Extraits du Plan d'action national

LML reproduit ci-dessous les propositions du Plan d'action national pour mettre fin à la violence faite aux femmes et filles autochtones : le moment est venu, présentées par l'Alliance féministe canadienne pour l'action internationale (AFAI), Mme Pamela Palmater, présidente de la gouvernance autochtone à l'Université Ryerson, et Canada sans pauvreté, soumises à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et rendues publiques le 6 février.

***

En tant que priorité nationale urgente, un Plan d'action national stratégique et coordonné, qui inclut tous les gouvernements, comprenant tous les éléments du programme et des services, ainsi que des stratégies, devrait être formulé, de manière à permettre des variations selon les besoins régionaux et les mécanismes d'exécution, assortis de calendriers de mise en oeuvre. Des objectifs mesurables pour l'amélioration des indicateurs sociaux et économiques et des indicateurs du système de justice devraient être établis avec des échéanciers. Le gouvernement du Canada doit transférer des fonds vers les provinces et territoires, sous réserve de la mise en oeuvre des éléments du plan et de l'engagement de mise en oeuvre des stratégies coordonnées, des rapports publics et une surveillance, le tout en partenariat avec les femmes autochtones, leurs représentantes choisies, leurs gouvernements et leurs organismes de service.

[...]

Le gouvernement du Canada doit immédiatement faire preuve de leadership dans le dossier de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, en partenariat plein et entier avec les femmes autochtones et leurs défenseurs, leurs organisations et leurs collectivités d'origine. Les agences des Nations unies responsables des conventions ont maintes fois exhorté le Canada à utiliser ses capacités de leadership et son pouvoir de dépenser pour assurer la mise en oeuvre cohérente et conforme des droits issus de traités au Canada. Le Canada persiste à ne pas assumer la responsabilité de la mise en oeuvre des traités par les provinces et les territoires en invoquant la division constitutionnelle des pouvoirs, mais les agences des Nations unies et les organismes régionaux de défense des droits humains rejettent cette justification et continuent de pointer du doigt le gouvernement fédéral comme ayant la capacité et les pouvoirs nécessaires et les outils pour exercer un leadership au pays en matière de réalisation des droits humains.

[...]

Le gouvernement du Canada doit élaborer un processus et un mécanisme de consultation avec les provinces, les territoires et, le cas échéant, les administrations municipales, ainsi qu'avec les organisations de femmes autochtones et de femmes autochtones, afin d'identifier un ensemble prioritaire de programmes, de services et de stratégies permettant de remédier à la situation et de prévenir la violence faite aux femmes et filles autochtones. L'identification des priorités et la formulation d'un plan devraient être fondées sur les recommandations de l'Enquête nationale et celles des organismes qui ont pris part à l'enquête, sur les obligations du Canada en matière de droits humains.

Les femmes autochtones savent le mieux ce qui est nécessaire pour mettre fin à la violence exercée à leur encontre. L'un des principes clés d'une approche fondée sur les droits est que leurs voix soient au centre du processus de prise de décision. Par conséquent, les femmes des Premières Nations, métisses et inuites doivent être des leaders et des décideurs tout au long de la formulation, de la mise en oeuvre et du suivi du Plan d'action national.

Le Plan d'action national nécessitera un mécanisme d'examen proactif et indépendant afin de garantir que la mise en oeuvre du plan puisse être surveillée et examinée. Ce mécanisme doit être dirigé par des femmes autochtones et doit permettre aux femmes autochtones, à leurs organisations et à leurs collectivités d'origine de disposer de pouvoirs décisionnels égaux en matière d'évaluation, du suivi régulier du progrès accompli et des corrections à apporter aux carences, tout en assurant de faire régulièrement l'objet de rapports publics.

Le plan d'action national doit également inclure un mécanisme de réclamation des droits. Les femmes autochtones doivent disposer d'un espace pour dénoncer les violations systémiques des droits, en particulier le droit à la sécurité de la personne et à un niveau de vie adéquat. Le mécanisme de réclamation des droits prévu dans le Plan sera un premier pas pour régler le problème plus global au Canada qui est que « les droits économiques, sociaux et culturels ne sont généralement pas justiciables devant les tribunaux nationaux », ce qui, par conséquent, limite « les recours légaux disponibles pour les victimes dans le cas de violation des droits énoncés dans le Pacte sur les droits. » Cela permettra également d'identifier les zones et les situations où le Plan ne répond pas aux objectifs et aux besoins, et où des actions additionnelles sont nécessaires.

[...]

Le gouvernement du Canada doit immédiatement retirer de la Loi sur les Indiens tous les aspects discriminatoires fondés sur le sexe. [...] Le gouvernement du Canada doit reconnaître que les dispositions sur l'enregistrement du statut en vertu de la Loi sur les Indiens perpétuent la discrimination fondée sur le sexe. [...] Le gouvernement du Canada devrait s'excuser au Parlement auprès des femmes des Premières Nations et à leurs descendants pour les avoir traitées comme des êtres humains inférieurs et pour les violations de leurs droits fondamentaux, notamment de leurs droits à l'égalité, à la sécurité, à la dignité, à la jouissance égale de la culture et à la participation à la vie de leur collectivité, une conséquence de la discrimination de longue date à l'égard des femmes des Premières Nations et de leurs descendants. Le gouvernement du Canada devrait indemniser les femmes des Premières Nations et leurs descendants qui se sont vu refuser un statut égal d'Indien en raison de la discrimination fondée sur le sexe, pour la perte d'avantages prévus par la loi et des paiements issus des traités, et pour l'atteinte à leur dignité et à leurs droits causée par cette discrimination.

En tant que composante clé du Plan d'action national, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent élaborer une stratégie coordonnée visant à remédier aux désavantages sociaux et économiques spécifiques aux femmes et filles autochtones, notamment la pauvreté, l'itinérance, les logements inadéquats et le manque de refuges et de soutien aux femmes autochtones fuyant la violence, aux prises avec des problèmes de santé mentale, de toxicomanie ou de traite sexuelle, et assurer la mise en place de programmes et de soutiens sociaux adéquats, disponibles et accessibles, en tenant compte des besoins différents des femmes des Premières Nations, des Métis et des Inuits, et selon leurs situations géographiques particulières.

[...]

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent réorganiser les services d'aide à l'enfance et à la famille dans toutes les administrations afin de soutenir la capacité des femmes autochtones à prendre soin de leurs enfants et à les protéger au sein de leur famille et de leur collectivité, à protéger les filles autochtones des bouleversements, des abus sexuels et de se voir précipiter vers la prostitution, l'exploitation sexuelle, le trafic sexuel, les disparitions et la mort ; interdire l'enlèvement des bébés à la naissance ; interdire aux responsables des services de la protection de l'enfance et de la famille de faire participer les femmes ou filles autochtones à leur stérilisation ; remodeler les formules de financement de manière à inciter les enfants autochtones à rester avec leur mère, leur famille et leur collectivité ; et redéfinir les formules de financement de manière à encourager et à aider les femmes autochtones à concevoir et à mettre en place des services qui répondent à leurs besoins, favorisent leur égalité et leur sécurité, ainsi que celles de leurs enfants.

[...]

Dans le cadre d'un plan d'action national pour mettre un terme à la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer pour élaborer et mettre en oeuvre des protocoles, des normes et des mécanismes garantissant la coordination des forces de l'ordre entre les différents gouvernements, juridictions et agences, ainsi que l'échange d'informations et la coopération au sein de la GRC, avec d'autres services de police et les gouvernements et services de police autochtones.

[...]

Ensemble, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent ordonner une enquête nationale exhaustive sur les actes de violence perpétrés par la police à l'encontre des femmes et des filles autochtones dans tous les corps de police, en notant toutes les plaintes, enquêtes, accusations, mesures disciplinaires et poursuites déposées. Cette enquête devrait être menée par des experts indépendants travaillant avec les femmes autochtones et inclure un examen complet des lois, règlements et politiques de la police en matière de prévention, d'enquête et de discipline qui ont donné lieu à des actes de sexisme, de racisme, de maltraitance et de violence sexiste contre les femmes et les filles autochtones.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent établir de nouveaux mécanismes de surveillance civils et autochtones (comprenant des femmes autochtones) indépendants et efficaces pour surveiller la conduite de la police et enquêter sur les affaires de conduite répréhensible commises par la police, y compris les infractions sexuelles commises par la police, et qu'ils soient habilités à obliger les responsables à rendre des comptes sous forme de mesures administratives, disciplinaires ou pénales, selon les besoins.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent veiller à ce que les femmes autochtones et leurs familles aient accès à des procédures efficaces pour déposer des plaintes contre la police et disposent des informations et du soutien nécessaires pour utiliser ces procédures, y compris la représentation légale ; en particulier, il faut faciliter l'accès des femmes autochtones et de leurs familles qui vivent dans des régions éloignées aux procédures de plainte permettant de contester la conduite de la police, notamment en sensibilisant leur collectivité respective et par d'autres moyens appropriés.

Dans le cadre du Plan d'action national, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient, ensemble, procéder à une réévaluation fondamentale des services du maintien de l'ordre à l'égard des femmes et des filles autochtones, des décisions du système judiciaire et des politiques et décisions en matière de services correctionnels en partenariat avec les femmes autochtones et leurs défenseurs, afin d'identifier les stratégies qui vont renverser la tendance d'incarcérer et de donner des peines trop sévères aux femmes autochtones, et mettre en place des programmes et des services qui soutiendront leur non-incarcération et leur réinsertion dans les familles [...] Mettre fin aux peines minimales et aux périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle obligatoires, qui ont une incidence disproportionnée sur les femmes autochtones et ne permettent pas de tenir compte des faits et circonstances pertinents dans la détermination de la peine.

[...]

Créer un bureau assurant la liaison entre les familles touchées et les organismes chargés de l'application de la loi afin de les aider à obtenir des informations sur les cas de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées et à prendre des décisions sur les mesures appropriées à prendre. Ce bureau doit être facilement accessible, indépendant de la police et remplacer les unités de liaison avec les familles afin de fournir des services essentiels continus, y compris un soutien juridique, pour permettre aux familles des victimes de porter plainte.

(Traduction: LML)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 5 - 16 février 2019

Lien de l'article:
Extraits du Plan d'action national


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca