Le Marxiste-Léniniste

Numéro 74 - 30 mai 2016

Supplément
«Plus qu'un mouvement, moins qu'un parti»

Les tentatives de saboter
le mouvement ouvrier pour l'empêcher d'atteindre son but

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L'article qui suit a été soumis aux organisations du PCC(M-L) à tous les niveaux en juin 2008 dans le cadre du travail entrepris pour engager tous les membres et activistes dans la revue de l'expérience du PCC(M-L) et du mouvement ouvrier et populaire pour le pouvoir. C'était en préparation pour le VIIIe Congrès du Parti tenu en août 2008.

***

Le contexte de la ligne de « plus qu'un mouvement, moins qu'un parti » remonte au refus des partis politiques de la bourgeoisie de répondre aux exigences populaires de renouveau telles qu'exprimées lors du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, la Commission Spicer et le Non lors du référendum sur l'Accord de Charlottetown. Après la défaite des forces de l'establishment au référendum, la bourgeoisie a déclaré que c'était « les affaires comme d'habitude », puis les élections fédérales de 1993 ont eu lieu portant au pouvoir les libéraux de Chrétien et détruisant le vieux Parti conservateur. L'équilibre du système de gouvernement du Canada, qui repose sur l'alternance d'un parti national au pouvoir et d'un parti national dans l'opposition, a été détruit. Après les élections fédérales de 1993, le PCC(M-L) a souligné que ce n'était pas seulement le Parti conservateur qui était fini et que les libéraux et le NPD allaient suivre. Au lieu de satisfaire les réclamations des Canadiennes et des Canadiens pour plus de pouvoirs en se rénovant, les partis politiques de l'establishment se sont mis à parler de changement et de renouveau, plus ils en parlaient plus le changement et le renouveau étaient victimes de leurs actes.

Dans ce contexte de crise des partis politiques et du système politique, la gauche social-démocrate et trotskiste de l'Ontario est entrée en action au cours de Journées d'action contre l'offensive antisociale du gouvernement Harris pour sauver le NPD. Pour être précis, la ligne « plus qu'un mouvement, moins qu'un parti » est apparue d'abord sous la forme du besoin de « plus qu'une coalition, moins qu'un parti ».

Dans une entrevue publiée dans TML Weekly du 16 mars 1997, quelques jours avant les Journées d'action de Sudbury les 21 et 22 mars, Hardial Bains explique la tentative de détourner le mouvement ouvrier contre l'offensive antisociale et de le transformer en une réserve de votes pour le NPD. Les Journées d'action de Sudbury ont été les premières journées d'action organisées sans le soutien des syndicats. Ni la Fédération du travail de l'Ontario ni le Conseil du travail de district de la région n'ont appuyé ces journées d'action. Au sujet de la signification de cet événement, il dit :

« La FTO veut fuir sa responsabilité de développer et de faire progresser le mouvement de protestation, en même temps elle ne veut pas se retirer complètement du mouvement. Elle veut orienter le mouvement de protestation vers la réalisation des objectifs du NPD. À cet égard, le NPD apparaît comme une force perturbatrice et scissionniste dans le mouvement parce qu'il pousse ses propres objectifs sectaires. Cela signifie que l'attention va se déplacer vers le rôle du NPD plus que sur celui des syndicats. Le NPD a un objectif intéressé qui est de parvenir au pouvoir ; il dit aux gens que la solution est de voter pour le NPD, de le porter au pouvoir. C'est tout ce que les gens ont besoin de faire, leur dit-on.

« Il ne faut pas oublier que lorsque le NPD était au pouvoir, il a présenté la thèse que lorsqu'il est au pouvoir, il ne peut mettre en pratique les résolutions politiques de ses congrès. Il a déclaré que lorsqu'au pouvoir, il devient le représentant de  "l'ensemble de la population" de l'Ontario et non pas du NPD. Cependant quand un congrès du NPD adopte des décisions, il le fait pour établir la politique du gouvernement qui représentera l'ensemble de la population de l'Ontario. Au pouvoir, le NPD a oublié cela et a changé sa position. Ainsi de plus en plus, le centre d'attention va être sur le rôle sectaire, scissionniste et perturbateur du NPD. De plus en plus les travailleurs et les masses populaires devront affronter cette situation. Ce n'est pas une question de faire face à la FTO et à certains de ces syndicats, c'est une question de faire face au NPD.

« L'objectif des syndicats, et de leurs centrales comme la FTO, n'est pas de transformer radicalement la situation. Ils ne veulent pas entraîner le mouvement au-delà de leur objectif syndical étroit. S'ils le faisaient, la FTO devrait justifier ses actions. Bien sûr, certains pourraient dire que la FTO ne respecte pas la Résolution de la Campagne de riposte qu'elle a adoptée. Très bien, il y aura une lutte sur cette question, mais au bout du compte, c'est le rôle sectaire, perturbateur et intéressé du NPD qui est le véritable problème. Les objectifs intéressés de ceux qui présentent la théorie du NPD comme "le moindre mal" seront démasqués. Il semblerait qu'ils veulent porter le NPD au pouvoir à cause de leurs intérêts et de leurs connexions directes.»

Sur le même sujet, le journaliste du TML a demandé à Hardial Bains de commenter les tentatives faites pour transformer le mouvement contre l'offensive antisociale en appui électoral au NPD. Dans sa question le journaliste du TML qualifiait ces tentatives « d'effort de diviser le mouvement sur la base de la politique partisane ». Il a répondu :

« En premier lieu, les élections sont la chose la moins partisane qui soit. Admettons que les élections sont partisanes, alors c'est du côté de la bourgeoisie qu'elles le sont. Les élections ne changent rien. Les partis bourgeois se battent pour que leurs candidats occupent le poste de premier ministre au fédéral ou au provincial, un poste de ministre, de secrétaire ou accèdent à la haute fonction publique. Ainsi, nous ne pouvons dire que les élections reposent sur une confrontation de programmes politiques partisans. La politique partisane ne signifie qu'une chose : défendre le but de votre classe. C'est ça la politique partisane. Dire que le mot "partisan" est synonyme de "politique de parti" est vraiment trompeur en ce sens que cela masque à quelle classe ces partis sont affiliés. Cela est fait pour promouvoir l'idée frauduleuse que les gens ont le choix entre plusieurs partis lors des élections. Parce que les gens veulent une solution aux problèmes réels et détestent la division du mouvement sur la base de la politique de parti, ils aiment que les choses soient traitées sur une base "non-partisane". On voit que ce que la bourgeoisie appelle la "partisanerie" n'est pas vraiment de la partisanerie.

« Le PCC(M-L) affirme qu'il y a un mouvement. Ce mouvement a son propre but qui est la défaite de l'offensive antisociale et la victoire du programme pro-social. Il déclare que ce but doit être poursuivi jusqu'au bout. Que voulez-vous de plus partisan que cela ? Ceci est une déclaration partisane. Cela veut dire que la classe ouvrière doit porter attention à ne pas permettre que le but du mouvement soit relégué au second plan ; elle ne doit pas permettre qu'il soit subordonné à d'autres objectifs. Comme force sectaire, c'est ce que fait le NPD. Il n'a même pas la capacité de créer un large regroupement de la gauche contre l'offensive de la bourgeoisie. Il ne s'intéresse aux coalitions que dans la mesure où celles-ci acceptent de se soumettre à son but. C'est un groupement de la gauche qui appuie le centre, non pas de la gauche qui appuie ses propres buts. Clairement, le NPD ne veut pas qu'existe un mouvement ouvrier ayant ses propres buts ou un mouvement de la gauche qui a son propre programme.

« L'appel du PCC(M-L) est de s'en tenir au but du mouvement. La question n'est pas l'appui au PCC(M-L) ou au NPD ou quelque chose d'autre. La question est de réaliser le but du mouvement.

« Pour nous, la politique de parti est la présentation simple et directe du programme du parti : voici le PCC(M-L), son programme, sa ligne générale, son regard sur le monde, ses buts à court terme et à long terme, et ainsi de suite. C'est un appel à adhérer au PCC(M-L). Il est impossible de se joindre au mouvement et de déclarer que le but de la participation du PCC(M-L) au mouvement est de recruter de nouveaux membres et que cela supplante le but même du mouvement. Ça, c'est justement ce que font le NPD et d'autres. Le NPD exige que le but d'un parti politique supplante le but du mouvement. Le PCC(M-L) pense que les travailleurs ne doivent pas accepter cela. Voilà la question. La classe ouvrière ne peut se soumettre à l'exigence que la gauche s'unisse au centre, ce qui signifie, en langage simple, que la gauche ne devrait pas avoir son propre programme. »

Arrive « plus qu'un mouvement, moins qu'un parti ». Cette conception apparaît dans un article de Sam Gindin, à l'époque un employé des TCA, publié dans This Magazine de novembre-décembre 1998. L'article a comme titre : « Le parti fini : Le NPD ressemble de plus en plus aux libéraux amis de la grande entreprise et en faveur des réductions d'impôts ». Une note à l'article indique que bien que l'opinion de Gindin ne représente pas la position des TCA, elle « reflète le débat actuel qui se déroule dans les TCA ». Dans l'article, Gindin explique la crise qui a éclaté dans les rangs des sympathisants du NPD après que le NPD fédéral ait annoncé qu'il allait être plus « ouvert à la grande entreprise » et, selon Gindin, « a modéré » son engagement à rétablir les programmes sociaux, introduire une fiscalité plus équitable et mis l'accent sur la réduction de la dette et les réductions générales d'impôts (rattrapant ainsi les libéraux fédéraux).

Cette annonce du NPD fédéral a ravivé les blessures qu'a subies la social-démocratie en Ontario quand le gouvernement de Bob Rae a lancé son offensive antisociale, reprise avec force par le gouvernement Harris, et approfondi la crise de la social-démocratie.

Dans son article, Gindin commente l'appel à voter stratégiquement pour battre les conservateurs lors des élections ontariennes de 1999 et se sert de ses propos pour en arriver à son point principal. « Le débat dans le mouvement syndical sur le vote stratégique, écrit Gindin, ne peut être limité aux questions de tactique électorale ; ce débat a commencé à évoluer vers la question plus fondamentale de l'opposition politique et du rôle du NPD. » Ces questions fondamentales, écrit-il, posent des questions aux « activistes et aux gens qui croient à la politique progressiste ». Devraient-ils « renoncer au NPD en tant que véhicule de changement radical » ? Devraient-ils « envisager de créer un nouveau parti », une possibilité que Grindin dit « impensable jusqu'à tout récemment » ? Enfin, poursuit-il, elle pose la possibilité de « simplement renoncer à la question du parti dans son ensemble et de passer à la construction du mouvement ». Il écrit :

« Le dilemme peut se résumer comme suit. Nous ne pouvons pas transformer le capitalisme sans traiter du problème du pouvoir d'État et du développement de notre propre pouvoir. Cela signifie créer une structure efficace orientée vers la construction d'une opposition politique au pouvoir de la grande entreprise. Les coalitions ont un rôle à jouer mais elles ne sont pas un substitut à cette structure. En général, les coalitions sont trop dépendantes des enjeux et causes uniques, trop peu structurées et trop fragiles pour soutenir le genre de lutte que cela nécessite. Le NPD n'est pas une opposition politique efficace et le transformer n'est simplement pas une option. Convertir le NPD en véhicule de mobilisation, d'éducation et de transformation de notre conception de la politique va à l'encontre de l'ensemble de l'histoire récente du parti, de sa structure et de sa culture. Par exemple, il est impensable qu'un jeune militant syndical inspiré par les luttes à l'endroit de travail et la politique dans la rue des Journées d'action s'enthousiasme à l'idée de mener la lutte dans un NPD agonisant. »

Sam Gindin ne discute pas les différentes possibilités qu'il dit s'offraient aux membres et aux sympathisants du NPD. Avec la conclusion implicite qu'il faut un nouveau parti, il écrit :

« Pourtant, passer à la formation d'un nouveau parti reste prématurée. Ce n'est pas que simplement, comme le montre les divisions dans le mouvement syndical, qu'actuellement il n'existe pas de masse critique unifiée pour ce projet. Et ce n'est pas simplement à cause de l'énorme désenchantement des militants envers les partis politiques en général. Le problème principal est qu'il n'existe pas d'opinion claire (ici ou dans les mouvements de gauche à l'étranger) sur ce qui est nécessaire pour empêcher un nouveau parti de s'enfoncer dans la même vielle boue. »

En conséquence, Gindin propose que toutes les énergies soient investies « dans une différente sorte de projet différent ». Il propose :

« Supposons que nous disions que la question du parti doit être reportée de cinq ou six ans et que d'ici là nous nous consacrions à bâtir un "mouvement structuré", une transition qui est plus qu'une coalition et moins qu'un parti. Bien entendu, ce mouvement ferait campagne pour des revendications immédiates (une mobilisation ne peut réussir si elle n'inclut pas aussi des objectifs immédiats et de défense), mais son orientation se situera moins vers des mesures alternatives que vers une politique alternative. L'objectif serait de développer nos capacités politiques : notre compréhension, notre capacité de rallier les autres, la création de nouveaux forums et structures pour étudier, travailler et lutter ensemble. »

Puis, il décrit un « mouvement nouveau » qui ne présenterait pas de candidats et n'appuierait pas de parti politique en particulier. Il se concentrerait sur les « enjeux ».

« Cela permettrait d'éviter au moins un débat stérile sur l'entrisme dans le NPD et l'abandon actuel du NPD, son corollaire. Des militants resteraient dans le NPD, d'autres le supporteraient comme la meilleure alternative de politique électorale. Cela ne veut pas dire que ce nouveau mouvement puisse ou possède un certain degré d'influence sur le débat national, sur tous les partis politiques, en particulier le NPD. Un tel mouvement devra puiser dans l'énorme impatience pour l'action qui existe dans la société, tout en réfrénant cette impatience pour le futur (une paraphrase : "ce qui ne peut être accomplie dans notre vie, n'a pas lieu de l'entreprendre"). »

Gindin propose que des individus préparés à appuyer « cette nouvelle organisation » payeraient des cotisations et supporteraient des « activités locales » et des « structures locales ». Cela comprendrait appuyer des « organisateurs et un bulletin qui pourrait devenir un journal hebdomadaire ». Alors que l'appui et l'endossement des syndicats seraient « naturellement les bienvenus, toute idée d'essayer d'arriver à un consensus préalable entre les dirigeants syndicaux tuerait ce projet », dit-il. Grindin propose que le « nouveau mouvement ouvre un espace à la participation des travailleurs et des militants qui ne serait ni limité ni contrôlé par le genre de permanents syndicaux qui considèrent la mobilisation à la base comme, au mieux, un mal passager, et, au pire, une menace. »

Gindin considère que le « nouveau mouvement » possède un « potentiel local » particulier. Au sujet des Journée d'action, il dit :

« Il ne manque pas d'enjeux locaux autour desquels mobiliser, conséquence de la mondialisation qui entraîne la restructuration de l'économie et de l'État et impose de nouveaux coûts aux communautés et aux municipalités. Ce potentiel se voit dans les mobilisations qui ont lieu dans tout le pays ces dernières années, l'aspect le plus spectaculaire étant les coalitions locales créées lors des Journées d'action. Pourtant, dans le mouvement, nous n'avons pas conceptualisé ce que ces groupes locaux pourraient faire suite à ces événements initiaux. Au même titre, il y a un besoin évident et criant de thèmes nationaux pour renforcer les luttes locales et leur donner une signification plus large. Alors que le capitalisme ne tient pas ses promesses et que la finance international révèle son anarchie destructrice, de plus en plus s'ouvre un espace pour contester la crédibilité de l'élite affairiste et même sa compétence, exposer sa faillite morale et contester la légitimité de son rôle de direction dans notre société. Tout cela peut être développé dans des campagnes nationales sur des thèmes démocratiques larges pour regagner le contrôle de nos vies et l'orientation de notre société, comme la démocratisation des finances. »

En réalité, la question n'est pas que le « nous », comme le dit Gindin, n'a jamais su quoi faire avec « les groupes locaux suite aux événements initiaux ». La question est que le NPD était à ce point discrédité qu'il ne pouvait transformer ces organisations locales d'activistes en son appendice. Plusieurs organisations de riposte avaient adopté des résolutions pour empêcher la participation de partis politiques officiels, précisément afin d'empêcher le NPD de tenter de s'en servir à des fins électorales.

Toujours est-il que Gindin proposait que le « nouveau mouvement » puisse être lancé par « quatre ou cinq dirigeants importants (reflétant la diversité de la gauche) ». Ces personnes tendraient la main de par le pays, « inspirant les gens d'un nouveau sens de possibilités à la fois locales et au-delà du local ». Dans un « délai raisonnable, des structures seraient formées aux nivaux local et national par les membres cotisants » qui travailleraient aussi à « développer des thèmes nationaux qui appuieraient les activités locales et qui leur offriraient un contexte plus large ».

« Ce mouvement devra, évidemment, s'attaquer aux questions du pouvoir d'État et de la politique électorale. Mais en remettant à plus tard l'action directe, ces questions ne se soulèveraient pas dans le vide. Elles seraient enracinées dans ce qui se serait développé au cours d'une période (espérons-le) de lutte intense et de débats, qui donneraient naissance à des revendications et qui créeraient des occasions au sein d'une population exaspérée, en colère, et, surtout, en mouvement. »

Gindin proposait que pendant une période d'environ cinq ans, le NPD serait peut-être influencé par le « nouveau mouvement. » Il soutenait que le « nouveau mouvement » serait fort et que ce dernier forcerait peut-être le NPD à « être à l'écoute ». Gindin suggéra que « tout comme le pouvoir qu'exerce le monde des affaires de l'extérieur de la politique officielle lui confère un poids au sein de ces partis, y compris le NPD », le nouveau mouvement pourrait engendrer un changement « de l'extérieur » au sein du NPD.

« Au bout de ces cinq ans, il pourrait s'y trouver une base concrète qui pourrait discuter de la possibilité de s'allier en tant que mouvement à un NPD transformé ou encore nous pourrions tirer la conclusion que ce qu'il nous faut désormais est un parti politique qui pourrait inclure les vestiges du NPD. »

Gindin écrit qu'alors que personne ne peut prédire ce qui arrivera, la chose clé est de « créer la sorte de mouvement qui assurera la pertinence de la gauche au cours de l'étape suivante, peu importe laquelle. » Canadian Dimension a publié un résumé de l'article de Gindin et a invité les lecteurs à réagir. L'article de Gindin coïncida avec ou donna naissance à une foule d'activités visant à « garantir la pertinence de la gauche ». Les 27 et 28 octobre 2000 s'est tenue à Toronto une réunion sur le thème de Rebâtir la gauche. Selon un article de Canadian Dimension, la réunion était « le résultat de plusieurs mois de discussions parmi des activistes syndicaux, anti-pauvreté, féministes, gais et étudiants sur les perspectives d'un nouveau mouvement anticapitaliste ». Vers la même période, le « Mouvement structuré contre le capitalisme » (SMAC) fut formé à Winnipeg. Sa déclaration de fondation précise que « le projet est né en réponse à l'essai de Sam Gindin. [...] Sam y présente la thèse que ce qu'il faut en ce moment est quelque chose ‘plus qu'un mouvement, mais moins qu'un parti' ». Il utilise l'expression : « un mouvement structuré contre le capitalisme ». Selon SMAC, « des projets semblables existent dans plusieurs villes au Canada ».

SMAC expliqua l'origine de son nom en disant qu'« anticapitaliste exprime de la façon la plus claire le présent niveau du mouvement actuel ». Plus loin, il dit que d'insister « sur une alternative en particulier comme condition pour forger l'unité » serait restrictif alors « qu'il y a discussion permanente sur les alternatives au capitalisme ». Plus loin, il définit « anticapitaliste » parce qu'il « voit tous les problèmes pressants d'aujourd'hui, la pauvreté, l'oppression, le racisme, le sexisme, la dégradation environnementale, etc., comme étant promus et soutenus par l'exploitation capitaliste ou tout au moins, que le capitalisme est incompatible avec la solution de ces problèmes. » Quant à son mouvement structuré, il déclare « qu'un mouvement sans structure et organisation est à la merci des forces qui défendent le capitalisme et qui sont hautement structurées, organisées et financées. » Il dit : « Cette position ne veut pas dire que le mouvement devrait adopter les formes d'organisation et de structure hiérarchiques et antidémocratiques utilisées par les capitalistes. Plutôt, le mouvement doit développer des formes de structure et d'organisation qui facilitent la réalisation de ses objectifs. » Le mouvement « doit pouvoir se doter d'une vision, d'une direction et de stratégie et de tactiques requises pour faire échec aux institutions qui sont mieux organisées et qui ont accès à de plus grandes ressources. »

Tandis que certains de la « gauche » travaillaient pour rebâtir la gauche à partir de zéro, pour ainsi dire, d'autres ont tenté de rénover le NPD afin qu'il devienne plus compatible avec le mouvement. Dans cette veine, l'« Initiative de politique nouvelle » (IPN) vit le jour en juin 2001. Elle commença par promettre un « processus de consultation régionale afin de recevoir l'apport des activistes à la base ». Elle publia un bulletin de discussion, « L'Initiative de politique nouvelle : ouverte, durable et démocratique ». Se référant au mouvement grandissant contre l'offensive antisociale néolibérale « de Vancouver à Seattle à Québec », l'IPN déclara qu'un mouvement politique grandissant a besoin d'un parti politique puissant afin de repousser le pouvoir de la grande entreprise et garantir une vraie démocratie dans nos vies et dans nos communautés.

« Il nous faut un parti politique qui est ouvert. Il nous faut un parti basé sur l'idée que pour qu'il y ait changement, les Canadiens doivent travailler ensemble dans un mouvement large de citoyens pour exiger plus de choix dans notre démocratie, dans notre économie, dans nos vies, et pas seulement participer à des élections.

« Confrontés à un gouvernement arrogant, à une droite divisée et incohérente, et à l'impossibilité pour une économie dominée par la grande entreprise d'améliorer notre qualité de vie, il nous faut en tant que gauche passer à l'offensive ; ce n'est pas le temps de battre en retraite ou de pratiquer la "modération ». »

L'IPN était ouvertement une faction du NPD, sans qu'il n'y ait symbiose. L'IPN écrivait :

« Nous, y compris nous en tant qu'individus qui n'avons jamais été impliqués en politique, travaillons avec le NPD dans son processus de renouveau dans l'espoir qu'avec des organisations et des activistes de divers mouvements à la base, avec d'autres formations politiques et des organisations citoyennes (comme le Conseil des Canadiens), un nouveau parti puisse être créé qui sera profondément démocratique et qui sera efficace à tenir tête à un système qui présentement nous exclut en grand nombre.

« Tôt ou tard, d'une manière ou d'une autre, avec ou sans le NPD, un nouveau parti est requis afin d'appuyer et de relier les mouvements pour le changement social, y compris les syndicats et les environnementalistes, et refléter et représenter l'énergie nouvelle progressiste que nous percevons dans tant d'endroits. »

L'appel est donc lancé aux gens « de se joindre à nous afin de bâtir le genre de voix politique dont ce mouvement et ce pays ont besoin ». Ce faisant, l'IPN se décrit comme étant composée de gens provenant « d'un vaste éventail d'expériences, d'activismes et d'intérêts » unis dans « la conviction que la seule façon pour un parti de gauche de se mériter une crédibilité est de renouer avec l'énergie et l'activisme de la politique du changement social à la base ». Elle propose que ce parti « mette de l'avant une alternative aux machines politiques dominées par la grande entreprise, pas uniquement aux objectifs qu'elles représentent. En d'autres mots, nous avons besoin d'un nouveau genre de politique pas seulement de nouveaux objectifs politiques. Notre parti doit proposer une nouvelle approche envers la démocratie dans sa façon même de fonctionner. »

L'IPN a défini sa vision d'un NPD renouvelé comme une vision selon laquelle les « mouvements pour le changement social » ainsi que le NPD devront faire leur part :

« Les mouvements pour le changement social devront s'ouvrir à l'importance de la politique électorale dans la formulation de l'ordre du jour national tandis que le NPD devra s'ouvrir à la force régénératrice de l'activisme pour le changement social et de la démocratie participative. »

Dans son bulletin de discussion, l'IPN dit que la « gauche » est « à la croisée des chemins » dans le contexte de l'offensive antisociale grandissante, de la lutte pour s'y opposer, et des « revers » qu'ont subi « nos buts de justice sociale, d'égalité et de durabilité [...]dans ce monde brutal de domination de la grande entreprise privatisée et mondialisée ». Elle affirme que malgré les revers, elle rejette « l'idée que c'est le déclin final des idéaux de l'égalitarisme, de la solidarité, de la redistribution, de la responsabilité communautaire et du socialisme : des idéaux qui ont motivé plusieurs générations d'êtres humains à se battre pour limiter le pouvoir économique et politique de la richesse privée. » En d'autres mots, elle ne pouvait pas accepter la réalité que la social-démocratie est finie.

Elle a affirmé qu'il était significatif que la « nouvelle génération d'activistes embrasse le terme ‘anticapitaliste' en tant que caractéristique précise », décrivant ce choix comme « une grande ouverture envers une démarche de défi honnête et puissant des préceptes sous-jacents d'un système de marché qui génère perpétuellement la misère et l'inégalité ». Enfin, elle déclare :

« Loin d'être sur la défensive et d'adopter des valeurs dites "modérées", nous avons l'opportunité de proclamer que l'empereur n'a pas de vêtements : des décennies de politiques en faveur de la grande entreprise n'ont pas livré de meilleures perspectives ni un environnement plus sain pour la vaste majorité des Canadiens (encore moins pour le tiers monde), et l'heure est venue une fois de plus de penser à la mise en place de changements fondamentaux dans notre façon d'organiser notre société et notre économie. »

L'IPN a fixé comme tâche première de « bâtir la démocratie canadienne ». Elle affirmait que « la gauche peut et doit réclamer l'initiative morale et politique d'exposer ce processus de plus en plus corrompu et d'exiger des réformes qui rendent non seulement notre processus électoral plus équitable mais, plus important encore, qui placent le pouvoir décisionnel entre les mains des Canadiens chaque jour de l'année. » Cette notion de bâtir la démocratie canadienne en renforçant le système de représentation de partis, en le rendant plus juste et équitable, transparent et ainsi de suite est abordée dans le même sens que les partis politiques de l'establishment. C'est pourquoi, l'IPN a donné l'appel à la représentation proportionnelle, aux réformes des campagnes de financement, comme l'interdiction aux entreprises de contribuer aux partis politiques, mesure qui est présentement en place, le contrôle rigoureux du lobbying, la loi d'accès à l'information, et « un programme d'énumération active » afin de renverser « la marginalisation alarmante de centaines de milliers de Canadiens, la plupart des pauvres ». Rajoutons la revendication de limiter la concentration des médias monopolisés et de donner davantage accès aux médias à ceux « qui ne possèdent pas leurs propres journaux ». En somme, l'IPN a lancé l'appel à « un mandat nouveau et élargi et à une structure de gouvernance plus représentative ».

Elle a également lancé l'appel à « repenser en profondeur ce que la démocratie signifie pour les Canadiens ». Elle a déclaré que « depuis trop longtemps les sociaux-démocrates n'ont pas sérieusement remis en cause ce processus corrompu et ainsi le leadership du débat sur les réformes démocratiques ironiquement a été cédé à la droite. Le fait de remettre en cause cette tendance inquiétante et de reprendre l'initiative dans la lutte pour défendre et élargir la démocratie peut devenir une étincelle cruciale dans la revitalisation du mouvement de la gauche. » Dans son appel à « une nouvelle politique et non seulement à de nouveaux objectifs politiques », l'IPN explique cette nouvelle politique comme un mouvement continu pour garantir des gains électoraux.

« Il nous faut un parti ambitieux, basé sur les principes, qui participe aux courses électorales [...] Et les partis qui gagnent les élections, comme de raison, ont droit en conséquence à une certaine réalisation de leurs objectifs politiques et de leurs visions, bien que la capacité de les réaliser soit limitée et tempérée de façon cruciale par le pouvoir économique dominant exercé dans notre société par le pouvoir de la grande entreprise. C'est l'expérience amère de nombreux gouvernements du NPD que tu ne "gagnes pas le pouvoir" simplement en "gagnant une élection". Sans une organisation et une préparation de tous les instants afin d'activement mettre la pression pour un changement progressiste tout le temps, même une victoire aux élections n'avancera peut-être pas notre cause.

« La tâche la plus importante en ce moment pour la gauche élargie au Canada est de nourrir et de bâtir les myriades de campagnes et de mouvements qui luttent pour des améliorations clé dans la société [...] et de faire en sorte que ces mouvements aient une voix politique forte et conséquente. [...]

« Cette tâche centrale de construction du mouvement complète clairement l'objectif des campagnes électorales. Lorsque les Canadiens sont motivés et mobilisés et qu'ils luttent activement pour leurs droits chaque jour de l'année, ils sont moins apathiques et moins vulnérables aux manipulations faciles des pratiques électorales. Ces mouvements peuvent changer les paramètres du débat politique. [...]

« Quand arriveront les périodes électorales, les Canadiens qui participent à ces mouvements appuieront naturellement les candidats qui ont gagné leur confiance en travaillant toute l'année pour leurs objectifs sociaux et environnementaux. On ne peut donc pas sacrifier les revendications de ces mouvements aux intérêts à court terme du positionnement électoral du parti ; ces demandes, au contraire, doivent être prioritaires. [...] Lorsque les candidats de gauche seront élus, ils devront devenir la voix parlementaire des mouvements citoyens actifs qui sont le moteur réel de tout changement social. Malgré leur cynisme actuel, les activistes sociaux, syndicaux et environnementaux comprennent néanmoins que le gouvernement prend des décisions importantes et que les processus électoraux sont cruciaux dans l'évolution de la société. On peut les convaincre de s'engager à nouveau dans la politique électorale, à condition que le parti qui le fait soit perçu comme partie intégrale de leurs luttes, et non en tant qu'une élite paternaliste qui leur reproche leurs capacités indépendantes de formuler des revendications.

« Voilà donc le coeur de la "nouvelle politique2 que notre Initiative vise à promouvoir. ( ...) Nous ne voulons pas d'une politique "représentative" où nous choisissons des dirigeants qui gèrent nos préoccupations ; nous voulons une politique de participation où nos dirigeants marchent à nos côtés dans nos luttes communes (comme l'ont fait des députés du NPD à Québec). Notre but est de réhabiliter et d'organiser les gens dans leur masse [...] pour un monde meilleur, tous les jours et partout. Lorsque nous y réussirons, le présent électoral de la gauche ne pourra que se renforcer et devenir plus significatif. À long terme, cela mènera à l'élection d'un gouvernement progressiste. »

Finalement, il est conclu dans le bulletin de discussion :

« Plusieurs membres du NPD, comme de raison, partagent cette vision de construire un mouvement démocratique et mobilisé pour le changement social. Mais le NPD en tant qu'institution ne peut plus prétendre représenter l'enthousiasme, la vision et l'autorité morale d'un grand nombre de Canadiens qui aspirent à des changements fondamentaux dans le fonctionnement. Trop de compromis ont été faits. [...]

« Il nous faut un parti politique que des Canadiens progressistes et concernés peuvent appuyer sans se pincer le nez ou sans se sentir obligés d'expliquer que c'est le "moindre mal". [...] Il nous faut un parti politique qui participe aux élections d'une façon énergique et créative mais qui comprend en même temps les limites de la politique électorale, qui se batte pour des améliorations fondamentales de la démocratie canadienne et qui privilégie l'activisme à la base des Canadiens moyens en tant que force cruciale pour le changement social progressiste. »

L'IPN avait fixé un échéancier pour l'avènement de ce nouveau parti. La date prévue était les 24-26 janvier 2003 lors du congrès du NPD à Toronto. Ce congrès a élu un nouveau chef du NPD, Jack Layton, et l'IPN a salué cette élection d'un « chef activiste ». Dans son bulletin de janvier 2003, l'IPN affirme :

« L'IPN s'engage à profiter le plus possible des occasions que le leadership de Layton offrira au parti et à la gauche en général. Les sympathisants de l'IPN, tout en travaillant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du parti, chercheront à renforcer l'activisme en faveur du changement social sur un ensemble de questions touchant aux syndicats, à l'environnement ainsi qu'aux questions internationales, tout en renforçant les liens entre cet activisme et l'arène de la politique partisane. [...]

« L'élection d'un chef dynamique et progressiste à elle seule ne contribuera pas à surmonter ces difficultés. Un grand nombre d'activistes qui en principe devraient constituer le noyau des électeurs du NPD gardent leurs distances vis-à-vis du parti et conservent leur cynisme envers la politique électorale. Les Canadiens des milieux pauvres et ouvriers qui devraient appuyer notre appel pour la justice sociale et économique sont pour la plupart désengagés de la politique traditionnelle.

« Il existe un besoin pressant pour la gauche (y inclus le NPD) de rebâtir ses appuis parmi ces Canadiens.[...] Cela requiert de nouveaux objectifs politiques, de nouvelles structures internes, et surtout une nouvelle vision de comment mener la politique de gauche, une vision qui va bien au-delà des campagnes électorales traditionnelles afin d'embrasser un éventail beaucoup plus large d'activités politiques. »

La dernière rencontre de l'IPN a eu lieu en février 2004 et elle s'est dissoute lors de la rencontre.

Pendant que l'IPN s'épuisait, Gindin et d'autres poursuivaient leur programme de bâtir un nouveau parti. En 2001, au moment de l'invitation de l'IPN, Gindin la qualifie comme suit :

« un appel pour arrêter de pleurnicher à propos du NPD et ou bien radicalement le réformer, ou bien commencer un autre parti de gauche. Les porte-parole de l'IPN [...] ont certainement raison d'insister pour dire qu'il se présente à la fois une unique opportunité et un besoin criant de remplir le vide laissé dans la politique de gauche. Mais est-ce que cette stratégie et ce contenu particuliers sont la formule magique que nous attendons ? »

Selon Gindin, L'IPN sous-estime « la profondeur de la crise de la social-démocratie, ainsi que le degré d'aliénation vis-a-vis la politique électorale. » Il poursuit :

« Il faut voir que la social-démocratie, en tant qu'alternative au néolibéralisme, est en crise à l'échelle mondiale. Il ne s'agit donc pas de rafistoler le NPD mais de la perspective, plus intimidante, de réinventer une politique qui n'existe nulle part en ce moment (des expériences intéressantes existent évidemment qui bien qu'inspirantes demeurent locales et embryonnaires). Parallèlement à cela ni les ouvriers organisés ni les jeunes contestataires dont l'énergie fait l'envie de tout mouvement, ne s'emballeront pour aucun nouveau parti. Les deux sont sans doute frustrés du manque de contrôle sur leurs propres vies mais leur attitude envers toutes formes de politique formelle exprime une méfiance, une prudence accrue du fait d'être constamment des "commodités politiques" à l'ordre du jour de quelqu'un d'autre, et un scepticisme qui fera en sorte qu'ils attendront que toute nouvelle organisation fasse ses preuves.

« En réfléchissant à notre réponse, ("notre" étant les lecteurs d'une "lliste d'adresses marxiste"), je crois que nous devons reconnaître que le moment politique présent n'est que transitoire. Toutes orientations, la politique de la rue, la social-démocratie du centre ou de la gauche, le socialisme, sont aux prises avec une confusion interne et avec des débats qui, s'ils sont un succès, donneront naissance à de nouveaux débats et à de nouvelles scissions. [...] Alors la question fondamentale est comment passer à travers cette période difficile d'instabilité, nécessaire puisque toute unité superficielle n'est ni possible ni désirable, tout en maintenant une saine relation de travail entre nous ? »

Gindin donne le conseil suivant : « Nous devons nous organiser pour rester indépendants de l'IPN tout en maintenant un engagement constructif envers elle ». D'autres ont exprimé leur désaccord avec ces conseils de Gindin, dont le porte-parole de Pour rebâtir la Gauche, Ernest Tate, qui affirme que : « Ce débat au sujet de la crise du NPD est sans doute l'un des développements les plus importants dans l'histoire récente de la politique de la classe ouvrière au pays, beaucoup plus grand et plus profond, selon moi, que la naissance du Waffle au sein du NPD en 1971, qui fut le dernier défi majeur lancé au leadership du parti par la gauche." Il ajoute que toute personne intéressée à rebâtir la gauche devrait s'intéresser à l'IPN puisqu'elle pose la question : « À quoi pourrait ressembler un futur parti de masse de la classe ouvrière canadienne ? »

En août 2003, Gindin et d'autres fondaient le Projet socialiste en tant qu'étape suivante du plan « plus qu'un mouvement-coalition, moins qu'un parti ». Projet socialiste place son origine dans la première réunion de Pour reconstruire la Gauche qui s'est tenue en août 2000. Il écrit :

« [...] environ 750 activistes ont répondu à l'appel de "reconstruire la gauche" en développant un mouvement structuré contre le capitalisme. Cet appel pour une nouvelle formation politique qui serait "plus qu'un mouvement, moins qu'un parti" est semblable à d'autres initiatives au Canada et dans le monde alors que les organisations traditionnelles de la gauche politique sont en voie de disparition.

« L'appel prenait en compte le fait que la découverte et la création d'un nouveau type de politique de gauche ne seraient pas facile. C'est dans cet esprit que, lorsque la première initiative de Toronto s'est évanouie, un groupe de socialistes indépendants a continué de se réunir avec d'autres activistes de l'Ontario afin d'essayer d'apprendre de cette expérience et de trouver une voie vers l'avant. [...]

« De ce processus, un rayon de soleil dans le long hiver de 2003, la déclaration politique que vous avez présentement en mains a été complétée, affirmant par le fait même le lancement du Projet socialiste en tant que nouvelle formation politique de la gauche canadienne. »

La déclaration du Projet socialiste définit sa tâche de bâtir l'organisation comme suit :

« Nous devons construire une organisation de la gauche qui se perçoit comme plus qu'un mouvement à enjeu unique mais qui, en ce moment, est moins qu'un parti. Nous ne pensons pas que la politique de mouvements à elle seule, à la lumière de ce que nous avons devant nous présentement, puisse faire surgir les structures et les stratégies dont nous avons besoin. Le besoin de partis politiques provient précisément du besoin de faire des liens entre les mouvements, de forger une lutte commune pour la transformation sociale [...] et plus généralement pour développer des ripostes alternatives face à la concentration du pouvoir économique et politique afin de défendre nos idées et nos luttes antérieures et également afin de mettre de l'avant des solutions collectives, qui encouragent la participation, aux problèmes sociaux. En même temps, nous ne pensons pas que la réponse se trouve dans la formation prématurée d'un parti.

« Nous admirons l'énergie, le courage et la créativité de la politique des mouvements. Mais notre expérience au Canada nous a convaincus que la politique des mouvements à enjeu unique, la politique des coalitions, la politique de la rue et la politique du spectacle, bien qu'elles aient toutes contribué à raviver de nouveaux espoirs, ne sont pas suffisantes. [...]

« Alors pourquoi ne pas former un parti ? D'abord parce que nous ne voulons pas proclamer la formation d'un parti avant d'en avoir discuté avec d'autres, à quoi pourrait ressembler un tel parti et quel pourrait être son rôle ? [...] Un parti serait appelé à jouer un rôle majeur pour transformer diverses sections de la classe ouvrière en une force politique munie d'une identité commune dans le contexte d'un projet commun visant à défier le système capitaliste. Nous jugeons donc qu'une condition à toute construction d'un parti est l'établissement d'une base dans la classe ouvrière qui participerait au processus pour décider de quelle sorte de parti nous avons besoin.

« Si un parti doit naître par la suite, nous pensons qu'il devrait être issu, et non le point de départ, de longs travaux, de discussions, de débats, et d'un processus d'apprendre ensemble. Il doit émerger de notre lutte politique contre l'exploitation de classe et de la lutte contre le sexisme, le racisme et l'homophobie qui souvent nous divisent. [...] Au cours de notre croissance, de nouvelles et difficiles questions au sujet de l'organisation, de la stratégie et des objectifs surgiront. Ce que nous deviendrons par la suite reste donc un processus ouvert qui ne peut être déterminé que par une politique qui tente de définir et de forger notre propre avenir, libre de la vision forcée de la démocratie et de l'égalité qui nous provient du capitalisme. »

En juillet et en août 2006, peu après la décision des TCA de laisser tomber le NPD, le projet socialiste fut le sujet d'un autre article de Gindin, publié dans Relay, le magazine du Projet socialiste. Le point de départ de Gindin dans l'article est le retrait des TCA du NPD. Le sous-titre de l'article est « Prendre ‘la nouvelle politique' au sérieux ». Gindin écrit que la question primordiale est de « se poser la question de comment aller au-delà du NPD ». Il propose comme point de départ la mise sur pied d' « Assemblées permanentes du peuple ».

« Les choix politiques devant nous aujourd'hui ne sont pas vraiment des choix puisque nous n'avons pas vraiment la capacité politique de les appliquer et, ce qui est plus préoccupant, nous n'avons pas trouvé comment développer de telles capacités. Nous allons devoir, tôt ou tard, construire une nouvelle organisation politique. Pas un parti différent, mais d'un genre différent. Nous avons besoin d'un parti qui traite de comment nous allons bâtir nos capacités politiques collectives, afin de non seulement accéder au pouvoir mais de le faire avec l'intention d'utiliser ce pouvoir politique pour transformer l'État pour qu'il soit démocratique dans le sens le plus large, c'est-à-dire de développer notre capacité de transformer nos endroits de travail et nos communautés et de contribuer à une solidarité globale authentique. C'est-à-dire, agir dans le but de remplacer le capitalisme.

« De quel genre de parti s'agit-il ? Quels genres de rapports, de structures et de luttes devrions-nous créer, expérimenter, afin qu'un tel genre de parti puisse être possible dans l'avenir ? Comment faire le pont entre ce projet à long terme et nos besoins immédiats de se défendre ? Serait-ce possible d'y arriver en mettant sur pied des « Assemblées permanentes du peuple », c'est-à-dire des réunions régulières de représentants de divers groupes progressistes, y inclus des syndicats locaux, de chaque communauté, afin qu'on s'y appuie mutuellement, qu'on partage et qu'on renforce certaines ressources, qu'on détermine des priorités communes, et qu'on travaille envers le développement d'une plate-forme commune. [...] »

Dans Canadian Dimension de mars-avril 2007, Gindin élabore sa proposition d'« assemblées populaires ». Selon lui, c'est une « expérimentation qui peut être prometteuse » dans une situation où le NPD est fini et où « la gauche socialiste, tant les groupes indépendants qu'officiels, est dans une impasse », et c'est le même scénario pour « les mouvements anti-mondialisation et pour la justice sociale ». « Il n'y a pas de réponses qui nous attendent sur une quelconque tablette empoussiérée », dit-il.

À suivre : Discussion sur la conception néolibérale de la politique sans partis politiques et sur l'évolution des partis politiques au Canada, de partis oligarchiques à partis de cartel.

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