Le Marxiste-Léniniste

Numéro 61 - 2 mai 2016

L'édification nationale au XXIe siècle en opposition
à l'édification d'empire

Trouver les moyens pratiques de faire avancer le mouvement ouvrier pour
rendre la lutte pour les droits effective dans la situation actuelle

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Hamilton le 1er mai 2014

LML reproduit cidessous la présentation faite par Rolf Gerstenberger à la Conférence sur les droits organisée par le Parti marxiste-léniniste du Québec à Montréal le 10 avril dernier. Rolf Gerstenberger est le président du Parti marxiste-léniniste du Canada et l'ancien président de la section locale 1005 du Syndicat des Métallos.

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L'édification nationale du vingt-et-unième siècle doit surmonter les obstacles surgis au vingtième siècle. Ces obstacles ont été créés principalement par l'édification d'empire des monopoles mondiaux et des grandes puissances auxquelles ils sont liés. Les bâtisseurs d'empires du vingtième siècle ont eu raison des bâtisseurs de nation du dix-neuvième siècle, durant la naissance du capitalisme, et ils ont également vaincu l'effort héroïque d'édification nationale de la classe ouvrière d'Union soviétique.

Les bâtisseurs d'empires ont établi le droit de monopole comme droit dominant à l'échelle de la planète et supplanté le droit public. Par le libre-échange sous la domination des monopoles et de leurs institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, les monopoles ont vaincu dans les faits et sur le plan politique l'économie qui suffit à ses besoins, qui est au service du bien-être de sa population et qui agit comme garant matériel de ses droits.

Armé de la devise médiévale que la force fait le droit, surtout la force des États-Unis et des autres grandes puissances réunies dans des alliances comme l'OTAN, NORAD et l'alliance militaire nippo-américaine, le droit de monopole a imposé au monde entier les intérêts privés étroits de ceux qui se sont accaparés et qui contrôlent une grande partie de la richesse sociale, écrasant le droit public et les gouvernements de droit qu'avaient tenté de créer les bâtisseurs de nations.

Le monde est entré dans une période d'illégalité et de mépris du droit où les bâtisseurs d'empires et leur droit de monopole, leur libre-échange et leur raison du plus fort empêchent les peuples de résoudre les problèmes qui se posent dans l'intérêt public et étranglent tous les efforts d'édification nationale. Toutes les réalisations de la période précédente, les victoires et les institutions de la grande guerre antifasciste et le démantèlement du colonialisme, sont profanées et soumises à la demande que tout doit servir les intérêts privés étroits des bâtisseurs d'empires et leur soif insatiable de profit privé tiré de la valeur créée par les travailleurs.

J'ai travaillé toute ma vie adulte à produire de l'acier à l'usine de Stelco à Hamilton. Les bâtisseurs d'empires américains qui sont arrivés en 2007 ne voyaient pas cette aciérie comme un avoir précieux dans l'édification nationale au Canada, qui doit être constamment renouvelé et modernisé. Ils ont détruit sa capacité productive parce qu'elle ne cadrait pas dans leur plan secret, si on peut parler d'un plan, puisqu'il s'agissait uniquement d'éliminer un concurrent de leurs usines américaines et de le dépouiller de ses avoirs. Le complexe sidérurgique qui s'étendait autrefois à tout le Canada, y compris ici au Québec, est devenu un simple moyen d'amasser des fortunes privées, non pas en bâtissant quelque chose mais par les intrigues, la destruction et les magouilles de l'État.

Par leurs représentants politiques néolibéraux, les bâtisseurs d'empires ont créé des instruments leur permettant de subvertir le gouvernement de droit et les arrangements en place depuis longtemps, comme les conventions collectives convenues avec la classe ouvrière syndiquée. Les revenus publics sont pillés par la privatisation, les partenariats public-privé et d'autres magouilles pour payer les riches. Les riches inventent constamment des méthodes parasitaires pour « faire circuler l'argent » et attirer les crédules dans des manoeuvres irresponsables, comme l'amoncellement de prêts hypothécaires à haut risque, qui leur servent à réclamer une partie toujours plus grande de la valeur créée par la classe ouvrière.

Une des institutions inventées par ceux qui contrôlent les monopoles pour escroquer la classe ouvrière et d'autres secteurs est la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC, un genre de tribunal du Far West où tout est permis si c'est pour protéger leurs intérêts privés étroits. Cette procédure frauduleuse est devenue tristement célèbre.

Les usines de Stelco en sont à leur deuxième mésaventure avec la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et nos camarades d'Algoma Steel à leur troisième. Cette procédure sert strictement à détruire et à piller. Elle ne règle aucun problème. Elle ne bâtit rien. Des vies sont ruinées. Des retraités sont laissés pour compte. Beaucoup de jeunes se voient privés d'une chance de participer à la production industrielle parce que les usines sont démantelées et la production est envoyée ailleurs. Cet instrument permet aux bâtisseurs d'empires d'annuler tous les arrangements établis avec la classe ouvrière, comme les conventions collectives et les lois régissant les pensions. Dans certains cas, même si la production reste et que la vente des avoirs est en règle, les bâtisseurs d'empires ont sauté la falaise ailleurs dans le monde, comme ce semble être le cas pour l'usine d'Essar à Sault-Sainte-Marie. La compagnie qui a son siège social dans un des paradis fiscaux exposés par les « Panama Papers » se retrouve avec une dette énorme et connaît de graves problèmes à l'extérieur du Canada.

Un élément commun à tous ces cas de protection de faillite est le désir des bâtisseurs d'empires d'échapper aux contradictions du système capitaliste transitoire, comme ils l'appellent, et à la réalité que les problèmes des usines de production et de l'économie doivent être résolus si on veut avancer. Les partisans du néolibéralisme préconisent le libre-échange comme solution à tous les problèmes de Stelco et d'Essar. Ils prétendent même que le Canada n'a pas besoin d'une industrie de l'acier car il peut tout simplement acheter son acier ailleurs dans l'économie mondialisée. On cite de prétendus experts qui disent que nos usines doivent être vendues comme de la ferraille. Essar Algoma se trouve à Sault-Sainte-Marie, une ville du nord de l'Ontario dont 70 % de ses 80 000 habitants dépendent d'une manière ou d'une autre de l'aciérie pour vivre. Les experts qui réclament sa liquidation et qui préconisent d'autres arrangements de libre-échange comme solution sont des criminels et devraient être dénoncés comme tels.


Manifestation contre les mises à pied chez Aveos à Montréal le 20 avril 2012

La destruction de l'industrie lourde n'est pas seulement un crime contre les travailleurs, les retraités et les communautés, c'est aussi un énorme pas en arrière parce que cela prive nos jeunes d'une chance de participer à la production industrielle. C'est ça le crime d'Air Canada et du scandale d'Aveos, le fait qu'on s'en prenne à la richesse la plus importante d'une société moderne, la classe ouvrière industrielle. Le nouveau gouvernement libéral de Justin Trudeau est en train de réécrire l'histoire. Il veut changer rétroactivement la loi de 1988 qui a autorisé la privatisation d'Air Canada dans la mesure où la compagnie privée s'engageait à maintenir « les centres d'entretien et de révision dans les villes de Winnipeg, Mississauga et Vancouver et dans la communauté urbaine de Montréal ». Le ministre des Transports du gouvernement Trudeau, Marc Garneau, a déposé un projet de loi pour légaliser le non-respect de la loi par Air Canada depuis des années. Le pitoyable bâtisseur d'empire Marc Garneau a cherché à justifier ce geste criminel en utilisant le jargon néolibéral typique. Il a dit : « Nous reconnaissons que dans le monde compétitif d'aujourd'hui, Air Canada, qui doit faire concurrence non seulement au Canada mais à l'échelle de la planète, ne devrait pas se voir imposer certaines restrictions qui lui rendent plus difficile d'être concurrentiel. »

Tout est justifié au nom de l'intérêt supérieur des monopoles en opposition à l'intérêt supérieur et aux droits des travailleurs et de l'économie nationale. Les libéraux ne veulent aucune restriction à l'édification d'empire d'un Air Canada privatisé pour qu'il puisse faire concurrence à l'échelle mondiale et enrichir ses principaux actionnaires et directeurs, pendant que les travailleurs industriels perdent leurs emplois et que trois communautés canadiennes voient leur économie s'affaiblir.

Tout principe peut être jeté par la fenêtre avec ce pragmatisme impérialiste pathétique qui veut donner libre cour aux monopoles et « ne pas leur imposer trop de restrictions ». Le facteur humain et les conditions de production objectives sont considérés comme un simple pion dans un jeu pour enrichir les riches. La classe ouvrière voit les choses différemment : pour la cause de l'édification nationale et le bien public, il faut restreindre le droit de monopole sinon ils deviennent des trains hors contrôle qui foncent droit vers la tragédie, comme à Lac-Mégantic.

Une nation ne peut se dire moderne et centrée sur l'être humain sans reconnaître que tous sans exception ont droit à des services de santé publics et une éducation, mais on ne peut pas non plus bâtir une nation et garantir les droits de tous sans une classe ouvrière industrielle nombreuse et active et sans les conditions de production objectives. Attaquer l'industrie, détruire l'industrie pour que les bâtisseurs d'empires puissent déménager la production on ne sait où, c'est attaquer la classe ouvrière industrielle et éliminer toute chance de bâtir une nation moderne.

D'autres intervenants à cette conférence vont donner des exemples concrets de l'offensive contre l'édification nationale et contre la classe ouvrière, comme la terrible tragédie qu'on voit dans le secteur de l'énergie qui fait mal à beaucoup de travailleurs et à des communautés entières. Il faut dénoncer l'attitude insouciante de Justin Trudeau là-dessus. Seule une personne qui a grandi dans le monde protégé du privilège de classe peut dire que de perdre son emploi dans le secteur de l'énergie à Edmonton, c'est mieux que de le perdre à Calgary et que les chômeurs d'Edmonton ne devraient pas avoir droit au même nombre de semaines d'assurance-emploi que les autres.

On ne peut rien attendre de l'élite dominante. Trudeau ne partage pas bonheurs et malheurs avec les travailleurs du Canada. Il ne vit pas les mêmes conditions que les travailleurs du secteur de l'énergie ou que les autochtones sur les réserves ou dans les villes. Un juge de tribunal de faillite ne vit pas les mêmes conditions que nous. Il n'a pas les mêmes conditions que nous à la retraite. Alors il ne devrait pas avoir le droit de rendre des jugements sur nos pensions. De même les ministres qui font des compressions dans les programmes sociaux ne connaissent pas les conséquences de leurs actions. Ils ont d'autres moyens de se défendre et d'éduquer leurs enfants. Pas nous.

La classe ouvrière organisée doit renverser la situation en faveur du peuple et de son pouvoir, en faveur du droit public et de l'intérêt public. Par des actions organisées avec analyse, la classe ouvrière peut proposer un ordre du jour et une nouvelle direction pour arrêter les souffrances, pour mettre fin au cercle vicieux d'expansion et de ralentissement et aux crises récurrentes. C'est ce que nous avons fait à Stelco. Notre mot d'ordre : « Stelco doit continuer de produire, Hamilton doit continuer de produire, le Canada doit continuer de produire » représente les attentes des gens au Canada. Notre voix est la voix de la classe ouvrière dans les conditions où le monde syndical ne défend pas ces points de vue parce qu'il succombe aux points de vue de ceux qui veulent qu'une section des monopoles l'emporte sur les autres dans leur concurrence inter-monopoliste pour la domination de différents secteurs. Ils croient encore que les négociations sont possibles malgré le diktat des monopoles et leur refus de négocier et ils ne forment pas des blocs d'opposition pour priver de leur pouvoir ceux qui nous privent de ce qui nous appartient de droit. Cela aussi est un problème qu'il faut résoudre.

Qu'on bâtisse n'importe quoi, il y a toujours des obstacles. Ces obstacles se trouvent dans la nature et dans la société, surtout dans les rapports qui nous assujettissent à une certaine façon de faire les choses. Le plus grand obstacle pour les bâtisseurs de nation en ce moment, ce sont les rapports sociaux que les bâtisseurs d'empires ont imposés aux conditions de production objectives et subjectives. Les conditions subjectives sont maintenues en place principalement par l'enveloppe idéologique qui obscurcit la pensée et nous donne l'impression d'impuissance, de ne pas être capables de changer les choses et de bâtir quoi que ce soit.

Pour que les conditions de production objectives deviennent des instruments d'édification nationale, nous devons nous attaquer aux conditions subjectives, sur lesquelles nous pouvons définitivement agir. Les conditions subjectives, ce sont les idées que nous avons de nous-mêmes et de notre situation, de nos rapports entre nous et des conditions de production objectives. Ce sont les idées que nous avons des mesures organisationnelles et autres qui nous permettront de dissiper la confusion et d'éliminer les obstacles.

La classe ouvrière partout dans le monde est confrontée à la nécessité de défier les bâtisseurs d'empires et de leur opposer son propre projet d'édification nationale. Nous savons ce que nous ne voulons pas mais nous ne sommes pas sûrs de comment avancer vers ce que nous voulons. Le premier pas est de priver les bâtisseurs d'empires de leur emprise sur notre pensée et nos organisations, de les priver de la possibilité de nous imposer leurs priorités politiques, économiques, sociales et théoriques. Nous devons repousser leurs priorités centrées sur le capital et façonner les nôtres en nous appuyant sur nos puissantes organisations.

Dans ma vie à l'usine à produire de l'acier et à combattre pour mes intérêts et les intérêts des métallos, j'ai appris que sans organisation et sans combattre la pression idéologique, la résistance s'essouffle. Sans s'organiser à l'interne et sans idéologiser, il ne peut pas y avoir de force externe et de politique pratique qui serve nos intérêts parmi la population. Et inversement, sans s'organiser et sans idéologiser pour accroître la force externe et la politique pratique parmi le peuple, l'organisation interne dépérit, elle devient dogmatique et finit par s'écrouler.

Nous avons appris cela à Stelco avec l'aide du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et sa direction. Sans la force interne de l'organisation et sans analyser les choses en détail, sans présenter nos idées et nos plans à l'ensemble de la classe ouvrière dans les usines et les villes et parmi nos alliés dans les autres couches de la société, on ne peut pas gagner. Mais même avec l'organisation et l'analyse, on ne peut pas empêcher les attaques des bâtisseurs d'empires parce qu'ils contrôlent la richesse sociale ; ils contrôlent les conditions de production objectives ; ils contrôlent la politique officielle et les instruments du pouvoir d'État. Nous avons vite appris qu'il faut l'organisation et la force numérique de l'ensemble de la classe ouvrière et de ses alliés d'un bout à l'autre du Canada et du Québec pour faire avancer notre propre organisation et notre politique pratique dans la perspective d'un grand projet national.

Vous ne savez pas combien c'était important pour nous d'avoir nos confrères d'Alma avec nous à Hamilton lors de la journée d'action du 30 janvier. Vous ne savez pas le bien que cela nous fait d'être ici avec nos confrères au Québec. Nous devons consolider cette force organisationnelle interne pour que nous puissions l'élargir à toute la classe ouvrière et à tous ceux et celles qui veulent exercer un pouvoir sur leurs affaires et qui veulent s'engager dans un projet d'édification nationale moderne.


En juin 2013, la section locale 1005 du Syndicat des métallos célébrait le 10e anniversaire du début des assemblées du jeudi où les travailleurs développent leur politique indépendante.

Laissez-moi vous parler de certaines leçons pratiques que nous avons apprises au sujet du programme économique centré sur l'être humain au cours de nos vingt années de lutte à Stelco pour défendre nos droits face au droit de monopole.

Le secteur de l'acier est dominé par les bâtisseurs d'empires. Il y a US Steel, Essar, ArcelorMittal et quelques autres. Ils aiment tous se plaindre que l'acier chinois est le plus gros problème pour l'industrie de l'acier en Amérique du Nord. Comment l'acier provenant de la Chine peut-il être un problème si nous avons notre économie et un projet d'édification nationale ? Ce ne serait jamais un problème, et cela pourrait même être un avantage, si nous avions un régime d'échange pour l'avantage réciproque de certains types d'aciers que nous n'avons pas pour apprendre comment les produire et eux peuvent apprendre de nous.

Si la nation n'exerce pas un contrôle public sur les produits qui arrivent et qui partent, quel genre d'économie nationale peut-on avoir ? Certainement pas une économie sous le contrôle des véritables producteurs et des masses du peuple, au service du bien public et de l'intérêt public et qui se renforce constamment. Les monopoles mondiaux contrôlent les importations et exportations avec le libre-échange. Si les monopoles de l'acier étaient sérieux à propos de bâtir une industrie canadienne de l'acier, ils s'opposeraient au libre-échange, mais ils ne le sont pas, et leur champion sur le plan politique aujourd'hui est Justin Trudeau. Pour eux, le libre-échange est la liberté de dicter leurs points de vue et d'imposer à tout le monde leurs intérêts privés. Ils se plaignent quand certaines importations leur font mal mais ils ne veulent pas une autorité publique qui puisse contrôler ce qui entre et ce qui sort et à quel prix. Ce sont des hypocrites qui veulent tout simplement détourner la classe ouvrière de son propre ordre du jour, de son propre plan pour empêcher les bâtisseurs d'empires d'imposer leur ordre du jour antinational et antisocial.

L'ordre du jour centré sur l'être humain pour le secteur de l'acier est quelque chose d'assez simple à l'étape initiale. L'acier est un produit stratégique pour tout pays. Tout pays, surtout des grands pays comme le Canada et le Québec, doit produire suffisamment d'acier pour satisfaire les besoins de son économie en quantité et en qualité nécessaires.

Les bâtisseurs d'empires disent non, ils croient que c'est une mauvaise idée et que ce n'est pas bon pour l'économie. Ils l'affirment même devant les crises récurrentes et les graves problèmes de leur projet d'empire fondé sur le libre-échange. Même s'ils doivent si souvent recourir à la protection de faillite et s'en servent même pour menacer les travailleurs. Même si les monopoles ne pourraient jamais concurrencer sans les magouilles de l'État pour payer les riches à même le trésor public.

Pourquoi serait-ce mauvais pour l'économie de produire ce dont l'économie a besoin et de bâtir les compétences et les expertises et les conditions de production objectives nécessaires pour répondre à ces besoins sans les hauts et les bas, les grands bouleversements et les crises ? Il ne reste presque plus de production d'acier au Québec. Pourquoi faut-il importer de l'acier à grand prix et au détriment de la classe ouvrière québécoise ? Parce que le Québec a été victimisé par les bâtisseurs d'empires et que son projet d'édification nationale a été détourné et supprimé. Toutes les cinq grandes régions du Canada devraient avoir leur secteur de l'acier qui répond à leurs besoins, soit les Maritimes, le Québec, l'Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique.

Il y a aussi le problème des prix de production. Les secteurs de l'énergie, de l'acier et des matières premières souffrent tous de la chute des prix sur les marchés mondiaux. Pourquoi les prix baissent-ils en-dessous de leur prix de production ? Pourquoi y a-t-il une si grande fluctuation des prix du marché par rapport au prix de production ? C'est parce que les êtres humains n'ont pas le contrôle. Nous les êtres humains sommes fiers avec raison de pouvoir harnacher les forces de production pour produire de l'acier à partir des matières premières et d'en faire des produits finis. Nous sommes fiers avec raison de notre capacité de sortir le pétrole et le fer du sol et de le raffiner pour notre usage, de notre capacité à faire voler des avions et d'envoyer des vaisseaux dans l'espace, mais quand il s'agit des prix des marchandises que nous produisons, nous restons bouche bée parce que les bâtisseurs d'empires nous disent que les prix sont contrôlés par un magicien, ou quelque chose qui n'est pas humain qu'on appelle « le marché », une main invisible et qu'il est futile d'essayer d'y changer quoi que ce soit. Pensez-y, impossible d'y changer quoi que ce soit. Nous les êtres humains pouvons envoyer des hommes dans l'espace et pouvons transformer la chaleur en mouvement mécanique mais ne pouvons rien faire pour contrôler les prix. Et pendant ce temps nos vies sont bouleversées parce que ce mystérieux marché non humain nous frappe où ça fait mal. Cette logique antihumaine est un diktat de monopole et il faut la rejeter avec mépris.

En janvier 2004, les prix de l'acier étaient bas et les directeurs de Stelco ont dit que la compagnie avait des problèmes de liquidité à cause des bas prix. Ils voulaient débarrasser la compagnie de ses obligations envers les régimes de retraite à prestations déterminées. Mais les bâtisseurs d'empires qui contrôlaient le processus voyaient plus grand. Pour eux c'était une occasion de faire des millions de dollars en utilisant l'arme de la LACC. Ils ont placé la compagnie sous la protection de la loi des faillites. Notre syndicat, la section locale 1005 des Métallos, a immédiatement dénoncé la fraude. Et devinez quoi - quelques mois après le début de la procédure de faillite les prix de l'acier se sont mis à grimper et la compagnie a enregistré plusieurs mois consécutifs de profits faramineux, établissant même un record. Mais cela ne l'a pas empêché de continuer la fraude de faillite et de manipuler la situation pour éliminer nos régimes de pensions à prestations déterminées et faire un gros coup d'argent. Et ils l'ont fait leur gros coup d'argent, trois ans plus tard, avec la vente de l'aciérie à US Steel, mais ils n'ont pas réussi à éliminer les pensions à cause de la résistance organisée des métallos.

Les métallos de la section locale 1005 ont refusé de participer à la farce de la LACC. Nous l'avons dénoncée dès le début comme une fraude et avons produit une grande quantité de matériel pour prouver notre point. Nous avons amené nos points de vue dans la communauté et avons gagné un grand appui et nous avons réussi à préserver nos régimes à prestations déterminées pour l'instant. Mais les bâtisseurs d'empires étaient persistants. Ils ont continué de nous taper dessus. Le gouvernement provincial a donné 150 millions $ aux magouilleurs et leur a accordé le droit de ne pas contribuer aux régimes de retraite jusqu'à la fin de 2015. Alors Stelco a été engraissée, pour ainsi dire, pour être ensuite vendue à US Steel. Et ce monopole, avec ses nombreuses usines aux États-Unis et en Europe, s'est avéré un adversaire encore plus redoutable, avec plus de ressources pour nous attaquer et c'est ce qu'il a fait.

Le 150 millions $ du gouvernement de l'Ontario représentait la valeur entière du capital-actions de la compagnie au moment où Stelco est sortie de la LACC, lorsqu'on s'est penché sur ses dettes et ses obligations. Au lieu de donner cet argent aux comploteurs pour leur permettre de se retourner de bord et de faire un gros coup d'argent en vendant la compagnie à US Steel, le gouvernement provincial aurait pu acheter Stelco et en faire quelque chose et nous épargner le désastre que nous a causé US Steel.

Il faut comprendre par contre que l'achat des usines par le gouvernement provincial n'aurait pas réglé le problème en soi. L'achat public de compagnies qui sont sous le contrôle des bâtisseurs d'empires ne peut pas en soi renverser la situation et donner une nouvelle direction à l'économie sur la voie de l'édification nationale. Plus souvent qu'autrement, à ce moment de l'histoire, la soi-disant nationalisation est une façon de payer les riches, comme on l'a vu avec l'achat de General Motors par les gouvernements américain et canadien pendant la crise économique de 2008-2009. On n'a pas appelé cela une nationalisation mais un achat d'actions, qui s'est fait dans le cadre du programme général d'édification d'empire pour payer les riches. En ce moment, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral font des arrangements pour mettre beaucoup d'argent dans Bombardier au nom de sauver les emplois. Dans ce cas-ci également, c'est fait pour édifier l'empire et payer les riches.

Pour que la nationalisation crée quelque chose de positif pour l'intérêt public, il faut qu'elle fasse partie d'un vaste programme d'édification nationale où ce sont les travailleurs et le peuple eux-mêmes qui donnent un but à la société. En ce qui concerne le secteur de l'acier par exemple, ce programme doit comprendre la création d'institutions publiques ayant l'autorité de contrôler le marché et les prix de gros et de contrôler ce qui entre au pays et en sort. Le programme doit faire partie d'un projet d'édification nationale qui prive les bâtisseurs d'empires de leur pouvoir de payer les riches et de bloquer l'édification nationale, qui bâtit le pouvoir de priver les bâtisseurs d'empires du pouvoir de priver le peuple de ses droits, de la poursuite de ses intérêts et de son avenir. Ce programme ne peut être qu'une nouvelle direction de l'économie.

Nous, les métallos, savons très bien quelle valeur est incorporée dans la production de l'acier. Nous connaissons la valeur transférée que nous transférons et préservons dans l'acier à partir de la valeur déjà produite des matériaux, de l'énergie, des machines et des installations. Nous savons combien de temps de travail nous incorporons dans l'acier afin de produire et reproduire la valeur, ce qui forme la nouvelle valeur que nous créons. Cette valeur nouvelle plus la valeur des intrants forme la valeur totale. Pas de grand mystère là-dedans. À partir de cette connaissance de la somme de la nouvelle et de l'ancienne valeur, on peut en arriver à une formule moderne pour déterminer le prix de production de toutes les marchandises, lequel va comprendre un taux moyen de profit, et cela devrait devenir la valeur d'échange sur le marché.

Le marché interne d'une économie canadienne et québécoise diversifiée et subvenant à ses besoins devrait être la base à partir de laquelle notre économie s'adresse aux autres internationalement et fait du commerce pour l'avantage mutuel. Avec une institution publique en position de contrôle, un secteur public de gros de toutes les marchandises de base non seulement devient possible mais est nécessaire pour assurer le bien-être de l'économie et la prémunir contre les crises récurrentes. On ne parle pas d'une institution publique comme avant mais d'une institution publique dans laquelle les producteurs véritables de chaque secteur s'engagent activement et consciemment dans la défense de leurs intérêts et de l'intérêt public, une institution publique en laquelle le public aura confiance parce qu'il va en assurer le contrôle et la surveillance afin de la prémunir contre la corruption, le droit de monopole et les intérêts privés étroits.

Tous les secteurs de l'économie sont des sujets de préoccupation publique mais il est d'une importance particulière de développer des programmes sociaux et des services publics qui garantissent les droits du peuple. On ne peut tolérer aucune excuse pour justifier l'ingérence des riches et de leurs monopoles dans le développement des programmes sociaux et des services publics, dans la vaste infrastructure sociale et matérielle publique dont une nation a besoin et sans laquelle l'économie ne peut pas fonctionner et garantir les droits du peuple. L'entreprise publique, les programmes sociaux et les services publics sont essentiels à la garantie de la stabilité de l'économie et le pilier du bien-être du peuple et des revenus de l'État.

Les bâtisseurs d'empires à la Trudeau disent qu'ils vont investir dans l'infrastructure. Il y a cependant deux programmes très différents en ce qui concerne la construction de l'infrastructure : l'édification d'empire versus l'édification nationale. Les libéraux de Justin Trudeau font des emprunts énormes auprès de l'oligarchie financière mondiale, plus de 100 milliards $ dans la phase initiale. Cela n'est pas de l'édification nationale. C'est l'endettement du peuple aux ploutocrates internationaux qui ne souhaitent rien de mieux que de laisser grossir leur richesse sociale dans les obligations du gouvernement même si les taux d'intérêt sont bas en ce moment. Les bâtisseurs d'empires n'ont pas de place plus sécuritaire où mettre leur excédent d'argent en ce moment. Les frais de service de cette dette pour les années couvertes par le budget de 2016 vont être même plus élevés que les déficits accumulés.

L'édification nationale ne peut pas aller de l'avant si les ploutocrates financiers privés contrôlent la richesse sociale du pays. Le secteur financier, qui est présentement dominé par les grandes banques, les sociétés d'assurance et les institutions prêteuses privées doit être transformé et remis en question par les entreprises publiques. Toute la réglementation qui protège les entreprises financières privées, leur fournit les fonds publics et leur permet de contrôler la masse monétaire doit être renouvelée sur une base moderne si on veut faire des progrès sur la voie de surmonter les crises économiques récurrentes et de l'édification nationale.

Il n'y a pas de raison de faire des emprunts publics auprès des intérêts privés. Pas de raison non plus de permettre aux banques privées de contrôler la masse monétaire pour servir leurs intérêts étroits d'empire. Les banques publiques devraient devenir la norme dans toutes les régions, de concert avec une Banque du Canada renforcée en laquelle les Canadiens peuvent avoir confiance et sur laquelle ils peuvent exercer leur contrôle. Il n'y a pas de raison pour que continuent d'exister les grandes entreprises financières privées où les Canadiens placent leur richesse sociale, que l'État appuie par des manoeuvres pour payer les riches et qu'une poignée d'autocrates contrôlent afin de dicter comment la richesse sociale du pays est distribuée et utilisée.

Un autre aspect du programme d'infrastructure bâtisseur d'empire de Trudeau est la question de qui le contrôle. Les libéraux de Justin Trudeau et au Québec et ailleurs mettent le contrôle de la construction de l'infrastructure dans les mains des grands monopoles privés. Ils ont même inventé une expression fantaisiste appelée Partenariat public-privé ou PPP. Les monopoles géants de la construction comme Bechtel des États-Unis, SNC Lavalin et d'autres emplissent leurs coffres à même les projets d'infrastructure garantis et financés par l'argent public dont des projets militaires comme la construction de navires pour la Marine et la Garde côtière, d'hélicoptères et d'avions de combat. Il faut que cela change. Il faut que cela change pour que le Québec et le Canada aillent de l'avant. L'infrastructure sociale et matérielle doit être publique du début à la fin et tout au long de sa vie utile. Elle doit être publique depuis la construction des structures jusqu'à l'approvisionnement des hôpitaux et des maisons d'enseignement en fournitures et jusqu'au facteur humain.

Un autre aspect crucial de l'infrastructure d'édification d'empire qui doit changer c'est la façon dont est réalisée, ou plutôt n'est pas réalisée en ce moment, la valeur qui est produite par l'infrastructure sociale et matérielle. Plutôt qu'être échangée pour une valeur équivalente, la valeur de l'infrastructure est payée essentiellement par l'impôt individuel, ce qui n'a aucun sens parce que l'infrastructure est essentiellement constituée de moyens de production et non d'articles de consommation.

Toutes les unités économiques actives de l'économie, publiques et privées, doivent réaliser ou payer pour la valeur qu'elles consomment qui provient de l'infrastructure sociale et matérielle. La valeur que les unités économiques consomment et qui vient des systèmes publics de santé et d'éducation et du vaste réseau de transport, de routes, de ponts, de transport public, de traitement des eaux et des déchets, etc. doit être réalisée comme un aspect normal de l'activité économique. De la même manière que nous, les métallos, connaissons exactement le prix de production de ce que nous produisons, les travailleurs qui produisent l'infrastructure sociale et matérielle connaissent le prix de production de ce qu'ils produisent ou à tout le moins ils le connaîtraient s'ils étaient organisés pour le connaître. Déterminer le prix de la valeur qu'ils produisent et la valeur que consomment les unités économiques dans l'économie et devraient réaliser en tant qu'acheteurs de cette valeur - voilà toutes des questions qui relèvent de la science économique et sont parfaitement connaissables. Tant que l'économie sera basée sur la production de marchandises pour l'échange et non pour l'usage, la valeur de notre infrastructure sociale et matérielle, de nos moyens de production nationaux doit être échangée et réalisée de la même manière que tout moyen de production consumé au sein de l'économie.

Cette question soulève l'importance de renouveler le système d'imposition et d'éliminer toute forme d'imposition individuel, que ce soit l'impôt sur le revenu, les taxes de vente, les taxes foncières et les frais d'usagers dans les services publics, et l'importance également d'instituer des méthodes de réclamations de l'État à la valeur dont il a besoin directement de l'économie par le biais de l'entreprise publique et d'autres moyens et non de façon indirecte auprès des travailleurs et des autres individus. Trouver une nouvelle direction au régime d'imposition, à la façon dont l'État réclame la valeur qu'il requiert en instaurant une réclamation directe à l'économie est une tâche importante que la classe ouvrière doit prendre en main dans le cadre de son programme d'édification nationale.

Enfin, il est important, sur le front économique, de discuter de la question des salaires et des avantages sociaux qui forment la valeur reproduite individuelle des travailleurs, laquelle traditionnellement a été le domaine principal du champ d'action des syndicats. Dans le cadre du programme d'édification nationale, la valeur individuelle reproduite est importante et la classe ouvrière mène une lutte constante pour défendre et améliorer la réclamation individuelle à la valeur que les travailleurs produisent. Cependant, la valeur individuelle reproduite ne représente qu'une portion de la valeur nouvelle que la classe ouvrière produit et reproduit, et dont les travailleurs et la nation ont besoin pour garantir aux travailleurs et à leurs familles leur bien-être pendant toute leur vie et faire en sorte que l'économie grandisse, prospère et devienne moderne et contribue à humaniser l'environnement social et naturel.

Les autres portions de la valeur nouvelle que produisent les travailleurs, la valeur sociale reproduite et ajoutée, sont essentielles à l'édification nationale et doivent être prises en compte par la classe ouvrière et jouent un rôle clé dans son programme centré sur l'être humain. J'ai déjà mentionné la valeur sociale reproduite, qui est cette portion de la nouvelle valeur produite qui reproduit l'infrastructure sociale, les systèmes publics de santé et d'éducation et d'autres programmes essentiels à toute nation moderne. La valeur individuelle et sociale reproduite est en contradiction avec la valeur ajoutée parce que la valeur ajoutée plus la valeur reproduite forment la nouvelle valeur que les travailleurs produisent par leur temps de travail. La valeur ajoutée est la valeur qui est disponible pour l'expansion de l'économie afin qu'elle satisfasse les besoins croissants de tous et garantisse leurs droits. Aucun projet d'édification nationale ne peut réussir sans qu'il mette à l'ordre du jour de défendre la valeur sociale reproduite et d'étendre le contrôle sur la valeur ajoutée, en opposition aux réclamations des bâtisseurs d'empires, et de développer plus avant l'infrastructure sociale et matérielle et s'assurer que sa valeur est réalisée.

Cela doit être mis au programme de tous ceux qui luttent pour l'édification nationale et ne peuvent pas se limiter à la défense de la valeur reproduite individuelle.

La classe ouvrière en tant que la force avancée et la productrice véritable doit étendre son contrôle sur l'ensemble de la nouvelle valeur qu'elle produit. C'est seulement ainsi qu'elle peut garantir que la richesse sociale qu'elle produit va servir à garantir les droits du peuple, son habilitation politique et l'édification nationale. La classe ouvrière, avec son organisation et sa propre pensée et son propre programme est capable de priver les édificateurs d'empire de leur pouvoir de priver le peuple et la nation de leurs droits.

La première tâche, c'est de contester les prémisses idéologiques de leur ordre du jour de braderie et de guerre. C'est de dire non à leurs stratagèmes comme les travailleurs et le peuple le font déjà afin qu'ils ne puissent pas dire qu'ils ont notre consentement. Il faut faire entendre cette voie à l'échelle du pays.

Cette grande tâche organisationnelle peut sembler hors de notre portée mais elle est faisable. Le Parti marxiste-léniniste a l'organisation qu'il faut. Il a un ensemble de cadres expérimentés et doit former d'autres cadres, en particulier des jeunes d'origine ouvrière et d'autres jeunes qui vont intensifier le travail pour renforcer le Centre ouvrier du Parti marxiste-léniniste afin de briser le silence sur les conditions de vie et de travail des travailleurs dans tous les secteurs de l'économie et surtout traiter de leur expérience acquise dans leur lutte contre l'offensive antisociale. Un aspect important est le financement de ce travail mais le facteur décisif est le facteur humain, les êtres humains qui en ce moment-même voient la nécessité de ce travail. Nous pouvons travailler avec eux et les aider à l'accomplir.

Je vous appelle à prendre en main ce grand travail organisationnel. Prenons en main ce travail de mobilisation idéologique et politique pour accomplir l'édification nationale du 21e siècle !

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