L'élection
présidentielle
au
Salvador
La
nécessité de tirer les
conclusions qui
s'imposent
- Hillary LeBlanc -
Le vote à San Vicente, une municipalité proche de
San
Salvador, le 3 février 2019.
Le peuple du Salvador ressent la
nécessité
urgente de tirer les conclusions qui s'imposent des
résultats de
l'élection présidentielle du 3 février 2019.
L'élection a été remportée au premier
tour
par Nayib Bukele, un indépendant qui met de l'avant une
plate-forme appelée « nouvelles idées
».
Pendant la campagne électorale, il aurait rejoint le parti
de la Grande Alliance pour l'unité nationale (GANA)
à la
dernière minute, après qu'il ait été
incapable d'enregistrer
son propre parti Nouvelles Idées à temps pour que
son nom
soit inscrit sur le bulletin de vote en tant que candidat.
Cette élection est la sixième
élection présidentielle depuis la fin de la guerre
sale
de 1980-1992 lancée par les impérialistes
américains pour consolider leur emprise sur les ressources
et le
travail du pays. Compte tenu du faible taux de participation
(51.8 %)
et du
rejet catégorique du Front Farabundo Martí de
libération nationale (FMLN), qui s'oppose
ouvertement au néolibéralisme et protège le
peuple
contre ses conséquences néfastes, il est important
de
tirer des conclusions qui s'imposent des résultats des
élections.
Nayib Bukele a-t-il été élu
parce
qu'il a de « nouvelles idées » ? Ou est-il la
créature d'agences de marketing qui apparaissent un
peu partout dans le monde pour s'assurer que les efforts du
peuple pour
se donner le pouvoir soient écrasés au profit de
soi-disant indépendants sans affiliation à une
organisation politique à laquelle ils
devraient rendre des comptes ? Quelle voie doit prendre le
Salvador
à partir de maintenant ?
Nayib Bukele, âgé de 37 ans, est
maintenant le plus jeune président d'Amérique
latine. On
ne parle pas beaucoup de ce que pourraient être ses «
nouvelles idées » et des raisons pour lesquelles
elles
sont favorables au corps politique salvadorien. Quoi qu'il en
soit,
l'appui qu'il a reçu des impérialistes
américains
et des gouvernements alliés
comme le Canada depuis qu'il a remporté sa victoire en dit
long.
La première personne à le féliciter pour sa
victoire a été le président
autoproclamé
du Venezuela, Juan Guaidó pour qui Nayib Bukele n'avait
que des
louanges.
En même temps, beaucoup de choses sont
écrites sur les
causes de la défaite humiliante du FMLN. Ces histoires
comprennent l'échec de deux présidences, l'une
marquée par la corruption et l'autre par
l'inefficacité,
ainsi que des alliances douteuses et intéressées
avec le
parti de l'oligarchie salvadorienne, l'ARENA. La principale
caractéristique de toutes ces
histoires est de masquer les conditions difficiles au Salvador,
un
petit pays qui subit d'énormes pressions à cause du
pillage impérialiste de ses ressources par les
États-Unis, de l'exploitation de son peuple comme une
source de
main-d'oeuvre bon marché et du soutien à
l'oligarchie,
à son pillage et ses violations des droits humains. Quel
devrait
être
le programme et le rôle d'un parti politique est devenu la
question la plus importante, mais aussi la plus oubliée.
Réduire la discussion à une simple question de
politique
et de concurrence électorales ne permet pas d'examiner et
de
discuter les véritables sujets de préoccupation.
L'euphorie des médias internationaux après
l'élection de Nayib Bukele
ne laisse aucune place à une discussion sur la
manière
dont il s'attaquera aux problèmes auxquels le peuple du
Salvador
fait face.
Jusqu'à présent, le FMLN n'a pas
encore
répondu aux besoins du corps politique du Salvador. Dans
sa
déclaration reconnaissant sa défaite du 3
février,
le FMLN assume toute la responsabilité et
déclaré
qu'il
assumera son rôle d'opposition à l'Assemblée
législative en luttant pour tout ce qui profite au peuple
comme
la défense des programmes sociaux, la
sécurité des
citoyens et en s'opposant à tout ce qui touche
négativement la population
comme « les privatisations et les licenciements des
travailleurs,
entre autres ». C'est un programme réactif à
un
moment où le peuple a besoin de sa propre politique et de
son
propre ordre du jour indépendants.
Deux jours plus tard, le FMLN a publié un
communiqué dans lequel il déclare être
conscient de
la nécessité d'entreprendre « un examen
détaillé des nouvelles réalités
politiques
et sociales, de ses méthodes et de sa stratégie, et
de la
nécessité d'apporter des changements dans ses
organes de
direction afin de continuer à être un parti de
gauche
capable de lutter avec notre peuple pour une
société
fondée sur la justice sociale, l'égalité et
la
liberté. » Il dit qu'il le fera en incorporant
davantage
de femmes et de jeunes au sein du parti et devançant au
début de l'année ses élections internes.
Dans son
communiqué, la commission politique demande
nommément
à tous les membres de la
commission politique de ne pas se présenter à un
poste de
direction du parti lors de ces élections.
Le Conseil exécutif national de
l’ARENA est lui
aussi tombé sur son épée, et a
annoncé le 5
février qu’il demandait au conseil électoral
national du
parti de procéder à ses élections internes
le plus
tôt possible, et a annoncé qu’aucun de ses
membres actuels
ne chercherait à être réélu, mais
qu’ils
céderaient leur fonctions aux personnes élue par le
parti.
Quant à Nayib Bukele, il est
présenté comme un ancien membre du FMLN qui a
été expulsé en 2017 pour des raisons
d'éthique. Avant d'être élu, il aurait
indiqué que s'il devenait président, il
gouvernerait
indépendamment de la GANA avec laquelle il aurait conclu
une
entente quelconque. Selon les médias, les modalités
de l'entente
qui a amené la GANA à accepter que Bukele soit son
candidat n'ont pas été
révélées.
Toutefois, un peu plus d'une semaine avant le
jour du
scrutin, il a tenu à dénoncer les «
dictateurs de
droite et de gauche », en citant Nicolás Maduro au
Venezuela, Daniel Ortega au Nicaragua et Juan Orlando
Hernández
au Honduras, qui, selon lui, « n'auront jamais de
légitimité parce qu'ils se maintiennent au pouvoir
par la
force et ne
respectent pas la volonté de leur peuple ». De
quelle
manière il entend jauger la volonté du peuple, et
sans
parler de le représenter sans parti politique qui lie le
peuple
au pouvoir politique est une question qui exige une
réponse.
L'autre président qui avait promis de le faire, c'est
Emmanuel
Macron en France, qui aussi a été
présenté
comme le plus
jeune président de l'histoire de ce pays. Cependant, il
n'a pas
très bien réussi à établir sa
crédibilité démocratique ou à
résoudre la
crise dans laquelle la France est embourbée.
La campagne de Nayib Bukele était
basée
sur sa prétention d'être un candidat
anti-establishment et
une alternative à l'ARENA et au FMLN, qui sont les deux
seuls
partis à avoir occupé la présidence depuis
la fin
de la guerre civile de 1980-1992. Pendant la guerre, les
États-Unis sont intervenus militairement contre les forces
populaires
dirigées par le FMLN et d'autres forces insurgées
qui
luttaient pour la libération nationale contre
l'élite
dirigeante mafieuse du pays et leurs escadrons de la mort
formés
par les États-Unis. L'ARENA a été
fondée en
1981 par une figure militaire qui commandait les escadrons de la
mort.
Le FMLN, qui est devenu un parti politique après la
signature des accords de paix qui ont mis fin à la guerre,
a
occupé la présidence depuis 2009, sans une
majorité
de sièges à l'Assemblée législative.
L'ARENA a occupé la présidence pendant 20 ans
auparavant,
régnant en toute impunité. La GANA a
été
formée en 2010 suite à une scission au sein de
l'ARENA.
La campagne de Nayib Bukele aurait largement
compté sur les médias sociaux au lieu de
communiquer
directement avec les électeurs dans le pays ou de
participer aux
débats publics. Ceci est devenu le modèle familier
des
oligopoles de marketing qui fournissent des campagnes
électorales. Ils remplacent le rôle d'organisation
et de
politisation
des partis politiques, qui n'existent plus, par des campagnes sur
les
médias sociaux. Ils inventent des milliers de «
j'aime
» et déclarent que cela représente « la
volonté populaire ». C'est une fraude.
Un élément central de la
plate-forme de
cet homme d'affaires âgé de 37 ans et ancien maire
de San
Salvador est la promesse de lutter contre la corruption. Il a
annoncé son intention de créer une agence
internationale
de lutte contre la corruption, semblable à celle du
Guatemala,
qui reste à ce jour l'un des gouvernements les plus
corrompus de
la planète.
L'un des défis auxquels le nouveau
président devra faire face pour faire adopter des lois
à
l'Assemblée législative est qu'il faut 43 voix pour
qu'une loi soit adoptée. La GANA ne détient que 10
des 84
sièges de l'assemblée, l'ARENA a 37 sièges
et le
FMLN 23 et les prochaines élections ne se
tiendront que dans deux ans. Les
tractations et les marchandages qui auront lieu engendreront
inévitablement plus de corruption et à cela
s'ajoute le
fait que le gouvernement de ce président n'a pas en fait
le
consentement des gouvernés. Toute alliance
s'avérera
difficile et un gouvernement par décret provoquera une
forte
opposition.
Dans cette situation, il est urgent que les
Canadiens
appuient le peuple du Salvador, y compris les Salvadoriens qui
résident au Canada, face aux défis qui les
attendent. Les
impérialistes américains et le gouvernement du
Canada
sont déterminés à détruire tout ordre
du
jour qui défend le droit souverain des peuples
d'établir
leur propre ordre du
jour et de se donner des gouvernements qui placent leurs
intérêts en premier, et non ceux des
États-Unis et
de sa machine de guerre.
LML appelle les travailleurs de ce pays
à s'opposer aux conclusions faciles à tirer de ce
que
montrent ces résultats électoraux. Il appartient au
peuple du Salvador de délibérer sur cette question
et de
voir comment il va aller de l'avant. S'écarter des
principes
démocratiques fondamentaux ne peut l'aider. Cela implique
de
s'opposer à
toute tentative d'interférer avec le droit du peuple
salvadorien
de prendre des positions indépendantes et d'établir
un
ordre du jour qui lui permette de défendre ce qui lui
appartient de droit.
Les revers électoraux peuvent être
surmontés. Les contradictions entre ceux qui ont
usurpé
le pouvoir par la force et la fraude et le peuple qui veut se
donner le
pouvoir s'accentuent. En s'attaquant aux problèmes
auxquels ils
sont confrontés, les peuples sont forcés de trouver
des
solutions qui les favorisent.
Le peuple du Salvador possède une grande
expérience de la lutte pour la justice sociale et pour
s'investir du pouvoir. Il s'est engagé dans cette lutte
avant la
guerre sale lancée par les États-Unis contre lui,
l'a
poursuivi pendant la guerre sale et après celle-ci. Les
problèmes actuels liés aux niveaux
élevés
d'insécurité et de criminalité sociale,
aux pressions exercées pour migrer vers le nord en
dépit
des risques, et aux pressions continues exercées par
l'impérialisme américain par les nombreux
enchevêtrements économiques et militaires qui
existent
exigent des mesures pratiques, et non des serments de
loyauté
envers une cause ou des récriminations. Plus important
encore,
ils révèlent la
nécessité de créer des organisations
politiques
qui permettent aux citoyens de prendre des décisions qui
touchent leur vie, de défendre leurs décisions et
de
réaliser leurs efforts pour se donner le pouvoir. Nous
sommes
convaincus que le courage révolutionnaire du peuple est
tel
qu'il s'assurera que ses nombreuses années de lutte et de
sacrifices
donneront les résultats escomptés.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 4 - 9 février
2019
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