À titre d'information

Comment le gouvernement canadien
a imposé le système du conseil de bande aux nations autochtones

Voici un extrait du livre Stolen Continents de Ronald Wright, qui donne un aperçu historique de l'impact brutal de la colonisation européenne sur les peuples anciens des Amériques.

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Territoire de la Confédération iroquoise

Lorsqu'il est devenu évident à la fin du XIXe siècle que les États-Unis n'envahiraient pas la colonie britannique (le Canada), les États tampons indiens n'étaient plus nécessaires. Le Canada, sachant que les nations autochtones détenaient des titres ancestraux dans de grandes régions de l'Amérique du Nord, voulait se débarrasser de ses rivaux autochtones. La meilleure façon, en dehors de l'extermination, était de les assimiler. Sans Indiens, il ne pouvait y avoir de revendications autochtones ; ainsi, le jeune parlement canadien a adopté une Loi sur les Indiens visant à promouvoir l'assimilation.

Le Canada pouvait toutefois accélérer le processus en favorisant le contact avec la « civilisation » qui comprenait souvent le confinement des enfants indiens dans des pensionnats de missionnaires et la réduction des réserves que le Canada considérait comme de simples camps de détention pour une race condamnée.

Aux termes de la politique d'« émancipation », les Indiens devaient renoncer pour toujours à leur appartenance à leur propre nation en échange du privilège de voter aux élections canadiennes. Les hommes recevaient une somme forfaitaire et un lopin de terre - en fait un pot de vin - qui était pris sur la réserve. Peu ont mordu à l'hameçon. De 1876 à 1918, seulement 102 l'ont fait, dont la plupart étaient des femmes qui avaient épousé des blancs. Un tel mariage donnait automatiquement le droit de vote, même si à cette époque les Canadiennes n'avaient pas le droit de vote.

La Loi sur les Indiens visait également à remplacer les gouvernements autochtones par un système uniforme de conseillers de bande élus qui seraient des marionnettes dociles du ministère des Affaires indiennes. Les chefs « héréditaires » (un terme inexact pour les sachems iroquois) seraient destitués, et la matrilinéarité - la reconnaissance de l'ascendance, et donc de la nationalité, à travers la lignée maternelle - abolie. En bref, la loi visait à détruire de l'intérieur les nations autochtones en détruisant leurs structures politiques et familiales.

Le Canada a commencé par renverser les gouvernements traditionnels des plus petits territoires iroquois de l'Ontario et du Québec. Au milieu des années 1880, les Affaires indiennes ont fait pression sur les Mohawks de la baie de Quinte, prétendument à titre expérimental, pour remplacer leurs chefs héréditaires par des conseillers élus. Les Indiens ont accepté le nouveau système pendant quelques années, puis l'ont rejeté. Le caractère de confrontation de la politique européenne était contraire à leurs traditions de consensus, tout comme l'exclusion de la voix des femmes.

Mais il s'est avéré que la « période d'essai » était une imposture : le Canada ne leur a pas permis de rétablir leur propre système. Les Mohawks indignés ont envoyé des appels au gouverneur général, le représentant de la reine Victoria au Canada :

« Nous... ne voulons pas que le Conseil du feu s'éteigne, parce que c'était la coutume et la façon de vivre de nos ancêtres...

« Nous vous rappelons la Chaîne d'alliance de paix et d'amitié entre le peuple anglais et les Six Nations. Lorsque nos ancêtres ont établi la chaîne d'alliance avec les Anglais pour la première fois, les deux parties se sont engagées à la garder solidement entre leurs mains ...

« Frère ! Au moment de la formation des traités [...] les Six Nations étaient reconnues et considérées comme un peuple et avaient une constitution systématique [...] Les deux parties l'ont compris. ... que chaque partie doit garder ses propres constitutions, mais dans le cas présent, il semble que les chaînes d'argent sont maintenant ternies sur ces points.

« Le gouvernement canadien, qui ne nous reconnaît pas, considère les Six Nations comme des mineurs et les traite comme tels.

« Frère ! Nous citons les paroles de lord Dufferin, l'un de vos prédécesseurs, qui a dit que les peuples du Canada et les Britanniques ne cesseront pas de reconnaître ces obligations... Jamais la parole de la Grande-Bretagne, une fois engagée, ne sera brisée...

« Quel est votre pouvoir et votre autorité pour gouverner notre peuple ? »

Quel pouvoir en effet ? Mais les pétitions n'ont rien donné. Le Canada n'a reconnu que le conseil fantoche et a versé toutes les rentes, annuités et autres fonds appartenant aux Indiens à cet organisme.

Le long du Saint-Laurent, où les Iroquois ont rencontré Cartier et Champlain pour la première fois, se trouvent les grandes communautés mohawks de Kahnawake, en face de Montréal, et d'Akwesasne, entre Montréal et Kingston. Bien qu'ils se soient rapprochés des Français pendant un siècle, ils ont aidé les Britanniques à conquérir la Nouvelle-France en 1759-1760 et ont accueilli un grand nombre de Mohawks du Sud pendant la Révolution.

En 1890, les habitants de Kahnawake protestèrent en soulignant le manque de compétence du gouvernement canadien et son hypocrisie face aux chefs « héréditaires » :

« Toutes les nations du monde conservent leurs coutumes, rites et cérémonies et, conformément à la Constitution britannique, [il existe] des rois, des reines ainsi que des seigneurs et des pairs héréditaires. Frère ! Nous ne pouvons pas le faire ... pourquoi ne pouvons-nous pas adhérer ... à nos coutumes, droits et cérémonies. »

L'intervention la plus brutale du Canada a eu lieu à Akwesasne. L'emplacement même de ce territoire devrait rappeler aux États-Unis et au Canada que la nation mohawk est beaucoup plus ancienne qu'eux, car la frontière qui les sépare passe par ce territoire. Là, en 1898, les mères de clan ont écrit une longue lettre au gouverneur général, expliquant comment leur système fonctionnait et précisant qu'elles ne voulaient pas de changement.

Deux fois les femmes ont empêché la tenue d'élections. Un fonctionnaire du gouvernement canadien, envoyé pour enquêter, a fait ce commentaire très révélateur : les Indiens, a-t-il déclaré dans son rapport, « pourraient tout aussi bien attendre que le ciel leur tombe sur la tête que de s'attendre à la reconnaissance de leur revendication d'avoir un État pratiquement indépendant ». Le premier ministre Brian Mulroney allait prononcer presque les mêmes paroles quatre-vingt-douze ans plus tard. La véritable question, alors comme maintenant, était la souveraineté. Ensuite, comme maintenant, la violence a éclaté.

En mars 1899, la Police montée est arrivée pour imposer la tenue d'élections. Le détachement fut aussitôt encerclé par 200 Mohawks. Aucun policier n'a été blessé, mais ils ont été chassés. Deux mois plus tard, ils sont revenus. Michael Mitchell, le chef élu d'Akwesasne, a raconté la façon dont le conseil qu'il dirige et qu'il veut réformer a été installé :

« À 4 heures du matin, le 1er mai 1899, le colonel Sherwood... est arrivé à Akwesasne, à la tête d'un contingent de policiers en traversant le fleuve Saint-Laurent. Ils ont occupé la salle du Conseil, et ont envoyé un message aux chefs pour qu'ils viennent assister à une réunion spéciale concernant l'achat de pierres [pour construire un pont]... Quand les chefs sont entrés dans le bureau du Conseil, ils ont été jetés au sol et menottés. Une des femmes a averti le grand chef, Jake Fire, et alors qu'il franchissait la porte pour demander la libération de ses compagnons, il a été abattu de deux balles, la deuxième a été fatale. La police a emmené ses prisonniers au remorqueur et a quitté le village. Jake Fire a été abattu de sang-froid alors qu'il luttait pour un gouvernement indien mohawk...

« Les sept chefs ... ont été emprisonnés. Cinq d'entre eux ont été gardés en prison pendant plus d'un an ....

« Immédiatement après cette affaire, les représentants du gouvernement ont emmené quinze Indiens à Cornwall et leur ont donné de l'alcool. Les agents des Indiens leur ont dit de se désigner les uns les autres. C'est ainsi que le gouvernement élu sous le régime de la Loi sur les Indiens a été mis en place à Akwesasne. C'est ainsi que le Canada a présenté à son peuple les principes de sa démocratie. »

(Ronald Wright. Stolen Continents. Viking Press. 1992. Traduction LML )


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 3 - 2 février 2019

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