Le
                              Marxiste-Léniniste

Numéro 113 - 3 novembre 2012

50e anniversaire de la Crise des missiles à Cuba

La nécessité de défendre avec détermination
la souveraineté et les droits de tous – Levez
le blocus de Cuba!
 

50e anniversaire de la Crise des missiles à Cuba
La nécessité de défendre avec détermination la souveraineté et les droits de tous – Levez le blocus de Cuba! - Dougal MacDonald
La Crise d'Octobre dans les mots de Fidel Castro


50e anniversaire de la Crise des missiles à Cuba

La nécessité de défendre avec détermination
la souveraineté et les droits de tous – Levez
le blocus de Cuba!


Des milliers d'étudiants de l'Université de la Colombie-Britannique manifestent contre l'action des États-Unis
pendant la Crise des missiles, 24 octobre 1962.

Les journées du 16 au 29 octobre marquent le 50e anniversaire de ce qui fut connu comme la « Crise des missiles à Cuba », quand le monde a fait face à un risque imminent de guerre nucléaire à cause de la confrontation entre les deux superpuissances de l'époque, les États-Unis et l'Union soviétique. Ces événements sont présentés à tort comme un épisode de la guerre froide dont le héros est les États-Unis tandis que les faits sont pour la plupart cachés ou déformés. Les raisons de l'installation de missiles nucléaires soviétiques à Cuba avec la permission du gouvernement cubain et la manière dont la crise a été résolue ne sont jamais examinées. Pendant ces événements, les cercles dirigeants des États-Unis ont également préparé une attaque militaire massive contre Cuba – probablement avec des armes nucléaires – pour « détruire » les missiles.[1] Bien entendu, les impérialistes américains appliquaient leur habituel deux poids, deux mesures puisque dès mai 1962, ils avaient déployé leurs missiles balistiques nucléaires de portée intermédiaire Jupiter en Turquie et menaçaient l'Union soviétique. Officiellement, la crise a pris fin quand les Soviétiques ont démantelé les sites de missiles à Cuba et réexpédié les missiles en Union soviétique ou, dépendant de la version, lorsque les États-Unis ont été contraints par les événements de démanteler leur installations de missiles en Turquie, ce qui a conduit l'Union soviétique à démanteler les siennes à Cuba. On nous dit que les partisans de la ligne dure voulaient envahir Cuba pour supprimer cette menace, mais que, heureusement, le président américain John F. Kennedy a voulu donner une chance à la diplomatie.

Dans la version officielle, le rôle de Nikita Khrouchtchev est présenté de façon inexacte tandis que Kennedy est présenté comme le grand pacificateur de l'époque, même si à la même période les États-Unis escaladaient leur agression contre le peuple du Viet Nam et augmentaient le nombre de leurs troupes de 500 à 16 000. Dans ces comptes-rendus, Cuba révolutionnaire n'est qu'une simple note en bas de page, et la position de Cuba est repoussée du revers de la main. L'implication claire était alors la même qu'aujourd'hui : un petit pays comme Cuba ne devrait pas résister aux impérialistes parce qu'une telle résistance pourrait déclencher une guerre mondiale.


Le dirigeant de la Révolution cubaine Fidel Castro annonce
le 1er janvier 1959 sur Radio Rebelde que la dictature de
Fulgencio Batista, soutenue par les États-Unis, a été vaincue
par l'armée rebelle.

Les impérialistes américains considéraient depuis longtemps l'Amérique latine, y compris Cuba, comme leur chasse-gardée.[2] Selon la Doctrine Monroe de 1823, toute tentative d'une puissance européenne de coloniser ou de s'ingérer dans les affaires d'un État des Amériques devait être considérée comme un acte d'agression nécessitant une intervention des États-Unis. La guerre hispano-américaine de 1898 a remplacé la domination espagnole de Cuba par celle des États-Unis. Cuba n'est devenue officiellement indépendante qu'en 1902 après la signature de l'Amendement Platt par lequel les États-Unis se donnaient le droit d'intervenir dans les affaires cubaines. Jusqu'à la révolution de 1959, le gouvernement cubain ne prenait aucune décision importante sans consulter les dirigeants américains. Les monopoles américains, la mafia[3] et la CIA[4] dominaient l'économie cubaine, principalement par leur contrôle et leur manipulation de l'industrie de sucre.

L'historique Révolution cubaine du 1er janvier 1959 a provoqué la colère des impérialistes et le 17 avril 1961, les États-Unis, avec l'approbation du « pacifiste » Kennedy, ont lancé l'invasion de la Baie des Cochons (Playa Girón) pour écraser la révolution par la force armée. Ce débarquement fut un échec complet. Les forces cubaines mirent les envahisseurs américains rapidement en déroute. Pour se venger de leur défaite, lors du sommet de l'Organisation des États américains (OAS) de Punta del Este en janvier 1962, les États-Unis forcèrent l'adoption d'un embargo sur les armements contre Cuba et le 3 février le président Kennedy déclara un embargo commercial contre Cuba. Le blocus des États-Unis contre Cuba continue encore aujourd'hui malgré sa condamnation année après année par la grande majorité des peuples du monde, suivant le principe que seuls les Cubains ont le droit de décider de leur système politique et économique.[5]

La véritable essence de la crise des missiles à Cuba a été la défense acharnée de Cuba, sous la direction de son légendaire leader révolutionnaire Fidel Castro, de sa souveraineté et de ses droits face à l'agression et aux provocations répétées des États-Unis. Les impérialistes américains ont utilisé le prétexte de la « sécurité nationale » pour justifier leurs crimes, se donnant le droit de décider de ce que Cuba pouvait faire à l'intérieur de ses propres frontières, notamment quelles armes Cuba devrait posséder. Avant et pendant la crise, les États-Unis ont violé de manière répétée l'espace aérien cubain avec leurs avions espions U-2,[6] envoyé des agents à Cuba, effectué du sabotage économique, tenu des manoeuvres navales dans la mer des Caraïbes à proximité de Cuba dans l'intention d'intimider, et diffusé de la propagande anti-cubaine. Les États-Unis n'ont jamais reconnu le droit du peuple cubain de décider de son avenir et, dès le jour de la victoire de la révolution cubaine, ils ont élaboré des plans pour l'écraser. Encore aujourd'hui, les États-Unis continuent d'occuper illégalement la base navale de Guantanamo sur le territoire cubain.


Raúl Castro et Fidel, avec les forces armées de Cuba,
célèbrent la victoire sur les mercenaires soutenus
par les États-Unis. Playa Girón, 19 avril 1961.

Le 30 octobre 1962, un jour après que l'Union soviétique ait accepté de démanteler les sites de missiles à Cuba et de retirer les missiles, le secrétaire général des Nations unies, U Thant, a soumis au premier ministre de Cuba, Fidel Castro, les exigences arrogantes des États-Unis pour « aider à résoudre la crise ». U Thant a déclaré que les États-Unis voulaient que deux équipes d'inspecteurs des Nations unies soient créées — une dans un avion et une autre au sol — pour surveiller le démantèlement des rampes de missiles à Cuba qu'avait commencé l'Union soviétique. Les États-Unis affirmaient que si Cuba acceptait la demande américaine de surveillance des sites de missiles, ils s'engageaient à ne pas envahir Cuba et à lever leur blocus illégal. En d'autres termes, les États-Unis ne commettraient pas d'actes d'agression et se conformeraient au droit international que si Cuba se mettait à genoux devant eux !

Le premier ministre cubain Fidel Castro a répondu tout a fait justement à U Thant[7] que Cuba soutenait le droit international tandis que les États-Unis le violaient cyniquement : « Précisément, nous ne comprenons pas pourquoi on nous demande une chose pareille, parce que nous n'avons violé aucun droit, nous n'avons mené d'agression contre absolument personne. Tous nos actes ont été basés sur le droit international. Nous n'avons absolument rien fait en dehors du droit international. Par contre, nous avons été victimes, en premier lieu, d'un blocus, ce qui est un acte illégal ; et en deuxième lieu, on prétend déterminer depuis un autre pays ce que nous avons le droit de faire ou de ne pas faire dans nos frontières. »

Affirmant avec force les droits de Cuba en tant qu'État souverain, le premier ministre Castro a poursuivi : « Cuba est un État souverain, ni plus ni moins que tout autre État membre des Nations unies, et doté de tous les droits inhérents à ces États. Par ailleurs, les États-Unis ont violé à plusieurs reprises notre espace aérien, sans aucun droit, en commettant un acte d'agression intolérable contre notre pays. Ils ont prétendu le justifier à travers un accord de l'OEA, mais pour nous cet accord n'a aucune validité. Nous avons même été expulsés de l'OEA. Nous pouvons accepter n'importe quoi qui soit conforme au droit, qui n'empiète pas sur notre condition d'État souverain. Les droits bafoués par les États-Unis n'ont pas été rétablis, et nous n'acceptons aucune imposition par la force. »

Le premier ministre Fidel Castro a ensuite rejeté la demande d'inspection comme étant une nouvelle attaque contre la souveraineté et les droits de Cuba. « Je considère cette inspection comme une nouvelle tentative pour humilier notre pays. En conséquence, nous ne l'acceptons pas. Cette demande d'inspection prétend valider leur intention de violer notre droit d'agir en toute liberté à l'intérieur de nos frontières, de décider ce que nous pouvons faire ou ne pas faire à l'intérieur de nos frontières. Notre ligne de conduite n'est pas nouvelle. C'est un point de vue que nous avons toujours défendu. »

Le premier ministre Fidel Castro a également rappelé à U Thant que la juste position de Cuba était déjà très claire dans la réponse du gouvernement révolutionnaire à la résolution conjointe du gouvernement des États-Unis du 22 octobre annonçant le blocus : « La menace de lancer une attaque armée directe si Cuba se renforçait militairement jusqu'à un degré que les États-Unis se réservent la liberté de déterminer est absurde. Nous n'avons pas la moindre intention de rendre des comptes au Sénat ou à la Chambre des représentants, des armes que nous achetons et des mesures tendant à défendre notre pays. N'avons-nous pas les mêmes droits que les normes, les lois et les principes internationaux reconnaissent à tout État souverain de n'importe quelle partie du monde ? Nous ne renoncerons à aucune prérogative souveraine en faveur du Congrès des États-Unis. Ce point de vue a été réaffirmé à l'Organisation des Nations unies par le président de la République de Cuba et a également été maintes fois proclamé par moi dans de nombreuses déclarations publiques en tant que premier ministre du gouvernement. Et c'est une position ferme du gouvernement cubain. »


Durant la crise des missiles à Cuba, connue à Cuba comme
la crise d'Octobre, les forces armées de Cuba et son peuple
sont restés calmes et prêts à défendre la nation jusqu'au bout.

Le premier ministre Fidel Castro a terminé son allocution en réaffirmant le serment de Cuba de toujours défendre ses droits souverains : « Toutes ces mesures ont été prises pour assurer la sécurité de notre pays face à une politique systématique d'hostilité et d'agression ; elles ont été prises en pleine conformité avec le droit, et nous n'avons pas renoncé à notre décision de défendre nos droits.

« Nous pouvons négocier en toute sincérité et en toute honnêteté. Nous ne serions pas honnêtes si nous acceptions de négocier un droit souverain de notre pays. Pour ces droits, nous sommes prêts à payer le prix qu'il faudra, et il ne s'agit pas là de simples mots, mais d'une attitude très chère à notre peuple. »

Loin d'être un éloge à la « contribution à la paix » du président Kennedy et de l'impérialisme américain, les remarques percutantes du premier ministre Fidel Castro montrent l'importance de la crise des missiles à Cuba : elles montrent qu'aujourd'hui, comme c'était le cas alors, c'est la défense militante du peuple cubain de sa souveraineté qui fait que les impérialistes américains sont incapables de triompher. Ce sont eux les véritables fauteurs de guerre et la voie de la paix dans le monde est celle qui garantit les droits des peuples et la décision des peuples de résister pour défendre ces droits. Le peuple de Cuba était déterminé à défendre ses droits face à toutes les difficultés et même menacé par la plus grande puissance mondiale. « Cuba est le symbole de la lutte pour la libération et l'indépendance que l'impérialisme s'efforce de faire disparaître de la surface de la terre. Rien ne stimule les Cubains plus que leur détermination à poursuivre le combat permanent pour leur identité, leur culture et la vie elle-même, en tant que nation souveraine, maître de sa destinée. »[8]

Encore aujourd'hui, l'impérialisme américain se donne le droit de forcer tous les pays à se soumettre à la volonté des États-Unis au risque de subir l'agression. Deux exemples actuels sont la Syrie et l'Iran. Dans les deux cas, l'impérialisme américain tente de dicter à ces pays ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire à l'intérieur de leurs frontières. Cuba, pour sa part, a toujours appelé à la non-ingérence dans les affaires de la Syrie et de l'Iran. Dans le contexte actuel, les pays devraient s'inspirer des nombreux exemples de défense résolue de ses droits souverains et des droits des autres contre l'agression que le peuple cubain nous a donnés au cours des cinquante dernières années. Cette position juste a toujours été partie intégrante de la lutte de l'héroïque peuple cubain pour un avenir meilleur libre de toute ingérence extérieure.

Notes

1. Dans ses mémoires intéressés, 13 jours : La crise des missiles de Cuba, le frère du président des États-Unis, Robert Kennedy, écrit : « [Le président Kennedy] avait ordonné au Pentagone de faire tous les préparatifs nécessaires pour toute autre action militaire. Le Secrétaire [à la Défense Robert] McNamara, dans un rapport confidentiel, avait énuméré les exigences : 250 000 hommes, 2 000 sorties aériennes contre différents objectifs à Cuba et une force d'invasion de 90 000 marines et troupes aéroportées... Des troupes, équipées et préparées, étaient rapidement transferrées vers le sud-est des États-Unis. Des dispositions étaient prises pour rassembler la flotte de plus de cent navires qui seraient nécessaires à une invasion. »

2. Un exemple clair de l'après-guerre est le renversement violent par les États-Unis du gouvernement élu démocratiquement d'Arbenz au Guatemala en 1954. Ce coup d'État a inauguré un règne d'escadrons de la mort, de torture et d'assassinats qui a fait plus de 300 000 victimes. Pour un compte-rendu détaillé de ce coup d'État, voir Bitter Fruit de Stephen Schlesinger et Stephen Kinzer, 1982.

3. La mafia s'est établie à La Havane dans les années 1930 et a développé en même temps des activités criminelles et « légitimes ». En décembre 1946, une importante réunion des principaux truands des États-Unis a eu lieu à La Havane, présidée par le financier de la pègre Meyer Lansky, qui avait élu domicile à Cuba. Lansky a quitté La Havane le lendemain de la révolution.

4. En 1952, la CIA a organisé le renversement du gouvernement de la famille Prio, qui avait contesté le contrôle de Rockefeller des mines de nickel cubaines et avait annoncé une production de sucre illimitée pour l'année 1951. Ce coup mettra au pouvoir le général Fulgencio Batista, plus docile, qui y restera jusqu'à la révolution.

5. Lors du plus récent vote de l'Assemblée générale des Nations unies, tenu en 2011, sur la levée du blocus de Cuba, 187 pays ont voté pour mettre fin au blocus ; seuls les États-Unis et Israël ont voté son maintien. Pour la vingtième année consécutive, l'ONU a condamné massivement le blocus des États-Unis contre Cuba. Le prochain vote aura lieu le 13 novembre 2012.

6. Le 27 octobre 1962, un avion espion U-2, volant à haute altitude, piloté par le major américain Rudolf Anderson Jr., a été abattu au-dessus de Cuba par un missile SAM.

7. Fidel Castro, Discours à la télévision et à la radio nationales, 1er novembre 1962, Granma, 5 janvier 2012

8. En visite à Cuba, Hardial Bains, La Compagnie d'Édition le Nouveau Magazine, Toronto, 2003

(Photos historiques de Cuba : « Cien Imagenes de la Revolucion Cubana, 1953-1996 », Oficina de Publicaciones del Consejo de Estado ; Instituto Cubano del Libro ; Editorial Arte y Literatura. Havana, 2004. Photo de l' UCB : Ubyssey)

(Traduction : LML)

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Fidel Castro: Biographie à deux voix

Nous reproduisons un extrait du Chapitre 13 : La crise d'octobre 1962 du livre Fidel Castro : Biographie à deux voix d'Ignacio Ramonet paru chez Fayard/Galilée en 2008. Dans cet extrait Ramonet interroge le légendaire leader de la Révolution cubaine au sujet des événements entourant la crise des missiles de 1962.


Scènes de la crise de 1962. À gauche: Des soldats cubains aux commandes de l'artillerie anti-aérienne à Malecon,
La Havane. À droite: Fidel Castro s'adresse aux soldats de la batterie anti-aérienne.

Vous, Kennedy et le monde, avez vécu l'une des plus dangereuses crises internationales : celle d'octobre 1962, appelée aussi « crise des missiles ». Comment jugez-vous cette situation quarante-trois ans après ?

Cela fut un moment de très grande tension, et les leçons qu'on peut tirer de cette crise sont nombreuses. Conséquence de la politique agressive des États-Unis contre Cuba, et d'un projet d'invasion de l'île avec intervention, cette fois directe, des forces navales, aériennes et terrestres américaines, le monde a été au bord d'une guerre nucléaire. Ce plan d'invasion avait été approuvé près de dix mois après leur défaite de Giron, et environ huit mois avant que la crise n'éclate.

Les Soviétiques sont parvenus à obtenir des informations dont il était impossible de douter sur ce projet d'invasion, et en ont informé Cuba. S'efforçant de protéger leur source, ils n'ont pourtant pas été en tout point explicites. Ils ont affirmé être parvenus à cette conviction après que Khrouchtchev et Kennedy s'étaient rencontrés à Vienne en juin 1961. Les détails de ce plan n'ont été connus que vingt ans plus tard, lorsque les documents ont été déclassifiés et publiés par le gouvernement des États-Unis.

Les émissaires soviétiques venus à Cuba en mai 1962 étaient Charaf Rachidov, secrétaire du Parti pour l'Ouzbékistan, et le maréchal Sergueï Biriouzov, chef des forces stratégiques de l'URSS. C'est Raúl et moi qui avons eu avec eux le premier entretien.

Après nous avoir livré les informations sur le plan d'invasion, ils m'ont demandé comment j'envisageais d'éviter l'attaque. Je leur ai très calmement répondu : « Mettez en garde publiquement les États-Unis, comme ils mettent en garde en pareille situation, et déclarez qu'une attaque contre Cuba sera considérée comme une attaque contre l'URSS. »

J'ai défendu mon point de vue. Ils sont restés pensifs un instant, puis ont répondu que pour ne pas en rester à une simple déclaration il était nécessaire de prendre quelques mesures concrètes. C'est alors qu'ils ont exprimé cette opinion : il fallait installer à Cuba un petit nombre de fusées de moyenne portée.

Telle que je voyais la situation, il était nécessaire d'améliorer l'équilibre des forces entre l'URSS et les États-Unis. Je vous avouerai que je n'aimais pas beaucoup l'idée de la présence de ces armes à Cuba. Nous devions éviter de donner de notre pays l'image d'une base soviétique ; c'était spécialement important dans le cas particulier de l'Amérique latine. Je leur ai répondu : « Marquons une pause, il me faut discuter cette question essentielle et délicate avec la Direction nationale de la révolution. » C'est ce que j'ai fait vers la mi-journée. Je me rappelle qu'outre Raúl il y avait Blas Roca, Che Guevara, Osvaldo Dorticós, et Carlos Rafael Rodríguez. Je leur ai exposé les questions à discuter et un point de vue : le problème dépassait le désir sincère des Soviétiques d'éviter une attaque contre Cuba, ce qui avait pourtant une importance particulière aux yeux de Khrouchtchev. Les Soviétiques souhaitaient aussi améliorer le rapport des forces stratégiques avec les États-Unis, et c'est la signification que prendrait la présence de leurs missiles à Cuba. Cela compensait à leurs yeux l'avantage pris par les États-Unis avec l'installation de fusées équivalentes en Turquie et en Italie, pays relativement proches de l'Union soviétique.

J'ai ajouté qu'il n'était pas juste de vouloir un soutien conséquent de l'URSS et du camp socialiste en cas d'agression américaine, et en même temps de ne pas vouloir courir des risques politiques ni mettre en danger notre prestige si les Soviétiques en appelaient à Cuba. Ce point de vue éthique et révolutionnaire a été unanimement accepté par la Direction.

De retour à l'endroit où nous attendaient les représentants de l'URSS, je leur ai littéralement expliqué que, puisqu'il s'agissait de protéger Cuba d'une attaque directe, et en même temps de renforcer l'URSS et le camp socialiste, nous étions d'accord pour l'installation de missiles de moyenne portée en nombre suffisant.

Le reste de la réunion a été consacré aux mesures concrètes qui s'imposaient. Les missiles envoyés seraient au nombre de quarante-deux. Nos forces navales, aériennes et terrestres seraient renforcées par des unités d'artillerie navale, un régiment de chasseurs Mig-21, quatre brigades d'infanterie motorisée bien équipées de blindés, et un régiment de fusées nucléaires tactiques. Des batteries de missiles sol-air, d'une portée de trente kilomètres, seraient également déployées pour protéger les armes nucléaires tactiques.

Cette discussion s'est déroulée cinq mois avant la crise. Il n'y avait pas une seconde à perdre. L'effort fourni a été colossal.

Sans ces antécédents, impossible de comprendre ce qui est arrivé en octobre 1962. L'élaboration des documents précisant les termes de l'accord était une urgence parmi d'autres. Les Soviétiques ont accepté de nous les envoyer, et ils nous sont rapidement parvenus.

Je les ai analysés en détail, et j'ai pu percevoir qu'un projet aussi délicat d'accord militaire sur la mise en place de missiles présentait des lacunes politiques, et qu'il était inadapté à une présentation publique.

Je l'ai entièrement réécrit, l'ai rédigé à la main et j'ai envoyé Raúl à Moscou pour le défendre. Sur place, il l'a discuté avec le ministre de la Défense, le maréchal Rodion Malinovski, et avec Khrouchtchev. Le document a été accepté sans qu'on en change une virgule.

Ensuite ont commencé les préparatifs. Il serait malhonnête de nier l'efficacité des forces armées et de l'État soviétiques lorsqu'il a fallu déployer, en un temps record, les effectifs accordés. Nous avons pour notre part accompli un effort gigantesque destiné à jauger les emplacements idoines pour les unités et l'armement, y compris pour les missiles et leurs dispositifs de protection. Mener à bien tout cela en appliquant les normes les plus strictes de fragmentation des tâches, de camouflage et de discrétion est peut-être ce qu'il y a eu de plus difficile.

Nos forces armées et nos organismes de sécurité, appuyés par le Parti et les organisations de masse, ont agi avec une efficacité remarquable. Malgré nos efforts de discrétion, les rumeurs allaient bon train. Ceux qui ne portaient pas la révolution dans leur coeur envoyaient des messages de toute nature aux États-Unis, tenant leur famille exilée et les officiels au courant des mouvements qu'ils observaient. Les médias n'ont pas tardé à diffuser ces rumeurs. Kennedy était poussé à réagir par l'opposition et les médias.

Une discussion étrange et byzantine s'est alors nouée entre le gouvernement de l'URSS et celui des États-Unis sur le caractère offensif ou défensif des armes qui arrivaient à Cuba. Kennedy s'est entendu assurer par Khrouchtchev que les armes étaient défensives. Il en a conclu qu'il ne pouvait donc pas s'agir de missiles nucléaires de moyenne portée. Je pense qu'il a prêté foi aux affirmations catégoriques de Khrouchtchev, qui, sur la base du caractère défensif des armes, et non de leurs caractéristiques techniques, continuait d'affirmer que les armes étaient défensives. L'URSS n'aurait jamais dû entrer dans de telles précisions. Ce à quoi Cuba et l'URSS se livraient était en tout point légal et collait strictement aux règles du droit international. Il aurait fallu être clair dès le premier instant : Cuba disposerait désormais des armes requises pour sa défense.

Nous n'aimions pas la tournure que prenait le débat. J'ai envoyé Che Guevara, alors ministre de l'Industrie et membre de la Direction nationale des Organisations révolutionnaires intégrées, exposer à Khrouchtchev mes points de vue, notamment l'urgence de rendre public l'accord militaire souscrit par l'URSS et Cuba.

Je n'ai pas été en mesure de le convaincre. Khrouchtchev m'a répondu qu'il enverrait la flotte de la Baltique s'il s'avérait nécessaire de décourager une réaction trop violente des États-Unis.

Pour nous, dirigeants cubains, l'URSS était un État puissant et expérimenté. Nous n'avions aucun autre argument à leur opposer pour les convaincre de modifier la stratégie qu'ils appliquaient à l'affaire. Nous n'avons eu d'autre choix que de leur faire confiance.

Comment la crise a-t-elle commencé ?

Les Américains auraient détecté les installations destinées aux missiles entre le 14 et le 15 octobre, un avion espion U-2 américain, volant à haute altitude, ayant photographié des rampes de lancement. En réalité, il est bien connu que l'emplacement précis des missiles a été livré aux Américains par un membre des services de renseignement soviétiques, le colonel Oleg Penkovski. Les U-2 ne les ont détectés qu'après. Kennedy en a été informé le 16 octobre, et c'est alors que commence la crise.

Ce qui est invraisemblable dans l'attitude des Soviétiques, c'est que, dans le même temps qu'ils installaient les batteries de missiles sol-air tout au long de notre territoire, ils n'aient pas interdit à l'adversaire de localiser les moyens de défense cubano-soviétiques. Le survol d'avions espions n'a été ni interdit, ni empêché. Il n'était plus question de tactique ou de stratégie. C'était une non-décision qui traduisait le manque de disposition à la fermeté. De notre point de vue, celui que nous avons soutenu alors et que je soutiens encore aujourd'hui, l'adversaire a trouvé un extraordinaire avantage dans l'absence d'opposition au survol d'avions espions. Cela lui a laissé une semaine entière pour organiser son plan de riposte politique et militaire.

Au moment du déclenchement de la crise, Khrouchtchev n'avait pas une idée très claire des décisions qu'il devait prendre. Sa première déclaration a été une condamnation énergique de la position adoptée par Kennedy.

Comment a réagi Kennedy ?

Plusieurs jours avant le début de la crise, Kennedy prend l'initiative. Ainsi, dès le 19 octobre, il consulte l'état-major des forces armées américaines, lequel préconise une attaque aérienne massive sur les installations de missiles. Le 20 octobre, conseillé par Robert McNamara, son secrétaire à la Défense, Kennedy décide un blocus naval de l'île et mobilise cent quatre-vingt-trois navires de guerre, dont huit porte-avions, et quarante mille soldats d'infanterie de marine à bord de navires de transport de troupes. Par ailleurs, cinq cent soixante-dix-neuf avions de combat et cinq divisions de l'armée de terre, dont deux divisions d'élite aéroportées, la 82 et la 101, se concentrent en Floride. À cette heure, les opinions publiques américaine et mondiale ignorent encore tout des événements.

Quand Kennedy a-t-il informé l'opinion publique ?

Il a fait une allocution télévisée très empreinte de dramatisation le 22 octobre à 19 heures, sur toutes les chaînes du pays, et le monde entier a alors appris que nous étions au bord d'une guerre nucléaire. Il a déclaré que l'Union soviétique devait retirer ses missiles ou prendre le risque d'une guerre atomique. Dans le même temps, il a annoncé le blocus naval de l'île destiné à empêcher l'arrivée de nouveaux missiles. À cet instant-là, les Soviétiques avaient déjà arrêté le colonel Oleg Penkovski et savaient que les Américains disposaient de toutes les informations.

Quand en avez-vous été informé ? Quand avez-vous su que les Américains savaient ?

Je l'ai compris le 22 octobre, lorsqu'on a annoncé de manière spectaculaire l'allocution télévisée de Kennedy. J'avais en outre, auparavant, observé des signes contingents. Il ne pouvait s'agir que d'une réaction américaine à l'installation des missiles. J'avais aussitôt exprimé une requête auprès du commandement militaire soviétique à Cuba : il fallait accélérer au maximum la construction des rampes destinées aux fusées stratégiques. Nous devions être prêts à nous battre. Nous avons travaillé jour et nuit. Le 16 octobre, il n'y avait pour ainsi dire aucune rampe de lancement terminée ; le 18, il y en avait huit ; le 20, il y en avait treize ; le 21, il y en avait vingt, et ainsi de suite. Nous progressions à toute vitesse.

Comment avez-vous réagi à ce si grand danger ?

Comme je vous l'ai dit, avant même que Kennedy n'ait parlé à la télévision, nous avions deviné le propos de son allocution. Nous avons décidé de nous placer en situation d'urgence et de mobiliser tous nos hommes jusqu'au dernier. Près de trois cent mille hommes ont été appelés sous les drapeaux. Je suis intervenu à la télévision le 23 octobre pour dénoncer la politique des États-Unis, informer la population du risque d'invasion, mobiliser le peuple, et exprimer notre disposition à lutter, quels que puissent être les circonstances ou les risques.

Le blocus naval des États-Unis a-t-il été effectivement appliqué ?

Bien sûr. Il est devenu effectif le 24 octobre à 14 heures. Vingt-trois navires soviétiques étaient alors en route pour Cuba.

Comment l'ONU a-t-elle abordé cette situation ?


L'ambassadeur des États-Unis à l'ONU Adlai Stevenson fait
sa présentation au Conseil de sécurité de l'ONU
le 25 octobre 1962.

Il y a eu le débat, que je qualifierais de très embarrassant, entre Adlai Stevenson, ambassadeur américain, et le Soviétique Valerian Zorine. Stevenson a présenté de façon spectaculaire de grandes photographies aériennes des bases de missiles stratégiques. Le Soviétique, niant l'évidence, a mis en doute l'authenticité de ces preuves. Il a refusé la discussion. Tout était improvisé, Zorine n'était pas préparé à discuter. Il n'a pas attaqué, n'a pas dénoncé, n'a pas défendu les motivations de Cuba, petit pays agressé, menacé par une superpuissance, pour demander de l'aide, et les arguments de l'URSS pour accorder cette aide et rester fidèle à ses principes et à ses devoirs internationalistes. Il s'est emberlificoté dans une discussion médiocre, dans la même ligne de conduite publique erronée suivie par Khrouchtchev pendant les mois ayant précédé la crise. Il a commis l'erreur de fermer la porte au vrai débat sur la souveraineté de Cuba, sur son droit de se défendre et de se protéger. C'était le 25 octobre 1962.

Dans cet entre-temps, j'imagine que les Américains poursuivaient leurs survols de Cuba.

Ils ont poursuivi leurs survols, et malgré les batteries de missiles sol-air préalablement installées pour éviter précisément l'espionnage du territoire national, nul ne les en empêchait.

Les Américains poursuivaient notamment les survols d'avions espions U-2, et ils ont aussi commencé des vols de reconnaissance à basse altitude. Nous avons décidé de tirer contre les avions qui effectuaient ces vols rasants. À l'époque, les vols à très basse altitude étaient impossibles à détecter au radar, ils favorisaient les attaques surprise. Nous en avons fait état aux responsables soviétiques présents à Cuba, en leur expliquant que les vols rasants étaient inadmissibles. Nous leur avons fait savoir que nous allions tirer. Et avons donc tiré avec l'artillerie antiaérienne.

C'est ainsi que le 27 octobre une batterie de missiles sol-air SAM manipulée par les Soviétiques, dans la province d'Oriente, a tiré et abattu un avion espion U-2, provoquant le moment de plus grande tension de toute la crise. L'officier Rudolph Anderson, pilote de l'U-2, est décédé, ce qui montrait que les affrontements mortels avaient pratiquement déjà commencé. L'événement qui déclencherait la guerre atomique pouvait se produire à tout moment. Je vous dirai pourtant qu'ici les gens étaient très calmes.

En êtes-vous arrivé à penser que la guerre était inévitable ?

C'était un moment d'extrême tension. À nos yeux le conflit était inévitable. Nous étions bien décidés cependant à en accepter le risque. L'idée de céder aux menaces de l'adversaire ne nous a jamais effleurés.

Mais les Soviétiques ont fini par céder.

Dans cet instant de très grande tension, les Soviétiques ont envoyé une proposition aux États-Unis. Khrouchtchev a fait l'impasse sur nous. Il a proposé de retirer les missiles de Cuba si les Américains retiraient leurs fusées Jupiter de Turquie. Kennedy a accepté le compromis le 28 octobre. Les Soviétiques ont donc décidé de retirer les SS-4. Cela nous a semblé très incorrect, et notre irritation a été grande.

Avez-vous eu l'impression que l'arrangement se concluait dans votre dos ?

Nous avons appris l'offre soviétique de retirer les missiles par les médias. La question n'avait même pas été discutée avec nous ! Nous n'étions pas opposés à une issue négociée, parce que d'un point de vue historique il était capital d'éviter un conflit nucléaire. Mais Khrouchtchev aurait dû dire aux Américains : « Il faut aussi en discuter avec les Cubains. » Il a manqué à cet instant de nerfs et de fermeté. Par principe, ils auraient dû en discuter avec nous.

Si nous avions participé aux discussions, les termes de l'accord nous auraient été plus favorables. Nous aurions réclamé la restitution de la base navale de Guantánamo et la fin des survols d'avions espions à haute altitude. Tout cela nous a beaucoup indignés. Nous avons protesté, et même lorsque l'accord a été signé, nous avons continué de tirer sur les vols rasants des avions américains. Ils ont dû les suspendre. Nos relations avec les Soviétiques se sont détériorées. Pendant des années, cette question a pesé sur nos relations.

Je n'ai pas voulu vous raconter par le menu nos moindres gestes pendant cette crise. La dimension politique, morale et militaire de nos initiatives est éclairée par les lettres que j'ai échangées avec Khrouchtchev pendant cette période. Il est impossible de la comprendre sans les connaître. C'est pourquoi, si vous me le permettez, j'aimerais vous rappeler la teneur des messages échangés.

Je commence en vous lisant la lettre que j'ai envoyée à Khrouchtchev le 26 octobre 1962

Cher camarade Khrouchtchev,

Analysant la situation et les rapports dont nous disposons, je juge que l'agression est pour ainsi dire imminente ; elle aura lieu dans les vingt-quatre à soixante-douze heures.

Il y a deux éventualités : la première, et la plus probable, est une attaque aérienne sur des cibles définies avec l'objectif restreint de les détruire. La seconde, moins probable mais toujours possible, est l'invasion. Je perçois que cette variante requiert davantage de forces, et qu'elle sera en outre rejetée par l'opinion publique internationale, ce qui pourrait être suffisant pour l'inhiber.

Vous pouvez en être sûr : nous résisterons, fermes et décidés, à n'importe quelle attaque.

Le moral du peuple cubain est au beau fixe ; il affrontera héroïquement l'agresseur.

En cet instant particulier, je suis poussé à formuler en quelques mots une opinion personnelle.

Si c'est la seconde variante qui l'emporte, et que les impérialistes envahissent Cuba dans le but de l'occuper, le danger d'une politique aussi agressive concernera l'humanité tout entière, et l'Union soviétique ne devra jamais permettre par la suite que les impérialistes soient en situation de lui porter le premier coup nucléaire.

J'exprime cette idée parce que je crois que l'agressivité des impérialistes devient extrêmement dangereuse. S'ils envahissent Cuba, acte brutal, violation de la loi et de la morale, le moment sera venu d'éliminer définitivement le danger par une réaction de légitime défense, quelles que soient la dureté et l'horreur de la solution. Ce sera la seule issue.

Cette opinion est déterminée par la manière dont se développe cette politique agressive. Je vois comment les impérialistes, en dépit de l'opinion mondiale, faisant fi des principes et des droits, bloquent les mers, violent notre espace aérien, et préparent l'invasion. Par ailleurs, tout en étant conscients de la gravité des enjeux, ils font échouer les négociations.

Vous avez été et restez un infatigable défenseur de la paix. Je perçois l'amertume qui résulte de ces moments où vos efforts surhumains sont sérieusement menacés. Jusqu'au dernier instant, nous entretiendrons pourtant l'espoir de préserver la paix. Nous y contribuerons avec tous les moyens dont nous disposons. Dans le même temps, nous sommes prêts et sereins : nous ferons courageusement face à une situation que nous percevons proche et concrète.

Je vous exprime encore une fois l'infinie gratitude et la reconnaissance du peuple cubain au peuple soviétique, qui s'est montré si généreux et fraternel et la profonde gratitude, l'admiration que nous vouons à votre personne. Nous vous souhaitons le succès dans la tâche énorme qui vous incombe, et dans les dramatiques responsabilités qui se trouvent entre vos mains.

Fraternellement,

Fidel Castro

Le 28 octobre, Khrouchtchev m'a adressé cette lettre

Cher camarade Fidel Castro,

Notre message du 27 octobre au président Kennedy est de nature à régler l'affaire à votre bénéfice, protéger Cuba de l'invasion et du déclenchement de la guerre. La réponse de Kennedy, que vous connaissez visiblement aussi, nous assure que les États-Unis n'envahiront pas Cuba avec leurs propres forces, et qu'ils ne permettront pas non plus à leurs alliés d'effectuer l'invasion. Le président des États-Unis répond donc positivement à mes messages des 26 et 27 octobre 1962.

[...]

La situation n'est actuellement pas régie par le droit, mais par la folie de militaristes du Pentagone. Au moment même où l'on entrevoit un accord, le Pentagone cherche un prétexte pour le tuer dans l'oeuf. C est la raison pour laquelle ils organisent des vols qui se résument à une simple provocation. Hier, vous avez abattu l'un de leurs avions, alors que vous les laissiez avant survoler votre territoire. L'événement sera exploité par les agresseurs.

N. Khrouchtchev

Ce même 28 octobre, je réponds à Khrouchtchev

Cher camarade Khrouchtchev,

La position de notre gouvernement sur les thèmes que vous évoquez est contenue dans la déclaration formulée ce jour, et dont le texte vous est assurément familier.

J'aimerais éclaircir un point en rapport avec les mesures antiaériennes que nous avons adoptées. Je vous cite : « Hier, vous avez abattu l'un de leurs avions, alors que vous les laissiez avant survoler votre territoire. »

Avant, il n'y avait que des violations isolées, sans intentions militaires et sans qu'un véritable danger ne dérive de ces vols.

Ce n'est plus le cas. Il y avait un risque d'attaque surprise sur des installations militaires bien précises. Nous avons décidé de ne pas rester les bras croisés. Une attaque surprise, esquivant les radars, avec des agresseurs potentiels survolant impunément ces installations militaires, pourrait les détruire entièrement. Nous pensions qu'une telle chose n'était pas permissible après tant d'efforts et de dépenses. En outre, cela nous affaiblirait militairement et moralement. C'est pour cela que, le 24 octobre, les forces cubaines ont mobilisé cinquante batteries antiaériennes, toute notre réserve, pour soutenir les positions des forces soviétiques. Si nous voulions éviter les risques d'une attaque surprise, il était nécessaire de donner aux artilleurs l'ordre de tirer. Le commandement des forces soviétiques sera en mesure de vous fournir des rapports supplémentaires sur le destin de l'avion abattu.

Auparavant, les violations furtives de l'espace aérien nous étaient imposées. Hier, le gouvernement américain a tenté d'officialiser le privilège de violer notre espace aérien à toute heure du jour et de la nuit. Nous ne pouvons le permettre, cela équivaudrait à renoncer à une prérogative souveraine. Nous sommes cependant d'accord pour éviter un incident pouvant mettre à mal les négociations, et nous donnerons à nos batteries l'ordre de ne pas tirer. Cet ordre s'appliquera seulement pendant la durée des négociations et sans revenir sur la déclaration, publiée hier, se rapportant à notre intention de défendre notre espace aérien. Il ne faut en outre pas omettre que, dans les conditions de tension actuelles, des incidents non intentionnels peuvent survenir.

Je tenais aussi à vous informer que nous sommes en principe opposés à l'inspection de notre territoire.

J'apprécie beaucoup les efforts que vous avez déployés pour préserver la paix, et s'agissant de la nécessité de lutter pour elle, nous vous rejoignons. Une paix juste, solide, et définitive, sera un service inestimable rendu à l'humanité.

Fraternellement,

Fidel Castro Ruz

Khrouchtchev m'écrit le 30 octobre

Cher camarade Fidel Castro,

Nous avons reçu votre lettre du 28 octobre, ainsi que les rapports sur les conversations que vous et le président Dorticós avez eues avec notre ambassadeur. [...]

Nous comprenons qu'à vos yeux le fait que nous ayons promis au gouvernement des États-Unis de retirer la base de missiles de Cuba entraîne certaines difficultés. Le retrait de ces missiles, jugés armes offensives, a comme contrepartie l'engagement américain d'abandonner ses plans d'invasion de Cuba par leurs propres forces ou par celles de leurs alliés dans l'hémisphère occidental. Les États-Unis s'engagent aussi à lever la « quarantaine », c'est-à-dire à mettre un terme au blocus naval de Cuba. Ceci met fin au conflit caribéen, qui aurait pu conduire, vous le comprenez bien, au choc entre deux solides puissances et à sa transformation en une guerre mondiale thermonucléaire au moyen de missiles.

Si nous avons bien compris notre ambassadeur, certains Cubains considèrent que le peuple de Cuba attendait une autre déclaration, et en tout cas pas celle annonçant le retrait des missiles.

[...]

Selon certaines opinions, nous n'aurions eu aucune consultation avec vous sur ces questions avant d'adopter la décision que vous savez.

N'était-ce donc pas une forme de consultation ? Nous avons interprété ce message comme un extrême signal d'alarme. Il ne faut pas oublier que les fauteurs de guerre effrénés parmi les militaristes des États-Unis ont voulu profiter de la situation pour déclencher l'attaque contre Cuba. Si, dans ces nouvelles conditions, nous avions poursuivi notre ronde de consultations, nous aurions perdu du temps et l'attaque aurait été déclenchée.

Nous pensons désormais que nos fusées stratégiques à Cuba sont devenues un objet de fixation pour les impérialistes : ils ont pris peur, et la crainte de nous voir lancer les missiles aurait pu les pousser à les détruire en les bombardant, ou à concrétiser l'invasion de Cuba. Il faut admettre qu'ils pouvaient les rendre inopérants. Je répète donc : votre crainte était pleinement justifiée.

Dans votre télégramme du 27 octobre, vous nous avez proposé d'être les premiers à porter le coup nucléaire contre le territoire ennemi. Bien sûr, vous mesurez les conséquences d'un tel acte. Ce ne serait pas un simple coup, mais le début d'une guerre thermonucléaire mondiale.

Cher camarade Fidel Castro, je juge votre proposition erronée, bien que je comprenne vos motivations.

Nous avons traversé le plus grave des moments, celui où une guerre nucléaire mondiale aurait pu se déchaîner. Évidemment, dans une telle éventualité, les États-Unis auraient souffert d'énormes dommages, mais l'Union soviétique et tout le camp socialiste auraient aussi beaucoup soufferts. Concernant Cuba et le peuple cubain, il est difficile de concevoir comment tout cela aurait pu se terminer. Pour commencer, Cuba aurait été consumée par le feu de cette guerre. Aucun doute : le peuple cubain aurait lutté vaillamment, mais il est aussi certain qu'il aurait héroïquement péri.

[...]

Bien entendu, concernant la défense de Cuba, comme celle d'autres pays socialistes, nous ne pouvons pas nous reposer sur la promesse du gouvernement des États-Unis. Nous avons adopté, et nous adopterons encore, toutes les mesures requises pour renforcer notre défense et accumuler des forces en vue d'une éventuelle riposte.

[...]

Nous considérons que l'agresseur a connu la défaite. Il s'est préparé pour agresser Cuba, mais nous l'avons arrêté et nous l'avons amené à déclarer devant l'opinion publique internationale que dans la situation actuelle il renonçait à son plan d'agression. Nous considérons cela comme une grande victoire. Bien sûr, les impérialistes ne vont pas cesser leur lutte contre le communisme, mais nous avons nos propres plans, et nous prendrons nos propres mesures. Cette lutte se poursuivra tant que perdureront deux systèmes politiques et sociaux, tant qu'un des deux systèmes, et nous savons que ce sera notre système communiste, n'aura pas vaincu sur toute la planète.

N. Khrouchtchev

Celle du 31 octobre est la dernière lettre que je vous lirai. J'y réponds à Khrouchtchev dans les termes suivants

Cher camarade Khrouchtchev,

J'ai reçu votre lettre du 30 octobre. Vous prétendez que nous avons été consultés avant le retrait des projectiles stratégiques. Vos arguments reposent sur les nouvelles alarmantes que vous dites avoir reçues de Cuba, et sur mon télégramme du 27 octobre. J'ignore les informations que vous avez pu recevoir par ailleurs ; la seule chose dont je suis responsable, c est le message que je vous ai adressé dans la nuit du 26 octobre, et que vous avez reçu le 27.

Comment avons-nous réagi à la situation, camarade Khrouchtchev ? En nous mettant en condition et en état d'esprit de combattre.

À Cuba, nous n'avons connu qu'une seule condition de défense, et c est l'alerte maximale. Lorsque nous avons estimé l'attaque impérialiste imminente, j'ai jugé convenable de vous en avertir et de mettre le gouvernement et le haut commandement soviétiques au courant, puisque des forces soviétiques s'étaient engagées à se battre à nos côtés pour défendre la République de Cuba d'une agression. Une attaque que nous n'avions pas le pouvoir d'empêcher était possible ; ce dont nous étions en revanche capables, c'est de résister.

[...]

Nous n'étions pas intimidés par le danger ; depuis très longtemps, il planait sur notre pays et nous en avions en quelque sorte pris l'habitude.

[...]

De nombreux hommes cubains et soviétiques, disposés à mourir avec une totale dignité, ont pleuré en apprenant la décision surprenante, pour ainsi dire inconditionnelle, de retirer les armes.

Vous ignorez peut-être à quel point le peuple cubain était disposé remplir son devoir envers la patrie et envers l'humanité.

Lorsque je vous ai écrit le 26 octobre, je n'ignorais pas que ma lettre pouvait être mal interprétée, et cela s'est effectivement produit. Vous ne l'avez peut-être pas lue avec attention, ou, alors, peut-être est-ce un effet de la traduction. Il est aussi possible que j'aie voulu trop en dire en peu de mots. Ces quelques lignes, je n'ai pourtant pas hésité à les écrire. Supposez-vous, camarade Khrouchtchev, que nos pensées étaient égoïstement centrées en nous-mêmes, en notre peuple généreux disposé à s'immoler ? Que nous ignorions un danger dont nous n'étions pas pleinement conscients ? Le peuple cubain savait le risque qu'il courait.

[...]

Ne commettez pas l'erreur de croire que nous l'ignorions : comme vous l'insinuez dans votre lettre, c'est l'extermination qui nous attendait en cas de guerre nucléaire. Ce n'était pourtant pas une raison pour demander le retrait des missiles, ni pour vous prier de céder. Croyez-vous que nous voulions cette guerre ? Pourtant, comment l'éviter en cas d'invasion ? L'invasion était possible, l'impérialisme empêchait toute solution, ses exigences étaient inacceptables pour l'URSS et pour Cuba.

En cas d'invasion, comment fallait-il donc procéder avec les déments qui auraient déclenché la guerre ? Vous-même avez affirmé que, dans la situation actuelle, la guerre deviendrait forcément nucléaire en peu de temps.

À ma connaissance, une fois l'agression lancée, on doit priver l'adversaire du pouvoir de décider, surtout lorsqu'il s'agit d'utiliser l'arme nucléaire. Son pouvoir de destruction est si grand, et la vitesse des missiles qui la transportent si élevée, que l'agresseur compte avec un avantage initial considérable.

Je n'ai pas suggéré que l'URSS devienne l'agresseur, camarade Khrouchtchev, parce que ce serait immoral, indigne de moi. J'ai suggéré que l'attaque se produise au moment même où nous et des forces soviétiques destinées à contribuer à notre défense serions attaqués par les impérialistes, devenus de ce fait les agresseurs, leur portant un coup exterminateur.

[...]

Je n'ai pas suggéré, camarade Khrouchtchev, que l'URSS attaque en plein milieu de la crise. C'est l'impression que laisse votre lettre. J'ai suggéré que l'URSS agisse sans hésiter, et sans jamais commettre l'erreur de permettre que les ennemis frappent les premiers, mais seulement après l'attaque impérialiste. De ce point de vue, camarade Khrouchtchev, je maintiens ce que j'ai dit. Je juge mon point de vue comme une appréciation réaliste et juste d'une situation bien précise.

Vous pouvez vous escrimer à m'affirmer le contraire, vous ne me convaincrez pas que je me trompe.

[...]

Quel droit a-t-il de proférer une telle opinion ? vous demanderez-vous. J'ai entrepris de m'y livrer sans tenir compte du caractère épineux de la question, en suivant ce que me dictaient ma conscience et mon devoir de révolutionnaire. J'ai été inspiré également par le plus désintéressé des sentiments, l'admiration et l'affection que je voue à l'URSS.

Je vois mal comment on pourrait affirmer que nous avons été consultés sur la décision que vous avez prise.

Rien ne pourrait être à mes yeux plus plaisant que de me tromper à ce sujet. J'espère que de nous deux, c'est vous qui avez raison.

Ce n'est pas une poignée de Cubains, comme on a pu vous le rapporter, qui traversent un indescriptible moment d'amertume et de tristesse, mais des milliers. Les impérialistes parlent encore d'envahir le pays. Cela démontre combien leurs promesses sont éphémères et indignes de confiance. Notre peuple reste pourtant toujours aussi déterminé à résister aux agresseurs. C est peut-être en ce moment qu'il a le plus besoin de confiance en lui-même et en sa volonté de lutter.

Nous ferons face à l'adversité, nous dépasserons nos difficultés actuelles et nous réussirons sans que rien ne puisse altérer nos liens d'amitié et de reconnaissance envers l'URSS.

Fraternellement,

Fidel Castro

Ces lettres ont été publiées, mais j'ai jugé opportun de les inclure dans le récit auquel je me livre aujourd'hui, à votre demande, sur la crise d'octobre 1962. Sans elles, il serait impossible de comprendre la dimension politique, morale et militaire de ma conduite pendant cette très grave crise.

En septembre 1991, le dernier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, au cours d'une visite à Moscou de James Baker, secrétaire d'État américain, a négocié avec les États-Unis, et Moscou a retiré les dernières troupes soviétiques de Cuba, qui constituaient la « Brigade d'instruction d'infanterie mécanisée ». Cette fois, avez-vous été consultés ?

Consultés ? Quelle idée ! Ils étaient déjà en pleine déroute. Ils n'ont jamais consulté personne. Tout ce qu'ils ont emporté, ils l'ont emporté sans en référer auprès de nous. Pendant la crise d'octobre, sans nous demander notre avis, ils se sont engagés à retirer les missiles sous l'inspection des Nations unies. Nous avons réagi : « Pas d'inspection chez nous, nous l'interdisons ; si vous voulez partir... » Ils ont alors décidé une inspection sur le chemin du retour, en haute mer. Leur façon de procéder en 1962 a été à l'origine d'une certaine tension entre nous, mais l'URSS était encore une superpuissance. Il serait trop long d'en parler ici, mais trop d'erreurs ont été commises ; je viens de vous en dire un mot.

Une précision, tout de même, sur cette question : en 1991, quand ils ont retiré la brigade soviétique de Cuba...

Ils ont négocié directement avec les États-Unis, sans nous consulter ; ils ont tout négocié sans nous consulter. Maintenant, si vous voulez mon avis, négocier le maintien de cette brigade n'avait aucun intérêt. C'était une brigade très affaiblie, tant du point de vue du personnel que des moyens. Comment aurait-elle pu combattre alors que l'URSS était déjà très divisée et que les membres de la brigade étaient originaires de plusieurs républiques ? Les militaires soviétiques étaient pourtant techniquement bien préparés et courageux ; ils l'avaient montré pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais la situation politique de l'URSS, en septembre 1991, s'était fortement dégradée.

N'était-il pas envisageable qu'en échange du retrait de cette brigade les Américains vous restituent la base de Guantànamo ?

Une telle chose n'a été envisageable que pendant la crise d'octobre ; je vous l'ai dit. Cela aurait été facile à obtenir, avec un peu de sang-froid, puisque le monde n'était pas disposé à une guerre mondiale.

Nous avions plusieurs exigences. L'une d'elles était l'arrêt des attaques pirates, des agressions et du terrorisme, qui duraient depuis des années. La fin du blocus économique. La restitution du territoire qu'occupe arbitrairement la base de Guantànamo. Trois concessions faciles à obtenir dans une telle tension, puisque aucun des protagonistes n'était disposé à aller jusqu'à la guerre mondiale pour un simple blocus, pour quelques attaques de terroristes, et pour une base illégalement occupée contre la volonté de notre peuple. Personne n'aurait déclenché une guerre mondiale pour de telles choses.

La présence des missiles stratégiques resserrait les liens entre les États-Unis et leurs alliés. Elle n'avait rien d'illégal : elle était le fruit d'un accord, parfaitement légitime au regard du droit international, avec les Soviétiques, en vertu duquel les missiles seraient installés pour prévenir un plan d'invasion prévu de longue date jusque dans ses prétextes. Dans leurs archives, les historiens américains ont tous les documents attestant de l'existence d'un plan pour nous envahir. Quand les Soviétiques ont présenté l'installation des missiles comme une garantie pour notre sécurité, le plan d'invasion américain était déjà élaboré depuis l'attaque de Girôn. Les prétextes de l'invasion étaient définis depuis février 1962, alors que les premiers missiles, si je me souviens bien, ne sont arrivés qu'en juillet.

Pendant l'été 1962

C'était pendant l'été, alors que le plan américain était prêt depuis plusieurs mois. Il est tout à fait possible que les Soviétiques y aient fait allusion ; ils étaient généralement bien informés. Les deux pays se sont espionnés pendant des dizaines d'années par tous les moyens imaginables. Des techniques de renseignement et d'espionnage avaient fourni aux Soviétiques le plan d'invasion de Cuba. Ils ne nous l'ont pas dit clairement, mais ils nous ont laissé entendre qu'ils l'avaient déduit des conversations à Vienne entre Khrouchtchev et Kennedy. Mais j'en mettrais ma main à couper : ils étaient au courant bien avant.

Encore une fois, notre accord avec les Soviétiques n'avait rien d'illégal, puisque les Américains avaient des fusées Jupiter de la même catégorie en Turquie et en Italie, sans que nul ne songe à bombarder ces pays. Le problème, ce n'était pas la légalité – tout était parfaitement légal –, mais la manière dont Khrouchtchev a conduit l'affaire. Quand il a été question d'en parler, Khrouchtchev a commencé, en dépit du droit légitime de l'URSS et de Cuba, à échafauder une théorie fumeuse sur les armes offensives et défensives. Dans une bataille politique on ne doit jamais abandonner les principes éthiques et moraux, et en appeler aux faux-semblants et aux mensonges.

C'était un accord en tous points légal, légitime et même justifié. Ce qui n'était pas justifié, c'était le recours soviétique à la désinformation et aux mensonges. Cela a enhardi Kennedy. Il disposait de preuves tangibles, obtenues grâce à leur avion U-2 qui a violé l'espace aérien sans qu'on l'en empêche. Si vous installez des missiles, vous ne pouvez pas permettre qu'on survole le territoire que vous voulez défendre. Les États-Unis n'autorisent pas le survol de leur territoire, et ils n'auraient jamais permis qu'un avion d'observation soviétique survole leurs installations en Turquie ou en Italie.

Les erreurs politiques et militaires ont été nombreuses ; il est nécessaire de les connaître pour comprendre les événements.

En octobre 1962, nous n'avons pas autorisé l'enlèvement des missiles, mais nous n'avons pris aucune mesure non plus pour l'empêcher. Se retrouver en guerre contre deux superpuissances, c'était un peu trop pour Cuba.

Cela aurait été excessif !

Nous avions le contrôle du pays, et les missiles n'auraient pas bougé sans notre approbation. Mais c'était une idée folle, dépourvue de bon sens. Ce que nous avons interdit, c'est l'inspection ; nous avons émis une protestation, nous avons exprimé notre désaccord, nous avons exigé qu'on donne satisfaction à toutes nos revendications.

C'est tel que je vous le raconte. Lorsque les Soviétiques ont négocié avec les Américains, dans le cadre de cette politique et de cet amour nés du conflit, un amour brûlant en pleine guerre froide, ils ont fini par choisir de faire effectuer l'inspection en haute mer, et pas en territoire cubain.

[...]

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