Nicaragua

L'impérialisme américain met en marche son dispositif de changement de régime

Session extraordinaire du Conseil permanent de l'Organisation des États américains sur le Nicaragua le 11 janvier 2019

Le 24 décembre 2018, alors que les gens commençaient leurs célébrations du temps des Fêtes, le Conseil permanent de l'Organisation des États américains (OÉA) a émis un avis à ses membres au sujet d'une réunion spéciale devant se tenir le 27 décembre, à la requête de l'Argentine, du Brésil, du Canada, du Chili, de la Colombie, des Étast-Unis et du Pérou pour « examiner la situation au Nicaragua ». La réunion a été convoquée quelques jours après la publication d'un rapport de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) liée à l'OÉA et faisant état d'événements violents survenus dans le pays entre le 18 avril et le 30 mai 2018.

La tenue d'une manifestation spontanée d '«étudiants » le 18 avril 2018 était prétendument une réaction aux réformes de la sécurité sociale concernant les retraites des personnes âgées introduites par le gouvernement, en guise de solution de rechange aux mesures sévères préconisées par le FMI pour remédier au déficit du fonds de pension  (que le gouvernement a alors retiré, malgré le soutien des retraités, pour tenter de calmer les manifestations). Les manifestations se sont intensifiées et étendues à différentes parties du pays, accompagnée de tueries et d'actes violents de toutes sortes, la destruction de propriété, l'érection de blocus et d'autres gestes du genre, accompagnées d'appels au « départ » du président Daniel Ortega , ont été dépeints nonchalamment par les médias contrôlés par l'opposition au Nicaragua et les médias monopolisés internationaux comme des protestations « pacifiques » auquel le gouvernement a répondu par le massacre brutal d'étudiants. Cela aurait a mené à un mouvement de protestation nationale appuyée par la majorité de la population, que le gouvernement aurait écrasé par des atteintes de grande envergure contre les droits de la personne. Tout ce qui contredisait cette conclusion a été ignoré ou écarté peu importe les faits.

Ce qui s'est passé pendant trois mois, à partir d'avril, rappelait en fait la façon dont les groupes d'opposition violents appuyés de l'étranger se sont déchaînés au Venezuela en 2014 et en 2017 dans une vaine tentative de renverser le président Nicolas Maduro et le gouvernement bolivarien. Cela n'est pas fortuit, et ce n'est pas fortuit non plus que les États-Unis aient mis en action tout un ramassis de gouvernements, d'institutions, d'agences et d'organisations qu'ils dominent pour mener une offensive coordonnée contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua, semblable à celle menée contre le gouvernement bolivarien du Venezuela et, à certains égards, contre Cuba révolutionnaire.

Tel est le contexte dans lequel le Groupe de travail d'apparence neutre du Nicaragua a été mis sur pied à l'OÉA. Ce n'est pas une coïncidence que les gouvernements qui y ont pris part sont les mêmes qui sont engagés dans des efforts pour isoler le Venezuela et y provoquer un changement de régime, tel le très illégitime Groupe de Lima.

Le Groupe de travail n'a pas mis de temps à montrer ses couleurs par sa collaboration avec l'agent impérialiste qui sert de secrétaire général de l'OÉA, lequel a annoncé lors d'une réunion spéciale du 27 décembre qu'il était « forcé » d'enclencher un processus de mise en oeuvre de l'Article 20 de la Charte démocratique interaméricaine [1] contre le Nicaragua, en alléguant que l'ordre constitutionnel avait été violé et que le gouvernement avait commis des crimes contre l'humanité.

Les Nicaraguayens célèbrent le 39e anniversaire de la Révolution sandiniste à Managua, le 19 juillet 2018. Sur la bannière : « Le Nicaragua veut la paix ! En avant Daniel ! »

Cette activité de l'OÉA fait suite à des gestes hostiles des États-Unis. En septembre, lorsque l'ex-ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Nikki Haley, occupait le poste de présidente du Conseil de sécurité de l'ONU, elle a tenté sans succès d'y faire adopter une résolution contre le Nicaragua. En novembre, les États-Unis ont mis en place des sanctions financières et économiques élargies de même que d'autres sanctions contre le gouvernement du Nicaragua et certains Nicaraguayens en vertu de leur Loi sur la conditionnalité des investissements au Nicaragua (NICA). Au même moment, le président Donald Trump a signé un décret présidentiel déclarant que le gouvernement Ortega constituait « une menace extraordinaire et inhabituelle pour la sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis ». Le gouvernement du Nicaragua a répliqué en déclarant que « nous rejetons catégoriquement la continuité historique de l'ingérence et de la politique interventionniste du pouvoir impérial étasunien contre le Nicaragua », et a ajouté que « nous déclarons que toutes les accusations qui ratifient les perspectives et les pratiques impérialistes des États-Unis d'Amérique sont inadmissibles, irrespectueuses, fausses et illégitimes ».

« Le Nicaragua est un pays libre, souverain et indépendant. L'OÉA n'est ni un organe judiciaire, ni une cour d'appel. C'est un organisme politique qui favorise les États-Unis. »

Le 11 janvier s'est tenue la plus récente réunion spéciale du Conseil permanent de l'OÉA où le Nicaragua était à l'ordre du jour. Le Canada, en tant que coprésident du Groupe de travail, a présenté son rapport dans lequel il qualifie la situation au Nicaragua de « grave », marquée par une soi-disant érosion de la démocratie, le manque de droits de la personne, des attaques contre des « ONG crédibles » et un manque de respect pour la primauté du droit et où il annonce son intention de recommander une intervention internationale selon les étapes prévues par la Charte démocratique.

Le ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, Denis Moncana, s'est fermement opposé à la tenue de la réunion et a déclaré que le déclenchement du processus d'application de la Charte démocratique contre le Nicaragua était illégal et illégitime. Il a dénoncé l'agression et les machinations des États-Unis visant à imposer de facto un changement de régime au Nicaragua de même qu'au Venezuela et à Cuba. Les représentants du Venezuela et de la Bolivie ont aussi pris la parole et pris une position similaire. La réunion n'a pas tenu de vote ni adopté de décision, mais a fait référence à une autre réunion qui se tiendrait plus tard pour poursuivre la discussion sur les actions à prendre.

LML invite les Canadiens à prendre position contre cette brutale campagne impérialiste américaine et à s'opposer à toute tentative de la promouvoir au Canada. Le principe de non-ingérence dans les affaires des pays souverains, que même l'OÉA prétend défendre, exige que les citoyens de chaque pays soient en mesure de contrôler les décisions qui affectent leur économie ainsi que leurs affaires sociales, culturelles et politiques. d'interférence extérieure. Ceux qui font la promotion de cette campagne au Canada auraient mieux à faire de s'assurer que les Canadiens puissent exercer un contrôle sur les décisions qui affectent leur vie chez eux plutôt que de promouvoir la contre-révolution à l'étranger au nom de la liberté, de la démocratie et des droits de la personne. Soutenir les projets impérialistes de changement de régime, où qu'ils se trouvent, quel que soit le prétexte, n'est pas une poursuite honorable.

Note

1. La Charte démocratique interaméricaine a été adoptée le 11 septembre 2001 lors d'une session spéciale de l'Assemblée générale de l'OÉA à Lima, au Pérou. Elle a été écrite en coulisses par les États-Unis et le Canada sans que ses principes directeurs ou ses points spécifiques ne soient soumis pour discussion ou approbation aux parlements des pays membres de l'OÉA, sans parler des citoyens. LML avait alors écrit : « Les impérialistes américains, avec le concours des cercles dominants du Canada, s'efforcent d'implanter [...] des mécanismes juridiques pour imposer des sanctions économiques, l'isolement politique, l'ingérence et l'intervention et même l'invasion militaire directe à tout pays qui ne se soumet pas à leur diktat — tout cela au nom du 'renforcement de la démocratie'. »

L'article 20 se lit ainsi :

Dans le cas où il se produit dans un État membre une altération de l'ordre constitutionnel qui a de sérieuses incidences sur son ordre démocratique, tout État membre ou le secrétaire général peut demander la convocation immédiate du Conseil permanent en fin de procéder à une évaluation collective de la situation et d'adopter les décisions qu'il juge utiles.

Compte tenu de la situation, le Conseil permanent peut entreprendre les démarches diplomatiques nécessaires, en recourant aux bons offices en vue de promouvoir la normalisation de la démocratie institutionnelle.

Si les démarches diplomatiques se révèlent infructueuses ou si l'urgence du cas le justifie, le Conseil permanent convoque immédiatement une Session extraordinaire de l'Assemblée générale pour que celle-ci adopte les décisions qu'elle juge appropriées, notamment la réalisation de démarches diplomatiques, conformément à la Charte de l'Organisation, ainsi que le recours au droit international et aux dispositions de la présente Charte démocratique.

Durant le processus, toutes les démarches diplomatiques nécessaires seront entreprises, y compris le recours aux bons offices en vue de promouvoir la normalisation de la démocratie institutionnelle.

(Photos : OÉA, Canal 2, M. Blumenthal)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 1 - 19 janvier 2019

Lien de l'article:
Nicaragua: L'impérialisme américain met en marche son dispositif de changement de régime


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca