Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le discours sur la protection des élections
contre l'ingérence étrangère lance les Canadiens
sur une fausse piste

« Pour la première fois, nos agences de sécurité canadiennes vont donc prodiguer des conseils aux membres clés des campagnes politiques nationales », a déclaré à la presse le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Ralph Goodale, le 30 janvier, lorsque le gouvernement libéral a annoncé son « Protocole public en cas d'incident électoral majeur ». Le même jour, dans une entrevue diffusée sur CPAC, la ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, a déclaré : « L'autre chose que je tiens à souligner, car je pense qu'il est important que les Canadiens le sachent [...] est que chaque chef de parti politique recevra une cote de sécurité de niveau secret et pourra également désigner deux ou trois hauts fonctionnaires de son parti qui la recevront également. Cela est en discussion. »

Le site Web du ministère des Institutions démocratiques, qui est sous la coupe du Bureau du Conseil privé, indique clairement que ce n'est pas « tous les chefs de parti » qui obtiendront une autorisation de sécurité élevée, contrairement à ce que la ministre a laissé entendre. On lit : « Le Bureau du Conseil privé parrainera les demandes d'autorisation de sécurité pour certains membres des partis politiques représentés à la Chambre des communes. » Il explique en outre que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et la GRC « fourniront des séances d'information classifiées et approfondies sur les menaces aux principaux responsables des partis politiques afin de les aider à renforcer leurs pratiques de sécurité internes et de les sensibiliser davantage aux activités influencées par l'étranger au Canada ».

Les libéraux prétendent qu'ils veulent confier le processus électoral à la police et aux services de renseignement pour protéger l'élection fédérale de 2019 contre l'ingérence étrangère. Dans son entretien avec CPAC, on a demandé à Karina Gould : « Êtes-vous convaincue qu'il y aura des tentatives de saper le processus électoral [en 2019] ? ». Ce à quoi elle a répondu : « Écoutez, nous sommes membres de l'OTAN, nous sommes membres du G7, nous sommes membres des Cinq yeux. Il serait naïf de supposer que nous ne sommes pas en danger. Nous prenons ces risques au sérieux [...] nous sommes prêts à faire face aux menaces qui pourraient survenir et nous avons mis en place un plan à l'échelle du gouvernement [...] pour rassurer les Canadiens que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos élections. »

Tout ce discours sur les dangers d'ingérence étrangère amène la discussion sur la démocratie canadienne qui est sur une voie sans issue. Il entrave la redevabilité et sape l'état de droit en justifiant des mesures d'exception et en empêchant le corps politique d'intervenir sur les questions qui le concernent. Mais surtout, cela détourne l'attention de la nécessité d'un renouveau démocratique, d'un renouvellement du processus politique pour que les citoyens puissent contrôler les décisions qui affectent leur vie. De plus, cette intervention de la police politique dans les affaires du corps politique fait en sorte que certaines activités entreprises pour répondre au besoin de nouveaux arrangements deviennent potentiellement illégales, malgré les prétentions de ne pas nuire à l'expression d'opinions « légitimes » et à la dissidence « légitime », car c'est la police politique qui décide ce qui est légitime ou pas et non les citoyens.

Cette démocratie dite représentative a un besoin urgent de renouveau - un acte que le peuple doit accomplir pour relever les défis de notre temps où ce sont les producteurs qui doivent être en mesure de contrôler les produits de leur propre travail. Quant aux cercles dirigeants, ils n’ont aucun argument pour justifier ce qui ne peut être justifié. Ils reprennent la méthode de «la peur rouge» de la guerre froide qui visait à mobiliser les peuples des États-Unis, de l'Europe, du Canada, de l'Australie et des anciennes colonies pour défendre leur démocratie « civilisée » contre des régimes totalitaires présumés. Les peuples sont supposés oublier leurs propres revendications et aspirations, ainsi que leur propre façon de garantir la paix, la démocratie et la liberté pour eux-mêmes et pour les peuples du monde entier.

Les soi-disant briefings sur la sécurité accordés à une poignée de personnes à la tête des campagnes politiques montrent également à quel point les partis politiques qui forment un système de cartels ont été intégrés à l'appareil d'État. Les quelques privilégiés considèrent bien sûr comme un privilège de « servir » et s'engagent à être loyaux envers une cause aussi digne. Cela n'a certainement rien à voir avec la démocratie!

Les Canadiens et le corps politique exigent l'élimination du rôle du privilège dans les élections afin de créer une véritable « égalité des chances ». Ils décrient depuis des décennies le processus politique actuel en raison de son incapacité à leur permettre de contrôler le processus de prise de décisions qui affecte leur vie. Leur demande de renouveau politique pour avoir un meilleur système de représentation a plutôt conduit à une myriade de réformes qui ne font que renforcer le rôle du privilège dans le processus politique. Les libéraux de Justin Trudeau sont arrivés au pouvoir avec la promesse de changer le mode de scrutin, mais après des « consultations » bidons, ils ont déclaré que les Canadiens ne souhaitaient rien changer. Ils ont allègrement abandonné toute prétention à cet égard. Au lieu de cela, tout le système est maintenant ouvertement confié à la police politique à l'instigation de l'OTAN, de son Conseil de l'Atlantique et du réseau des Cinq Yeux. Cela montre que ce ne sont pas les Canadiens qu'ils écoutaient, mais la police politique!

Ce gouvernement libéral passera à l'histoire comme auteur de crimes contre le corps politique du pays et les peuples à l'étranger au nom de la « protection de la démocratie » et de la « défense de l'état de droit ».


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 4 - 9 février 2019

Lien de l'article:
Des sujets de préoccupation pour le corps politique: Le discours sur la protection des élections contre l'ingérence étrangère lance les Canadiens sur une fausse piste - Anna Di Carlo


    

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