Des sujets de préoccupation pour le corps politique
– Le projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain

La récidive prévisible de l'Office national de l'énergie


Manifestation à Vancouver contre la décision de l'Office national de l'énergie d'approuver le projet d'oléoduc Trans Mountain, 22 février 2019

L'Office national de l'énergie (ONÉ) a de nouveau approuvé le projet d'expansion de l'oléoduc Trans Mountain. En raison d'une contestation judiciaire de l'approbation initiale, l'ONÉ devait examiner les effets de l'augmentation du trafic de pétroliers dans la mer des Salish et elle a réitéré sa décision initiale.

Le premier ministre Justin Trudeau prétend depuis longtemps que le projet est dans l'intérêt national et un facteur important de création d'emplois, et a déclaré catégoriquement : « Il sera construit ! » Son gouvernement a depuis longtemps exprimé son enthousiasme pour le projet et a même acheté l'ancien pipeline et les projets de construction d'un nouveau pipeline des propriétaires américains qui semblaient maintenant pressés de les abandonner.

L'affaire SNC-Lavalin a permis de voir que lorsque le cabinet du premier ministre déclare que quelque chose est important pour l'emploi, pour l'intérêt national et pour les intérêts partisans du Parti libéral qui ambitionne d'être réélu, aucun organisme semi-indépendant du gouvernement ni aucun politicien ou politicienne n'est autorisé à remettre en question ou à entraver les projets du gouvernement au service de certains oligarques.

D'autres événements ont révélé pourquoi l'élite dirigeante se sent obligée de demander un pipeline supplémentaire pour transporter du pétrole brut lourd de l'Alberta au Lower Mainland de la Colombie-Britannique. L'armée américaine a besoin du brut lourd car une fois raffiné, il alimente bon nombre de ses avions, navires et véhicules. L'oléoduc Trans Mountain actuel est connecté à un autre oléoduc qui transporte une partie du pétrole brut directement dans l'État de Washington, tandis que les pétroliers peuvent également faire le plein à Burnaby et effectuer un trajet relativement court vers Washington et la Californie, où la demande des raffineries conçues pour traiter le pétrole lourd est insatiable.

Le besoin de pétrole brut lourd provenant des sables bitumineux est d'autant plus grand à la lumière des sanctions, du blocus, de l'ingérence et des menaces de guerre des États-Unis et du Canada pour un changement de régime au Venezuela. Le pétrole brut lourd de l'Alberta est semblable à celui du Venezuela. Le pétrole de l'Alberta est en partie utilisé pour réduire les achats de pétrole du Venezuela par les États-Unis et l'empêcher d'être acheminé ailleurs. Cela signifie que le pétrole albertain est soumis à un contrôle encore plus serré des impérialistes américains dans leurs campagnes et leurs guerres pour la domination du monde.

Les développements montrent que l'augmentation des expéditions de pétrole lourd vers l'Asie n'a jamais été l'intention du jumelage de l'oléoduc Trans Mountain au Lower Mainland. D'après les documents des audiences initiales de l'ONÉ, beaucoup d'intervenants ont indiqué que presque tous les acheteurs confirmés de brut de Trans Mountain étaient des raffineries américaines ou leurs mandataires. En bateau, Vancouver est beaucoup plus éloignée de l'Asie de l'Est que les ports de Prince Rupert et Kitimat, plus au nord. Dans cette optique, la décision des libéraux de Trudeau d'annuler le projet d'Enbridge Northern Gateway de construire un pipeline double reliant Bruderheim, en Alberta, à Kitimat, en Colombie-Britannique, apparaît suspecte. En 2014, le gouvernement fédéral de Stephen Harper avait approuvé le projet Gateway qui, selon beaucoup d'observateurs, faciliterait le transbordement vers l'Asie.

En plus de bloquer le pipeline Northern Gateway, le gouvernement Trudeau a accru les pressions en faveur de l'expansion du pipeline Trans Mountain vers Vancouver lorsqu'il a adopté le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, en 2018. En effet, celle-ci interdit la circulation des pétroliers au large de Prince Rupert et de Kitimat, sans toutefois interdire les navires-citernes transportant du gaz naturel liquéfié ou les navires transportant d'autres cargaisons, y compris certaines marchandises désignées comme dangereuses. Ironiquement, l'escalade de la campagne des États-Unis et du Canada pour un changement de régime au Venezuela pourrait amener les libéraux de Trudeau à relancer le projet Northern Gateway et à abroger la Loi C-48 pour permettre aux impérialistes américains de faire pression sur les Asiatiques pour qu'ils achètent du pétrole brut provenant de Vancouver et de Kitimat plutôt que le pétrole lourd vénézuélien. Des rapports indiquent que la Chine et la Corée du sud ont récemment acheté plusieurs pétroliers du terminal de Westridge à prix réduit.[1]

Dans son rapport réitérant l'approbation de l'oléoduc Trans Mountain, l'ONÉ note l'impact négatif de l'augmentation du trafic de pétroliers au large de la côte sud de la Colombie-Britannique, mais rejette toute préoccupation en faveur de l'approbation du projet. « En dépit du fait que ces effets aient pesé lourd dans son réexamen du transport maritime connexe au projet, lit-on dans le rapport, l'Office recommande au gouvernement du Canada de considérer qu'ils peuvent être justifiés dans les circonstances, vu les avantages considérables du projet et les mesures proposées pour réduire au minimum les incidences. »

De nombreux habitants du Lower Mainland ont fait part de leurs inquiétudes face à l'intensification des transports maritimes dans la baie de Burrard, qui menace entre autres l'industrie touristique de Vancouver, les nombreuses plages, les randonnées sur des digues, la navigation de plaisance et la vie marine. Avec l'expansion de l'oléoduc, le nombre de navires-citernes se rendant au terminal maritime Westridge à Burnaby passera de cinq à trente-huit navires-citernes par mois et les navires seront beaucoup plus gros.

L'approbation de Trans Mountain par l'ONÉ est maintenant entre les mains du cabinet fédéral, qui a bien entendu déjà acheté le pipeline pour en faire une société d'État et qui en fait constamment les louanges. De nombreux observateurs estiment que pour des raisons partisanes, Trudeau attendra après les élections fédérales d'octobre avant d'approuver le projet.

L'opposition au projet Trans Mountain n'a pas du tout diminué, les nations autochtones et d'autres résidents de la Colombie-Britannique, en particulier du Lower Mainland, s'y opposant avec véhémence et refusant de donner leur consentement. Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a examiné les arguments économiques, politiques, sociaux et environnementaux du projet et les a jugés insuffisants.[2] Le projet est destiné à alimenter l'économie de guerre des États-Unis et à répondre à leur demande insatiable de pétrole dans leurs opérations militaires pour l'hégémonie mondiale et le changement de régime là où ils veulent, ce qui représente un grave danger pour l'humanité tout entière. Les Canadiens veulent une alternative à l'intégration au système d'États et à l'économie de guerre impérialistes américains. Un aspect important de la recherche d'une alternative est l'opposition à la direction actuelle.

Notes

1. De S & P Global Platts :

« Trois cargaisons de fret brut chargées de Vancouver en novembre ont été achetées par des sociétés chinoises. La première cargaison, le 10 novembre, a été prise par la China National Offshore Oil Corporation, ou CNOOC, a indiqué une source connaissant bien l'affaire.

« La CNOOC avait également affrété un pétrolier Aframax, le Nordtulip, pour expédier le brut du terminal Westridge à Vancouver chargé le 13 octobre à destination de la Chine, à un taux forfaitaire de 1,2 million de dollars, a indiqué la source.

« Les négociants chinois ont indiqué que la CNOOC aurait pu acheter le pétrole lourd sulfureux de Cold Lake ou celui de Western Canadian Select, mais un responsable de la société a refusé de commenter l'achat de pétrole lourd sulfureux canadien.

« La dernière série d'achats de brut canadien a suivi le déclin rapide de la production australienne de brut lourd non sulfureux, de pair avec un net ralentissement des importations chinoises de brut lourd en provenance du Venezuela.

« ChemChina est généralement en tête des achats de brut lourd australien par le secteur indépendant, mais c'est une tendance qui se termine [en raison de la disponibilité limitée] ... 'Il n'est pas surprenant de voir la Chine chercher du pétrole brut lourd jusqu'au Canada', de dire un négociant du brut non sulfureux de Beijing.

« En plus des utilisateurs finaux chinois, les raffineurs sud-coréens avaient également récupéré quelques cargaisons de Cold Lake Blend plus tôt cette année.

« Les sanctions imposées par les États-Unis à la PDVSA, une entreprise publique du Venezuela, pourraient bloquer les exportations en janvier d'environ 500 000 b/j de brut vénézuélien à destination des raffineries américaines de la côte du Golfe. Pour les acheteurs asiatiques, cela signifierait que les livraisons de brut d'Arabie saoudite et d'Iraq qui seraient normalement acheminées dans la région seraient détournées vers les États-Unis. »

2. LML a publié de nombreux rapports sur le projet d'oléoduc Trans Mountain et sur l'intégration du secteur énergétique canadien à l'économie de guerre des États-Unis. Plusieurs de ces articles sont énumérés ci-dessous par ordre chronologique :

- « Le débat sur la question des pipelines : Une nouvelle direction de l'économie s'impose » - Peggy Morton, LML 2 février 2016

- « Les jugements au sujet des oléoducs Northern Gateway et Trans Mountain Pipelines : À qui doit appartenir la souveraineté dans une nation moderne ? » - Peggy Morton, LML 10 août 2016

- « L'approbation du projet de Kinder Morgan et de la canalisation 3 d'Enbridge : L'émergence de deux Canadas très distincts et différents » - Philip Fernandez, LML 10 décembre 2016

- « Le tapage au sujet des oléoducs » - Peggy Morton, LML 4 mars 2017

- « Opposition à l'expansion illégale du gazoduc sur le territoire traditionnel de Kanien'kehá :ka », LML 3 octobre 2017

- « Dispute entre la Colombie-Britannique et l'Alberta au sujet de l'oléoduc Trans Mountain : Diviser le corps politique pour servir les intérêts privés qui rivalisent entre eux », LML 24 février 2018

- « La controverse sur l'oléoduc Trans Mountain continue : Conflit d'intérêts entre les monopoles de l'énergie et les travailleurs » - Peggy Morton, LML 10 mars 2018

- « Marche et rassemblement à Burnaby contre le prolongement de l'oléoduc Kinder Morgan : Des milliers de personnes déclarent : Pas de consentement ! Pas d'oléoduc ! », LML 17 mars 2018

- « Opposition au projet d'oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan : Pas de consentement, pas d'oléoduc ! » - K.C. Adams, LML 21 avril 2018

- « Un élément majeur des négociations de l'ALÉNA : L'alimentation de la machine de guerre des États-Unis » - K.C. Adams, LML 26 mai 2018

- « Le gouvernement Trudeau achète le pipeline Trans Mountain dans un stratagème à grande échelle pour payer les riches », LML 2 juin 2018

- « La Cour d'appel fédérale annule l'approbation de l'expansion du pipeline Trans Mountain » - Peggy Morton, LML 8 septembre 2018

- « La définition du gouvernement Trudeau de « bien faire les choses » - Peggy Morton, LML 13 octobre 2018

- « Encore un effondrement des prix du pétrole en Alberta: Le besoin de la politique et de la vision moderne de la classe ouvrière » - Dougal MacDonald, LML 1er décembre 2018


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 9 - 9 mars 2019

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