Numéro 77 - 3 juin 2016
Rencontre historique des
Internationalistes à
Montréal le 25 mai 1968
Réminiscences de Hardial Bains sur
la réorganisation des Internationalistes
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Hardial Bains
Fondateur et
dirigeant du PCC(M-L)
|
Nous sommes arrivés à Montréal
le 1er mai 1968. Inconfortable est le mot qui décrit
sans doute le mieux la situation de celui qui arrive dans une ville
avec un handicap, une obstruction dans la forme d'un proche
collaborateur qui à ce moment particulier n'était pas
totalement
engagé envers l'objectif pour lequel nous étions venus.
Cet inconfort sur l'objectif allait devenir une source continuelle
d'agacement et de perturbation durant les années à venir.
Il est important de bien choisir les personnes avec qui on va au
combat, mais l'histoire ne nous a pas donné la
possibilité de
choisir à ce moment-là.
La ville nous sembla inhospitalière en cet
après-midi sur le trajet de l'aéroport de Dorval vers Le
Reine-Élizabeth au centre-ville et la lente marche vers le
ghetto de l'Université McGill. Chargés comme des mulets
de tout ce que nous possédions, nous sentions comme si tout le
monde nous
regardait, comme si tous se demandaient pourquoi nous étions
venus à Montréal. Certains diront que je suis trop
sensible ou soucieux des apparences, mais j'espère ne jamais
revivre cette expérience. Après une nuit difficile chez
des émigrés transplantés de Vancouver, nous nous
mîmes au travail.
Les rues qui nous avaient semblé si
inhospitalières la veille nous semblaient maintenant
accueillantes. Un appel retentissait dans les rues caverneuses :
« Les Internationalistes sont là ! Les
Internationalistes sont là ! » Notre
organisation se mit à grossir en
quelques jours. Des individus venus d'aussi loin que Vancouver se
joignirent à nous, mais la meilleure réponse vint des
Montréalais.
La veille maison sur la rue Jeanne-Mance bourdonnait
d'activités le jour de notre première réunion
publique, le 25 mai 1968. Il n'y avait plus de place dans la
salle à manger et salon et le long corridor et beaucoup ne
purent entrer. Le vieux cliché « rien ne
réussit comme
la réussite » s'appliquait très bien dans ce
cas, mais, comme la plupart des clichés, il omet une certaine
réalité, à savoir que notre succès
dépendait, entre autres facteurs, du travail sérieux,
honnête et conscient que nous avions fait au préalable. La
réussite ne vient pas sans une planification sérieuse
basée sur les conditions réelles. La réunion sur
la rue Jeanne-Mance était cruciale, elle allait décider
de la profondeur et du succès de notre travail d'organisation
initial à Montréal et au Québec. Nous
étions sûrs de nous, mais on ne peut jamais
présumer de rien des gens dans le feu de l'instant. Mis à
part la présence de tant de nouveaux visages, la réunion
fut caractérisée par l'enthousiasme pour Les
Internationalistes et les très nombreuses questions que les
participants
voulaient nous poser.
Après l'historique rencontre de Montréal
le 25 mai, le murmure se répandit dans toute la ville que
Les Internationalistes sont partout, par centaines ! La
deuxième réunion, tenue la semaine suivante, fut encore
une fois un succès retentissant. À l'intérieur une
discussion
sur l'offensive idéologique menée par l'entremise d'une
culture décadente, à l'extérieur une manifestation
contre nous organisée par des hippies à la défense
de l'offensive idéologique. Un des organisateurs de cette
manifestation était non sans coïncidence un
transplanté de Victoria, en Colombie-Britannique, très
fâché que Les Internationalistes lui aient volé la
vedette. Il voulait perturber notre réunion pour montrer qu'il
était « brave » mais nous voulions
éviter ce type d'altercations. Ils quittèrent
après
quelques bravades sans réussir à gagner les jeunes venus
nous entendre. Il faut par contre noter le comportement de la police
parce que cela allait devenir un trait caractéristique de ces
temps-là. Les policiers n'intervinrent pas contre les
manifestants et à partir de ce moment-là ils
n'étaient
jamais là quand des gens venaient perturber nos réunions.
Ils apparaissaient seulement quand nous agissions pour mettre les
perturbateurs à leur place et c'est contre nous qu'ils
intervenaient.
La politique révolutionnaire prit rapidement de
l'ampleur cet été-là et les rangs des
Internationalistes se gonflèrent. Près de 70
délégués participèrent à notre
Première Conférence nationale à la fin de
décembre 1968
et nous avions des organisations établies dans toutes les
provinces sauf dans les Maritimes. La plupart des forces vives
s'unirent autour des Internationalistes et beaucoup d'autres allaient
leur emboîter le pas. Cette progression rapide avait une base
objective. Ceux et celles qui se joignirent à nous provenaient
des mêmes
conditions que Les Internationalistes, ils gravitaient vers une
organisation qui était stable, idéologiquement et
organisationnellement forte et possédant une ligne politique
solide. De plus, l'organisation conviait tout le monde à
s'engager sur la voie marxiste-léniniste qui nous appartenait
à tous. Les
Internationalistes n'étaient pas une secte mais bien une
organisation de la classe ouvrière se consacrant la victoire de
la révolution et du socialisme.
Les Internationalistes étaient une organisation
nationale appelée « mouvement de la jeunesse et des
étudiants marxistes-léninistes », mais
qui possédait tous les attributs d'un véritable Parti
communiste marxiste-léniniste. Le marxisme-léninisme
était la
base idéologique de l'organisation, le centralisme
démocratique le principe organisationnel et l'internationalisme
prolétarien le coeur de sa pratique. Les Internationalistes ne
s'étaient pas encore constitués en Parti parce que nous
voulions gagner à nous d'autres groupes qui se disaient
marxistes-léninistes pour fonder un seul Parti de la classe
ouvrière. Nous ne voulions pas déclarer le Parti
unilatéralement. Cela aurait été
considéré comme une entrave au mouvement et en
rétrospective l'histoire a entièrement corroboré
cette opinion.
En octobre 1968, le Mouvement étudiant de l'Université
Sir George Williams a joué un rôle important dans la lutte
contre les activités racistes des autorités
universitaires.
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En octobre 1968, le Mouvement étudiant de
l'Université Sir-George-Williams joua un important rôle
dans la lutte contre les activités racistes des autorités
universitaires. Ces jours de mai à Montréal nous sont
très chers. C'était une situation à la fois
difficile et
délicate et Les internationalistes devaient faire preuve de
circonspection. Il n'y avait pas de groupe carrément
marxiste-léniniste à Montréal. La pratique du
dirigeant de l'une des meilleures organisations reflétait la
confusion idéologique dont il souffrait. Nous devions être
prudents avec ce
groupe car nous savions que la plupart de ses membres avaient un bon
sentiment, mais la pression de la confusion idéologique
était énorme. Nous devions lever cette confusion
idéologique résolument mais en faisant preuve de
responsabilité et de camaraderie envers eux.
Ce groupe nous invita à une réunion de
l'un de ses comités. Nous assistâmes sans trop intervenir.
Les échanges confirmaient notre opinion que ce groupe souffrait
de confusion idéologique. C'était particulier et
c'était dû à une absence de distinction entre les
intérêts personnels et les buts du mouvement, de sorte que
l'intérêt personnel devient le but du mouvement. À
la fin de la réunion, on m'a littéralement ordonné
de donner mes impressions et mon opinion sur la réunion et sur
l'organisation. Je répondis poliment et calmement
qu'il fallait m'excuser parce qu'exprimer une opinion sur une autre
organisation est une affaire délicate et que nous aurions
l'occasion d'échanger les opinions bientôt à une
rencontre entre délégués des deux organisations.
Mais certains ne voulurent rien savoir.
L'atmosphère dégénéra et quelques individus
m'accusèrent d'avoir peur de dire ma pensée devant eux.
Je fus forcé de dire quelque chose. Et bien entendu, quand vous
êtes en compagnie de gens exaltés, tout ce que vous faites
ou dites se
retourne contre vous. Je commençai :
« Votre sentiment est très bon et
votre but est très bon... »
« Viens-en aux faits ! »,
s'exclama un grossier individu au fond de la salle.
Je restai calme. Très gentiment, je leur laissai
savoir que leur idéologie était bourgeoise
libérale mais avant que je ne termine quelqu'un
s'écria : « Nous allons te tuer si tu
répètes cela. »
Je me dis à moi-même :
« trotskyste, typiquement petit-bourgeois » et me
levant de toute ma grandeur je rétorquai à celui qui
avait proféré la menace : « Ce serait
tout un exploit pour un petit-bourgeois comme toi ! »
Je tentai
ensuite par tous les moyens de calmer la situation.
La personne qui fit preuve de tant d'arrogance à
cette réunion devint plus tard un vrai carriériste, un
professeur de psychologie ou autre domaine du genre, et est vite
disparue de la politique progressiste. Par contre dans le feu de
l'action politique cet été 1968 à
Montréal, lui et tous
les autres membres de cette organisation se joignirent aux
Internationalistes.
D'autres à Montréal qui se disaient
marxistes-léninistes étaient liés au Mouvement
ouvrier progressiste de Vancouver. Ils passèrent tout 1968
à chercher en vain à détourner les gens des
Internationalistes et à provoquer des divisions dans nos rangs.
Par ailleurs
le Front de libération nationale du Québec (FLQ)
s'était dissipé tandis que les unilinguistes cherchaient
à créer une hystérie raciste.
L'opposition principale aux Internationalistes durant
l'été était centrée à
l'Université McGill. Le groupe Étudiants pour une
université démocratique (SDU) se décomposait
après une vague d'occupations à l'automne 1967. S'il
y avait une certaine
nostalgie pour les événements de l'automne, le groupe
était en proie à des récriminations et les
éléments positifs gravitaient autour de nous. De cette
organisation à l'agonie surgit un groupe
« socialiste ». Le mot
« socialiste »
était devenu l'apanage de tous ceux qui ne voulaient pas
vraiment s'attaquer à la question du socialisme ou organiser
pour le réaliser par la révolution. Cette opposition
anti-léniniste aboutit avec la diversion que fut la campagne
« McGill français », dont un des leaders
disparut
après la Loi des mesures de guerre d'octobre 1970.
En octobre 1968, les Internationalistes se joignent aux travailleurs
dans la lutte des chauffeurs de taxi de Murray Hill à
l'aéroport de Dorval.
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Ces journées de 1968 à
Montréal furent cruciales pour la construction du Parti. On ne
peut imaginer un Parti communiste marxiste-léniniste canadien
sans les travailleurs du Québec. En plus d'unir les
différents groupes, l'élément manquant pour
bâtir le Parti lorsque
nous sommes arrivés à Montréal était
précisément les travailleurs québécois.
L'été semblait avoir un air de grands
événements en préparation et si le temps
s'écoulait au compte-goutte, les événements se
succédaient
rapidement. Un jour, un après-midi ou même une heure
pouvait faire la différence, pouvait faire pivoter la situation
d'une façon significative. Il s'écoula à peine six
jours entre notre arrivée le 1er mai et la
réorganisation des Internationalistes le 7 mai. La bataille
éclata
sur le principe organisationnel du centralisme démocratique. Le
débat centrait sur le point essentiel, à savoir la
subordination de l'individu au collectif. Nous étions solidement
en faveur de la subordination de l'individu à l'organisation, un
principe que nous appliquions en pratique. Bien que nous fussions une
petite organisation à l'époque, nous savions qu'il
était crucial de défendre nos principes. Cette
défense des principes allait plus tard devenir essentielle
à la construction et l'expansion de l'organisation.
La réunion du 25 mai eut lieu à
peine 24 jours après notre arrivée. Les
Internationalistes avaient déjà un attrait de masse. Ils
étaient un sujet de discussion dans tous les cercles, un point
de ralliement de tous les marxistes-léninistes au Canada pour
fonder le nouveau
Parti. Le 26 juillet fut une autre date importante : des
centaines de personnes participèrent à notre
conférence de fin de semaine à l'Université
Sir-George-Williams (qui s'est depuis fusionnée au
Collège Loyola pour former l'Université Concordia),
où notre
programme politique et idéologique reçut l'approbation
populaire.
Cet été tumultueux de 1968
entraîna beaucoup d'autres événements et pour ceux
et celles qui en ont fait directement l'expérience, leur parfum
reste toujours frais dans la mémoire. Si on nous demandait ce
que cet été en particulier a de si important, il faudrait
invoquer
toutes les facettes. Les Internationalistes furent renforcés
dans tous les sens : idéologiquement,
organisationnellement, politiquement et quantitativement. Ils
étaient un attrait irrésistible pour tous ceux et celles
qui jonglaient avec la décision de se joindre aux
marxistes-léninistes
révolutionnaires. Ils semblaient n'attendre rien d'autre que Les
Internationalistes. C'était la solution mère qui se
cristallise dès qu'elle se fusionne à
l'élément manquant. Telle était la fraîcheur
et la pureté des événements de
l'été 1968.
Notre direction en fut consolidée et notre conviction
renforcée. Cela confirmait la voie que nous travaillions
à
formuler depuis plus de cinq ans, la conclusion d'une période
transformée en un progrès réel, la
réorganisation et la consolidation des Internationalistes en une
organisation
marxiste-léniniste dans tous les sens du mot.
L'été 1968 eut un tel impact
qu'encore aujourd'hui, celui qui veut trahir doit d'aborder violer les
décisions et l'esprit de cette période. On a pu observer
avec le temps que les individus qui deviennent passifs ou qui
trahissent l'organisation vont d'abord tenter de diffamer cette
période et la
période précédente et deviennent
émotionnellement instables en conséquence à cause
de cela. Il n'est pas possible de se purger de la vérité
et se remplir de faussetés sans en subir de graves
séquelles émotivement.
Au coeur des années
soixante (1960-1967)
Hardial
Bains
Une qualité nouvelle a
émergé des années soixante et au Canada et ce sont
les Internationalistes qui en ont été les premiers
représentants. C’est la qualité qui a soutenu la
volonté des peuples de ne pas se soumettre à l’oppression
et à l’exploitation et qui a permis d’ouvrir un espace pour le
changement social nécessaire. En se remémorant les
années soixante, Hardial Bains examine le
phénomène dans toute sa profondeur. Format cahier /
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