Les déploiements militaires en Amérique latine et dans les Caraïbes

Le groupement tactique prêt à attaquer


Le groupe d'attaque du porte-avion USS Abraham Lincoln quitte Norfolk,
en Virginie, le 28 janvier 2019.

La Marine des États-Unis a déployé l'USS Abraham Lincoln, dont le port d'attache est à Norfolk (Virginie), et son escorte meurtrière de croiseurs et de destroyers dans le cadre d'exercices baptisés COMPTUEX destinés à certifier l'état de préparation au combat de la flotte avant le début d'une mission. Les agences de presse ont rapporté que la destination du déploiement était inconnue, mais les consultants militaires Stratfor et Southfront ont localisé le groupe d'attaque aéronavale (CSG) dans l'Atlantique, au large de la côte de la Floride, a rapporté le Maritime Herald. Comme les manoeuvres d'entraînement COMPTUEX ont commencé le 25 janvier et durent en moyenne un mois, et que le groupe d'attaque aéronavale aurait fait des exercices de passage de détroits, une manoeuvre nécessaire pour entrer dans la mer des Caraïbes, ce groupe d'attaque est prêt à être déployé contre le Venezuela.

Les porte-parole du commandement Sud des États-Unis (SOUTHCOM) ont déclaré le 20 février que le commandement était prêt à faire face à « tous les types de scénario » au Venezuela.

De plus, les experts soulignent qu'une attaque contre le Venezuela peut même être menée à partir de bases situées dans la partie continentale des États-Unis. Ils soulignent également que, en aucun cas, les États-Unis pourraient agir en toute impunité, compte tenu des systèmes de défense dont disposent les militaires vénézuéliens

La flotte est composée du porte-avions USS Abraham Lincoln (CVN-72), du croiseur missile USS Leyte Gulf de classe Ticonderoga et des destroyers de classe Arleigh Burke USS Bainbridge, USS Gonzalez, USS Mason et USS Nitze, auxquels s'ajoute la frégate de l'Armada espagnole Méndez Núñez.

L'USS Abraham Lincoln, un porte-avions nucléaire de classe Nimitz, exploite l'Escadron aérien embarqué (CVW) 7, équipée de Lockheed F-35C Lightning II, le chasseur-bombardier le plus perfectionné de l'arsenal américain. Un observateur souligne que cet avion a « un rayon d'action important, même s'il a une histoire connue de défaillances techniques et d'inadéquations au cours de sa mise en service ».

« Les CSG ont des capacités multi-plate-forme pour opérer partout et à tout moment, et en plus de la flexibilité et de la durabilité nécessaires pour mener des guerres à grande échelle et assurer la liberté des mers, les CSG [Groupes d'attaque avec porte-avions] sont des symboles visibles et puissants de l'engagement des États-Unis envers leurs alliés, partenaires et amis », lit-on dans un communiqué de presse officiel de la Marine des États-Unis.

Les États-Unis possèdent actuellement 76 bases militaires en Amérique latine et dans la mer des Caraïbes. Parmi les plus connus figurent 12 bases au Panama, 12 bases à Porto Rico, 9 bases en Colombie et 8 bases au Pérou, la plupart des autres des 35 bases sont situées en Amérique centrale et ailleurs, y compris la base de Guantánamo sur la partie du territoire occupé de Cuba.


Le déploiement des groupes d"attaque de la Marine américaine
dans le monde au début de 2019

Le plan « Coup de Maître » du SOUTHCOM des États-Unis

Il y a un an, le 23 février 2018, l'amiral Kurt W. Tidd, alors commandant en chef du SOUTHCOM, a publié le plan militaire d'invasion et de conquête du Venezuela appelé « Coup de maître ». Ce plan militaire atteste que l'image internationale de la crise humanitaire au Venezuela est entièrement fabriquée pour atteindre l'objectif prémédité d'un changement de régime.[1] Depuis, l'impérialisme américain a continuellement augmenté le rythme et la portée des opérations militaires de grande envergure (Tradewinds, Panamax et le plus grand, UNITAS) dans les Caraïbes conjointement avec les forces de l'OTAN, notamment de la Grande-Bretagne, du Canada et des régimes vendus de pays comme la Colombie et le Brésil.

Un centre de guerre navale des forces spéciales des États-Unis (p. ex., les unités Seal) opère à partir de la base navale colombienne à la ville portuaire de Carthagène des Indes, sur la côte de la mer des Caraïbes. Les Forces canadiennes ont participé aux exercices annuels UNITAS 2018, dirigés par les États-Unis, à des opérations dans le sud de la mer des Caraïbes ainsi que sur la côte du Pacifique à la fin d'août et au début de septembre 2018. Parallèlement, Amphibie UNITAS 2018 s'est tenue à Rio de Janeiro, Brésil, du 20 au 25 août 2018.

Cette année, des unités militaires ou des observateurs de 23 pays y ont participé. La Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l'Espagne et la Pologne, pays membres du bloc de l'OTAN - et la Thaïlande - ont participé à l'un ou à l'autre de ces exercices. Il est à noter qu'en janvier 2018 des unités de l'armée américaine ont été déployées au Panama. Ce contingent militaire y est resté jusqu'à la fin des élections présidentielles au Venezuela, en mai 2018, sous prétexte de « protéger le canal de Panama ».

Le contexte

En 1999, après 80 ans d'occupation, le gouvernement américain a été contraint de fermer sa base aérienne Howard au Panama qui était un centre majeur de ses opérations militaires dans la région. Sous prétexte de renforcer les missions de lutte contre les stupéfiants, les États-Unis ont établi trois petites bases, ce qui a permis d'accroître leurs capacités de surveillance aériennes et navales sur l'ensemble des Caraïbes et de l'Amérique du Sud.

Le 1er mai 1999, les États-Unis ont commencé leurs activités à partir de ces sites d'opérations avancés (FOL) situés au Salvador, à Curaçao et à Aruba, ainsi qu'à Manta, en Équateur, qui a ensuite été fermé par ce pays en 2009 en raison de son activité subversive.

En 2008, la Marine américaine a réactivé sa quatrième flotte basée à Norfolk en Virginie, dont le rôle est de sillonner les eaux de l'Amérique du Sud et des Caraïbes.

La place de Curaçao, du Brésil et de la Colombie
dans la militarisation des Caraïbes

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Les îles des Antilles néerlandaises sont situées au large des côtes du Venezuela. Curaçao est la plus grande et la plus peuplée de toutes. Ce sont des néo-colonies, les Pays-Bas contrôlent la défense et la politique étrangère. Le département d'État des États-Unis les classe dans la « troisième frontière des États-Unis » et les considère comme une extension du SOUTHCOM des États-Unis. Elles sont également liées à l'OTAN en raison de l'appartenance des Pays-Bas à cette alliance.

Les États-Unis ont une importante base militaire stratégique à Curaçao, qu'ils utilisent pour mener des missions d'espionnage, de reconnaissance et de surveillance dans la région. Décrit comme un « site de sécurité coopérative » (anciennement connu sous le nom de FOL), cette base est située à l'aéroport international de Hato, également appelé aéroport international de Curaçao. Elle héberge un système de contrôle et d'alerte aéroporté et un avion de transport près de la base aéronavale royale néerlandaise. L'aéroport possède la troisième plus longue piste commerciale de la région des Caraïbes.

Les vols d'espionnage américains au-dessus des bases militaires vénézuéliennes à partir de Curaçao sont un exemple de l'utilisation de cette base. Ces vols ont débuté en 2005 et ont montré que le rôle du FOL dans la lutte contre le trafic de drogue n'était qu'un stratagème. En 2006, l'opération militaire massive « Lion des Caraïbes » menée par les Pays-Bas s'y est déroulée, avec la participation des Forces canadiennes.

En 2007, le « Partenariat des Amériques 2007 » a été lancé - une mission navale de six mois dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes d'une force opérationnelle américaine.[2]

Plus récemment, l'amiral Craig Faller, le nouveau commandant du SOUTHCOM, s'est rendu à Curaçao du 13 au 14 février, après des discussions avec l'état-major militaire du Brésil en février.[3]


Des avions militaires américains au site d'opération avancée de l'aéroport international de Curaçao en 2011

Cette visite au Brésil est significative, car en août 2018 le secrétaire de la Défense des États-Unis, James Mattis, avait choisi le Brésil pour sa première tournée en Amérique du Sud. Parmi les sujets abordés lors de cette visite figurait la participation des États-Unis à la base d'Alcântara, qui a une grande importance stratégique en raison de sa proximité du Venezuela et de l'Afrique occidentale. L'accès à cette base que les États-Unis avait auparavant été révoqué par les gouvernements de Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2011) et Dilma Rousseff (2011-2016), décision qui a été renversée par un coup d'État mené par les États-Unis.

Cet accès ne pouvait être rétabli qu'après le 1er janvier 2019, date de l'entrée en fonction du président réactionnaire Jair Bolsonaro.

L'organisation d'un « centre humanitaire » à la frontière sud du Venezuela était le sujet des réunions du commandant de SOUTHCOM, l'amiral Craig Faller, avec des généraux brésiliens les 11 et 12 février. Les généraux américains et brésiliens ont désigné deux centres au Brésil comme centre d'opérations. Pacaraima se trouve à la frontière et possède un « aéroport régional ». L'automne dernier, des dizaines de réfugiés vénézuéliens innocents ont été battus à cet endroit et la frontière a été fermée - par le Brésil. Le deuxième centre, Boa Vista, se trouve à 216 km au sud de Pacaraima et dispose d'un aéroport international. Une grande autoroute à péage nord-sud, Troncal No 10, relie Pacaraima, la ville de Guyana (603 km) à Caracas.


L'amiral Craig Faller, commandant du SOUTHCOM des États-Unis (au centre), rencontre ses homologues brésiliens le 12 février 2019.

Par ailleurs, le général Mark Stammer, commandant de l'armée Sud, est arrivé le 4 février à Bogotá, en Colombie, pour rencontrer les responsables de l'armée et de la police et « examiner les questions relatives à la frontière ». L'armée Sud fait partie du SOUTHCOM et a été créée pour mener des opérations en Amérique latine. Elle est responsable de 31 États et de 15 territoires d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud et des Caraïbes.[4]

Les activités militaires britanniques dans la région


Le Mounts Bay de la Royal Fleet Auxiliary amarré à Curaçao le 5 février 2019

Le navire de la marine britannique RFA Mounts Bay, un navire de débarquement géant de la Royal Fleet Auxiliary, a passé le Nouvel An à Miami, et, pour la première fois, a accueilli à son bord pour la première fois un hélicoptère des Garde-côtes américains. Il a ensuite navigué vers le sud et s'est amarré à Caracas Baii dans l'île de Curaçao le 21 janvier. La Royal Navy affirme qu'elle collaborait avec l'escadron tactique d'interdiction héliporté de la Garde côtière américaine et son équipe d'arraisonnement de lutte aux stupéfiants, relevant de SOUTHCOM. La « lutte aux stupéfiants » sert entre autres d'écran de fumée pour légitimer la présence navale des États européens, qui ont des intérêts coloniaux et néocoloniaux dans les Caraïbes et en Amérique latine.

En plus de « ses effectifs réguliers de soldats opérant ses barges à propulsion de type Mexeflote », Naval Today rapporte que « le navire de classe Bay dispose d'une équipe de 20 personnes provenant du 24 Commando Royal Engineers - soi-disant « Commandos des Caraïbes ». - et un équipage d'hélicoptère Wildcat du 815e Escadron aéronaval ». Ces forces peuvent occuper et contrôler le littoral de n'importe quel pays d'où lancer des attaques aériennes et terrestres contre des cibles situées dans les pays de la région, débarquer leurs soldats et soutenir leur avancée.

En janvier et en février, des marines britanniques se sont entraînés dans la jungle du Belize. Le ministère de la Défense a décrit leur déploiement comme une « opération de routine ». Leur arrivée à la mi-janvier coïncidait avec l'intensification de la campagne de la Grande-Bretagne contre le Venezuela.

Initialement, les marines étaient stationnés à la base de soutien à l'entraînement de l'armée britannique au Belize, une base permanente adjacente à l'aéroport international du pays, qui devait être mise en veille en 2010, mais qui est redevenue active en 2015. Ces marines sont issus de la compagnie A du 40e Commando, une unité hautement qualifiée spécialisée dans le combat rapproché et « très prête à être mise en oeuvre par le ministère de la Défense britannique en cas de crise ».

Des marines britanniques au Belize
le 2 février 2019

Sur les photos ci-contre on voit les marines effectuant des exercices de combat, y compris l'évacuation des blessés. Les marines du 40e Commando ont été parmi les premières troupes britanniques à débarquer en Irak lors de l'invasion de 2003.

Ils sont actuellement accompagnés de sapeurs du 59e escadron de génie du Royal Engineers, qui fournissent un « appui technique en combat rapproché », ainsi que de membres de Condor Troop, une unité normalement basée en Écosse.

Les forces aériennes de Grande-Bretagne sont également actives dans la région.

Les données de vol montrent qu'un avion de transport de la RAF en provenance de Brize Norton a atterri à Belize le 23 janvier à la nuit tombée. Le 2 février, la RAF a publié des photos aériennes de la côte du Belize et dit que son personnel soutenait des « exercices militaires en Amérique centrale ».

Le Belize fait lui-même partie de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), qui s'oppose fermement à l'ingérence étrangère au Venezuela.

Il semble donc qu'un siège collectif est en cours, mené par des alliés des États-Unis au sein de l'OTAN, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et la France, qui a des bases en Guyane française, tous désireux de se tailler une place dans un nouveau repartage impérialiste du Venezuela et des Amériques. Les experts consultés par Prensa Latina, en plus de rappeler le danger que comportent ces mouvements, soulignent qu'ils visent en premier lieu à intimider les dirigeants vénézuéliens, mais que si cet objectif n'est pas atteint, ils pourraient être utilisés lors d'incursions directes contre cette nation sud-américaine.

En fait, de telles forces n'auraient pas besoin de se rapprocher beaucoup plus du territoire vénézuélien pour préparer des attaques avec leurs moyens aériens et leurs missiles, car elles sont en mesure de le faire à des distances relativement grandes, soulignent les experts.

Notes

1. Le Plan « Masterstroke » du Commandement Sud des États-Unis. Selon les objectifs du plan, les États-Unis vont « continuer de mettre le feu aux poudres à la frontière commune avec la Colombie, multiplier le trafic d’essence et d’autres produits, alimenter les incursions armées et le trafic de stupéfiants, provoquer les conflits armés avec les forces de sécurité de la frontière vénézuélienne ». Selon le plan, ils vont recruter « des paramilitaires, en particulier dans les camps de réfugiés à Cucuta, La Guajira et au nord de Santander, ces régions où habite une population importante de citoyens colombiens qui ont émigré au Venezuela et qui maintenant retournent dans leur pays pour fuir le régime et contribuer aux activités de déstabilisation à la frontière commune entre les deux pays. Aussi, les États-Unis veulent profiter de l’espace vacant laissé par le FARC, de la belligérance du EBN et des activités du cartel du Golfe dans cette région. » Ils terminent en affirmant qu’il faut « préparer l’engagement des forces alliées en appui aux officiers de l’armée vénézuélienne ou pour contrôler la crise interne advenant que ceux-ci tardent à agir, fixer un échéancier rigide pour empêcher le dictateur de continuer à gagner du terrain sur la scène internationale. Si nécessaire, agir avant la tenue des élections qui doivent avoir lieu en avril prochain ».

Bien que ce plan secret ait été préparé en fonction de l’élection présidentielle de l’an dernier au Venezuela, il a été adapté aux tentatives désespérées d’aujourd’hui de prendre le contrôle du Venezuela

2. En 2013, Helmin Wiels, le chef afro-curaçaon du parti Pueblo Soberano (Peuple souverain) a été assassiné. Helmin Wiels exigeait l'indépendance totale, la fin de la corruption légalisée, la fermeture de la base militaire américaine et que l'île ne soit pas utilisée contre le Venezuela.

3. Les généraux brésiliens chargés de « l'aide humanitaire » pour le Venezuela ont le sang du peuple haïtien sur les mains. Le général brésilien qui est maintenant ministre de la Défense de Jair Bolsonaro, le général à la retraite, Fernando Azevedo e Silva, était chef des opérations de la Mission des Nations unies pour la (dé)stabilisation d'Haïti (MINUSTAH)- la soi-disant force de maintien de la paix de l'ONU - sous le commandement du général Augusto Heleno Ribeiro Pereira, également à la retraite, de 2004 à 2005.

L'automne dernier, Bolsonaro a également nommé Augusto Heleno à la tête du bureau présidentiel pour la sécurité nationale. Il est décrit comme « le vrai pouvoir » derrière l'ancien capitaine de l'armée et membre du Congrès extrémiste Bolsonaro, qui a officiellement pris ses fonctions à la présidence le 1er janvier 2019.

Les déclarations publiques de la MINUSTAH au sujet du massacre (qui ont disparu avec son compte-rendu après-action à l'ambassade des États-Unis) décrivent une fusillade qui « a duré plus de sept heures au cours desquelles ses forces ont tiré plus de 22 000 munitions » et que 1 440 soldats ont participé à l'opération : 1 000 qui « ont sécurisé le périmètre ?5 et 440 qui ont été engagés dans le raid.

4. Tous les pays qui ont occupé militairement Haïti en participant à MINUSTAH sont aujourd’hui organisés dans le regroupement extrajudiciaire Groupe de Lima formé par le Canada en 2017. Ils approuvent l’intervention militaire au Venezuela et l’embellissent en lui prêtant un caractère humanitaire. Ces pays sont l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, le Paraguay, le Pérou et les États-Unis. Les forces de « maintien de la paix » ont occupé le pays après que les États-Unis, le Canada et la France aient orchestré le renversement violent du président élu d’Haïti Jean-Bertrand Aristide et y ont expédié des Marines américains en 2004 ainsi que des troupes du Royal Canadian Regiment.

(Blog de Tony Seed, communiqués de presse de la Marine américaine, Maritime Herald, Naval Today, Prensa Latina, agences de presse.)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 6 - 23 février 2019

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