Numéro 120 - 13 septembre 2016
Croissance exponentielle de la
désinformation
Le rôle de puissants
intérêts privés
et la
nécessité de bâtir nos
propres organisations et médias
- Sam Heaton -
PDF
LML reproduit
ci-dessous la
présentation faite par Sam Heaton au Séminaire sur la
situation
nationale et internationale organisé par le Parti communiste du
Canada
(marxiste-léniniste) à l'Université d'Ottawa le 14
août 2016.
***
Un des grands problèmes auquel est
confronté le mouvement du peuple pour s'investir du pouvoir de
décider aujourd'hui est la croissance exponentielle de la
désinformation qui profite de la modernisation des technologies
de l'information et des médias sociaux. De puissants
intérêts privés, l'État et ses agents dans
les rangs du peuple
s'emparent tout de suite des fruits de ce progrès et trouvent
les moyens de les utiliser pour dominer l'espace et s'en servir
à leurs fins.
Par exemple, avec la
montée de grands monopoles
des médias sociaux, tels que Facebook et Twitter, l'élite
dominante a fait la promotion des médias sociaux et de
plateformes tel Wikipedia comme de grands facteurs de
démocratisation et prétendu que cela crée
maintenant l'« égalité des chances ».
S'il y avait concentration des pouvoirs
dans la presse traditionnelle, dit-on, ce n'est plus le cas.
Quand on analyse ce phénomène, comme pour
tout phénomène, il faut également tenir compte de
la manipulation et de la contre-manipulation qui en est faite et
déterminer qu'est-ce qui favorise le peuple et son mouvement
politique.
Dans ce cas, la manipulation et la contre-manipulation
dans le débat à savoir si les médias sociaux sont
« bons » ou « mauvais »
détournent l'attention du besoin pressant que les travailleurs,
les femmes et les jeunes bâtissent leurs propres organisations et
médias pour s'informer entre eux et donner une voix à
leur politique
indépendante.
La classe ouvrière est confrontée
à ce défi depuis le XIXe siècle, quand elle a
commencé à s'organiser en tant que classe en soi et pour
soi, séparément des partis politiques de la bourgeoisie.
Le besoin s'est fait sentir davantage avec
l'arrivée des grands monopoles médiatiques durant la
période du capitalisme monopoliste et encore plus avec la
domination du secteur des médias sociaux par la puissance
concentrée d'une poignée de plateformes qui valent des
milliards de dollars.
Le 26 août, le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) célébrait le 46e
anniversaire de la presse du Parti et le 1er septembre le 36e
anniversaire de la presse de masse du Parti et la presse de masse sans
parti. La presse du Parti et la presse sans parti sont des
ingrédients indispensables dans le renforcement du
mouvement émancipateur de la classe ouvrière et des armes
puissantes pour s'organiser à la défense de ses propres
intérêts.
Le renforcement et la consolidation des deux formes de
presse sont une composante du travail que le PCC(M-L) a entrepris au
cours de cette période de repli de la révolution durant
laquelle la classe ouvrière est engagée dans une
épreuve de force avec la bourgeoisie, avec le Parti à sa
disposition.
Le PCC(M-L) a accordé une attention prioritaire
au cours des dernières années à la consolidation
de la presse de masse du Parti en développant des groupes de
rédacteurs et de diffuseurs. Partout au pays cette presse se
fait connaître par sa capacité à fournir à
la classe ouvrière l'information et l'analyse dont elle a besoin
en tant que force
combattante et à accorder une place d'honneur aux mouvements du
peuple.
La presse de masse sans parti a également
traversé une période de transformation, ce qui lui a
permis d'augmenter son lectorat et à surmonter la
marginalisation de la classe ouvrière et des sections
vulnérables du peuple.
Exposition des publications de la presse du Parti et de la presse de
masse du Parti au Centre ouvrier à l'occasion du 44e
anniversaire de la presse du Parti
En ce moment le PCC(M-L) met en place des arrangements
devenus nécessaires pour consolider ces victoires et porter une
attention particulière aux problèmes posés par les
médias sociaux et le développement du nouveau journalisme
dans les conditions actuelles.
Devant une situation caractérisée par
l'accélération des préparatifs de guerre et des
perturbations de plus en plus agressives qui ciblent les mouvements
politiques, il est nécessaire non seulement de combattre la
désinformation, de manière professionnelle et
systématique, mais surtout d'aider tous et chacun à voir
comment aborder la situation
dans la perspective de résoudre les problèmes auxquels
sont confrontés le mouvement et la classe.
À cet égard, peu importe le moyen de
transmission utilisé par la presse de masse du Parti et la
presse sans parti, elles ont un avantage décisif sur la presse
bourgeoise parce qu'elles sont tournées vers l'avant, parce
qu'elles s'affairent à ouvrir la voie au progrès de la
société. Pour cette raison, cette presse a un avenir tout
comme la classe
ouvrière a un avenir, et tout comme son avant-garde a un avenir.
Cette réalité est la base quand on
discute des médiaux sociaux et de l'ensemble de la
problématique. Si l'utilisation des médias sociaux par
les partis des riches pour obtenir un avantage électoral et par
l'impérialisme américain pour subvertir des États
souverains est bien documentée, elle l'est moins en ce qui
concerne l'ingérence directe des
organismes de l'État dans les mouvements politiques
progressistes et anti-impérialistes.
Il est nécessaire d'examiner tous les trois
aspects et d'appeler le peuple à s'opposer à ces
activités contre-révolutionnaires en tant que force
organisée. Il s'agit surtout de trouver les moyens d'utiliser
les médias sociaux pour informer et unir les forces populaires
dans l'action.
La « participation électorale »
et la « diplomatie numérique »
Dans ce qu'on appelle les « démocraties
avancées » les médias sociaux sont
censés « [étendre] la communication politique et
électorale, [élargir] les possibilités de
l'engagement démocratique, [modifier] le confinement et les
hiérarchies politiques traditionnels, et [rendre] la
démocratie plus accessible. »[1]
La Brookings Institution, un centre de réflexion
de l'impérialisme américain, met en lumière les
« avantages directs à utiliser les médias sociaux
pour améliorer l'engagement électoral et revigorer la
démocratie américaine. Par exemple, les médias
sociaux ont permis d'accroître la réponse du public et
l'imputabilité des deux
partis. »[2]
Les principaux exemples de
l'amélioration de
l'« engagement électoral » et de
l'accessibilité de la démocratie par les médias
sociaux sont l'élection en 2008 de Barack Obama aux
États-Unis, celle d'Angela Merkel en Allemagne, en 2009, et
plus récemment l'arrivée au pouvoir du gouvernement
libéral de Justin Trudeau au
Canada.
On dit que la manipulation des médias sociaux
durant les campagnes électorales permet non seulement de gagner
du temps et de l'argent mais aussi de recueillir des renseignements
privés sur le segment le plus large possible de la population
pour les intégrer aux bases de données des partis, afin
de mieux les cibler.
Dans un communiqué de juin 2016,
Élections Canada publie des données sur les
dépenses des partis politiques à l'élection
fédérale du 19 octobre 2015. Parmi les partis
de cartel, le Parti libéral aurait dépensé 43
millions $, le Parti conservateur près de 42
millions $ et le NPD environ 30
millions $. Mais pour ce qui est des médias sociaux, les
libéraux ont dépensé beaucoup plus que les autres,
soit près de 9 millions $, comparativement à
moins de 2 millions $ pour les conservateurs.
Les organisateurs de la campagne
libérale ont
acheté de l'espace publicitaire permanent sur la première
page de Twitter, parrainant le mot-clic #elxn42 (en
référence à la 42e élection
générale), ce qui en a fait un élément
permanent du site accompagné du nom du chef. En d'autres termes,
les organisateurs de la campagne de Trudeau ont
payé pour une marque commerciale sur Twitter afin que son nom
soit associé à l'élection.
Un journal a noté : « Les
utilisateurs qui cliquent sur le sujet des tendances dans la section
Tendances au Canada ou qui le recherchent grâce à la barre
de recherche Twitter voient apparaître un tweet qui promeut
Justin Trudeau et qui met en évidence un vidéo commercial
de 15 secondes. »
Tom Pitfield, le stratège de Trudeau en
matière d'information numérique et maintenant
président du groupe-conseil néolibéral
Canada 2020, écrit : « L'information
numérique avait le plus grand retour sur investissement... Nous
en avons fait un avantage stratégique. »
Le conseiller principal de Justin Trudeau, Gerald
Butts, a dit aux médias : « L'astuce est de parler
aux gens d'une manière qui les amène à vous dire
ce qu'ils pensent vraiment pour ensuite disposer d'informations fiables
sur lesquelles baser votre plan de campagne. » En d'autres
termes, comment obtenez-vous le plus de
renseignements personnels possibles au sujet des gens qui peuvent
être réutilisés pour les manipuler en votre faveur.
La méthode peaufinée par Obama, Merkel et
Trudeau est de donner l'impression que le chef communique directement
avec les gens ou même que cette communication est
bidirectionnelle.
Dans le cas des libéraux, la fonction de
collecte de données des médias sociaux a
été simplifiée par la constitution du parti qui
permet maintenant de « joindre » le parti en
remplissant des cases sur le site Web du Parti libéral.
La catégorie « membre » a
été abolie et quiconque s'inscrit sur le site est
ajouté à la base de données du parti.
L'information est ensuite recoupée avec la liste
fédérale des électeurs et ainsi la personne est
prête à être mobilisée dans l'armée
libérale. Ce que le Parti libéral appelle la structure
« pyramidale » ou «
hiérarchique » a été remplacée
par ce qui est censé être une relation directe avec le
chef.
La manipulation « de la gauche » est
que « la communauté numérique et les relations
sociales émergentes » sur les plateformes de
médias sociaux sont caractérisées comme
étant « décentralisées,
démocratiques, hétérogènes, fluides,
ouvertes et informelles, et à bien des égards autonomes.
En particulier, la facilité avec laquelle les
individus peuvent générer et partager du contenu via les
médias sociaux est considérée par certains comme
une indication d'une société plus démocratique et
égalitaire.
« Les sites et les services de réseautage
social fournissent de 'sphères publiques radicales' qui
constituent de nouveaux forums pour le développement et
l'expression de la citoyenneté politique, des forums qui sont
moins sujets à un contrôle par les
élites. »[3]
Les porte-paroles de l'élite dirigeante
impérialiste disent la même chose sur le rôle des
médias sociaux dans les pays considérés comme des
ennemis des États-Unis et des sociétés non-libres.
Dans « les démocraties
représentatives », on dit que le triomphe des
médias sociaux est que les citoyens ont une plus grande
capacité à interagir avec leurs gouvernements et que les
partis politiques des riches peuvent mieux mobiliser les gens contre
leurs propres intérêts. Les médias sociaux servent
à donner une plus grande apparence de
légitimité aux gouvernements des riches.
Toutefois, dans les pays considérés comme
des « ennemis », des « États
voyous », qui « violent les droits de
l'homme » et ainsi de suite, les médias sociaux
servent à aider les gens à s'opposer à
l'État, à renverser les gouvernements et même
à collaborer directement avec les puissances
impérialistes pour coordonner la
remise en cause des autorités.
Dans le langage néolibéral, on dit que
cela conduit à « une citoyenneté plus active,
critique et politisée, où les citoyens ne sont plus des
récepteurs passifs des médias contrôlés par
l'État ».
Loin d'être des activités issues des
peuples, elles sont organisées au plus haut niveau de
l'État impérialiste américain. Par exemple, la
National Endowment for Democracy, une façade « à
but non lucratif privée » de la CIA fondée par
Ronald Reagan pour parrainer les groupes pro-américains dans le
monde, dirige un centre pour prêter
main-forte aux médias à l'échelle internationale
appelée « Center for International Media
Assistance » (CIMA).
Le CIMA « travaille à appuyer les efforts
des journalistes et des médias indépendants et leur
efficacité dans les pays en développement » et
« estime que l'indépendance des médias est
essentielle dans le monde d'aujourd'hui ». Le CIMA
déclare que « les médias sociaux ont changé
la façon dont les journalistes traditionnels
recueillent de l'information et ont habilité les individus
à se joindre à la conversation. C'est
particulièrement redoutable dans les pays en
développement qui cherchent à obtenir la
vérité et promouvoir la justice. »[4]
Le « US Institute of Peace » qui,
malgré son nom, est un bras du gouvernement américain
créé en même temps que la NED et entièrement
financé par le Congrès, a conclu dans une récente
étude que « Twitter, Facebook et YouTube ont joué
un rôle majeur durant les épisodes de contestation
politique en tant qu'outils pour les activistes
qui veulent remplacer des régimes autoritaires et promouvoir la
liberté et la démocratie ».[5] Ces techniques ont été
formalisées dans une pratique appelée « diplomatie
numérique », une trait saillant de la doctrine Obama
également appelée la « diplomatie
directe » et la « diplomatie
publique ». En « diplomatie
numérique », le département d'État
américain et l'OTAN traitent directement avec les citoyens de
différents pays et avec les ONG pour faire leur sale travail et
contourner complètement les gouvernements souverains. En
d'autres termes, c'est une forme de guerre cybernétique.
Les « avantages » de la «
diplomatie numérique » sont censés être,
d'abord, « une manière relativement rentable de
développer des liens avec le public à l'étranger
[...] Deuxièmement, la diplomatie numérique permet au
personnel diplomatique d'accroître son influence. [...] la
diplomatie numérique est généralement
considérée
comme une forme de diplomatie publique pour faire participer le public
à l'étranger, plutôt que simplement les
élites politiques au sein d'un pays. Enfin, la diplomatie
numérique permet au personnel diplomatique de mieux suivre
l'opinion publique sur un gouvernement étranger, les dirigeants
politiques et les énoncés de politique, de manière
similaire aux entreprises qui utilisent les médias sociaux pour
rester à l'écoute de l'opinion publique. »[6]
La diplomatie numérique est également le
prolongement au sein des services extérieurs et des affaires
internationales de la participation directe au sein des gouvernements
des intérêts privés privilégiés tels
que Google, Twitter et Facebook.
En juin 2013, le
chercheur universitaire et
conseiller pour l'OTAN Roland Paris, qui a été conseiller
en chef en politique étrangère pour Justin Trudeau lors
des six premiers mois de son gouvernement, a discuté « de
comment le Canada s'est retrouvé bon dernier derrière ses
alliés les plus proches dans l'utilisation des outils de
médias
sociaux. Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont reconnu
l'importance de la diplomatie numérique il y a des années
de cela, en encourageant leurs ambassadeurs et missions diplomatiques
à collaborer directement par le biais des médias sociaux
avec le public et les dirigeants politiques des autres
pays », a-t-il dit.
En février 2014, John Baird, à
l'époque ministre des Affaires étrangères du
Canada, a visité le siège de Google et Twitter dans
Silicon Valley, en Californie, et a pu planifier comment « la
diplomatie numérique » sera ajoutée à
l'arsenal du gouvernement canadien contre les pays ciblés.
Baird a déclaré : «
Grâce aux médias sociaux et aux connaissances
soutirées par l'analyse des métadonnées, nous
pouvons nous engager dans la diplomatie directe, non seulement la
diplomatie élitiste. Les exercices de mise en correspondance des
médias sociaux aux Affaires étrangères, du
Commerce et du Développement Canada nous
ont aidés à rejoindre des acteurs civiques qui cherchent
à amener un changement social et politique positif dans les pays
où ils vivent. »
La République islamique d'Iran a
été une cible principale de la « diplomatie
numérique » du Canada sous le gouvernement Harper
dans son projet avec l'École Munck de l'Université de
Toronto appelé « Dialogue mondial sur l'avenir de
l'Iran ».
Durant la guerre en 2011 contre la Libye, les
agents de l'OTAN sur le terrain ont même utilisé Twitter
et Facebook pour fournir des coordonnées pour les campagnes de
bombardements qui ont dévasté le pays.
Le ministère des Affaires
étrangères du Canada, appelé Affaires mondiales
Canada, maintient un représentant spécial auprès
de l'opposition syrienne basée en Turquie dont l'une des
tâches principales est la diplomatie numérique. Robin
Wettlaufer occupe le poste depuis mars 2014.
Trek , la publication des diplômés
de l'Université de la Colombie-Britannique, écrit que
Wettlaufer « représente la prochaine
génération d'agents du service extérieur et un
nouveau type de diplomatie qui se concentre sur de nouveaux partenaires
et de nouvelles approches. Wettlaufer a dit : ' Nous
établissons des liens de
nombreuses façons avec l'opposition, l'ensemble des partis
opposés au régime el-Assad, y compris par le biais des
médias sociaux. Notre objectif est d'étendre nos
réseaux, de comprendre les différentes dynamiques, afin
d'amplifier les voix de la démocratie ... ' »
Tactiques de perturbation de l'État contre
les mouvements politiques et les pays souverains
Les concepts que nous venons d'aborder sont
bien documentés. Par exemple, les trois volumes publiés
sur le sujet par Encyclopedia of Social Media and Politics
en 2014 comportent plusieurs essais sur le ces sujets. Or, les
pratiques de perturbation de l'État par le moyen des
médias
sociaux ne sont pas abordées dans cette littérature
et ont pourtant des répercussions aussi importantes, sinon plus.
Leur signification est davantage mise en relief par la
nouvelle situation qui existe, soit un gouvernement libéral au
pouvoir au Canada et une convergence de factions rivales de
l'élite dominante des États-Unis pour faire élire
Hillary Clinton comme présidente de guerre. Dans les deux cas
l'objectif est de bloquer les mouvements de résistance
des peuples, surtout la mobilisation politique à la
défense des droits et contre la guerre et l'agression.
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau
accélère l'offensive antisociale pour éliminer
tous les arrangements étatiques qui empêchent de rendre
les monopoles concurrentiels sur les marchés mondiaux et
entraîner toujours plus le Canada dans les plans de domination
mondiale des États-Unis.
Pour réussir il leur faut dépolitiser le
corps politique pour que la résistance du peuple devienne
inefficace.
Les groupes de réflexion qui
conseillent le
gouvernement américain ont mis au point différentes
méthodes pour mener des campagnes de désinformation
contre quiconque le gouvernement américain considère une
menace.
Une de ces tactiques consiste à briser toute
unité du peuple autour d'un principe ou d'un objectif et de
semer le doute sur la conscience collective.
Un des théoriciens de cette méthode est
Cass R. Sunstein, qui a été pendant plusieurs
années le chef du bureau d'information de l'administration
Obama. En 2008, alors qu'il était professeur à
l'Université de Chicago, il a publié un essai dans lequel
il conseille le gouvernement américain sur les méthodes
pour saper et discréditer ses
adversaires sur Internet en utilisant un concept appelé «
diversité cognitive ».
La méthode vise ceux que Sunstein appelle
« les théoriciens de la conspiration » mais
elle s'applique également à « toute polarisation de
groupe », c'est-à-dire à toute
résistance ou conviction basée sur les principes.
Sunstein soutient que « la polarisation de groupe »
est irrationnelle mais « très probable parmi les personnes
qui partagent un sens d'identité et qui sont liés par des
liens de solidarité ».
Il écrit : « Il s'agit de
circonstances dans lesquelles les arguments de gens de
l'extérieur, qui ne sont pas liés au groupe, n'ont pas
beaucoup de crédibilité et donc pas beaucoup d'effet
à réduire la polarisation. »
Sa solution est de « suggérer une tactique
distincte pour briser l'unité des extrémistes qui sont
à l'origine des théories de la conspiration :
l'infiltration cognitive des groupes extrémistes, où des
agents du gouvernement ou leurs alliés (agissant soit
virtuellement ou dans l'espace réel, ouvertement ou de
façon anonyme) vont saper
l'épistémologie infirmée de ceux qui souscrivent
à ces théories ».
« Ils le font en semant des doutes sur les
théories et les faits manipulés qui circulent dans ces
groupes, introduisant ainsi une diversité cognitive
avantageuse. » La « diversité
cognitive » est une façon détournée de
dire désinformation.
Sunstein va droit au but : « Nous proposons
un rôle pour l'effort du gouvernement et ses agents dans
l'introduction de cette diversité. Les agents du gouvernement
(et leurs alliés) peuvent entrer dans les salles virtuelles de
clavardage, sur des réseaux sociaux ou même dans des
groupes dans l'espace réel et tenter de saper les
théories de
conspiration en herbe en soulevant des doutes au sujet des
prémisses, de la logique ou des implications pour l'action
politique. »[7]
Sunstein est également l'auteur d'un livre
intitulé Nudge qui est basé sur la
prémisse que « les êtres humains ne sont pas
toujours capables de prendre des décisions qui sont dans leur
intérêt » et doivent par conséquent
être poussés ou incités par de petits
encouragements des autorités à aller dans la bonne
direction.
Certains documents fuités par Edward Snowden
décrivent les méthodes de renseignement de façon
plus détaillée en prenant l'exemple du Joint Threat
Research Intelligence Group de Grande-Bretagne, une unité du
bureau des communications, et du Centre de la sécurité
des télécommunications du Canada (CSTC).
Ces méthodes sont empruntées à la
police politique des États-Unis et sont partagées avec
les autres pays du réseau des Cinq Yeux, soit le Royaume-Uni, le
Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Le journal Intercept rapportait le 23
mars 2015 :
« Selon les documents de Snowden, le Centre de la
sécurité des télécommunications du Canada
dispose de plusieurs ‘techniques de duperie' dans son coffre à
outils. Cela comprend les opérations sous fausse identité
pour créer de l'agitation et les opérations d'effet
conçues pour altérer la perception de l'adversaire. Les
opérations sous fausse
identité sont habituellement des opérations par
lesquelles l'impression est créée que l'action
illégale a été menée par quelqu'un d'autre,
c'est-à-dire ou bien un gouvernement étranger, ou bien un
pirate informatique. Les opérations d'effet peuvent comprendre
la propagation de fausses informations sur les médias sociaux ou
la perturbation des
services de communications. Les documents fuités ont
également révélé que le Centre de
sécurité dit pouvoir créer des ‘pots de miel'
comme tactique de duperie. Il s'agit vraisemblablement de l'utilisation
d'un appât pour attirer des cibles sur Internet pour pouvoir
ensuite les pirater ou les surveiller.
« Le fait que le Centre de sécurité
se serve de tactiques de duperie du genre laisse entendre qu'il agit
dans l'ombre tout comme l'unité de surveillance britannique
appelée JTRIG. L'année dernière, Intercept
a publié des documents fuités par Snowden qui montrent
que l'unité de renseignement britannique se sert
d'opérations d'effet
pour manipuler l'information en ligne, comme par exemple en truquant un
sondage en ligne, en envoyant de faux messages sur Facebook dans
plusieurs pays et en affichant des informations négatives sur
les cibles pour endommager leur réputation. »[8]
Glenn Greenwald observe : « Deux tactiques
figurent parmi les missions que s'est assignées le
JTRIG : 1) propager de fausses informations sur Internet pour
détruire la réputation des cibles et 2) utiliser les
sciences sociales et d'autres techniques pour manipuler le discours et
l'activisme sur Internet pour produire des
résultats désirables. »[9]
Aujourd'hui ces méthodes sont évidentes
dans les agissements des puissants intérêts privés
alignés sur l'impérialisme américain qui dominent
les médias sociaux. Cela comprend non seulement les
différentes sections de l'oligarchie financière
internationale qui dominent déjà les médias
traditionnels et les nouvelles plateformes en ligne mais
aussi la propagation ‘virale' de certaines informations par une
manipulation avancée des utilisateurs pour cibler certains
mouvements politiques et certains pays qui refusent de se laisser
dominer.
De puissants intérêts privés
Il est bien connu que les réseaux en
ligne ne sont pas moins saturés de publicité
privée que les journaux, la télévision et l'espace
public. Des individus sont ciblés grâce à la
surveillance que font différentes entreprises privées et
des médias sociaux de leurs habitudes de consommation, de leurs
recherches Internet, de leurs conversations
privées par courrier électronique ou par d'autres
plateformes ou même par ce que ramasse le microphone de leur
ordinateur quand il est ouvert.
Comme pour les médias traditionnels, il est
possible de cibler plus précisément des individus par les
canaux officiels et les médias sociaux monopolisés en
utilisant des services payants offerts par des firmes de médias
sociaux.
Twitter et Facebook valent maintenant 10
milliards $ et plus de 300 milliards $ respectivement.
Les impérialistes américains accordent
beaucoup de valeur à Twitter et Facebook. Ils les ont
aidés à grandir parce qu'ils s'en servent pour subvertir
la résistance du peuple. Ces plateformes sont utilisées
pour répandre des rumeurs et de la désinformation avec de
petites phrases ou des groupes de mots ou d'images qu'il est
pratiquement
impossible de contester.
Ces plateformes encouragent aussi l'idolâtrie
autour de personnalités dominantes de la culture
impérialiste américaine pour attaquer le matériel
de penser des peuples du monde et détruire l'opinion publique.
Le commandant en chef des États-Unis Barack Obama se voit
régulièrement accordé une place de choix sur
Facebook et Twitter pour se
faire valoir comme personnalité et ainsi saper l'opposition
à la guerre impérialiste.
Étude de cas : le Venezuela et Buzzfeed
La Révolution bolivarienne du Venezuela et la
ferme résistance du peuple vénézuélien
à l'assaut impérialiste sont la cible d'activités
de perturbation depuis l'élection de Hugo Chavez en 1998.
Ces activités se sont intensifiées de pair avec la guerre
économique que leur font l'impérialisme américain
et l'oligarchie vénézuélienne. Il y a eu
une série de tentatives de déstabilisation et de coups
d'État contre-révolutionnaires.
Durant les tentatives de déstabilisation qui
visaient à prépare les conditions pour un coup
d'État et l'intervention étrangère en 2013
et 2014, des images ont été circulées par des
forces obscures montrant d'horribles scènes de violence
policière et d'émeutes. Les images étaient
accompagnées de récits sans fondement dans lesquels on
prétendait qu'il y avait un soulèvement populaire contre
le gouvernement et que le gouvernement se livrait à une
répression brutale.
Il s'est avéré par la suite que les
images provenaient en réalité du Chili, d'Égypte,
du Mexique et d'autres pays et lorsqu'elles sont devenues «
virales » plusieurs médias ont été
forcés d'émettre des rétractations.
En 2014, 43 personnes ont perdu la vie dans des violences de
rue organisées par les fores contre-révolutionnaires
et beaucoup d'édifices publics ont été
endommagés.
Or, maintenant les méthodes de perturbation sont
beaucoup plus avancées mais les
Vénézuéliens continuent de faire échec aux
tentatives de saboter leur projet d'édification nationale
anti-impérialiste. Mis à part le barrage constant de
faussetés à propos du Venezuela dans les médias
monopolisés et en provenance des agences d'État comme
Radio-Canada, les pires attaques proviennent des sites Web
spécialisés dans la propagation «
virale » de certains contenus sur les médias sociaux
auxquels avec une apparence d'avant-garde et de centre-gauche.
Buzzfeed par exemple est « une entreprise
d'actualités sociales et de divertissement » qui a
innové des techniques de manipulation des lecteurs pour
atteindre un certain nombre de « cliques » et de
« partages » de contenus complètement banals et
superficiels. Cela s'appelle l'« appât du
clique ». En 2015
Buzzfeed a reçu un investissement de 200 millions $ de
NBC Universel et on estime que le site vaut maintenant plus d'un
milliard de dollars.
Le site s'aligne étroitement sur les positions
du gouvernement américain. Une étude
réalisée le 30 juin par la firme Fairness and
Accuracy in Reporting montrait que 99 % de la couverture de
l'administration Obama par Buzzfeed était positive, qu'une seule
nouvelle sur cent contenait un reproche ou une critique de
l'administration : un article dans lequel on reprochait au
gouvernement américain de n'avoir pas atteint ses cibles en
matière d'accueil de réfugiés syriens.
La majeure partie des revenus de l'entreprise provenait
de sa filiale appelée Buzzfeed Creative, qui produit des
annonces publicitaires qui ont l'apparence de nouvelles. Un analyste
des réseaux sociaux dit que l'avenir de Buzzfeed «
dépend de sa capacité à nous convaincre que cette
publicité n'est pas de la publicité ». Plus
spécifiquement, il dépend de sa capacité à
convaincre les lecteurs que la désinformation est de
l'actualité.
Le magazine Wired écrit : «
S'il y a une science dans la stratégie de contenu de Buzzfeed,
elle est basée sur la capacité de mesurer des
comportements obsessifs. L'équipe de recherche se sert
d'algorithmes pour prédire quelles nouvelles va se
répandre comme une trainée de poudre. L'équipe
d'infographie trace les habitudes des
utilisateurs par des tests analytiques. »
Le contenu et les titres sont conçus sur la base
de formules encourageant le maximum de cliques et de partages.
En 2014, Buzzfeed a lancé l'idée
d'un « soulèvement » au Venezuela. Elle
affirmait que les problèmes du Venezuela provenaient de la
nationalisation de l'industrie du pétrole et de l'exclusion des
monopoles étrangers géants.
Plus récemment, le site web a publié
plusieurs articles de désinformation avec titres «
appâts de clique » comme « Que savez-vous
vraiment de ce qui se passe au Venezuela ? » ou «
Le Venezuela a ouvert ses frontières et il y a eu une
ruée de personnes mourant de faim ».
Buzzfeed fait depuis 2013 la promotion du
Vénézuélien d'origine norvégienne Thor
Halvorssen qui possède les « groupes de défense des
droits humains » bidons que sont le Oslo Freedom Forum et la
Human Rights Foundation.
Halvorssen est le fils de Thor Halvorssen Hellum, un
informateur de la CIA qui a participé au financement de la contra
au Nicaragua. Sa tante était directrice d'une
pétrolière d'État trouvée coupable de
financement du parti politique « Volonté
populaire » au Venezuela.
Le parti Volonté populaire a été
fondé par Leopoldo Lopez qui purge une peine de prison pour
avoir incité à des affrontements violents et mortels
durant les protestations incitées par les États-Unis
contre le gouvernement vénézuélien en 2014.
Lopez est également le premier cousin de Halvorssen et a fait
partie de son « Forum
liberté ».
Le journaliste américain Ken Silverstein
écrit : « Une des prétendues
spécialités de Halvorseen est d'introduire des
faussetés sur les pages de Wikipedia et d'y faire de fausses
corrections pour ternir les « adversaires » de ses
clients.
Un correspondant de Buzzfeed s'est rendu à Oslo
en 2013 pour rédiger un portrait flatteur de Halvorssen le
présentant comme un « activiste des droits
humains ». Il a été le sujet de plusieurs
articles de Buzzfeed depuis et sa fondation pour « les droits
humains » était en vedette dans une vidéo de
Buzzfeed contre Cuba.
La vidéo de trois minutes intitulées
« Que se passe-t-il au Venezuela » a été
produite par la nouvelle fonction « Pero Like » de
Buzzfeed, qui produit des contenus ciblant des utilisateurs anglophones
ayant une origine latino-américaine. La vidéo a
été publiée le 2 août et le 11
août elle avait été visitée 29
millions de fois.
On y voit un homme non identifié parlant anglais
qui offre une performance faite pour épater les visiteurs. Il
dit qu'il y a une crise au Venezuela parce que le gouvernement de ce
pays « alimente la haine » depuis 18 ans.
Il parle du taux de criminalité et du salaire
minimum et insinue à tort que les
Vénézuéliens sont affamés. C'est
complètement dénué de contexte. Votre mère,
votre soeur, votre oncle, ils peuvent tous être tués
n'importe quand, dit-il, et c'est à cause de la «
haine » propagée par le gouvernement.
« Ils » ont demandé de
l'argent, alors sa famille a livré l'argent, mais «
ils » l'ont quand même tué, dit-il. Il raconte
ensuite une histoire à propos de sa mère qui a
été tenue à la pointe d'un fusil lors d'un
cambriolage. Il dit qu'en 2008 le Venezuela a été
déclaré le pays le plus heureux du monde «
malgré la
situation ».
En conclusion il dit : « Je crois que la
chose la plus importante que nous puissions faire est de sensibiliser
les gens. Que le monde sache ce qui se passe « parce que si tout
le monde le sait, nous pourrons faire une
différence ». Autrement dit, partager, partager,
partager et créer le prétexte que « quelque chose
doit être fait »
au Venezuela.
L'homme dans la vidéo est Alejandro Toro, un
acteur professionnel et un participant aux émissions de
téléréalité né à Miami, en
Floride, qui a passé la majeure partie de sa vie au Venezuela.
Il est censé présenter la situation telle que vue de
l'intérieur, en tant que Vénézuélien, mais
les auteurs de la vidéo n'ont pas cru bon l'identifier.
Bien que la désinformation ne dise
précisément rien au sujet de « ce qui se passe au
Venezuela », on cherche néanmoins à
détruire l'admiration que le Venezuela s'est gagnée aux
yeux des peuples du monde, pour sa Révolution bolivarienne et
pour la mémoire de Hugo Chavez. C'est précisément
pour semer le doute à la Cass Sunstein,
pour bloquer le mouvement à la défense de la
souveraineté du Venezuela et contre la désinformation.
Conclusions
Les techniques décrites ici sont toutes des
exemples de l'utilisation des médias sociaux par de puissants
intérêts privés pour diviser le peuple et saper ses
mouvements politiques. Nous croyons qu'il est devenu urgent de trouver
comment les médias sociaux peuvent être utilisés
pour informer et unir les forces du peuple.
Cela nécessite des organisations qui
entreprennent consciemment de le faire et qui basent leur travail sur
la mobilisation idéologique et politique maximale. Cela veut
dire professionnaliser le travail que nous faisons pour unir tous
celles et ceux qui reconnaissent l'urgence d'agir. Une des tâches
premières serait de produire un contenu
audiovisuel de la presse de masse du Parti et de la presse sans parti
pour répondre aux besoins d'aujourd'hui.
Nous croyons qu'il est temps que les filles et les fils
de la classe ouvrière s'avancent pour bâtir les
institutions dont le peuple a besoin pour élever son niveau
idéologique et politique et s'unir dans l'action. À
l'occasion de l'anniversaire de la création de la presse de
masse du Parti et de la presse de masse sans parti, le PCC(M-L) s'est
donné
un plan pour renforcer la base technique du Parti telle que solidement
ancrée sur son actif le plus précieux, le facteur
humain/conscience sociale. En mobilisant son actif matériel, la
classe ouvrière et les masses du peuple, et son actif spirituel,
la pensée marxiste-léniniste contemporaine comme guide
à l'action, il est sûr de réussir.
Notes
1. Kerric Harvey, Encyclopedia of Social Media and
Politics, SAGE
Publications, 2014. Vol. 1, p 6
2. Ibid, p 183
3. Ibid, p 190
4. Ibid, p 249
5. Ibid, p 308
6. Ibid, p. 391
7. Cass R. Sunstein et Adrian Vermeule, Conspiracy
Theories, 5 janvier 2008
8. Ryan Gallagher, « Documents Reveal
Canada's Secret Hacking Tactiques », The Intercept, 23
mars 2015
9. Gleen Greenwald, « How Covert Agents
Infiltrate the Internet to Manipulate, Deceive, and Destroy
Reputations », The Intercept, 24
février 2014
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
Site web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|