Mettons fin à l'injustice coloniale

Le gouvernement de l'Ontario montre
son mépris pour les droits et les intérêts
des peuples autochtones


Manifestation le 6 septembre 2018 à Sudbury contre le projet du gouvernement Ford de développer le Cercle de feu

Durant les élections en Ontario, Doug Ford avait promis de monter sur un bulldozer pour construire la route menant aux gisements de chrome-nickel du Cercle de feu. Depuis son élection, le gouvernement conservateur de l'Ontario continue de montrer du mépris pour les droits et les intérêts des peuples autochtones de l'Ontario en faveur de ceux des monopoles.

Changements au cabinet et aux ministères

Le 28 juin 2018, le gouvernement Ford a annoncé la composition de son nouveau cabinet. Le nouveau gouvernement a combiné l'ancien ministère des Relations autochtones et de la Réconciliation et l'ancien ministère du Développement du Nord et des Mines avec le ministère de l'Énergie. Il a fait de Greg Rickford, député de Kenora-Rainy River et ancien ministre des Ressources naturelles du gouvernement conservateur de Harper, le « super ministre » du nouveau ministère de l'Énergie, du Développement du Nord et des Mines et du ministère des Affaires autochtones.

Le ministère de l'Énergie disposait d'un budget de 2,05 milliards de dollars en 2017-2018, la dernière année du gouvernement libéral ; le ministère du Développement du Nord et des Mines disposait d'un budget de 767 millions de dollars et le ministère des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation d'un budget de 91 millions de dollars. Sur le montant total de 2,95 milliards de dollars, le budget du ministère des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation ne représente que 3 % de l'ensemble. Ces chiffres indiquent le degré d'attention auquel on peut s'attendre du ministre Rickford et du gouvernement conservateur de l'Ontario en ce qui concerne les affaires autochtones.

On voit à quel point le gouvernement conservateur de l'Ontario a négligé les affaires autochtones au fait que le ministère n'a publié que trois communiqués de presse sur ses activités pendant la dernière moitié de 2018. Le dernier a été l'annonce de la nomination d'un ancien chef en tant que conseiller spécial sur les questions autochtones auprès de Rickford, alors qu'un autre traitait des anciens combattants autochtones et le troisième de l'empoisonnement au mercure à Grassy Narrows sans traiter d'aucune façon des conditions de vie et des préoccupations des peuples autochtones. Au cours de la même période, le ministère de l'Énergie, du Développement du Nord et des Mines a publié près de cent articles traitant des intérêts économiques des monopoles.

La nomination de Rickford a été chaleureusement accueillie par les monopoles de l'industrie forestière. L'Association des industries forestières de l'Ontario (OFIA) a publié une déclaration dans laquelle elle dit espérer que le gouvernement Ford « ouvrira l'Ontario aux affaires ». « Nous sommes impatients de commencer à travailler avec le gouvernement du premier ministre Ford et à honorer notre engagement d'attirer les investissements et de créer de bons emplois dans le Nord et les régions rurales de l'Ontario », a déclaré Erik Holmstrom, président de l'OFIA, directeur des opérations forestières chez Weyerhaeuser à Kenora, la circonscription de Rickford. La nomination de Rickford a également reçu l'aval du Thunder Bay Chronicle Journal, le plus grand journal du nord-ouest de l'Ontario. « Rickford peut parler pour le Nord », lit-on dans un éditorial du journal.

Les dirigeants autochtones ont exprimé de profondes inquiétudes à propos de la nomination de Rickford et de la fusion des ministères. Selon le chef du Grand conseil de la nation Anishinabek, Glen Hare, en incluant les Affaires autochtones avec deux autres ministères, Ford ignore les recommandations de la commission d'enquête sur Ipperwash en faveur d'un ministère autonome dédié aux questions autochtones. Hare dit qu'il se demande si Rickford aura suffisamment de temps à consacrer aux questions autochtones. « L'énergie est une grosse affaire en ce moment et combien de temps va-t-il y consacrer. Combien de temps pour les Mines et le Développement du nord puis pour nous ? C'est la grande question », a-t-il dit.

La suppression du mot « Réconciliation » du nom du ministère témoigne également du mépris envers les droits et les intérêts des peuples autochtones. La réconciliation n'est pas importante pour le gouvernement conservateur de l'Ontario tandis qu' « ouvrir l'Ontario aux affaires » est primordial. Dans un communiqué, le grand chef Alvin Fiddler, de la nation Nishnawbe Aski (NAN), déclare que cela « indique clairement que l'amélioration des relations avec les peuples autochtones n'est pas une priorité pour le gouvernement Ford. Il est difficile d'entrevoir comment il est possible d'avancer lorsque nos intérêts sont réduits à être important seulement s'ils concernent la capacité du gouvernement à accéder aux ressources de nos terres. Ce gouvernement est averti que tout effort qui vise à saper les traités, les droits ancestraux ou territoriaux des Premières nations NAN sera combattu de manière décisive à la fois aux niveaux politique et juridique. Nos dirigeants sont unis dans leur détermination à protéger et à affirmer notre autorité légitime et notre juridiction sur nos terres ancestrales. »

Annulation de la session de rédaction du syllabus
sur les relations autochtones

En juillet, le gouvernement conservateur de l'Ontario a annulé subitement une session de rédaction du syllabus sur les relations avec les autochtones pour le volet vérité et réconciliation du curriculum ontarien. Ce nouveau programme devait être enseigné à tous les élèves de l'Ontario et était l'une des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Rickford a expliqué que la raison pour laquelle la rédaction du syllabus avait été suspendue était que le gouvernement était « soucieux des coûts », même si certains des participants avaient déjà commencé leur voyage à Toronto et que les enseignants suppléants devraient remplacer ceux déjà embauchés dans la révision du programme d'études, ce qui engendre des coûts additionnels et des perturbations supplémentaires.

Compressions au Conseil des arts de l'Ontario

En décembre, le gouvernement de l'Ontario a réduit de 45 % le Fonds culturel autochtone (FCA) du Conseil des arts de l'Ontario (CAO), qui est passé de 5 millions à 2,75 millions de dollars. Quatre femmes autochtones qui administrent le FCA ont également été licenciées. Un porte-parole du ministère a expliqué que le fonds avait été coupé pour 2018-2019 afin de « s'assurer que l'argent des contribuables est utilisé de manière responsable et efficace afin de maximiser l'impact du soutien apporté à la culture autochtone ». Le financement de base du CAO, qui octroie des subventions aux artistes et aux organismes basés en Ontario, passera également de 69,9 millions de dollars en 2018-2019 au niveau de 2017-2018 de 64,9 millions de dollars. La réduction des dépenses consacrées à la culture autochtone dépasse de loin la réduction du financement des arts dans son ensemble, soit 2,25 millions de dollars, soit 45 % des compressions budgétaires du CAO.

Le FCA et la révision du curriculum ont tous deux été des réponses à la CVR. « Ensemble, cela représente une attaque plutôt grossière contre la réconciliation », déclare Jesse Wente, directeur du Indigenous Screen Office, « et contre les communautés autochtones et leur capacité à préserver et à poursuivre leurs pratiques traditionnelles ». Le FCA a été créé par l'ancien gouvernement libéral en 2017 et soutient des programmes, activités et événements culturels destinés aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis et vise à préserver le patrimoine, comme la broderie de perles et l'apprentissage des langues.

Rapports sur les mauvais traitements infligés aux peuples
autochtones par la police

Le 12 décembre, le Bureau du directeur indépendant de l'examen de la police (BDIEP) a publié un rapport, Une Confiance trahie : Les autochtones et le Service de police de Thunder Bay, qui condamne l'idéologie et les actions racistes du Service de police de Thunder Bay (SPTB) et ses relations avec les communautés autochtones. En particulier, le BDIEP enquêtait sur le décès, au cours des dernières années, de sept (maintenant dix) jeunes autochtones dont les corps avaient été retrouvés dans des rivières qui traversent Thunder Bay. Le rapport a révélé des lacunes importantes dans les enquêtes sur les morts subites impliquant des autochtones, dues en partie à des stéréotypes raciaux. Le rapport aborde également le racisme systémique au sein du service de manière plus générale et constate que le racisme systémique existe au niveau institutionnel.

« Les graves lacunes et les conclusions prématurées observées dans les enquêtes du SPTB portant sur la disparition et les décès subits de personnes autochtones ont envenimé une relation qui était déjà extrêmement houleuse. Mes recommandations fournissent des outils pour aider le SPTB à s'assurer qu'il mène des enquêtes approfondies, efficaces et non discriminatoires. Mes recommandations indiquent également au SPTB la voie à suivre pour améliorer ses relations avec les Autochtones. », a dit Gerry McNeilly, directeur indépendant de l'examen de la police.

Deux jours plus tard, le 14 décembre, le sénateur Murray Sinclair a publié un autre rapport exposant le racisme systématique et la discrimination au sein de la police de Thunder Bay. Sinclair a recommandé que l'organe de surveillance civil local soit démantelé pendant un an et qu'un administrateur soit mis en place. L'ancien président de la Commission de vérité et réconciliation a été nommé par la Commission civile de l'Ontario sur la police en juillet 2017 pour examiner les préoccupations de la communauté autochtone quant à la capacité de la commission de police de résoudre les problèmes soulevés par les dirigeants autochtones. Son rapport conclut que le fait que la commission manque à son devoir de dissiper la méfiance entre la communauté autochtone et la police constitue une « urgence ».

Ni Doug Ford ni Greg Rickford n'ont commenté ces deux rapports.

Jugement de décembre 2018 sur les traités Robinson


Conférence de presse, le 27 décembre 2018, à l'issue du procès intenté par 21 Premières nations signataires des traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur

Le 24 décembre, la juge Patricia Hennessey de la Cour supérieure de l'Ontario a rendu son verdict dans l'affaire de l'annuité des traités Robinson dans laquelle celle versée au peuple Anishinabek des rives des lacs Huron et Supérieur n'a pas été augmentée depuis qu'elle a été établie en 1874 à 4 $ par personne, par année. Vingt-et-une Premières nations signataires des traités Robinson-Huron et Robinson-Supérieur ont intenté une action en justice contre le Canada et l'Ontario en 2014 afin de remédier à cette injustice. D'énormes richesses ont été arrachées aux territoires représentés par les traités Robinson. La valeur des ressources sur les territoires traditionnels d'une seule Première nation, la nation Atikameksheng Anishnawbek (AAFN), qui comprend la région du grand Sudbury, a été estimée il y a quelques années à 550 milliards de dollars par les aînés AAFN. Les audiences se sont tenues à Thunder Bay à partir de septembre 2017 et se sont poursuivies à Garden River et à Little Current et se sont terminées en juin 2018 à Sudbury.

La juge Patricia Hennessy, de la Cour supérieure, a conclu dans sa décision que le traité n'était pas censé être une transaction ponctuelle, mais devait plutôt établir une relation réciproque avantageuse et respectueuse pour le partage des terres et des ressources sur le territoire. « Je conclus que la Couronne a l'obligation impérative et susceptible de révision d'augmenter les annuités des traités lorsque la situation économique le justifie », a déclaré Hennessy dans sa décision. Les Premières nations concernées considèrent la décision comme une victoire.

La juge Hennessy ne s'est pas prononcée sur le montant des paiements, ni sur les arriérés, ni comment ils seront payés. Elle a laissé le soin aux deux parties de négocier les détails du règlement maintenant qu'elle s'était prononcée sur le principe. Si les deux parties ne parviennent pas à un règlement négocié, la juge Hennessey reste saisie de l'affaire et tiendra des audiences et rendra une décision.


Conférence de presse du 27 décembre 2018

« Pour les Anishinaabe, ces traités ne constituent pas une simple transaction immobilière », a déclaré Dean Sayers, chef de la Première nation Batchewana. « C'était un moyen par lequel les Anishinabek devaient vivre en harmonie avec les nouveaux arrivants et entretenir des relations dans des circonstances imprévisibles et en évolution. Il a fallu 168 ans pour que notre voix soit entendue au sujet de notre mécontentement face au manque de mise en oeuvre intégrale du traité. Nous estimons qu'avec ce jugement clair de la cour sur la nature et le contenu de l'obligation, découlant du traité, d'augmenter les annuités prévues par le traité, la Couronne devrait engager des négociations sérieuses pour appliquer la décision conformément au principe de réconciliation. » À ce jour, ni l'Ontario ni le Canada n'ont accepté la proposition des Premières Nations de négocier un règlement fondé sur des principes reposant sur la décision du juge Hennessy. Un responsable du gouvernement ontarien a déclaré que le gouvernement « étudiait » la question. Le ministre des Affaires autochtones, Greg Rickford, n'a fait aucune déclaration à ce sujet. L'un des moyens par lesquels l'État canadien cherche à brouiller et à retarder le règlement des problèmes découlant du traité est qu'il préfère que l'affaire soit maintenue devant les tribunaux.

Ces développements et la rapidité à laquelle ils se produisent indiquent aux   peuples autochtones qu'ils doivent être très actifs pour être toujours bien au fait des événements, à la fois ce qui se dit et se fait et ce qui n'est pas dit et pas fait. Les monopoles canadiens et étrangers et l'État canadien, qui n'ont jamais été des amis des peuples autochtones, intensifient leurs attaques contre les droits ancestraux et issus des traités.. La classe ouvrière canadienne, dont les rangs comprennent de nombreux autochtones, ne peut s'émanciper qu'en émancipant également toute l'humanité, y compris tous les peuples autochtones.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 1 - 19 janvier 2019

Lien de l'article:
Mettons fin à l'injustice coloniale: Le gouvernement de l'Ontario montre son mépris pour les droits et les intérêts des peuples autochtones - David Starbuck


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca