Mexique

Le nouveau gouvernement entre en fonction


Cérémonie sur la place Zócalo à Mexico, lors de laquelle Andrés Manuel Lopez Obrador reçoit le personnel de commandement des peuples autochtones du Mexique, à la suite de son investiture officielle en tant que nouveau président du Mexique, le 1er décembre 2018

Le nouveau président du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), est entré en fonction le 1er décembre 2018 après avoir été élu à sa troisième tentative et après deux immenses fraudes électorales en 2006 et 2012. Son principal engagement est de mettre fin à la corruption.

Le Mexique est à l'heure du changement. Le peuple a finalement décidé de mettre fin au régime du soi-disant PRIAN (le Parti révolutionnaire institutionnel — le PRI — et le Parti de l'action nationale — le PAN) qui a dominé la politique nationale au cours des dernières décennies et a promu le néolibéralisme. Depuis 1976, le FMI et la Banque mondiale ont dicté la politique économique du Mexique en faveur des États-Unis. En 35 ans, l'investissement étranger est passé de 10 milliards de dollars à 600 milliards de dollars et la dette externe de 3,8 milliards de dollars à 450 milliards de dollars. Le pays a tout simplement été hypothéqué.

Le pétrole, l'électricité et l'énergie en général ont été privatisés. Il en va de même pour l'industrie du téléphone, les chemins de fer, les ports et aéroports, l'industrie sidérurgique, les plages, les réseaux de télévision, etc., jusqu'à ce que le secteur d'État disparaisse presque totalement. Le pillage minier entrepris par des compagnies canadiennes et autres est massif. En 300 ans de colonialisme, les Espagnols ont pris 190 tonnes d'or. En dix ans, soit de 2006 à 2015, les entreprises ont pris 774 tonnes d'or et ont payé seulement 1,8 % en impôts.

« L'ALÉNA est u coup mortel aux producteurs mexicains. »

L'ALÉNA a été conclu, et il a eu comme conséquence le démantèlement de l'économie, la dévastation du milieu rural et une migration astronomique qui a chassé 10 millions de Mexicains vers les États-Unis, provoquant une augmentation vertigineuse du trafic de stupéfiants et du crime et de l'insécurité qui s'ensuivent. La monnaie a été grandement dévaluée, passant de 12,5 pesos pour un dollar en 1976 à l'équivalent de 20 000 aujourd'hui.

Les derniers mandats de six ans du PAN et du PRI ont occasionné en douze ans 200 000 décès et 30 000 disparitions. Des régions entières du pays, telles que Tamaulipas et Veracruz, sont passées aux mains de criminels.

N'en pouvant plus, en 2018 les Mexicains — 53 % des électeurs et 30 millions de votes — ont accordé une victoire éclatante à Andres Manuel Lopez Obrador et son parti Morena qui contrôle maintenant le Congrès et cinq gouvernements d'État. Ces facteurs, plus la majorité de Morena dans plusieurs congrès d'État, donnent à AMLO un pouvoir dont aucun président mexicain n'a bénéficié depuis longtemps.


Manifestation contre les assassinats massifs de personnes disparues sous les gouvernements antérieurs PRI et PAN, État de Jalisco, 4 mai 2018

La politique étrangère a pris une nouvelle direction avec le nouveau gouvernement. Il a refusé d'appuyer la condamnation du Venezuela par le Groupe de Lima, respectant ainsi la souveraineté du pays latino-américain et défendant le principe de non-intervention.

Le nouveau gouvernement a lancé une campagne d'austérité par laquelle il a réduit les salaires des hauts fonctionnaires, éliminé les dépenses superflues, vendu l'aéronef présidentiel de 7 milliards de pesos, vendu la résidence de Los Pinos qui était la résidence officielle et le bureau du président et coupé dans les dépenses gouvernementales. Le projet onéreux du nouvel aéroport international a été annulé et les pensions exorbitantes accordées aux anciens présidents ont été éliminées.

Le vol d'essence apportait aux fonctionnaires, aux dirigeants syndicaux et aux groupes criminalisés une manne de 100 milliards de pesos. Une campagne agressive contre le vol d'essence qui a engendré des pénuries est maintenant commencée, et la population appuie la mesure.

Avec les sommes épargnées, les pensions pour les aînés ont doublé et des bourses seront accordées à 10 millions de jeunes et un million de personnes ayant des besoins spéciaux. Quelque 2,6 millions de jeunes seront bénéficiaires d'allocations pour des formations au sein de grandes entreprises et après un an celles-ci auront l'option de les embaucher.

Pour la première fois depuis plusieurs décennies, le salaire minimum sera augmenté de 16 %, de bas salaires ont été haussés et les pensions doublées et il existe des programmes de crédit pour les petites entreprises.

Le nouveau président s'est engagé à ne rien modifier au modèle macroéconomique, et demeure en bons termes avec le FMI et la Banque mondiale. Avec les États-Unis et le Canada, il a apposé sa signature à l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (le nouvel ALÉNA qui a fait tant de dommage au Mexique) et continue de promouvoir l'investissement étranger. Par exemple, il a annoncé un investissement de 154 millions de dollars dans la transnationale Nestlé, ce qui a provoqué le mécontentement des cultivateurs de café de Veracruz. Quant à la privatisation du pétrole, celle-ci est au ralenti et AMLO a mentionné qu'il pourrait réviser les contrats.

Il y a vingt ans, la fraude bancaire que nous avons payée via le Fonds bancaire pour la protection des épargnes (FOBAPROA) représentait 600 millions de pesos. À ce jour nous avons payé plus de 2 milliards de pesos et maintenant nous devons toujours 70 % en surplus, soit 1,8 milliard de pesos. En 2019, 51 millions de pesos seront versés aux banques tandis que les fraudeurs ne seront pas punis et les banques continueront d'être « secourues ».

Les Mexicains participent à une consultation nationale sur un nouvel aéroport international, en octobre 2018.

a dette est déjà à 10 milliards de pesos, et cette année on versera 750 000 millions de pesos pour réduire la dette — un montant astronomique. Sous le régime du PRI, la dette externe avait augmenté de 49 millions de dollars en 1940 à 3,6 milliards de dollars en 1970 pour ensuite passer à 85 milliards de dollars en 1982 et à 445 milliards de dollars aujourd'hui. AMLO s'est engagé à ne pas accroître la dette, mais il va honorer tous les engagements précédents vis-à-vis celle-ci.

La situation au Mexique est complexe et le nouveau gouvernement avance en préconisant une panoplie de mesures contradictoires. On s'attend à une solide résistance de la part de l'oligarchie et des entreprises et nous verrons quelles seront les nouvelles mesures du gouvernement et du Congrès Morena avec sa majorité. Une des caractéristiques du gouvernement actuel est qu'avant d'entreprendre les mesures qu'il juge nécessaires, il effectue des consultations nationales et, en toute vraisemblance, c'est la ligne qu'il compte suivre. Une telle consultation aura lieu en mars pour décider si des procédures seront entamées contre les présidents Pena, Calderon, Fox, Zedillo et Salinas de Gortari.

Déjà AMLO a annoncé qu'il passera à l'histoire, tout comme Juarez et Cardenas. Juarez a exproprié les terres de l'Église, suspendu les paiements sur la dette, dirigé la Révolution réformatrice et chassé les envahisseurs français. Cardenas a confronté le fascisme et les États-Unis, nationalisé le pétrole, distribué 18 millions d'hectares aux paysans et aussi suspendu les paiements pour réduire la dette. Nous verrons ce qui se passera au Mexique dans les années à venir.s.

Lisez le discours inaugural du président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador ici.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 1 - 19 janvier 2019

Lien de l'article:
Mexique: Le nouveau gouvernement entre en fonction - Pablo Moctezuma Barragan


    

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