L'humanité fait partie de la
nature, elle
n'en est pas séparée. Les êtres humains
dépendent de la nature et par leur travail transforment la
nature pour servir leurs besoins. Mais voilà que la
relation
entre les humains et la nature est réduite à ce que
les
oligopoles comme
Repsol ont décidé pour servir leurs
intérêts
et
leur mobiles privés à la recherche du profit
maximum.
C'est l'emprise des oligarques sur la prise de
décision et le mobile de production à l'affût
du
profit maximum qui sont nuisibles aux humains et à la
Terre
Mère. La Terre Mère et les êtres humains qui
font
partie de la nature exigent une solution à ce
problème.
Ce qui bloque est la domination de l'oligarchie financière
et du
système capitaliste
qui fait en sorte que la Terre Mère et les êtres
humains
ne sont plus que des dommages collatéraux face à
l'appât
du gain d'intérêts privés.
Le peuple doit devenir le preneur de
décisions et
fixer la direction de l'économie afin de protéger
l'environnement et affirmer le droit d'être des peuples du
monde
entier.
Notes
1. Repsol Oil and Gas Canada
Inc.
est une filiale de la société mondiale espagnole
Repsol
S. A. Portant au début le nom de B.P. Canada Ltd., la
compagnie
a été rebaptisée Talisman Energy lorsque
B.P. a
vendu sa participation majoritaire dans un appel public. Talisman
est
devenu une des plus grandes
compagnies de gaz et de pétrole indépendantes. Plus
tard,
Talisman a été acquise par Repsol pour
environ 13
milliards de dollars US en 2015. Le bénéfice
net de
Repsol dans la première moitié de 2018
était
de 2,310 milliards de dollars Can.
2. Comprendre le destin
de
l'eau de fracturation non récupérée et la
source
des
sels produits afin d'optimiser les activités de
fracturation,
Université
de
l'Alberta, 2017,
Ressources
naturelles
Canada.
3. Selon le dictionnaire
Merriam
Webster, le cycle hydrologique est défini ainsi :
«
La séquence de conditions par lesquelles l'eau passe de
l'état de vapeur dans l'atmosphère à des
précipitations sur les surfaces terrestres et aquatiques
et
retourne éventuellement dans l'atmosphère à
la
suite de
l'évaporation et la
transpiration ».
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 14 - 13 avril 2019
Lien de l'article:
La
protection de l'eau, un enjeu électoral: Les
résidents de Clearwater s'organisent pour protéger
la rivière
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