Le
                              Marxiste-Léniniste

Numéro 112 - 2 novembre 2012

Jugement de culpabilité contre Gabriel Nadeau-Dubois

Non à la criminalisation de la jeunesse! Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre Gabriel Nadeau-Dubois!


Jugement de culpabilité contre Gabriel Nadeau-Dubois
Non à la criminalisation de la jeunesse! Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre Gabriel Nadeau-Dubois! - Parti marxiste-léniniste du Québec

Nouvelle session de l'Assemblée nationale du Québec
Unissons-nous dans l'action pour exiger que le droit public supplante les intérêts monopolistes privés
Les activistes du logement réclament un code du logement provincial - Serge Lachapelle

À titre d'information
Les principaux points du discours inaugural de la première session de l'Assemblée nationale

Grèce
Le peuple poursuit héroïquement son opposition aux «mesures d'austérité»
Grèce-Allemagne : qui doit à qui ? - Éric Toussaint


Jugement de culpabilité contre Gabriel Nadeau-Dubois

Non à la criminalisation de la jeunesse! Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre Gabriel Nadeau-Dubois!

Le Parti marxiste-léniniste du Québec condamne le jugement de culpabilité d'outrage au tribunal contre Gabriel Nadeau-Dubois, ex-porte-parole de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), rendu par le juge Denis Jacques de la Cour supérieure du Québec le 1er novembre. Le PMLQ condamne également le gouvernement de Jean Charest pour avoir poussé le conflit étudiant à la judiciarisation en refusant d'apporter un règlement politique à la lutte des étudiants du Québec contre la hausse des frais de scolarité au printemps 2012.

Gabriel Nadeau-Dubois est accusé d'outrage au tribunal pour avoir incité à la désobéissance à une injonction des tribunaux interdisant l'obstruction de l'entrée des salles de cours à l'Université Laval. Comme le souligne l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) dans son communiqué, « M. Nadeau-Dubois en sa fonction de co-porte-parole de la CLASSE, ne faisait que donner voix aux mandats qui lui étaient confiés par les membres de son organisation ». « Les mots qui ont valu sa condamnation à M. Nadeau-Dubois sont repris en choeur par l'ensemble du mouvement étudiant. »

L'accusation fait suite à une requête au tribunal le visant spécifiquement déposé par un étudiant en arts plastiques de l'Université Laval, Jean-François Morasse, qui prétend que son droit individuel de suivre ses cours a été brimé par des propos tenus par Gabriel Nadeau-Dubois. Il s'agit de propos tenus sur les ondes de Radio-Canada le 13 mai, durant la grève étudiante, concernant une ligne de piquetage devant les salles de l'Université Laval. Le co-porte-parole de la CLASSE avait dit : « Ce qui est clair c'est que ces décisions-là, ces tentatives-là de forcer les retours en classe, ça ne fonctionne jamais parce que les étudiants et les étudiantes qui sont en grève depuis 13 semaines sont solidaires les uns les autres, respectent, de manière générale là, respectent la volonté démocratique qui s'est exprimée à travers le vote de grève et je crois qu'il est tout à fait légitime pour les étudiants et les étudiantes de prendre les moyens pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d'aller en grève. C'est tout à fait regrettable là qu'il y ait vraiment une minorité d'étudiants et d'étudiantes qui utilisent les tribunaux pour contourner la décision collective qui a été prise. Donc nous, on trouve ça tout à fait légitime là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c'est un moyen tout à fait légitime de le faire. »

Comme avec toutes les mesures législatives privant les travailleurs de leur droit de grève, le juge Denis Jacques prétend défendre le droit de l'individu de recevoir ses cours contre le droit collectif des étudiants de s'organiser pour défendre les droits de tous les étudiants et de repousser les politiques antisociales du gouvernement. Dans son jugement du 1er novembre, il rappelle un jugement antérieur du juge Émond durant la grève étudiante qui disait que « le droit de grève étudiant ne trouve assise dans aucune loi et que le boycottage exercé par certains ne peut empêcher les autres d'assister à leurs cours » et que l'association étudiante de l'Université Laval, en défendant son droit de représentation, « confond le monopole de représentation, si monopole de représentation il y a, avec le monopole du travail, lequel découle des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail qui interdisent à un employeur de retenir les services d'un salarié qui fait partie d'une unité de négociation en grève ». Les lois du Québec, dit-il, « ne confèrent aucun véritable droit de grève aux étudiants ». Le jugement du juge Émond établit l'objectif prioritaire de « permettre le libre accès à des étudiants à leurs cours, malgré le vote de boycottage tenu par leur association étudiante ».[1]

Le PMLQ dénonce ce raisonnement boiteux qui fait une sélection arbitraire des droits et qui fait fi des droits collectifs des étudiants comme élément fondamental et essentiel au progrès de toute société. De plus, cette condamnation s'inscrit dans le contexte de l'offensive antisyndicale qui se mène partout au Canada contre le droit des travailleurs, des jeunes, des femmes, des nations autochtones et des plus démunis de défendre leurs droits et de se porter à la défense des droits de tous et du bien commun. Cet assaut contre le droit d'association, le droit de s'organiser et le droit de résister aux politiques antisociales des gouvernements au service des monopoles mondiaux ramène la société cent ans en arrière et ça ne doit pas passer !

Le PMLQ dénonce cette condamnation contre Gabriel Nadeau-Dubois qui est une condamnation dite exemplaire, pour « servir de leçon » aux autres. Elle est imprégnée de l'esprit revanchard des élites dominantes qui n'acceptent pas que les étudiants et d'autres sections de la société contestent la supplantation du droit public par le droit de monopole. Les représentants politiques, les ministres du gouvernement Charest qui étaient au pouvoir, doivent rendre des comptes pour avoir provoqué cette situation en plaçant les intérêts privés des monopoles qui réclament la privatisation de l'éducation avant l'intérêt public et le bien commun. Le nouveau gouvernement doit soutenir tout appel de cette décision et mettre l'autorité publique au service du droit public. Il doit aussi établir une enquête indépendante sur la violence policière durant la grève étudiante du printemps 2012.

Tous à la défense de Gabriel Nadeau-Dubois ! Non à la criminalisation des luttes des jeunes pour leurs droits et les droits de tous ! Le jugement Denis doit être renversé !


Gabriel Nadeau-Dubois porte le jugement en appel

En conférence de presse vendredi matin le 2 novembre, Gabriel Nadeau-Dubois a annoncé qu'il portera en appel la condamnation du juge Jacques pour outrage au tribunal. « Je porte cette décision en appel pour éviter que dans l'avenir, d'autres porte-paroles aient peur de défendre leurs mandats », a-t-il déclaré.

Il a rappelé que les propos qu'il a tenus au cours du printemps dernier n'étaient pas les siens, mais ceux de dizaines de milliers de personnes opposées à la hausse des droits de scolarité et fait remarquer que tout ce qui arrive maintenant n'est que la conséquence d'une stratégie politique orchestrée par l'ex-gouvernement de Jean Charest. « L'ex-gouvernement libéral a volontairement fait durer ce conflit-là pour engranger des points électoraux et c'est à cause de cette stratégie politique que le conflit s'est autant transporté devant les tribunaux », a-t-il expliqué.

Il ajoute: « C'est un jugement avec lequel je ne suis pas d'accord. C'est un jugement, en tout respect pour la Cour, que je trouve erroné sur plusieurs plans. » « Je n'ai pas prôné l'anarchie, je n'ai pas prôné le désordre. J'ai prôné et je prône encore l'accessibilité à l'éducation. »

Il qualifie ce jugement de dangereux précédent. « Je ne peux pas accepter qu'à cause de mon jugement, des gens, dans le futur, au Québec, aient peur de défendre leurs convictions politiques, même si elles sont défendues par des dizaines de milliers de personnes. »

Gabriel Nadeau-Dubois a conclu son point de presse avec un appel à le soutenir financièrement pour les procédures d'appel. Les dons peuvent être faits au site : appelatous.org.

Note

1. Cliquer ici pour le texte complet du jugement du juge Denis Jacques de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Jean-François Morasse c. Gabriel Nadeau-Dubois, 1er novembre 2012.

Haut de page


Nouvelle session de l'Assemblée nationale du Québec

Unissons-nous dans l'action pour exiger que le droit public supplante les intérêts monopolistes privés


Le 31 octobre, la première ministre Pauline Marois a présenté le discours inaugural de la première session de l'Assemblée nationale du Québec. Le discours est censé présenter la direction que va prendre le gouvernement issu de l'élection du 4 septembre. En fait, le thème même du discours « Un mandat pour remettre de l'ordre et bâtir un Québec pour tous » suffit à lui seul à montrer que ce n'est pas réellement cela qu'on nous présente, puisque dans une société divisée en classes ce n'est pas possible d'avoir un « Québec pour tous ». Les gouvernements aujourd'hui sont au service des riches et soumettent l'intérêt public au droit de monopole, alors ce qu'il faut du nouveau gouvernement c'est une position tranchée : il doit défendre le droit public contre le droit de monopole!

Le discours est divisé en quatre points principaux que la première ministre décrits comme les quatre piliers de son gouvernement : l'intégrité, la prospérité, la solidarité et l'identité. Ces quatre piliers nous dit-elle sont à la base de quatre priorités : briser la corruption ; mettre de l'ordre dans les finances du Québec et accélérer la croissance économique pour tous, rétablir la solidarité et promouvoir l'identité et défendre les intérêts du Québec.

Cela ne nous dit rien de ce que son gouvernement entend faire exactement. Ce qui n'empêche pas la première ministre de vouloir en faire une question de confiance. En effet, suivant la règle en vigueur depuis 2009 le discours inaugural a été immédiatement suivi du dépôt de la motion suivante : « Que l'Assemblée nationale approuve la politique générale du gouvernement. » Selon l'attachée de presse de la première ministre, cette motion est une motion de confiance qui sera soumise au vote suite au débat sur le discours inaugural. On s'attend à ce que le vote ait lieu la mi-novembre. Le gouvernement est déjà en train d'utiliser la menace d'un vote de non-confiance pour justifier encore une période de tractations de coulisses pour un « compromis » basé sur le dogme néolibéral pendant que la voix et les demandes des travailleurs sont complètement absentes.

Le discours est émaillé de l'expression « pour tous » : un Québec pour tous, le Nord pour tous, des ressources naturelles qui bénéficient à tous, etc. Un tel Québec n'est pas possible. Ou bien la crise va être résolue d'une manière qui va favoriser les travailleurs, ou elle ne le sera pas. Le Québec dont les travailleurs ont besoin ne peut pas être bâti sans que l'intérêt monopoliste privé ne soit subordonné à l'intérêt public.

On doit regarder le Québec tel qu'il est, plongé dans la crise parce que son économie et ses programmes sociaux sont dans l'étau des monopoles. Cela crée une situation intenable. Cela explique la destruction rapide du secteur manufacturier, le vol des ressources, la pauvreté croissante dans ses formes multiples, les attaques contre les syndicats et la privatisation des services publics.

Pour assurer le bien-être de l'économie, il faut restreindre la capacité des monopoles de s'attaquer aux conditions de vie et de travail du peuple. Il faut que les gouvernements établissent un nouvel équilibre en soutenant les droits des travailleurs et du peuple et non les intérêts privés des riches. Sinon, on se retrouve avec les dogmes néolibéraux comme « remettre de l'ordre dans les finances publiques » ou « créer la richesse », ce qui revient à usurper l'autorité publique pour payer les riches. C'est cette usurpation de l'autorité publique qui constitue la plus grande des corruptions en ce moment au Québec et partout au Canada. Les travailleurs du Québec demandent que le gouvernement du Parti québécois prenne des mesures concrètes pour soutenir le droit public en restreignant le droit de monopole.

Dans son discours, la première ministre invoque les travaux de la Commission Charbonneau comme contexte pour centrer le programme de son gouvernement sur le thème de la lutte à la corruption et le besoin d'intégrité. Il est évident que cela est soulevé pour détourner l'attention de la direction de l'économie. À quoi sert de parler d'octroi des contrats gouvernementaux aux entreprises, de financement des partis politiques, de remise en ordre des finances publiques, d'élections à date fixe, etc., si on ne parle pas de changer la direction de l'économie en faveur du peuple ?

Sur la question des partis politiques par exemple, où est l'analyse de la situation en ce qui concerne l'exercice du pouvoir politique au Québec aujourd'hui ? Pourquoi veut-on éviter d'expliquer pourquoi les partis politiques sont incapables de recueillir suffisamment d'argent de leurs membres pour financer leurs activités ? Pourquoi faciliterait-on aux partis politiques ayant de moins en moins de membres l'accession au gouvernement, surtout que cela veut dire que les campagnes électorales sont menées comme des campagnes de marketing, par des agences de marketing, tout cela aux dépens du public ? Selon le gouvernement, les partis sont susceptibles de corruption quand ils reçoivent des dons individuels allant jusqu'à 1000 $. L'hypothèse est que si ces contributions sont diminuées, et que par contre les subventions publiques, l'octroi de plus de deniers publics aux partis politiques, sont augmentées, alors la possibilité de corruption des partis par les puissances de l'argent sera d'autant diminuée. C'est absurde. Les partis politiques sont discrédités parce qu'ils cherchent le pouvoir pour servir des intérêts privés et pour le gain personnel, tandis que l'électorat est réduit au rôle de masse votante. Les campagnes électorales sont des barrages de propagande orchestrés par des firmes de marketing pour submerger l'électorat. Cela fait des décennies que des lois sont adoptées pour restreindre le financement privé des partis politiques et rien de cela n'a ralenti la corruption des partis qui sont les champions des intérêts des riches. Le financement public doit servir à financer le processus, pas les partis.

Lorsqu'elle aborde la question des finances publiques, Pauline Marois dit dans son discours : « Une maison en ordre, cela passe par des finances en ordre. C'est la condition première de cette prospérité durable qui constitue le deuxième pilier de notre gouvernement. Or, nous avons eu de mauvaises surprises au lendemain du 4 septembre. »

Cette assertion n'est pas conforme à la réalité. La condition première d'une prospérité durable est de bâtir une économie prosociale et souveraine. On apporte la stabilité dans la vie des gens en protégeant les emplois qui sont producteurs de biens et en défendant les programmes sociaux et les services publics. Une économie qui utilise ses ressources humaines, naturelles et matérielles pour promouvoir le droit public peut apporter des emplois et la stabilité.

Prétendre que l'équilibre budgétaire est la question qui prime toutes les autres c'est dire n'importe quoi. Le nouveau gouvernement suit le même raisonnement que le gouvernement précédent : que c'est une question de transparence et de bons rapports impartiaux remis à temps et dûment vérifiés. C'est le langage néolibéral auquel nous ont accoutumés les libéraux : l'allocation des deniers publics aux monopoles serait une simple question de logique économique tandis que les réclamations des gens aux budgets gouvernementaux sont un fardeau à réduire. On pourrait en rire si ce n'était si tragique d'entendre parler ainsi à propos de gens accusés d'abus de pouvoir et de corruption. Déjà dans son discours inaugural, la première ministre affirme sans explication que si on ne remet pas les finances du Québec en ordre tout de suite, le gouvernement n'aura d'autre choix que de faire des compressions douloureuses dans les programmes sociaux dans les années qui viennent. Où est la transparence au sujet de l'ensemble des richesses produites par les travailleurs et à quoi elles servent, comment les besoins du peuple sont satisfaits ?

Les travailleurs doivent pouvoir contrôler les décisions qui affectent leur vie. Le discours inaugural est long. Néanmoins, les travailleurs, les jeunes et les femmes doivent revoir la signification des phrases toutes prêtes qu'on répète d'un gouvernement à l'autre et ne pas accepter d'être ridiculisés et marginalisés de la sorte. Ils doivent surveiller de près les tractations qui vont s'accentuer d'ici au vote sur le discours. Les luttes sociales des travailleurs et du peuple ont donné lieu à des demandes basées sur la vision d'un Québec qui défend le droit public. C'est la lutte pour garantir les droits en pratique qui ouvre la voie au progrès de la société. Les travailleurs ont besoin d'un gouvernement qui a le courage de défendre le droit public.

Haut de page


Les activistes du logement réclament
un code du logement provincial

Au moment où la Commission populaire itinérante sur le droit au logement poursuit sa tournée et constate l'ampleur de la crise du logement au Québec, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a profité de la journée de l'Halloween pour dévoiler cinq maisons des horreurs dans autant de municipalités. Par ce geste symbolique, les locataires voulaient illustrer concrètement les problèmes d'insalubrité et de détérioration du parc locatif et exiger un code du logement provincial.

À Montréal, plus d'une centaine de locataires se sont donné rendez-vous au domaine Renaissance à Saint-Léonard, un des immeubles visé par le plan d'action montréalais sur la salubrité des logements. Lors d'une visite des inspecteurs il y a de cela deux ans, les inspecteurs ont émis 3576 avis de non conformité. « Ici, malgré l'intervention de la Ville pour faire les travaux en lieu et place des propriétaires, les travaux correctifs sur les immeubles n'ont toujours pas été réalisés, laissant des locataires avec des logements plein de moisissures et infestés de vermine. Aucune mesure de suivi particulière n'est prévue pour s'assurer de la salubrité des logements », souligne France Émond, porte-parole du RCLALQ.

« Ce qu'on veut le plus, c'est que les 396 logements soient préservés à titre de logements locatifs, a-t-elle ajoutée. Notre crainte c'est qu'on attende tellement que ça se détériore, qu'on les détruise et qu'on fasse des tours à condos. On a besoin d'avoir des inspections préventives du parc locatif vieillissant. » « Nous demandons aussi à la Direction de la santé publique de revenir constater que les locataires ont encore des problèmes de santé. Parce que même s'il est venue ici il y a deux ans, pour l'instant, rien n'a changé.»

Des actions se sont également tenues à Laval, Québec, Trois-Rivières et Valleyfield.

Selon le RCLALQ, des centaines de milliers de locataires sont aux prises avec des problèmes de logement. Les locataires doivent coexister avec de la vermine ou endurer des problèmes de plomberie, voire des installations électriques défectueuses. D'autres subissent la présence d'infiltration d'eau et de moisissures. Enfin, plusieurs ne peuvent que constater l'état de détérioration du cadre bâti (murs, planchers et plafonds). Selon le dernier recensement de Statistiques Canada (2006) et tout indique que la situation s'est déteriorée, 112 755 logements locatifs nécessitaient des réparations majeures et 328 365 autres nécessitaient des réparations mineures. Tous ces logements locatifs ont besoin de réparations afin de protéger adéquatement la santé et la sécurité des locataires.

Mentionnons que seulement une dizaine de municipalités du Québec se sont dotées de règlement sur la salubrité des logements, et ce, avec des résultats mitigés, selon France Émond.  À Montréal, les groupes dénoncent le laxisme dans l'application des règlements, le nombre insignifiant de constats d'infractions émis aux propriétaires fautifs, le manque de suivis des dossiers et l'absence de plan d'action en amont pour s'assurer de la salubrité des logements.

Afin de mettre aux normes le parc de logements locatifs vieillissants, le RCLALQ demande un code du logement provincial. « Il faut que tous les immeubles dans toutes les municipalités soient visées et que les normes minimales pour la santé et la sécurité soient uniformisées.» L'idée même d'un règlement différent d'une municipalité à l'autre est contre-productive selon la porte-parole du RCLALQ. « Si le sol d'un vide sanitaire ou d'une cave doit être sec pour que l'immeuble soit en bon état, on voit mal pourquoi il en irait autrement, selon l'endroit où est située l'immeuble », précise-t-elle.

À l'occasion de la rentrée parlementaire, le RCLALQ interpelle le nouveau gouvernement sur cet important enjeu et demande au ministre Sylvain Gaudreault l'instauration d'un seul et unique code du logement sur l'ensemble du territoire.

Source: Communiqué du RCLALQ

Haut de page


À titre d'information

Les principaux points du discours inaugural de la première session de l'Assemblée nationale

Le thème du discours de la première ministre était « Un mandat pour remettre de l'ordre et bâtir un Québec pour tous ».

« La mission que le nouveau gouvernement se donne pour la durée de ce mandat consiste donc à remette de l'ordre et à bâtir un Québec pour tous. Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner, le nouveau gouvernement s'appuie sur quatre piliers : l'intégrité, la prospérité, la solidarité et l'identité.

En cohérence avec ces quatre piliers, l'action gouvernementale va se déployer selon quatre priorités claires :

* Briser la corruption;

* Mettre de l'ordre dans nos finances et accélérer la croissance économique pour tous;

* Rétablir la solidarité;

* Promouvoir notre identité et défendre nos intérêts.

Voilà notre tâche. Voilà comment nous allons remettre l'État au service de tous les Québécois ! »

Intégrité et corruption

Sous le thème de la lutte à la corruption, la première ministre englobe toute une série de mesures qui vont être présentées. Le lendemain du discours inaugural, le gouvernement va déposer le projet de loi 1 pour favoriser l'intégrité en matière de contrats publics dont le but est de faire en sorte que les entreprises qui veulent obtenir des contrats du gouvernement, des villes ou des organismes publics devront faire preuve de probité et d'intégrité.

Au nom de l'intégrité des élus et de l'élimination de l'influence de l'argent de la politique, elle a annoncé que son gouvernement va bientôt présenter un projet de loi qui va instituer un financement des partis politiques qui sera fait presque exclusivement à partir des deniers publics. Le gouvernement va aussi chercher des moyens législatifs, a-t-elle dit, pour relever de leurs fonctions les élus municipaux qui sont en mis en cause par la justice dans des affaires criminelles reliées à leur charge. Le gouvernement va également, toujours au nom de l'intégrité et de la lutte à la corruption, créer par un projet de loi une agence des transports qui aura le mandat de gérer avec intégrité les fonds publics investis dans les transports.

La lutte à la corruption l'amène à proposer ce qu'elle appelle le renouvellement du système démocratique qui se fera selon elle par la présentation avant les fêtes d'un projet de loi instaurant des élections à date fixe et en instaurant une limite de deux mandats pour la position de premier ministre et possiblement de trois mandats pour les maires. Elle associe renouvellement du système démocratique et finances publiques en disant que le gouvernement précédent n'a pas donné l'heure juste sur l'état des finances publiques et que des élections à date fixe permettront la publication un mois avant l'élection d'un portrait impartial des dépenses publiques.

Elle conclut cette partie de son discours en disant que toutes ces mesures contribueront à ce que la Québec redevienne une des nations les plus intègres et les plus transparentes du monde.

Finances publiques

La première ministre aborde ensuite le thème de mettre de l'ordre dans les finances du Québec et d'accélérer la croissance économique pour tous.

Elle blâme le gouvernement précédent pour avoir violé son cadre budgétaire et avoir laissé se creuser l'écart entre les revenus et les dépenses, quelque chose qui selon elle devra être corrigé immédiatement, sinon le gouvernement n'aura d'autre choix que de faire d'importantes compressions dans les services publics dans les prochaines années.

Développement économique

Le thème de la politique économique énoncée est d'accélérer la croissance économique et d'en faire bénéficier tous les Québécois. Pour ce faire, elle a annoncé la mise sur pied d'un Groupe d'action ministériel présidé par elle chargé de mettre en oeuvre les projets d'investissement privé. Le gouvernement du Parti Québécois propose d' oeuvrer à un développement économique solide et durable. Les 3 piliers de l'accélération de la croissance économique d'une façon qui bénéficie à tous seront, selon la première ministre, l'exploitation responsable des ressources naturelles, une stratégie économique misant sur les entreprises et l'innovation et la relance des exportations.

En ce qui concerne le Nord du Québec, sous l'enseigne d'un Nord pour tous, le discours inaugural prévoit un nouveau système de redevances dont il dit qu'il profitera davantage à tous les Québécois, une incitation aux entreprises à transformer au Québec une quantité plus grande des ressources naturelles qu'elles extraient et des consultations avec les nations autochtones, les populations nordiques et les entreprises. Le gouvernement créera à cette fin un Secrétariat au développement nordique.

Le discours inaugural propose aussi l'exploitation du potentiel pétrolier du Québec sur la base des meilleures pratiques environnementales et de l'acceptabilité sociale tout en oeuvrant à l'indépendance énergétique du Québec en misant sur la réduction de la dépendance du Québec envers le pétrole importé par son remplacement par des énergies propres.

Le gouvernement du Parti Québécois se prononce en faveur de ce qu'il appelle l'extension du commerce et la relance des exportations et il réaffirme son appui au libre-échange et notamment à la signature du traité de libre-échange Canada—Union européenne.

Programmes sociaux

Sous le thème du rétablissement de la solidarité sociale, le discours inaugural blâme le gouvernement Charest d'avoir créé une crise sociale autour de la lutte étudiante le printemps dernier et d'avoir endommagé la solidarité entre les jeunes et les gens plus âgés. Le discours inaugural présente le gouvernement du Parti Québécois comme le gouvernement de la solidarité sociale comme en font foi son annulation de la hausse des frais de scolarité, l'annulation des sections de la loi 12 qui restreignent la liberté de manifestation et la tenue prochaine d'un sommet sur l'enseignement supérieur dont le mandate sera de bâtir un Québec du savoir pour tous.

Sous le thème de la solidarité sociale, le discours inaugural propose une série de mesures dont 1) l'augmentation des services de garde sous le thème d'« un enfant, une place », 2) l'élaboration d'une politique de santé basée sur la prévention et l'amélioration de l'accès aux services de première ligne, 3) la construction de plus de logements sociaux et 4) une politique sur l'itinérance.

Le discours confirme le recul du gouvernement sur sa promesse d'abolir la taxe santé laquelle sera plutôt rendue progressive en échange d'une augmentation d'impôts pour les personnes avec un revenu imposable de 100 000 $ et plus.

Identité

Au chapitre de l'identité du Québec, la première ministre a annoncé des mesures sur les questions de la langue, de la culture et de la citoyenneté. Le gouvernement déposera une nouvelle charte de la langue française pour promouvoir la place du français dans la société et il s'engage à accroître l'aide aux créateurs et aux artistes du Québec. Le gouvernement s'engage du même coup à respecter les droits de ce qu'il appelle la communauté anglophone et des immigrants et à négocier de nation à nation avec les nations autochtones. Au sujet de ses projets de Charte de la laïcité québécoise et d'une loi de la citoyenneté québécoise, le gouvernement s'engage à tenir des consultations à leur sujet. Le gouvernement réitère sa position en faveur de l'accession du Québec à la souveraineté.

Haut de page


Grèce

Le peuple poursuit héroïquement son
opposition aux «mesures d'austérité»

Rejet sans équivoque de la visite de la chancelière allemande

La visite en Grèce le 9 octobre de la chancelière allemande Angela Merkel a été accueillie par près de 30 000 manifestants brandissant des bannières « Vous n'êtes pas bienvenue », « Imperialisten Raus » (Impérialistes, dehors !) et « Non au 4e Reich ». Exprimant la vision du peuple grec de l'actuelle chancelière allemande, quatre personnes vêtues d'uniformes militaires allemands de l'époque de la Deuxième Guerre mondiale et circulant dans une petite jeep ont brandi des drapeaux avec la croix gammée et ont fait le salut fasciste. D'autres bannières ont proclamé : « Dehors Merkel, la Grèce n'est pas ta colonie » et « Ce n'est pas une Union européenne, c'est de l'esclavage ». La manifestation a aussi été un défi à l'interdiction de rassemblements publics et de manifestations dans la majeure partie d'Athènes, de 9 h à 22 h, « pour des raisons de sécurité publique et pour préserver la vie économique et sociale de la capitale ».

Près de 6000 agents de police ont été déployés pour la visite de six heures de Merkel, dont des unités antiterroristes et de tireurs d'élite postés sur les toits.

À Thessalonique, dans le nord du pays, quelque 700 manifestants se sont aussi rassemblés devant le consulat allemand.

Ces actions ont démontré le profond rejet des mesures brutales d'austérité qui sont imposées au peuple grec et dont Merkel s'enorgueillit. Elles ont aussi exposé le fait que la situation financière actuelle de la Grèce est attribuable au vol de l'or de la Grèce durant le Deuxième Guerre mondiale. Cet or n'a jamais été remboursé et est toujours dû au peuple grec avec intérêt accumulé. L'hebdomadaire allemand Die Zeit calcule que les dommages financiers infligés à la Grèce par l'Allemagne durant la guerre se chiffrent à 70 milliards d'euro. L'Accord de Londres de 1953 a reporté le règlement des réparations envers la Grèce jusqu'à ce que l'Allemagne soit réunifiée. Malgré cela, un nouveau traité signé en 1990 a exclu la possibilité de telles réparations.

Deuxième grève générale en deux mois


Athènes le 18 octobre 2012

Après celle du 26 septembre, les Grecs ont tenu le 18 octobre une deuxième grève générale en l'espace de deux mois en opposition à l'ordre du jour d'austérité. À Athènes, pas moins que 80 000 manifestants ont pris la rue lors de deux manifestations distinctes, comme faisant partie des actions d'opposition au pays contre les soi-disant mesures d'austérité que le gouvernement négocie avec les créanciers internationaux de la Grèce. Quelque 17 000 personnes ont manifesté à Thessalonique. La grève a paralysé le transport aérien, interrompu les services publics, fermé les écoles, les hôpitaux et les magasins et entravé le transport public dans la capitale. Les chauffeurs de taxi s'y sont joints pendant 9 heures, alors qu'un arrêt de travail des contrôleurs aériens durant 3 heures a causé des annulations de vols. Les traversiers entre les îles sont restés au port.



Photos de la grève générale de septembre — des manifestations ont eu lieu dans plus de 70 villes et villages de la Grèce, tout comme dans des endroits de travail. Des dizaines de milliers de travailleurs, de chômeurs, de retraités, d'immigrants, de travailleurs autonomes et de petits commerçants y ont pris part, les jeunes y étant en large nombre. À Athènes seulement, plus de 100 000 personnes ont manifesté devant le Parlement grec dans des actions organisées par deux centrales syndicales représentant les travailleurs des secteurs public et privé. Une bannière de la largeur de la rue appelait tous à « Résister ».

La situation se détériore

Les mesures d'austérité de 2013-14 exigées par la troïka — Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne — représentent 13,5 milliards d'euro (17,3 milliards $). La troïka prétend que ses coupures sont nécessaires afin d'éviter que le pays fasse faillite et ne fasse plus partie de la zone euro. Elle affirme avoir été très généreuse car la Grèce a déjà été renflouée deux fois, pour un total de 240 milliards d'euro (310 milliards $). Le gouvernement grec qui coopère avec les voleurs internationaux cherche aussi à obtenir un prolongement de deux ans de son « plan de redressement économique », qui doit se terminer en 2014. Selon les dépêches, sans ce prolongement, le gouvernement aura besoin d'une mesure équivalant à 18 milliards d'euro au lieu des 13,5 milliards qu'il négocie actuellement.

La coalition gouvernementale en place depuis quatre mois impose de plus grandes mesures d'austérité avec les inspecteurs de la dette de la troïka. Les exigences des usuriers sont de nouvelles coupures dans les pensions et les soins en santé équivalant à 11 milliards d'euro, tout en augmentant les taxes pour obtenir 2,5 milliards d'euro supplémentaires.

Le professeur français Salim Lamrani écrit: « En Grèce, après l'application de neuf plans d'austérité nous sommes témoins d'une hausse massive de taxes et impôts dont la TVA, une hausse des prix, une réduction des salaires (jusqu'à 32 % sur le salaire minimum !) et des pensions de retraite, un recul de l'âge légal de départ à la retraite, la destruction des services publics de première nécessité tels que l'éducation et la santé, la suppression de l'aide sociale et la privatisation des secteurs stratégiques de l'économie nationale (ports, aéroports, chemins de fer, gaz, eaux, pétrole). La production a reculé de 20 %, le chômage a explosé et la crise de la dette n'a fait que s'aggraver. En effet, celle-ci est aujourd'hui supérieure à ce qu'elle a été avant l'intervention des institutions financières internationales en 2010. »[1]

Les plans de la troïka de payer les riches n'ont fait qu'empirer les conditions de vie. Les coupures massives dans les salaires, les pensions, les avantages et programmes sociaux ont accru à une grande échelle la pauvreté. À la fin de la prochaine année, on s'attend à ce que l'économie grecque soit le quart de ce qu'elle a été en 2008. Avec un taux de chômage de 25 %, la Grèce, comme l'Espagne, a le plus haut niveau de chômage des 27 nations de l'Union européenne.

« [Près de] 180 000 entreprises sont au bord [de la faillite] et 70 000 d'entre elles devront fermer dans les prochains mois », dit Dimitri Asimakopoulos, dirigeant de la GSEVEE, l'Association de l'industrie et des petites entreprises.

« En 2011, seulement 20 % des entreprises ont été profitables. Alors ces nouvelles mesures fiscales les forcent à choisir entre éviter les impôts ou fermer boutique », a-t-il ajouté.[2]

« C'est tellement terrible que les familles ne peuvent même plus se permettre d'enterrer leur mort. Les dépouilles demeurent dans les hôpitaux, non réclamées afin que les municipalités puissent les enterrer [...] Nous avions eu une vie empreinte de dignité. Maintenant le pays est retourné 50 ans en arrière et ces politiciens doivent être avertis qu'assez c'est assez », a déclaré un entrepreneur de pompes funèbres.[3]

En ce qui concerne l'Espagne, le professeur Lamrani souligne qu' « après le désastre grec, causé par les politiques d'austérité de la troïka, l'Espagne se trouve à son tour au bord de l'abîme. La même thérapie de choc néolibérale a été appliquée de force au peuple espagnol, avec les mêmes conséquences désastreuses. Le gouvernement de Mariano Rajoy a imposé aux citoyens un « plan de rigueur colossal », selon le journal économique La Tribune, avec une baisse des dépenses de 102 milliards d'euros projetée d'ici 2014 : baisse énorme du nombre de fonctionnaires, des budgets de l'éducation et de la santé et diminution des salaires, hausse des taxes dont la TVA et réduction des allocations familiales, des indemnités de chômage et des pensions de retraite, entre autres. Tout cela, dans un pays frappé par un taux de chômage record de 25 %, avec une explosion du taux de pauvreté. De son côté, la Commission européenne, loin de se préoccuper des conséquences sociales et humaines engendrées par ces mesures, « salue l'adoption en Espagne du plan pluriannuel. »[4]

Notes

1. « Le Pacte budgétaire européen », Salim Lamrani, Alterinfo, le 30 septembre 2012
2. « Samars à Bruxelles pendant que les Grecs manifestent », Andy Dabilis, Greek Reporter, le 18 octobre 2012
3. « La pauvreté grecque est si terrible que les familles ne peuvent plus enterrer leurs morts », Helen Smith, Guardian (UK), le 19 octobre 2012
4. « Le Pacte budgétaire européen », Salim Lamrani, Alterinfo, le 30 septembre 2012

Haut de page


Grèce-Allemagne : qui doit à qui ?

Première partie: L'annulation de la dette allemande à Londres en 1953

Depuis 2010, dans les pays les plus forts de la zone euro, la plupart des dirigeants politiques, appuyés par les médias dominants, vantent les mérites de leur supposée générosité à l'égard du peuple grec et d'autres pays fragilisés de la zone euro qui font la une de l'actualité (Irlande, Portugal, Espagne...). Dans ce contexte, on appelle « plans de sauvetage » des mesures qui enfoncent encore un peu plus l'économie des pays qui les reçoivent et qui contiennent des reculs sociaux inédits au cours des 65 dernières années en Europe. S'y ajoute l'arnaque du plan de réduction de la dette grecque adopté en mars 2012 qui implique une réduction des créances dues par la Grèce aux banques privées de l'ordre de 50 %|1| alors que ces créances avaient perdu entre 65 et 75 % de leur valeur sur le marché secondaire. La réduction des créances des banques privées est compensée par une augmentation des créances publiques aux mains de la Troïka et débouche sur de nouvelles mesures d'une brutalité et d'une injustice phénoménales. Cet accord de réduction de la dette vise à enchaîner définitivement le peuple grec à une austérité permanente, il constitue une insulte et une menace pour tous les peuples d'Europe et d'ailleurs. Selon les services d'étude du FMI, en 2013, la dette publique grecque représentera 164 % du produit intérieur brut, c'est dire que la réduction annoncée en mars 2012 n'aboutira pas à un allègement réel et durable du fardeau de la dette qui pèse sur le peuple grec. C'est dans ce contexte qu'Alexis Tsipras en visite au Parlement européen le 27 septembre 2012 a souligné la nécessité d'une véritable initiative de réduction de la dette grecque et s'est référé à l'annulation d'une grande partie de la dette allemande dans le cadre de l'accord de Londres de février 1953. Revenons sur cet accord.

L'accord de Londres de 1953 sur la dette allemande


Le drapeau nazi hissé à l'Acropole, à Athènes, durant
l'occupation allemande de la Grèce en 1941.

L'allègement radical de la dette de la République fédérale d'Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la Seconde Guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique de ses créanciers, c'est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux (Grande-Bretagne, France). En octobre 1950, ces trois alliés formulent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l'existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration signifiant que « les trois pays sont d'accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l'Allemagne dont l'effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l'économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d'un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l'Allemagne » |2|.

La dette réclamée à l'Allemagne concernant l'avant-guerre s'élève à 22,6 milliards de marks si on comptabilise les intérêts. La dette de l'après-guerre est estimée à 16,2 milliards. Lors d'un accord conclu à Londres le 27 février 1953 |3|, ces montants sont ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde |4|. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6%.

De surcroît, l'accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources |5|.

Pour s'assurer que l'économie de l'Allemagne occidentale est réellement relancée et qu'elle constitue un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l'Est, les Alliés créanciers font des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d'une réduction de dette. On part du principe que l'Allemagne doit être en condition de rembourser tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Rembourser sans s'appauvrir. Pour cela, les créanciers acceptent

- Primo, que l'Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le mark, l'essentiel de la dette qui lui est réclamée. A la marge, elle rembourse en devises fortes (dollars, francs suisses, livres sterling...).

- Secundo, alors qu'au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l'Allemagne réduise ses importations, elle peut produire elle-même des biens qu'elle faisait auparavant venir de l'étranger. En permettant à l'Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41% des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s'élève même à 66 %.

- Tertio, les créanciers autorisent l'Allemagne à vendre ses produits à l'étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de paiement de l'Allemagne, de ses débiteurs privés et publics, ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l'économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements. L'établissement de la capacité de paiement de l'Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont :

1. la future capacité productive de l'Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d'importations ;

2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l'étranger ;

3. les conditions de commerce futures probables ;

4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » |6|

En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d'exécuter [...] la décision d'un tribunal étranger ou d'une instance arbitrale. » C'est le cas, lorsque « l'exécution de la décision serait contraire à l'ordre public » (p. 12 de l'Accord de Londres).

Autre élément très important, le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l'économie allemande, en tenant compte de l'avancée de la reconstruction du pays et des revenus d'exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d'exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l'Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d'un vingtième de ses revenus d'exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l'Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d'exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d'autres mots monétiser la dette.

Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d'intérêt qui oscillent entre 0 et 5 %.

Une faveur d'une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l'Allemagne de l'Ouest : l'article 5 de l'accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la Première que de la Deuxième Guerre mondiale) dues par la RFA aux pays occupés, annexés ou agressés (ainsi qu'à leurs ressortissants).

Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l'Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 10 milliards de dollars aujourd'hui) auquel s'ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars d'aujourd'hui) entre 1954 et 1961 principalement via l'Agence internationale de développement des États-Unis (USAID).

Grâce à ces conditions exceptionnelles, l'Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l'Allemagne de l'Est au début des années 1990. Elle est aujourd'hui de loin l'économie la plus forte d'Europe.

Allemagne 1953 / Grèce 2010-2012


Pancarte durant les manifestations d'octobre 2012 contre
la visite de la chancellière allemande Angela Merkel avec
les nouveaux occupants de la Grèce

Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, les différences et l'injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :

1.- Proportionnellement, la réduction de dette accordée à la Grèce en mars 2012 est infiniment moindre que celle accordée à l'Allemagne.

2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à ce plan (et à ceux qui ont précédé) ne favorisent en rien la relance de l'économie grecque alors qu'elles ont contribué largement à relancer l'économie allemande.

3.- La Grèce se voit imposer des privatisations en faveur des investisseurs étrangers principalement alors que l'Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance.

4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan de la Troïka) ne sont pas réduites (seules les dettes à l'égard des banques privées l'ont été) alors que les dettes bilatérales de l'Allemagne (à commencer par celles contractées à l'égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.

5. - La Grèce doit rembourser en euros alors qu'elle est en déficit commercial (donc en manque d'euros) avec ses partenaires européens (notamment l'Allemagne et la France), tandis que l'Allemagne remboursait l'essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.

6. - La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l'argent au gouvernement grec alors que la Deutsche Bank prêtait aux autorités allemandes et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.

7. - L'Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d'exportation au paiement de la dette alors qu'aucune limite n'est fixée dans le cas actuel de la Grèce.

8. - Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien elles sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l'Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.

9. - En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d'exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l'ordre public. En Grèce, la Troïka refuse bien sûr que des tribunaux puissent invoquer l'ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l'état de nécessité et l'ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.

10.- Dans le cas de l'Allemagne, l'accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n'est prévu pour la Grèce.

11.- Dans l'accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu'il importait auparavant afin d'atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l'Union européenne interdisent aux autorités grecques d'aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l'agriculture, l'industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l'UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).

On pourrait ajouter que l'Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l'a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.

On peut comprendre pourquoi le leader de Syriza, Alexis Tsipras, fait référence à l'Accord de Londres de 1953 lorsqu'il s'adresse à l'opinion publique européenne. L'injustice avec laquelle le peuple grec est traité (ainsi que les autres peuples dont les autorités suivent les recommandations de la Troïka) doit éveiller la conscience d'une partie de l'opinion publique.

Mais ne nous berçons pas d'illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l'Allemagne de l'Ouest comme elles l'ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce.

Pour voir une véritable solution au drame de la dette et de l'austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales en Grèce et dans le reste de l'Union européenne ainsi que l'accession au pouvoir d'un gouvernement du peuple à Athènes. Il faudra un acte unilatéral de désobéissance provenant des autorités d'Athènes (soutenues par le peuple), telles la suspension du remboursement et l'abrogation des mesures antisociales, pour forcer les créanciers à des concessions d'envergure et imposer enfin l'annulation de la dette illégitime. La réalisation à une échelle populaire d'un audit citoyen de la dette grecque doit servir à préparer le terrain.

Prochainement : Grèce-Allemagne : qui doit à qui ? Deuxième partie: De la dette du Troisième Reich envers la Grèce à aujourd'hui

Notes

1. Les créances des banques privées sur la Grèce passent grosso modo de 200 à 100 milliards d'euros. La dette publique totale de la Grèce dépasse 360 milliards d'euros.
2. Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) », http://www.lainsigna.org/2003/enero...
3. Texte intégral en français de l'Accord de Londres du 27 février 1953 : http://www.admin.ch/ch/f/rs/i9/0.94...
4. 1 US dollar valait à l'époque 4,2 marks. La dette de l'Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.
5. Les créanciers refusent toujours d'inscrire ce type de clause dans les contrats à l'égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Europe centrale et orientale.
6. (Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes) in Philip Hersel, El acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de 2003,http://www.lainsigna.org/2003/enero...

*Eric Toussaint, maître de conférence à l'université de Liège, est président du CADTM Belgique (Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde).

Haut de page


Lisez Le Marxiste-Léniniste
Site web:  www.pccml.ca   Courriel: redaction@cpcml.ca