L'histoire de la Journée internationale des femmes

Lieu historique à Copenhague, au Danemark, où les femmes du monde entier se sont
réunies pour la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes en 1910
et ont adopté la résolution établissant la Journée internationale des femmes.

En 1910, il y a 109 ans, une résolution était adoptée par la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, au Danemark, créant la Journée internationale des femmes. Parmi les 100 femmes déléguées provenant de 17 pays participants se trouvaient les trois premières femmes élues au Parlement de la Finlande. La résolution fut présentée par la communiste allemande Clara Zetkin, qui avait d'abord proposé l'idée d'une manifestation annuelle en appui aux travailleuses et aux droits des femmes à la première Conférence internationale des femmes socialistes à Stuttgart, en Allemagne en 1907.

Cette deuxième Conférence internationale des femmes socialistes réaffirma les principes adoptés à la première conférence sur le suffrage féminin. Ces principes établirent le cadre de la résolution visant à créer une Journée internationale des femmes qui portait sur la question des droits politiques des femmes.

Le document indique en partie :


La communiste allemande Clara Zetkin (1857-1933) est l'auteur de la proposition initiale de la Journée internationale de la femme en 1910. Elle était active dans le Parti social-démocrate d'Allemagne jusqu'en 1916, lorsqu'elle a cofondé la Ligue Spartacus du Parti. En 1919, elle s'est jointe au Parti communiste d'Allemagne, qu'elle a représenté au Reichstag de 1920 à 1933.

« Le mouvement des femmes socialistes de tous les pays répudie le droit de vote limité des femmes comme une falsification et une insulte au principe de l'égalité politique du sexe féminin. Il lutte pour la seule expression vivante concrète de ce principe : le suffrage universel de la femme ouvert à tous les adultes et lié par aucune condition de la propriété, du paiement des impôts, du niveau d'éducation ou toutes autres qualifications, qui excluent les membres de la classe ouvrière de la jouissance de ce droit. Elles continuent leur lutte, pas en alliance avec les réformistes du droit bourgeois des femmes, mais en alliance avec les partis socialistes et elles luttent pour le suffrage de la femme comme une des exigences qui, du point de vue du principe et de la pratique, est la plus importante pour la démocratisation du suffrage. »

Déclarant que les partis socialistes dans tous les pays sont « tenus de se battre avec énergie pour l'introduction du vote des femmes », il affirme que le mouvement des femmes socialistes doit prendre part aux luttes organisées par les partis socialistes pour la démocratisation du suffrage, tout en s'assurant que dans ce combat, « il faut insister sur la question du suffrage universel des femmes à cause de son importance d'un point de vue des principes et de la pratique ».

La résolution visant à créer la Journée internationale de la femme déclare que :

« Afin de faire progresser l'émancipation politique des femmes, il est du devoir des femmes socialistes de tous les pays d'agiter infatigablement selon les principes ci-dessus mentionnés au sein des masses laborieuses ; de les éclairer par des discours et la littérature sur la nécessité sociale et l'importance de l'émancipation politique du sexe féminin et utiliser donc toutes les occasions de le faire. En menant cette propagande, elles doivent tirer le meilleur parti en particulier des élections à toutes sortes d'institutions politiques et publiques ».

Les déléguées ont résolu que :

« En accord avec les organisations politiques et syndicales du prolétariat, qui sont animées d'une conscience de classe dans leur pays, les femmes socialistes de toutes nationalités ont à organiser une Journée de la femme spéciale qui, en première ligne, doit promouvoir la propagande pour le suffrage des femmes. Cette demande doit être discutée en relation avec toute la question de la femme selon la conception socialiste des choses sociales. »

L'année précédente, une « Journée de la femme » avait été organisée aux États-Unis, le dernier dimanche de février 1909, par le Comité national des femmes du Parti socialiste américain. Elle fut marquée par des manifestations pour les droits des femmes, notamment pour le suffrage des femmes ainsi que les droits des travailleuses, notamment dans l'industrie du vêtement. Cette journée de la femme a honoré les milliers de femmes impliquées dans les nombreuses grèves dans les premières années du XXe siècle dans plusieurs villes, dont Montréal, Chicago, Philadelphie et New-York. Ce fut une période où les femmes se sont jointes à la population active par milliers et ont lutté aux côtés des hommes pour s'organiser collectivement et améliorer leurs conditions brutales de travail.

Plus tard, en 1909, les travailleurs de l'industrie du vêtement à New-York - dont 80 % étaient des femmes - ont quitté leur travail et ont marché pour les droits syndicaux, des salaires décents et des conditions de travail dans ce qu'on a appelé le « soulèvement des 20 000 ». L'arrêt de travail avait été appelé « grève du mouvement des femmes » et s'est poursuivi du 22 novembre 1909 jusqu'au 15 février 1910. La Ligue syndicale des femmes a fourni le cautionnement pour les grévistes arrêtés et d'importantes sommes pour les fonds de grève durant l'arrêt de travail.

Premières célébrations de la Journée internationale de la femme

Le 19 mars 1911 était la date fixée pour la première Journée internationale de la femme par la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes et, mettant en pratique leur résolution, des rassemblements organisés ce jour-là en Autriche, au Danemark, en Allemagne et en Suisse furent suivis par plus d'un million de femmes et d'hommes. « Le vote pour les femmes unira notre force dans la lutte pour le socialisme » était l'appel de ces rassemblements. En plus de la revendication du droit d'élire et d'être élues, elles réclamaient le droit au travail et à la formation professionnelle et la fin de la discrimination au travail. Une femme socialiste écrivait à l'époque :
« La première Journée internationale de la femme a eu lieu en 1911. Son succès a dépassé toutes les attentes. Lors de la Journée de la femme travailleuse, l'Allemagne et l'Autriche ont été témoin du bouillonnement d'une mer houleuse de femmes. Des réunions ont été organisées partout - dans les petites villes et même dans les villages, les salles étaient si bondées qu'elles ont dû demander aux travailleurs masculins de céder leur place aux femmes.

« Ce fut certainement la première démonstration du militantisme des travailleuses. Pour faire changement, les hommes sont restés à la maison avec les enfants et les épouses, les ménagères en captivité, sont allées aux réunions. Pendant les plus grandes manifestations de rue, dans lesquelles 30 000 femmes prenaient part, la police a décidé de retirer les bannières des manifestantes, les travailleuses ont pris position et résisté. Dans la bagarre qui a suivi, un bain de sang a été évité grâce à l'intervention des députés socialistes au Parlement. »

L'année suivante, les femmes en France, aux Pays-Bas et en Suède prirent part à des actions pour marquer la Journée internationale de la femme. Dans la période précédant la déclaration de la Première Guerre mondiale, la célébration de la Journée internationale de la femme s'opposa à la guerre impérialiste et exprima la solidarité entre les travailleuses de pays différents en opposition à l'hystérie chauvine nationale des cercles dirigeants. En Europe par exemple, la Journée internationale de la femme était l'occasion d'envoyer des conférencières d'un pays dans un autre pour offrir leurs salutations.

Les femmes russes célébrèrent leur première Journée internationale de la femme le dernier dimanche de février 1913 (dans le calendrier julien, ce qui correspondait au 8 mars dans le calendrier grégorien en usage ailleurs), sous les conditions brutales de la réaction tsariste. Il n'y avait aucune possibilité que des femmes organisent des manifestations ouvertes mais, dirigées par les femmes communistes, elles ont trouvé des façons de célébrer cette journée. Des articles sur la Journée internationale de la femme furent publiés dans les deux journaux légaux des travailleurs de l'époque, y compris les salutations de Clara Zetkin et autres.

Un essai écrit en 1920 par une militante communiste de l'époque décrit la célébration de 1913 :

« Durant ces années sombres, les réunions étaient interdites. Mais à Petrograd, à la Bourse Kalashaikovsky, ces travailleuses qui appartenaient au Parti ont organisé un forum public sur « La question féminine ». Le prix d'entrée était de cinq kopecks. C'était une réunion illégale mais la salle était remplie. Des membres du Parti ont pris la parole. Mais cette réunion animée 'fermée' était à peine terminée que la police, alarmée au sujet de la tenue d'une telle réunion, est intervenue et a arrêté plusieurs oratrices.

« C'était d'une grande importance pour les travailleurs du monde que les femmes de Russie, qui vivaient sous la répression tsariste, devraient y participer et en quelque sorte reconnaître par des actions la Journée internationale de la femme. C'était un signe encourageant que la Russie se réveille et que les prisons et potences tsaristes soient impuissantes à vaincre l'esprit de lutte et de protestation des travailleurs. »

Les femmes en Russie continuèrent de célébrer la Journée internationale de la femme de diverses manières au cours des années suivantes. Beaucoup de celles engagées dans l'organisation se retrouvèrent dans les prisons tsaristes alors que le slogan « pour le vote aux travailleuses » devenait un appel ouvert pour le renversement de l'autocratie tsariste.

Le premier numéro de Femme ouvrière (Rabotnitsa), une revue pour les femmes de la classe ouvrière, fut publié en 1914. La même année, le Comité central bolchevik décida de créer un comité spécial chargé d'organiser des réunions pour la Journée internationale de la femme. Ces réunions eurent lieu dans les usines et lieux publics pour discuter des questions liées à l'oppression des femmes et pour élire les représentantes parmi celles qui participèrent à ces discussions et adoptèrent des propositions pour travailler sur le nouveau comité.

Journée internationale de la femme de 1917 en Russie


Manifestation de la Journée internationale des femmes à la fabrique Putilov à Petrograd en 1917

En Russie, en 1917, la Journée internationale de la femme était un moment de lutte intense contre le régime tsariste. Les travailleurs, y compris les travailleuses des industries du textile et de la métallurgie, étaient en grève dans la capitale et l'opposition à la participation de la Russie à la guerre impérialiste qui faisait rage en Europe grandissait. Le 8 mars (23 février dans le calendrier julien), des milliers de femmes descendirent dans les rues de Saint-Pétersbourg dans une grève pour le pain et la paix. Les ouvrières d'usine, rejointes par les épouses de soldats et d'autres femmes, exigèrent « Du pain pour nos enfants » et « Le retour de nos maris des tranchées ». Cette journée a marqué le début de la Révolution de Février, qui a conduit à l'abdication du tsar et à la mise en place d'un gouvernement provisoire.
Le gouvernement provisoire décréta le suffrage universel et reconnut des droits égaux pour les femmes. Suite à la Révolution d'Octobre 1917, le gouvernement bolchevique mit en oeuvre une législation plus avancée qui garantissait dans les lieux de travail le droit des femmes de participer directement à l'activité sociale et politique. Celle-ci éliminait tous les obstacles formels et concrets qui, auparavant, auraient signifié la subordination de leur activité sociale et politique, ainsi que leur soumission aux hommes. Une nouvelle législation sur l'assurance maternité et la santé fut proposée et approuvée en décembre 1917. Un fonds public d'assurance fut créé, sans aucune retenue sur les salaires des travailleurs, qui bénéficiait à la fois aux travailleuses et aux épouses des travailleurs. Cela signifiait que les femmes étaient maintenant traitées à part égale alors que ni elles ni leurs enfants n'étaient dépendants des conjoints et des pères pour leur bien-être.

Après 1917

Le 8 mars, en tant que Journée internationale de la femme, est devenue officiel en 1921 lorsque les femmes bulgares participant au Secrétariat des femmes de l'Internationale communiste proposèrent une motion qu'elle soit célébrée de manière uniforme dans le monde ce jour-là. Le 8 mars fut choisi afin de souligner le rôle joué par les femmes russes dans la révolution dans leur pays, et à travers leurs actions, dans la lutte des femmes pour leur émancipation à l'échelle internationale.
Le premier rassemblement de la Journée internationale de la femme en Australie a eu lieu en 1928. Il a été organisé par les femmes communistes là-bas et a exigé une journée de huit heures, un salaire égal pour un travail égal, les congés payés annuels et un revenu décent pour les chômeurs.

Les femmes espagnoles ont manifesté contre les forces fascistes du général Francisco Franco pour célébrer la Journée internationale de la femme en 1937. Les femmes italiennes ont célébré en 1943 la Journée internationale de la femme par des manifestations militantes contre le dictateur fasciste Benito Mussolini qui envoyait leurs fils mourir durant la Deuxième Guerre mondiale.

De cette façon, depuis 1917, la Journée internationale de la femme a été à la fois une journée de célébration de la lutte des femmes pour se donner un pouvoir d'agir et une journée pour réaffirmer la lutte pour les droits des femmes qui se poursuit jusqu'à ce jour et en opposition à la guerre impérialiste et à l'agression. Son esprit a toujours été que pour gagner les droits des femmes et la lutte pour la sécurité et la paix, les femmes doivent se mettre au premier rang du combat et des gouvernements qui représentent ces demandes.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 9 - 9 mars 2019

Lien de l'article:
L'histoire de la Journée internationale des femmes - Janice Murray


    

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