Lettre du chef de Cat
Lake au ministre
des Services aux
Autochtones
Voici les extraits d'une lettre que le chef
Matthew
Keewaykapow de la première nation de Cat Lake a
envoyée
au
ministre des Services aux Autochtones Canada, Seamus O'Reagan, le
5
février. Elle exprime la frustration de la
première
nation qui essaie d'obtenir l'aide du gouvernement Trudeau, une
aide
mandatée par traité. Après
une réponse insatisfaisante du ministre O'Reagan, la
première nation a invoqué le 14 février le
principe de Jordan pour tenter d'amener le gouvernement
fédéral à reconnaître la
gravité de
la crise de la première nation de Cat Lake.[1]
***
Au cours des dernières semaines, la
première nation de Cat Lake a tenté sans
relâche de
discuter ouvertement et honnêtement avec SAC [Services aux
Autochtones Canada] et d'obtenir des engagements à son
sujet
concernant l'état d'urgence déclaré le 16
janvier
2019. L'état d'urgence était
considéré
comme une mesure de « dernier recours » prise
en raison du très mauvais état des logements au
sein de
la première nation de Cat Lake à cause du
sous-financement et de l'ignorance totale des conditions
régnant
à Cat Lake par le personnel et les représentants de
SAC.
[...]
Lorsque le conseil de Cat Lake a
décidé
de s'attaquer de front à ces problèmes, ses
représentants désignés se sont
heurtés
à des obstacles continuels, à des refus
catégoriques de discuter avec des représentants
malgré les multiples lettres de ma part leur donnant des
directives et à de multiples communications avec votre
ministère. C'est très
intéressant de voir que votre ministère refuse de
rencontrer qui que ce soit ou de parler avec qui que ce soit,
sauf moi,
tandis que le chef et le conseil de Cat Lake n'ont pratiquement
aucun
moyen de vous rencontrer face à face pour que vous
puissiez
mieux comprendre nos épreuves et mésaventures ainsi
que
les obstacles qui ont été placés sur
notre chemin et qui empêchent la réparation des
torts
subis par la première nation de Cat Lake.
À cette fin, puisque votre personnel
souhaite
rencontrer uniquement le chef de mon gouvernement, il est
justifié
que nous, en tant que gouvernement de nos terres, exigions le
même respect de votre part.
On nous a dit que nous ne vous avions pas
invités à venir à Cat Lake. À notre
connaissance, cela n'est pas exact. De nombreuses demandes de
rencontre
et de discussion en face à face avec la première
nation
de Cat Lake ont été formulées, y compris en
présence de nos représentants et conseillers, et
des
vôtres.
Cela étant dit, le chef
Matthew Keewaykapow de la première nation de Cat Lake vous
invite expressément et officiellement à venir me
rencontrer personnellement, ainsi que mon conseil, nos
conseillers et
nos techniciens afin de discuter et d'élaborer des
stratégies de solutions adaptées aux besoins, de
fournir
de l'information et le contexte qui a mené à
l'état d'urgence
qui existe chez la première nation de Cat Lake.
Cette réunion doit avoir lieu au plus tard
le
jeudi 14 février 2019. Nous croyons comprendre que les
crédits et les approbations prendront un peu de temps.
Toutefois, nous devons commander des articles et avons des
lettres de
votre bureau pour pouvoir démarrer le tout et disposer du
matériel et des roulottes dont on a un urgent besoin et
qui
doivent arriver dans notre communauté avant que prenne fin
la
saison de la route d'hiver. [...]
Une réunion en face à face aboutira
à une entente entre le gouvernement du Canada et la
première nation de Cat Lake, aux termes de laquelle le
Canada
doit s'engager à mettre immédiatement fin à
cette
urgence qui est en train de littéralement tué des
habitants de Cat Lake et occasionne des dépenses
médicales énormes
en évacuation, ainsi
qu'au ministère de la Santé qui est maintenant sous
votre
responsabilité : on estime que la réduction des
évacuations de malades pour raisons médicales
à
Cat Lake à elle seule permettra d'épargner plus de
2
millions de dollars par année... [...]
Monsieur le ministre, j'essaie avec mon conseil
et mes
représentants de faire en sorte que Cat Lake ne soit pas
obligé d'être évacué. Nous ne
souhaitons pas
encombrer le Canada d'une autre dépense énorme
uniquement
pour atteindre le but requis dont nous avons déjà
discuté [...]
La meilleure solution serait d'évacuer
vers des
logements temporaires à Cat Lake. Des remorques ont
été amenées et mises en place pour
déplacer
les personnes hors de leur maison empoisonnée.
Démolir les maisons... les
résidents ne
prenant que leurs appareils électroniques, leurs biens
personnels et leurs vêtements... le reste sera
transféré dans un dépotoir pour être
enseveli afin que les moisissures ne soient pas
transférées dans les logements temporaires.
Construire de nouvelles maisons sur une
période
supplémentaire de 2 ans... 92 maisons. Les 32 autres
maisons
seront rénovées et remises en état sur une
courte
période, ce qui reste à discuter. [...]
Le logement à court terme... les
roulottes...
nécessitent des liquidités immédiates... qui
doivent être affectées immédiatement à
cette
fin. Un mois, c'est trop tard.[...]
Monsieur le ministre, je vous implore
respectueusement... Notre route d'hiver ne durera pas
longtemps...
Mère Nature
a une façon de ramener rapidement le printemps et la
saison de
la fonte, peu importe combien de fois nous prions pour prolonger
la
saison des transports dans notre communauté
éloignée. Le matériel et l'équipement
qui
font
partie intégrante de ce projet doivent respecter des
échéanciers afin de pouvoir disposer de la bonne
infrastructure pour ne pas tomber en panne. À titre
d'exemple, le fournisseur de l'entrepôt à toiture de
textile envisage de prendre une décision le 11
février
afin de répondre aux exigences de livraison.
Nous espérons vous rencontrer bien avant
le 14
si vous le pouviez... le temps n'est pas de notre
côté.
Dans
l'unité
et le respect,
Matthew Keewaykapow,
chef
de la première nation
de Cat Lake
Note
1. Le principe de Jordan est une règle
juridique
nommée à la mémoire de Jordan River
Anderson, un
enfant de la nation crie de Norway House au Manitoba qui a
passé
plus de deux ans dans un hôpital en raison d'un conflit de
compétences entre les gouvernements fédéral
et
provincial. Le garçon de cinq ans est
décédé à l'hôpital sans jamais
rentrer chez lui. C'est le principe de l'enfant en premier qui
permet
de résoudre des conflits de juridiction entre les
gouvernements
fédéral, provinciaux et territoriaux concernant le
financement des services aux enfants autochtones et de s'assurer
qu'ils
ont le même accès aux services que les autres
enfants du
Canada et que ces services sont immédiatement
disponibles.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 5 - 16 février
2019
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Lettre du chef de Cat
Lake au ministre
des Services aux
Autochtones
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