Opposition à l'offensive antisociale en Ontario

La définition néolibérale du «choix» pour les étudiants du gouvernement Ford


Toronto, 25 janvier 2019

En Ontario, au nom de la défense des droits individuels, le gouvernement Ford introduit rapidement des mesures qui ciblent les organisations des travailleurs, des étudiants, des enseignants, des infirmières et d’autres professionnels qui défendent leurs intérêts collectifs. Le gouvernement affirme que les organisations qui expriment des droits collectifs bloquent l'affirmation des droits individuels. À ces attaques il faut une réponse collective de tous les collectifs du peuple. Les étudiants luttent contre cet assaut contre leurs associations et fédérations et défendent la vision moderne que l'éducation est un droit pour tous. Ils voient la nécessité de s'opposer aux tentatives du gouvernement Ford de faire reculer la société encore plus en cherchant à éliminer la voix collective des les jeunes et les étudiants du système d’enseignement postsecondaire. Les mesures antisociales du gouvernement Ford qui attaquent le droit à l'éducation pour tous et la voix collective des étudiants doivent être défaites.

À la base des attaques du gouvernement Ford contre les jeunes et les étudiants il y a l'offensive idéologique selon laquelle les droits collectifs violent les droits individuels. Pour arriver à ses fins au niveau postsecondaire, le gouvernement a pris des mesures visant à détruire les organisations indépendantes des étudiants, en particulier les associations étudiantes actuelles.

La mesure pour rendre volontaire les « frais afférents non essentiels » vise spécifiquement les associations et clubs étudiants et leur capacité de fonctionner et de mobiliser les étudiants en opposition à la direction imposée sur les campus. Elle attaque de facto les organisations étudiantes actuelles sur les campus en tentant de semer le chaos en réduisant et en éliminant de façon draconienne leur financement.

Le gouvernement prétend que donner aux étudiants la « liberté de choisir » de verser ou non des cotisations à leur propre organisation est un acte qui les « investit de pouvoir ». Cette mesure s'inspire des attaques du « droit de travailler » menées contre les syndicats aux États-Unis où les travailleurs ont la « liberté de choisir » s'ils cotiseront ou non leur collectif organisé, une mesure qui a déjà gravement miné le mouvement syndical aux États-Unis et abaissé le niveau de vie de la classe ouvrière en général.

Avant que ces mesures ne soient annoncées, le gouvernement ontarien a décrété que chaque campus devait avoir une politique de « liberté de parole ». Les associations étudiantes sont forcées d'accepter la directive gouvernementale ou subir une perte de financement. C'est là une atteinte directe au droit des étudiants de décider de leurs affaires et dans ce cas précis de concrétiser la liberté de parole dans un contexte où le climat et les institutions elles-mêmes peuvent être très intimidants et abusifs envers les individus.

La directive du gouvernement sur la liberté de parole comprend des mesures qui ciblent certains étudiants qui pourraient être expulsés ainsi que des sanctions pour quiconque chercherait à « interrompre » les cours sur le campus. Ces mesures ont été mises en place pour préparer le terrain à la criminalisation des étudiants qui s'opposent à l'offensive antisociale, de ceux qui sont solidaires avec le personnel enseignant et de soutien qui pourrait faire la grève ou mènent d'autres actions collectives à la défense de ses droits. Elles visent également des étudiants qui sont déterminés à faire du Canada une zone de paix et de non-ingérence dans les affaires internes des autres pays ou qui appuient les défenseurs autochtones de la Terre et d'autres actions pour humaniser l'environnement social et naturel. Tout étudiant qui tente d'organiser pour affirmer les droits de tous est ciblé.

Le gouvernement veut supprimer le droit de tous de s'organiser collectivement et d'affirmer leur droit collectif à la liberté de parole. La défense collective de la liberté de parole est la seule voie par laquelle on peut affirmer sur une base individuelle la liberté de parole, tout comme la défense collective est le seul moyen pour la classe ouvrière de défendre son droit à des salaires et à des conditions de travail qui leur sont acceptables en tant qu'individus et de revendiquer avec force ce qui leur appartient de droit.

La désinformation du gouvernement est fondée sur l'idée que la liberté de parole individuelle, à laquelle il attribue le nom de « choix », ne peut être affirmée qu'en niant la liberté de parole collective. C'est une fraude. En réalité, sans liberté de parole collective, les individus ne peuvent affirmer leur liberté de parole sans craindre d'être la cible de discrimination, d'intimidation et de persécution si ce qu'ils disent ne correspond pas à ce que dictent les autorités au pouvoir.

Séparer les individus de leurs collectifs et des relations qui existent objectivement, c'est nier aux jeunes le droit de développer leurs relations avec d'autres et avec leur collectif. L'élite dirigeante veut que les étudiants soient des individus isolés, sans organisation, sans indépendance face à ceux qui sont au pouvoir. Elle les veut sans le pouvoir, la voix ni l'ordre du jour qu'engendrent la force des collectifs et l'unité dans l'action pour défendre ses droits et résoudre les problèmes. Ceux qui sont au pouvoir ont déjà établi un ordre du jour pour la société et, en vertu de cet ordre du jour, les établissements d'enseignement doivent servir l'élite dirigeante. Ils cherchent à priver tous les autres de leur voix et d'un ordre du jour qui leur est favorable.

Sans organisation collective, comment un individu peut-il s'investir de pouvoir ? Selon la notion de choix du gouvernement Ford, l'individu est le consommateur d'une option ou d'une autre et investir l'individu de pouvoir se résumerait à assurer sa capacité de choisir un produit proposé par l'élite dirigeante. L'autorité au pouvoir dicte les choix. L'individu doit ainsi choisir parmi les choix offerts et s'il le fait sans remettre en question ces choix, alors il n'y aura pas de problème. Sans un collectif où les individus peuvent discuter et élaborer ce que doivent être les choix et la direction, les individus sont privés de leur voix, du droit de parole, d'un ordre du jour et d'une direction qui leur sont favorables.

Cette idée de choix et de la liberté de choisir de l'individu fait abstraction du corps politique et du rôle des individus en son sein et des relations qui existent et qui doivent exister entre l'individu et le collectif, entre les individus eux-mêmes et les collectifs, et entre tous et l'autorité dirigeante et la société.

Afin de réclamer ce qui leur appartient de droit et affirmer leurs droits en pratique, les individus doivent participer consciemment avec leurs pairs et leurs collectifs à la découverte de comment développer l'ensemble des relations humaines dans le contexte des conditions objectives modernes. Ils doivent consciemment participer avec d'autres pour se défendre concrètement dans ce contexte et pour humaniser l'environnement social et naturel, ce qui veut dire en somme résoudre les problèmes que l'histoire a légués à la jeunesse et à la classe ouvrière.

La classe ouvrière a une vaste expérience de cette idée de « liberté de choix » et la rejette en pratique chaque fois qu'elle participe à la résistance organisée pour des conventions collectives négociées qui lui sont acceptables. Mais non, disent les employeurs avec l'appui de l'État et de son État de droit au service de puissants intérêts. Ils rejettent avec mépris l'idée de responsabilité sociale et que les travailleurs qui produisent la richesse dont la société et le peuple ont besoin ont le droit de réclamer cette richesse sociale et de déterminer leurs conditions d'emploi. Mais non, répètent les employeurs, le rôle que nous vous réservons, à vous et à vos collectifs, est d'avoir le droit de « choisir » comment nos plans et notre ordre du jour doivent être mis en oeuvre.

La désinformation est justement la conception que les employeurs imposent au moyen de chantage et d'intimidation, aux travailleurs individuels et a leurs collectifs pour les forcer à accepter de faux choix. Lorsque par la voix de leurs collectifs les travailleurs disent Non ! et tiennent leur bout pour défendre leurs justes revendications, eux et leurs dirigeants sont accusés d'être des extrémistes, voire même des criminels et on se sert du plein poids de l'État pour les forcer à accepter ce qui est inacceptable. Comment expliquer autrement la loi du gouvernement fédéral de Trudeau pour forcer les postiers à mettre fin à leurs grèves rotatives avant qu'une nouvelle convention collective acceptable aux travailleurs n'ait été conclue ?

Malgré tous ses efforts, le gouvernement Ford ne réussira pas à éliminer la résistance des étudiants aux attaques contre l'éducation publique puisque celles-ci sont des attaques non seulement contre les jeunes et leurs familles, mais contre la société dans son ensemble. Le gouvernement espère qu'il rendra plus difficile aux étudiants de dire Non !, mais les étudiants ont toujours lutté pour la liberté de parole. Le mouvement collectif pour défendre ce droit ne peut être autorisé ou interdit par des gouvernements ou des administrations d'institutions publiques ou privées. Les étudiants ont le droit de s'organiser et de résister à une direction antisociale pour la société qui viole leurs droits en tant qu'individus au sein de leur collectif.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 5 - 16 février 2019

Lien de l'article:
Opposition à l'offensive antisociale en Ontario: La définition néolibérale du «choix» pour les étudiants du gouvernement Ford - Mira Katz


    

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