Des fonds publics pour une compagnie
privée de raffinage partiel

Le gouvernement de l'Alberta va fournir une garantie de prêt de 440 millions $ à l'entreprise privée Value Creation. La compagnie veut construire une préraffinerie traitant 77 500 barils par jour dans le complexe de Heartland à l'est d'Edmonton.

Le programme de préraffinage du gouvernement albertain comprend des incitatifs financiers d'une valeur de 1 milliard $ pour des intérêts privés qui vont construire entre deux et cinq préraffineries. Value Creation sera la première à le faire à un prix de construction évalué à 2 milliards de dollars.

À l'heure actuelle, il y a environ 1 million de barils de bitume qui est préraffiné par jour en pétrole brut synthétique léger en Alberta, et le reste est expédié aux raffineries des États-Unis sous forme de dilbit. Le bitume préraffiné représente environ 40 % du bitume produit en Alberta. Le reste est dilué avec du condensat, d'où le nom de dilbit, et vendu à des raffineries à l'extérieur de l'Alberta sans préraffinage.

Le préraffinage du bitume en pétrole brut synthétique est considéré comme désuet parce que les États-Unis sont saturés de pétrole léger produit par fracturation de dépôts de schistes bitumineux.
Les développements technologiques ont rendu non nécessaires ce genre de préraffineries qui produisent du brut léger sur le site même ou dans des sites à proximité des mines ou des sites de forage.[1]

Le pétrole lourd est utilisé comme source de carburant d'avions, de diesel et d'autres produits essentiels à l'industrie de guerre et aux opérations militaires actives. Cela crée une demande pour le pétrole lourd de l'Alberta sur la côte du Golfe qui est le centre du raffinage aux États-Unis, de même qu'en Californie et dans l'État de Washington. Le jumelage de l'oléoduc de Trans Mountain d'Edmonton à Vancouver répond à la demande des raffineries de la côte ouest des États-Unis et des forces armées américaines qui veulent du pétrole lourd pour alimenter l'économie de guerre des États-Unis, la culture de l'automobile en Californie et le transport aérien des États-Unis.

Le raffinage partiel du bitume pour faciliter son écoulement dans les oléoducs sans diluants est présentement testé dans divers projets pilotes. Il y a au moins 10 technologies différentes dans ce nouveau processus. Les oligopoles mondiaux de l'énergie qui contrôlent les projets des sables bitumineux considèrent que cette nouvelle technologie est importante parce qu'en rendant non nécessaire l'utilisation des diluants, elle augmente la capacité des oléoducs de plus d'un tiers.

Le raffinage partiel enlève les asphaltènes et une grande partie du souffre et des métaux lourds, et produit du brut moyen et du diesel à très faible teneur en souffre qui peut être expédié sans recours au solvant. Les expéditeurs n'ont plus à payer de frais pour le diluant dans les oléoducs, qui occupe un tiers du volume de l'oléoduc. Plusieurs opinions divergentes existent sur la question du pétrole partiellement raffiné, s'il va se vendre plus cher, à quel prix et si le prix sera stable.[2]

La compagnie Value Creation prétend que le pétrole partiellement raffiné réduit les émissions globales de gaz à effet de serre (GES), mais aucune preuve de cela n'a été présentée. Le raffinage partiel au Canada va nécessairement accroître les émissions globales de GES au pays.

Alors que le raffinage partiel a comme objectif d'augmenter les exportations de bitume par oléoduc, on est en droit de se demander pourquoi le gouvernement de l'Alberta considère ce développement comme une forme de diversification de l'économie. En fait, ces manoeuvres pour payer les riches ne visent pas à développer une nouvelle direction de l'économie ou à prendre des mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou l'utilisation des combustibles à base de carbone. Ce raffinage partiel alimente l'économie de guerre et les actions des forces armées qui sont les plus grands pollueurs au monde et un danger pour l'humanité et l'environnement.

Notes

1. La technologie qui est utilisée maintenant dans les mines de sables bitumineux élimine presque entièrement l'eau et les solides fins qui étaient très présents dans les procédés précédents. La présence de l'eau et des solides fins rendait nécessaire la présence d'une préraffinerie sur le site même ou très près de la mine en raison des problèmes d'érosion et de corrosion.

2. Selon le Oil Sands Magazine, le prix ne va pas nécessairement augmenter tandis que selon l'École de Politique publique de l'Université de Calgary, le prix devrait augmenter de 13 à 19 $ le baril.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 9 - 9 mars 2019

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