Numéro 112 - 2
novembre 2012
Jugement de culpabilité contre
Gabriel Nadeau-Dubois
Non à la criminalisation de la
jeunesse! Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre
Gabriel Nadeau-Dubois!
Jugement
de
culpabilité
contre
Gabriel
Nadeau-Dubois
• Non à la criminalisation de la
jeunesse! Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre
Gabriel Nadeau-Dubois! - Parti marxiste-léniniste du
Québec
Nouvelle session de
l'Assemblée nationale du Québec
• Unissons-nous dans l'action pour exiger que
le droit public supplante les intérêts monopolistes
privés
• Les activistes du logement réclament
un code du logement provincial - Serge Lachapelle
À titre
d'information
• Les principaux points du discours inaugural
de la première session de l'Assemblée nationale
Grèce
• Le peuple poursuit héroïquement
son opposition aux «mesures d'austérité»
• Grèce-Allemagne : qui doit à
qui ? - Éric Toussaint
Jugement de culpabilité contre
Gabriel Nadeau-Dubois
Non à la criminalisation de la jeunesse!
Mobilisons-nous pour faire renverser le jugement contre Gabriel
Nadeau-Dubois!
- Parti marxiste-léniniste du
Québec -
Le Parti marxiste-léniniste du Québec
condamne le jugement de culpabilité d'outrage au tribunal contre
Gabriel Nadeau-Dubois, ex-porte-parole de la Coalition large de
l'Association pour une solidarité syndicale étudiante
(CLASSE), rendu par le juge Denis Jacques de la Cour supérieure
du Québec le 1er novembre. Le PMLQ condamne également le
gouvernement de Jean Charest pour avoir poussé le conflit
étudiant à la judiciarisation en refusant d'apporter un
règlement politique à la lutte des étudiants du
Québec contre la hausse des frais de scolarité au
printemps 2012.
Gabriel Nadeau-Dubois est accusé d'outrage au
tribunal pour avoir incité à la
désobéissance à une injonction des tribunaux
interdisant l'obstruction de l'entrée des salles de cours
à l'Université Laval. Comme le souligne l'Association
pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)
dans son communiqué, « M. Nadeau-Dubois en sa
fonction de co-porte-parole de la CLASSE, ne faisait que donner voix
aux mandats qui lui étaient confiés par les membres de
son organisation ». « Les mots qui ont valu sa
condamnation à M. Nadeau-Dubois sont repris en choeur par
l'ensemble du mouvement étudiant. »
L'accusation fait suite à une requête au
tribunal le visant spécifiquement déposé par un
étudiant en arts plastiques de l'Université Laval,
Jean-François Morasse, qui prétend que son droit
individuel de suivre ses cours a été brimé par des
propos tenus par Gabriel Nadeau-Dubois. Il s'agit de propos tenus sur
les ondes de Radio-Canada le 13 mai, durant la grève
étudiante, concernant une ligne de piquetage devant les salles
de l'Université Laval. Le co-porte-parole de la CLASSE avait
dit : « Ce qui est clair c'est que ces
décisions-là, ces tentatives-là de forcer les
retours en classe, ça ne fonctionne jamais parce que les
étudiants et les étudiantes qui sont en grève
depuis 13 semaines sont solidaires les uns les autres, respectent,
de manière générale là, respectent la
volonté démocratique qui s'est exprimée à
travers le vote de grève et je crois qu'il est tout à
fait légitime pour les étudiants et les étudiantes
de prendre les moyens pour faire respecter le choix démocratique
qui a été fait d'aller en grève. C'est tout
à fait regrettable là qu'il y ait vraiment une
minorité d'étudiants et d'étudiantes qui utilisent
les tribunaux pour contourner la décision collective qui a
été prise. Donc nous, on trouve ça tout à
fait légitime là, que les gens prennent les moyens
nécessaires pour faire respecter le vote de grève et si
ça prend des lignes de piquetage, on croit que c'est un moyen
tout à fait légitime de le faire. »
Comme avec toutes les mesures législatives
privant les travailleurs de leur droit de grève, le juge Denis
Jacques prétend défendre le droit de l'individu de
recevoir ses cours contre le droit collectif des étudiants de
s'organiser pour défendre les droits de tous les
étudiants et de repousser les politiques antisociales du
gouvernement. Dans son jugement du 1er novembre, il rappelle un
jugement antérieur du juge Émond durant la grève
étudiante qui disait que « le droit de grève
étudiant ne trouve assise dans aucune loi et que le boycottage
exercé par certains ne peut empêcher les autres d'assister
à leurs cours » et que l'association étudiante
de l'Université Laval, en défendant son droit de
représentation, « confond le monopole de
représentation, si monopole de représentation il y a,
avec le monopole du travail, lequel découle des dispositions
anti-briseurs de grève du Code du travail qui
interdisent à un employeur de retenir les services d'un
salarié qui fait partie d'une unité de négociation
en grève ». Les lois du Québec, dit-il,
« ne confèrent aucun véritable droit de
grève aux étudiants ». Le jugement du juge
Émond établit l'objectif prioritaire de
« permettre le libre accès à des
étudiants à leurs cours, malgré le vote de
boycottage tenu par leur association étudiante ».[1]
Le PMLQ dénonce ce raisonnement boiteux qui fait
une sélection arbitraire des droits et qui fait fi des droits
collectifs des étudiants comme élément fondamental
et essentiel au progrès de toute société. De plus,
cette condamnation s'inscrit dans le contexte de l'offensive
antisyndicale qui se mène partout au Canada contre le droit des
travailleurs, des jeunes, des femmes, des nations autochtones et des
plus démunis de défendre leurs droits et de se porter
à la défense des droits de tous et du bien commun. Cet
assaut contre le droit d'association, le droit de s'organiser et le
droit de résister aux politiques antisociales des gouvernements
au service des monopoles mondiaux ramène la
société cent ans en arrière et ça ne doit
pas passer !
Le PMLQ dénonce cette condamnation contre Gabriel
Nadeau-Dubois qui est une condamnation dite exemplaire, pour
« servir de leçon » aux autres. Elle est
imprégnée de l'esprit revanchard des élites
dominantes qui n'acceptent pas que les étudiants et d'autres
sections de la société contestent la supplantation du
droit public par le droit de monopole. Les représentants
politiques, les ministres du gouvernement Charest qui étaient au
pouvoir, doivent rendre des comptes pour avoir provoqué cette
situation en plaçant les intérêts privés des
monopoles qui réclament la privatisation de l'éducation
avant l'intérêt public et le bien commun. Le nouveau
gouvernement doit soutenir tout appel de cette décision et
mettre l'autorité publique au service du droit public. Il doit
aussi établir une enquête indépendante sur la
violence policière durant la grève étudiante du
printemps 2012.
Tous à la défense de Gabriel
Nadeau-Dubois ! Non à la criminalisation des luttes des
jeunes pour leurs droits et les droits de tous ! Le jugement Denis
doit être renversé !
Gabriel Nadeau-Dubois porte le jugement en appel
En conférence de presse vendredi matin le 2
novembre, Gabriel Nadeau-Dubois a annoncé qu'il portera en appel
la condamnation du juge Jacques pour outrage au tribunal. « Je
porte cette décision en appel pour éviter que dans
l'avenir, d'autres porte-paroles aient peur de défendre leurs
mandats », a-t-il déclaré.
Il a rappelé que les propos qu'il a tenus au
cours du printemps dernier n'étaient pas les siens, mais ceux de
dizaines de milliers de personnes opposées à la hausse
des droits de scolarité et fait remarquer que tout ce qui arrive
maintenant n'est que la conséquence d'une stratégie
politique orchestrée par l'ex-gouvernement de Jean Charest.
« L'ex-gouvernement libéral a volontairement fait
durer ce conflit-là pour engranger des points électoraux
et c'est à cause de cette stratégie politique que le
conflit s'est autant transporté devant les
tribunaux », a-t-il expliqué.
Il ajoute: « C'est un jugement avec lequel je
ne suis pas d'accord. C'est un jugement, en tout respect pour la Cour,
que je trouve erroné sur plusieurs plans. »
« Je n'ai pas prôné l'anarchie, je n'ai pas
prôné le désordre. J'ai prôné et je
prône encore l'accessibilité
à l'éducation. »
Il qualifie ce jugement de dangereux
précédent. « Je ne peux pas accepter
qu'à cause de mon jugement, des gens, dans le futur, au
Québec, aient peur de défendre leurs convictions
politiques, même si elles sont défendues par des dizaines
de milliers de personnes. »
Gabriel Nadeau-Dubois a conclu son point de presse avec
un appel à le soutenir financièrement pour les
procédures d'appel. Les dons peuvent être faits au site : appelatous.org.
Note
1. Cliquer ici pour le texte
complet
du
jugement
du
juge
Denis
Jacques
de
la
Cour
supérieure du Québec dans
l'affaire Jean-François
Morasse c. Gabriel Nadeau-Dubois, 1er novembre 2012.
Nouvelle session de l'Assemblée
nationale du Québec
Unissons-nous dans l'action pour exiger que le droit
public supplante les intérêts monopolistes privés
Le 31 octobre, la première ministre Pauline
Marois a présenté le discours inaugural de la
première session de l'Assemblée nationale du
Québec. Le discours est censé présenter la
direction que va prendre le gouvernement issu de l'élection du
4 septembre. En fait, le thème même du discours
« Un mandat pour remettre de l'ordre et bâtir un
Québec pour tous » suffit à lui seul à
montrer que ce n'est pas réellement cela qu'on nous
présente, puisque dans une société divisée
en classes ce n'est pas possible d'avoir un « Québec
pour tous ». Les gouvernements aujourd'hui sont au service
des riches et soumettent l'intérêt public au droit de
monopole, alors ce qu'il faut du nouveau gouvernement c'est une
position tranchée : il doit défendre le droit public
contre le droit de monopole!
Le discours est divisé en quatre points
principaux que la première ministre décrits comme les
quatre piliers de son gouvernement : l'intégrité, la
prospérité, la solidarité et l'identité.
Ces quatre piliers nous dit-elle sont à la base de quatre
priorités : briser la corruption ; mettre de l'ordre
dans les finances du Québec et accélérer la
croissance économique pour tous, rétablir la
solidarité et promouvoir l'identité et défendre
les intérêts du Québec.
Cela ne nous dit rien de ce que son gouvernement entend
faire exactement. Ce qui n'empêche pas la première
ministre de vouloir en faire une question de confiance. En effet,
suivant la règle en vigueur depuis 2009 le
discours inaugural a été immédiatement suivi du
dépôt de la motion suivante : « Que
l'Assemblée nationale approuve la politique
générale du gouvernement. » Selon l'attachée
de presse de la première
ministre, cette motion est une motion de confiance qui sera soumise au
vote suite au débat sur le discours inaugural. On s'attend
à ce que le vote ait lieu la mi-novembre. Le gouvernement est
déjà en train d'utiliser la menace d'un vote de
non-confiance pour justifier encore une période de tractations
de coulisses pour un « compromis » basé
sur le dogme néolibéral pendant que la voix et les
demandes des travailleurs sont complètement absentes.
Le discours est émaillé de l'expression
« pour tous » : un Québec pour tous,
le Nord pour tous, des ressources naturelles qui
bénéficient à tous, etc. Un tel Québec
n'est pas possible. Ou bien la crise va être résolue d'une
manière qui va favoriser les travailleurs, ou elle ne le sera
pas. Le Québec dont les travailleurs ont besoin ne peut pas
être bâti sans que l'intérêt monopoliste
privé ne soit subordonné à l'intérêt
public.
On doit regarder le Québec tel qu'il est,
plongé dans la crise parce que son économie et ses
programmes sociaux sont dans l'étau des monopoles. Cela
crée une situation intenable. Cela explique la destruction
rapide du secteur manufacturier, le vol des ressources, la
pauvreté croissante dans ses formes multiples, les attaques
contre les syndicats et la privatisation des services publics.
Pour assurer le bien-être de l'économie, il
faut restreindre la capacité des monopoles de s'attaquer aux
conditions de vie et de travail du peuple. Il faut que les
gouvernements établissent un nouvel équilibre en
soutenant les droits des travailleurs et du peuple et non les
intérêts privés des riches. Sinon, on se retrouve
avec les dogmes néolibéraux comme « remettre
de l'ordre dans les finances publiques » ou
« créer la richesse », ce qui revient
à usurper l'autorité publique pour payer les riches.
C'est cette usurpation de l'autorité publique qui constitue la
plus grande des corruptions en ce moment au Québec et partout au
Canada. Les travailleurs du Québec demandent que le gouvernement
du Parti québécois prenne des mesures concrètes
pour soutenir le droit public en restreignant le droit de monopole.
Dans son discours, la première ministre invoque
les travaux de la Commission Charbonneau comme contexte pour centrer le
programme de son gouvernement sur le thème de la lutte à
la corruption et le besoin d'intégrité. Il est
évident que cela est soulevé pour détourner
l'attention de la direction de l'économie. À quoi sert de
parler d'octroi des contrats gouvernementaux aux entreprises, de
financement des partis politiques, de remise en ordre des finances
publiques, d'élections à date fixe, etc., si on ne parle
pas de changer la direction de l'économie en faveur du
peuple ?
Sur la question des partis politiques par exemple,
où est l'analyse de la situation en ce qui concerne l'exercice
du pouvoir politique au Québec aujourd'hui ? Pourquoi
veut-on éviter d'expliquer pourquoi les partis politiques sont
incapables de recueillir suffisamment d'argent de leurs membres pour
financer leurs activités ? Pourquoi faciliterait-on aux
partis politiques ayant de moins en moins de membres l'accession au
gouvernement, surtout que cela veut dire que les campagnes
électorales sont menées comme des campagnes de marketing,
par des agences de marketing, tout cela aux dépens du
public ? Selon le gouvernement, les partis sont susceptibles de
corruption quand ils reçoivent des dons individuels allant
jusqu'à 1000 $. L'hypothèse est que si ces
contributions sont diminuées, et que par contre les subventions
publiques, l'octroi de plus de deniers publics aux partis politiques,
sont augmentées, alors la possibilité de corruption des
partis par les puissances de l'argent sera d'autant diminuée.
C'est absurde. Les partis politiques sont discrédités
parce qu'ils cherchent le pouvoir pour servir des intérêts
privés et pour le gain personnel, tandis que l'électorat
est réduit au rôle de masse votante. Les campagnes
électorales sont des barrages de propagande orchestrés
par des firmes de marketing pour submerger l'électorat. Cela
fait des décennies que des lois sont adoptées pour
restreindre le financement privé des partis politiques et rien
de cela n'a ralenti la corruption des partis qui sont les champions des
intérêts des riches. Le financement public doit servir
à financer le processus, pas les partis.
Lorsqu'elle aborde la question des finances publiques,
Pauline Marois dit dans son discours : « Une maison en
ordre, cela passe par des finances en ordre. C'est la condition
première de cette prospérité durable qui constitue
le deuxième pilier de notre gouvernement. Or, nous avons eu de
mauvaises surprises au lendemain du 4 septembre. »
Cette assertion n'est pas conforme à la
réalité. La condition première d'une
prospérité durable est de bâtir une économie
prosociale et souveraine. On apporte la stabilité dans la vie
des gens en protégeant les emplois qui sont producteurs de biens
et en défendant les programmes sociaux et les services publics.
Une économie qui utilise ses ressources humaines, naturelles et
matérielles pour promouvoir le droit public peut apporter des
emplois et la stabilité.
Prétendre que l'équilibre
budgétaire est la question qui prime toutes les autres c'est
dire n'importe quoi. Le nouveau gouvernement suit le même
raisonnement que le gouvernement précédent : que
c'est une question de transparence et de bons rapports impartiaux remis
à temps et dûment vérifiés. C'est le langage
néolibéral auquel nous ont accoutumés les
libéraux : l'allocation des deniers publics aux monopoles
serait une simple question de logique économique tandis que les
réclamations des gens aux budgets gouvernementaux sont un
fardeau à réduire. On pourrait en rire si ce
n'était si tragique d'entendre parler ainsi à propos de
gens accusés d'abus de pouvoir et de corruption.
Déjà dans son discours inaugural, la première
ministre affirme sans explication que si on ne remet pas les finances
du Québec en ordre tout de suite, le gouvernement n'aura d'autre
choix que de faire des compressions douloureuses dans les programmes
sociaux dans les années qui viennent. Où est la
transparence au sujet de l'ensemble des richesses produites par les
travailleurs et à quoi elles servent, comment les besoins du
peuple sont satisfaits ?
Les travailleurs doivent pouvoir contrôler les
décisions qui affectent leur vie. Le discours inaugural est
long. Néanmoins, les travailleurs, les jeunes et les femmes
doivent revoir la signification des phrases toutes prêtes qu'on
répète d'un gouvernement à l'autre et ne pas
accepter d'être ridiculisés et marginalisés de la
sorte. Ils doivent surveiller de près les tractations qui vont
s'accentuer d'ici au vote sur le discours. Les luttes sociales des
travailleurs et du peuple ont donné lieu à des demandes
basées sur la vision d'un Québec qui défend le
droit public. C'est la lutte pour garantir les droits en pratique qui
ouvre la voie au progrès de la société. Les
travailleurs ont besoin d'un gouvernement qui a le courage de
défendre le droit public.
Les activistes du logement réclament
un code du logement provincial
- Serge Lachapelle -
Au moment où la Commission
populaire itinérante sur le droit au logement poursuit sa
tournée et constate l'ampleur de la crise du logement au
Québec, le Regroupement des comités logement et
associations de locataires du Québec (RCLALQ) a profité
de la journée de l'Halloween pour dévoiler cinq maisons
des horreurs dans autant de municipalités. Par ce geste
symbolique, les locataires voulaient illustrer concrètement les
problèmes d'insalubrité et de détérioration
du parc locatif et exiger un code du logement provincial.
À Montréal, plus d'une centaine de
locataires se sont donné rendez-vous au domaine Renaissance
à Saint-Léonard, un des immeubles visé par le plan
d'action montréalais sur la salubrité des logements. Lors
d'une visite des inspecteurs il y a de cela deux ans, les inspecteurs
ont émis 3576 avis de non conformité. « Ici,
malgré l'intervention de la Ville pour faire les travaux en lieu
et place des propriétaires, les travaux correctifs sur les
immeubles n'ont toujours pas été réalisés,
laissant des locataires avec des logements plein de moisissures et
infestés de vermine. Aucune mesure de suivi particulière
n'est prévue pour s'assurer de la salubrité des logements
», souligne France Émond, porte-parole du RCLALQ.
« Ce qu'on veut le plus, c'est que les 396
logements soient préservés à titre de logements
locatifs, a-t-elle ajoutée. Notre crainte c'est qu'on attende
tellement que ça se détériore, qu'on les
détruise et qu'on fasse des tours à condos. On a besoin
d'avoir des inspections préventives du parc locatif
vieillissant. » « Nous demandons aussi à la
Direction de la santé publique de revenir constater que les
locataires ont encore des problèmes de santé. Parce que
même s'il est venue ici il y a deux ans, pour l'instant, rien n'a
changé.»
Des actions se sont également tenues à
Laval, Québec, Trois-Rivières et Valleyfield.
Selon le RCLALQ, des centaines de milliers de locataires
sont aux prises avec des problèmes de logement. Les locataires
doivent coexister avec de la vermine ou endurer des problèmes de
plomberie, voire des installations électriques
défectueuses. D'autres subissent la présence
d'infiltration d'eau et de moisissures. Enfin, plusieurs ne peuvent que
constater l'état de détérioration du cadre
bâti (murs, planchers et plafonds). Selon le dernier recensement
de Statistiques Canada (2006) et tout indique que la situation s'est
déteriorée, 112 755 logements locatifs
nécessitaient des réparations majeures et 328 365 autres
nécessitaient des réparations mineures. Tous ces
logements locatifs ont besoin de réparations afin de
protéger adéquatement la santé et la
sécurité des locataires.
Mentionnons que seulement une dizaine de
municipalités du Québec se sont dotées de
règlement sur la salubrité des logements, et ce, avec des
résultats mitigés, selon France Émond.
À Montréal, les groupes dénoncent le laxisme dans
l'application des règlements, le nombre insignifiant de constats
d'infractions émis aux propriétaires fautifs, le manque
de suivis des dossiers et l'absence de plan d'action en amont pour
s'assurer de la salubrité des logements.
Afin de mettre aux normes le parc de logements locatifs
vieillissants, le RCLALQ demande un code du logement provincial.
« Il faut que tous les immeubles dans toutes les
municipalités soient visées et que les normes minimales
pour la santé et la sécurité soient
uniformisées.» L'idée même d'un
règlement différent d'une municipalité à
l'autre est contre-productive selon la porte-parole du RCLALQ. «
Si le sol d'un vide sanitaire ou d'une cave doit être sec pour
que l'immeuble soit en bon état, on voit mal pourquoi il en
irait autrement, selon l'endroit où est située l'immeuble
», précise-t-elle.
À l'occasion de la rentrée parlementaire,
le RCLALQ interpelle le nouveau gouvernement sur cet important enjeu et
demande au ministre Sylvain Gaudreault l'instauration d'un seul et
unique code du logement sur l'ensemble du territoire.
Source:
Communiqué du RCLALQ
À titre d'information
Les principaux points du discours inaugural de la
première session de l'Assemblée nationale
Le thème du discours de la première
ministre était « Un mandat pour remettre de l'ordre et
bâtir un Québec pour tous ».
« La mission que le nouveau gouvernement se donne
pour la durée de ce mandat consiste donc à remette de
l'ordre et à bâtir un Québec pour tous. Comme j'ai
eu l'occasion de le mentionner, le nouveau gouvernement s'appuie sur
quatre piliers : l'intégrité, la
prospérité, la solidarité et l'identité.
En cohérence avec ces quatre piliers, l'action
gouvernementale va se déployer selon quatre priorités
claires :
* Briser la corruption;
* Mettre de l'ordre dans nos finances et
accélérer la croissance économique pour tous;
* Rétablir la solidarité;
* Promouvoir notre identité et défendre
nos intérêts.
Voilà notre tâche. Voilà comment
nous allons remettre l'État au service de tous les
Québécois ! »
Intégrité et corruption
Sous le thème de la lutte à la corruption,
la première ministre englobe toute une série de mesures
qui vont être présentées. Le lendemain du discours
inaugural, le gouvernement va déposer le projet de loi 1 pour
favoriser l'intégrité en matière de contrats
publics dont le but est de faire en sorte que les entreprises qui
veulent obtenir des contrats du gouvernement, des villes ou des
organismes publics devront faire preuve de probité et
d'intégrité.
Au nom de l'intégrité des élus et
de l'élimination de l'influence de l'argent de la politique,
elle a annoncé que son gouvernement va bientôt
présenter un projet de loi qui va instituer un financement des
partis politiques qui sera fait presque exclusivement à partir
des deniers publics. Le gouvernement va aussi chercher des moyens
législatifs, a-t-elle dit, pour relever de leurs fonctions les
élus municipaux qui sont en mis en cause par la justice dans des
affaires criminelles reliées à leur charge. Le
gouvernement va également, toujours au nom de
l'intégrité et de la lutte à la corruption,
créer par un projet de loi une agence des transports qui aura le
mandat de gérer avec intégrité les fonds publics
investis dans les transports.
La lutte à la corruption l'amène à
proposer ce qu'elle appelle le renouvellement du système
démocratique qui se fera selon elle par la présentation
avant les fêtes d'un projet de loi instaurant des
élections à date fixe et en instaurant une limite de deux
mandats pour la position de premier ministre et possiblement de trois
mandats pour les maires. Elle associe renouvellement du système
démocratique et finances publiques en disant que le gouvernement
précédent n'a pas donné l'heure juste sur
l'état des finances publiques et que des élections
à date fixe permettront la publication un mois avant
l'élection d'un portrait impartial des dépenses
publiques.
Elle conclut cette partie de son discours en disant que
toutes ces mesures contribueront à ce que la Québec
redevienne une des nations les plus intègres et les plus
transparentes du monde.
Finances publiques
La première ministre aborde ensuite le
thème de mettre de l'ordre dans les finances du Québec et
d'accélérer la croissance économique pour tous.
Elle blâme le gouvernement précédent
pour avoir violé son cadre budgétaire et avoir
laissé se creuser l'écart entre les revenus et les
dépenses, quelque chose qui selon elle devra être
corrigé immédiatement, sinon le gouvernement n'aura
d'autre choix que de faire d'importantes compressions dans les services
publics dans les prochaines années.
Développement économique
Le thème de la politique économique
énoncée est d'accélérer la croissance
économique et d'en faire bénéficier tous les
Québécois. Pour ce faire, elle a annoncé la mise
sur pied d'un Groupe d'action ministériel présidé
par elle chargé de mettre en oeuvre les projets d'investissement
privé. Le gouvernement du Parti Québécois propose
d' oeuvrer à un développement économique solide et
durable. Les 3 piliers de l'accélération de la croissance
économique d'une façon qui bénéficie
à tous seront, selon la première ministre, l'exploitation
responsable des ressources naturelles, une stratégie
économique misant sur les entreprises et l'innovation et la
relance des exportations.
En ce qui concerne le Nord du Québec, sous
l'enseigne d'un Nord pour tous, le discours inaugural prévoit un
nouveau système de redevances dont il dit qu'il profitera
davantage à tous les Québécois, une incitation aux
entreprises à transformer au Québec une quantité
plus grande des ressources naturelles qu'elles extraient et des
consultations avec les nations autochtones, les populations nordiques
et les entreprises. Le gouvernement créera à cette fin un
Secrétariat au développement nordique.
Le discours inaugural propose aussi l'exploitation du
potentiel pétrolier du Québec sur la base des meilleures
pratiques environnementales et de l'acceptabilité sociale tout
en oeuvrant à l'indépendance énergétique du
Québec en misant sur la réduction de la dépendance
du Québec envers le pétrole importé par son
remplacement par des énergies propres.
Le gouvernement du Parti Québécois se
prononce en faveur de ce qu'il appelle l'extension du commerce et la
relance des exportations et il réaffirme son appui au
libre-échange et notamment à la signature du
traité de libre-échange Canada—Union européenne.
Programmes sociaux
Sous le thème du rétablissement de la
solidarité sociale, le discours inaugural blâme le
gouvernement Charest d'avoir créé une crise sociale
autour de la lutte étudiante le printemps dernier et d'avoir
endommagé la solidarité entre les jeunes et les gens plus
âgés. Le discours inaugural présente le
gouvernement du Parti Québécois comme le gouvernement de
la solidarité sociale comme en font foi son annulation de la
hausse des frais de scolarité, l'annulation des sections de la
loi 12 qui restreignent la liberté de manifestation et la tenue
prochaine d'un sommet sur l'enseignement supérieur dont le
mandate sera de bâtir un Québec du savoir pour tous.
Sous le thème de la solidarité sociale, le
discours inaugural propose une série de mesures dont 1)
l'augmentation des services de garde sous le thème d'« un
enfant, une place », 2) l'élaboration d'une politique de
santé basée sur la prévention et
l'amélioration de l'accès aux services de première
ligne, 3) la construction de plus de logements sociaux et 4) une
politique sur l'itinérance.
Le discours confirme le recul du gouvernement sur sa
promesse d'abolir la taxe santé laquelle sera plutôt
rendue progressive en échange d'une augmentation d'impôts
pour les personnes avec un revenu imposable de 100 000 $ et plus.
Identité
Au chapitre de l'identité du Québec, la
première ministre a annoncé des mesures sur les questions
de la langue, de la culture et de la citoyenneté. Le
gouvernement déposera une nouvelle charte de la langue
française pour promouvoir la place du français dans la
société et il s'engage à accroître l'aide
aux créateurs et aux artistes du Québec. Le gouvernement
s'engage du même coup à respecter les droits de ce qu'il
appelle la communauté anglophone et des immigrants et à
négocier de nation à nation avec les nations autochtones.
Au sujet de ses projets de Charte de la laïcité
québécoise et d'une loi de la citoyenneté
québécoise, le gouvernement s'engage à tenir des
consultations à leur sujet. Le gouvernement
réitère sa position en faveur de l'accession du
Québec à la souveraineté.
Grèce
Le peuple poursuit héroïquement son
opposition aux «mesures d'austérité»
Rejet sans équivoque de la visite de la
chancelière allemande
La visite en Grèce le
9 octobre de la chancelière allemande Angela Merkel a
été accueillie par près de 30 000 manifestants
brandissant des bannières « Vous n'êtes pas
bienvenue », « Imperialisten Raus »
(Impérialistes, dehors !) et « Non au 4e
Reich ». Exprimant la vision du peuple grec de l'actuelle
chancelière allemande, quatre personnes vêtues d'uniformes
militaires allemands de l'époque de la Deuxième Guerre
mondiale et circulant dans une petite jeep ont brandi des drapeaux avec
la croix gammée et ont fait le salut fasciste. D'autres
bannières ont proclamé : « Dehors Merkel,
la Grèce n'est pas ta colonie » et « Ce
n'est pas une Union européenne, c'est de
l'esclavage ». La manifestation a aussi été un
défi à l'interdiction de rassemblements publics et de
manifestations dans la majeure partie d'Athènes, de 9 h
à 22 h, « pour des raisons de
sécurité publique et pour préserver la vie
économique et sociale de la capitale ».
Près de 6000 agents de police ont
été déployés pour la visite de
six heures de Merkel, dont des unités antiterroristes et de
tireurs d'élite postés sur les toits.
À Thessalonique, dans le nord du pays, quelque
700 manifestants se sont aussi rassemblés devant le consulat
allemand.
Ces actions ont démontré le profond rejet
des mesures brutales d'austérité qui sont imposées
au peuple grec et dont Merkel s'enorgueillit. Elles ont aussi
exposé le fait que la situation financière actuelle de la
Grèce est attribuable au vol de l'or de la Grèce durant
le Deuxième Guerre mondiale. Cet or n'a jamais été
remboursé et est toujours dû au peuple grec avec
intérêt accumulé. L'hebdomadaire allemand Die
Zeit calcule que les dommages financiers infligés à
la Grèce par l'Allemagne durant la guerre se chiffrent à
70 milliards d'euro. L'Accord de Londres de 1953 a reporté
le règlement des réparations envers la Grèce
jusqu'à ce que l'Allemagne soit réunifiée.
Malgré cela, un nouveau traité signé en 1990 a
exclu la possibilité de telles réparations.
Deuxième grève générale en
deux mois
Athènes le 18
octobre 2012
Après celle du 26 septembre, les Grecs ont
tenu le 18 octobre une deuxième grève
générale en l'espace de deux mois en opposition à
l'ordre du jour d'austérité. À Athènes, pas
moins que 80 000 manifestants ont pris la rue lors de deux
manifestations distinctes, comme faisant partie des actions
d'opposition au pays contre les soi-disant mesures
d'austérité que le gouvernement négocie avec les
créanciers internationaux de la Grèce. Quelque
17 000 personnes ont manifesté à Thessalonique. La
grève a paralysé le transport aérien, interrompu
les services publics, fermé les écoles, les
hôpitaux et les magasins et entravé le transport public
dans la capitale. Les chauffeurs de taxi s'y sont joints pendant
9 heures, alors qu'un arrêt de travail des contrôleurs
aériens durant 3 heures a causé des annulations de
vols. Les traversiers entre les îles sont restés au port.
Photos de la grève générale de
septembre — des manifestations ont eu lieu dans plus de 70 villes et
villages de la Grèce, tout comme dans des endroits de travail.
Des dizaines de milliers de travailleurs, de chômeurs, de
retraités, d'immigrants, de travailleurs autonomes et de petits
commerçants y ont pris part, les jeunes y étant en large
nombre. À Athènes seulement, plus de 100 000 personnes
ont manifesté devant le Parlement grec dans des actions
organisées par deux centrales syndicales représentant les
travailleurs des secteurs public et privé. Une bannière
de la largeur de la rue appelait tous à
« Résister ».
La situation se détériore
Les mesures d'austérité de
2013-14 exigées par la troïka — Union
européenne, Fonds monétaire international et Banque
centrale européenne — représentent 13,5 milliards
d'euro (17,3 milliards $). La troïka prétend que
ses coupures sont nécessaires afin d'éviter que le pays
fasse faillite et ne fasse plus partie de la zone euro. Elle affirme
avoir été très généreuse car la
Grèce a déjà été renflouée
deux fois, pour un total de 240 milliards d'euro (310
milliards $). Le gouvernement grec qui coopère avec les
voleurs internationaux cherche aussi à obtenir un prolongement
de deux ans de son « plan de redressement
économique », qui doit se terminer en 2014. Selon les
dépêches, sans ce prolongement, le gouvernement aura
besoin d'une mesure équivalant à 18 milliards d'euro
au lieu des 13,5 milliards qu'il négocie actuellement.
La coalition gouvernementale en place depuis
quatre mois impose de plus grandes mesures
d'austérité avec les inspecteurs de la dette de la
troïka. Les exigences des usuriers sont de nouvelles coupures dans
les pensions et les soins en santé équivalant à
11 milliards d'euro, tout en augmentant les taxes pour obtenir
2,5 milliards d'euro supplémentaires.
Le professeur français Salim Lamrani
écrit: « En Grèce, après l'application
de neuf plans d'austérité nous sommes témoins
d'une hausse massive de taxes et impôts dont la TVA, une hausse
des prix, une réduction des salaires (jusqu'à 32 %
sur le salaire minimum !) et des pensions de retraite, un recul de
l'âge légal de départ à la retraite, la
destruction des services publics de première
nécessité tels que l'éducation et la santé,
la suppression de l'aide sociale et la privatisation des secteurs
stratégiques de l'économie nationale (ports,
aéroports, chemins de fer, gaz, eaux, pétrole). La
production a reculé de 20 %, le chômage a
explosé et la crise de la dette n'a fait que s'aggraver. En
effet, celle-ci est aujourd'hui supérieure à ce qu'elle a
été avant l'intervention des institutions
financières internationales en 2010. »[1]
Les plans de la troïka de payer les riches n'ont
fait qu'empirer les conditions de vie. Les coupures massives dans les
salaires, les pensions, les avantages et programmes sociaux ont accru
à une grande échelle la pauvreté. À la fin
de la prochaine année, on s'attend à ce que
l'économie grecque soit le quart de ce qu'elle a
été en 2008. Avec un taux de chômage de 25 %,
la Grèce, comme l'Espagne, a le plus haut niveau de
chômage des 27 nations de l'Union européenne.
« [Près de] 180 000 entreprises sont
au bord [de la faillite] et 70 000 d'entre elles devront fermer dans
les prochains mois », dit Dimitri Asimakopoulos, dirigeant
de la GSEVEE, l'Association de l'industrie et des petites entreprises.
« En 2011, seulement 20 % des
entreprises ont été profitables. Alors ces nouvelles
mesures fiscales les forcent à choisir entre éviter les
impôts ou fermer boutique », a-t-il ajouté.[2]
« C'est tellement terrible que les familles
ne peuvent même plus se permettre d'enterrer leur mort. Les
dépouilles demeurent dans les hôpitaux, non
réclamées afin que les municipalités puissent les
enterrer [...] Nous avions eu une vie empreinte de dignité.
Maintenant le pays est retourné 50 ans en arrière et ces
politiciens doivent être avertis qu'assez c'est
assez », a déclaré un entrepreneur de pompes
funèbres.[3]
En ce qui concerne l'Espagne, le professeur Lamrani
souligne qu' « après le désastre grec,
causé par les politiques d'austérité de la
troïka, l'Espagne se trouve à son tour au bord de
l'abîme. La même thérapie de choc
néolibérale a été appliquée de force
au peuple espagnol, avec les mêmes conséquences
désastreuses. Le gouvernement de Mariano Rajoy a imposé
aux citoyens un « plan de rigueur colossal »,
selon le journal économique La Tribune, avec une
baisse des dépenses de 102 milliards d'euros
projetée d'ici 2014 : baisse énorme du nombre de
fonctionnaires, des budgets de l'éducation et de la santé
et diminution des salaires, hausse des taxes dont la TVA et
réduction des allocations familiales, des indemnités de
chômage et des pensions de retraite, entre autres. Tout cela,
dans un pays frappé par un taux de chômage record de
25 %, avec une explosion du taux de pauvreté. De son
côté, la Commission européenne, loin de se
préoccuper des conséquences sociales et humaines
engendrées par ces mesures, « salue l'adoption en
Espagne du plan pluriannuel. »[4]
Notes
1. « Le Pacte budgétaire
européen », Salim Lamrani, Alterinfo, le 30
septembre 2012
2. « Samars à Bruxelles pendant que les Grecs
manifestent », Andy Dabilis, Greek Reporter, le
18 octobre 2012
3. « La pauvreté grecque est si terrible que les
familles ne peuvent plus enterrer leurs morts », Helen
Smith, Guardian (UK), le 19 octobre 2012
4. « Le Pacte budgétaire
européen », Salim Lamrani, Alterinfo, le 30
septembre 2012
Grèce-Allemagne : qui doit à qui ?
- Éric Toussaint* -
Première partie: L'annulation de la dette
allemande à Londres en 1953
Depuis 2010, dans les pays les plus forts de la zone
euro, la plupart des dirigeants politiques, appuyés par les
médias dominants, vantent les mérites de leur
supposée générosité à l'égard
du peuple grec et d'autres pays fragilisés de la zone euro qui
font la une de l'actualité (Irlande, Portugal, Espagne...). Dans
ce contexte, on appelle « plans de sauvetage » des mesures
qui enfoncent encore un peu plus l'économie des pays qui les
reçoivent et qui contiennent des reculs sociaux inédits
au cours des 65 dernières années en Europe. S'y ajoute
l'arnaque du plan de réduction de la dette grecque adopté
en mars 2012 qui implique une réduction des créances dues
par la Grèce aux banques privées de l'ordre de 50 %|1|
alors que ces créances avaient perdu entre 65 et 75 % de leur
valeur sur le marché secondaire. La réduction des
créances des banques privées est compensée par une
augmentation des créances publiques aux mains de la Troïka
et débouche sur de nouvelles mesures d'une brutalité et
d'une injustice phénoménales. Cet accord de
réduction de la dette vise à enchaîner
définitivement le peuple grec à une
austérité permanente, il constitue une insulte et une
menace pour tous les peuples d'Europe et d'ailleurs. Selon les services
d'étude du FMI, en 2013, la dette publique grecque
représentera 164 % du produit intérieur brut, c'est dire
que la réduction annoncée en mars 2012 n'aboutira pas
à un allègement réel et durable du fardeau de la
dette qui pèse sur le peuple grec. C'est dans ce contexte
qu'Alexis Tsipras en visite au Parlement européen le 27
septembre 2012 a souligné la nécessité d'une
véritable initiative de réduction de la dette grecque et
s'est référé à l'annulation d'une grande
partie de la dette allemande dans le cadre de l'accord de Londres de
février 1953. Revenons sur cet accord.
L'accord de Londres de 1953 sur la dette allemande
Le drapeau nazi
hissé à l'Acropole, à Athènes, durant
l'occupation allemande de la Grèce en 1941.
|
L'allègement radical de la dette de la
République fédérale d'Allemagne (RFA) et sa
reconstruction rapide après la Seconde Guerre mondiale ont
été rendus possibles grâce à la
volonté politique de ses créanciers, c'est-à-dire
les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux
(Grande-Bretagne, France). En octobre 1950, ces trois alliés
formulent un projet dans lequel le gouvernement fédéral
allemand reconnaît l'existence des dettes des périodes
précédant et suivant la guerre. Les alliés y
joignent une déclaration signifiant que « les trois pays
sont d'accord que le plan prévoit un règlement
adéquat des exigences avec l'Allemagne dont l'effet final ne
doit pas déséquilibrer la situation financière de
l'économie allemande via des répercussions
indésirables ni affecter excessivement les réserves
potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le
gouvernement fédéral allemand partage leur position et
que la restauration de la solvabilité allemande est assortie
d'un règlement adéquat de la dette allemande qui assure
à tous les participants une négociation juste en prenant
en compte les problèmes économiques de l'Allemagne
» |2|.
La dette réclamée à l'Allemagne
concernant l'avant-guerre s'élève à 22,6 milliards
de marks si on comptabilise les intérêts. La dette de
l'après-guerre est estimée à 16,2 milliards. Lors
d'un accord conclu à Londres le 27 février 1953 |3|, ces
montants sont ramenés à 7,5 milliards de marks pour la
première et à 7 milliards de marks pour la seconde |4|.
En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6%.
De surcroît, l'accord établit la
possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier
les conditions si survient un changement substantiel limitant la
disponibilité des ressources |5|.
Pour s'assurer que l'économie de l'Allemagne
occidentale est réellement relancée et qu'elle constitue
un élément stable et central dans le bloc atlantique face
au bloc de l'Est, les Alliés créanciers font des
concessions très importantes aux autorités et aux
entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà
d'une réduction de dette. On part du principe que l'Allemagne
doit être en condition de rembourser tout en maintenant un niveau
de croissance élevé et une amélioration des
conditions de vie de la population. Rembourser sans s'appauvrir. Pour
cela, les créanciers acceptent
- Primo, que l'Allemagne rembourse dans sa monnaie
nationale, le mark, l'essentiel de la dette qui lui est
réclamée. A la marge, elle rembourse en devises fortes
(dollars, francs suisses, livres sterling...).
- Secundo, alors qu'au début des années
1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la
valeur des importations dépassant celle des exportations), les
puissances créancières acceptent que l'Allemagne
réduise ses importations, elle peut produire elle-même des
biens qu'elle faisait auparavant venir de l'étranger. En
permettant à l'Allemagne de substituer à ses importations
des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc
de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41% des
importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des
États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à
ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays
créanciers participant à la conférence (Belgique,
Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total
s'élève même à 66 %.
- Tertio, les créanciers autorisent l'Allemagne
à vendre ses produits à l'étranger, ils stimulent
même ses exportations afin de dégager une balance
commerciale positive. Ces différents éléments sont
consignés dans la déclaration mentionnée plus haut
: « La capacité de paiement de l'Allemagne, de ses
débiteurs privés et publics, ne signifie pas uniquement
la capacité de réaliser régulièrement les
paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes,
mais aussi que l'économie du pays puisse couvrir ses dettes en
tenant compte de son actuelle balance des paiements.
L'établissement de la capacité de paiement de l'Allemagne
demande de faire face à certains problèmes qui sont :
1. la future capacité productive de l'Allemagne
avec une considération particulière pour la
capacité productive de biens exportables et la capacité
de substitution d'importations ;
2. la possibilité de la vente des marchandises
allemandes à l'étranger ;
3. les conditions de commerce futures probables ;
4. les mesures fiscales et économiques internes
qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les
exportations. » |6|
En outre, en cas de litige avec les créanciers,
en général, les tribunaux allemands sont
compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas,
« les tribunaux allemands pourront refuser d'exécuter
[...] la décision d'un tribunal étranger ou d'une
instance arbitrale. » C'est le cas, lorsque «
l'exécution de la décision serait contraire à
l'ordre public » (p. 12 de l'Accord de Londres).
Autre élément très important, le
service de la dette est fixé en fonction de la capacité
de paiement de l'économie allemande, en tenant compte de
l'avancée de la reconstruction du pays et des revenus
d'exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus
d'exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que
l'Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d'un
vingtième de ses revenus d'exportation au paiement de sa dette.
Dans la pratique, l'Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses
revenus d'exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint
en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande
partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche
marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la
monnaie, en d'autres mots monétiser la dette.
Une mesure exceptionnelle est également
décidée : on applique une réduction drastique des
taux d'intérêt qui oscillent entre 0 et 5 %.
Une faveur d'une valeur économique énorme
est offerte par les puissances occidentales à l'Allemagne de
l'Ouest : l'article 5 de l'accord conclu à Londres renvoie
à plus tard le règlement des réparations et des
dettes de guerre (tant celles de la Première que de la
Deuxième Guerre mondiale) dues par la RFA aux pays
occupés, annexés ou agressés (ainsi qu'à
leurs ressortissants).
Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des
États-Unis à l'Allemagne occidentale : 1,17 milliard de
dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin
1952 (soit environ 10 milliards de dollars aujourd'hui) auquel
s'ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de
dollars d'aujourd'hui) entre 1954 et 1961 principalement via l'Agence
internationale de développement des États-Unis (USAID).
Grâce à ces conditions exceptionnelles,
l'Allemagne occidentale se redresse économiquement très
rapidement et finit par absorber l'Allemagne de l'Est au début
des années 1990. Elle est aujourd'hui de loin l'économie
la plus forte d'Europe.
Allemagne 1953 / Grèce 2010-2012
Pancarte durant les
manifestations d'octobre 2012 contre
la visite de la chancellière allemande Angela Merkel avec
les nouveaux occupants de la Grèce
|
Si nous risquons une comparaison entre le traitement
auquel la Grèce est soumise et celui qui a été
réservé à l'Allemagne après la Seconde
Guerre mondiale, les différences et l'injustice sont frappantes.
En voici une liste non-exhaustive en 11 points :
1.- Proportionnellement, la réduction de dette
accordée à la Grèce en mars 2012 est infiniment
moindre que celle accordée à l'Allemagne.
2.- Les conditions sociales et économiques qui
sont assorties à ce plan (et à ceux qui ont
précédé) ne favorisent en rien la relance de
l'économie grecque alors qu'elles ont contribué largement
à relancer l'économie allemande.
3.- La Grèce se voit imposer des privatisations
en faveur des investisseurs étrangers principalement alors que
l'Allemagne était encouragée à renforcer son
contrôle sur les secteurs économiques stratégiques,
avec un secteur public en pleine croissance.
4.- Les dettes bilatérales de la Grèce
(vis-à-vis des pays qui ont participé au plan de la
Troïka) ne sont pas réduites (seules les dettes à
l'égard des banques privées l'ont été)
alors que les dettes bilatérales de l'Allemagne (à
commencer par celles contractées à l'égard des
pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire
annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.
5. - La Grèce doit rembourser en euros alors
qu'elle est en déficit commercial (donc en manque d'euros) avec
ses partenaires européens (notamment l'Allemagne et la France),
tandis que l'Allemagne remboursait l'essentiel de ses dettes en
deutsche marks fortement dévalués.
6. - La banque centrale grecque ne peut pas prêter
de l'argent au gouvernement grec alors que la Deutsche Bank
prêtait aux autorités allemandes et faisait fonctionner
(certes modérément) la planche à billets.
7. - L'Allemagne était autorisée à
ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d'exportation au paiement
de la dette alors qu'aucune limite n'est fixée dans le cas
actuel de la Grèce.
8. - Les nouveaux titres de la dette grecque qui
remplacent les anciens dus aux banques ne sont plus de la
compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du
Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait
combien elles sont favorables aux créanciers privés)
alors que les tribunaux de l'Allemagne (cette ancienne puissance
agressive et envahissante) étaient compétents.
9. - En matière de remboursement de la dette
extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser
d'exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des
tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait
l'ordre public. En Grèce, la Troïka refuse bien sûr
que des tribunaux puissent invoquer l'ordre public pour suspendre le
remboursement de la dette. Or, les énormes protestations
sociales et la montée des forces néo-nazies sont
directement la conséquence des mesures dictées par la
Troïka et par le remboursement de la dette. Malgré les
protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés
financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques
pourraient parfaitement invoquer l'état de
nécessité et l'ordre public pour suspendre le paiement de
la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la
Troïka.
10.- Dans le cas de l'Allemagne, l'accord établit
la possibilité de suspendre les paiements pour en
renégocier les conditions si survient un changement substantiel
limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n'est
prévu pour la Grèce.
11.- Dans l'accord sur la dette allemande, il est
explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce
qu'il importait auparavant afin d'atteindre un superavit commercial et
de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords
imposés à la Grèce et les règles de l'Union
européenne interdisent aux autorités grecques d'aider, de
subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit
dans l'agriculture, l'industrie ou les services, face à leurs
concurrents des autres pays de l'UE (qui sont les principaux
partenaires commerciaux de la Grèce).
On pourrait ajouter que l'Allemagne, après la
Seconde Guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion
considérable, notamment, comme on l'a vu plus haut, dans le
cadre du Plan Marshall.
On peut comprendre pourquoi le leader de Syriza, Alexis
Tsipras, fait référence à l'Accord de Londres de
1953 lorsqu'il s'adresse à l'opinion publique européenne.
L'injustice avec laquelle le peuple grec est traité (ainsi que
les autres peuples dont les autorités suivent les
recommandations de la Troïka) doit éveiller la conscience
d'une partie de l'opinion publique.
Mais ne nous berçons pas d'illusions, les raisons
qui ont poussé les puissances occidentales à traiter
l'Allemagne de l'Ouest comme elles l'ont fait après la seconde
guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce.
Pour voir une véritable solution au drame de la
dette et de l'austérité, il faudra encore de puissantes
mobilisations sociales en Grèce et dans le reste de l'Union
européenne ainsi que l'accession au pouvoir d'un gouvernement du
peuple à Athènes. Il faudra un acte unilatéral de
désobéissance provenant des autorités
d'Athènes (soutenues par le peuple), telles la suspension du
remboursement et l'abrogation des mesures antisociales, pour forcer les
créanciers à des concessions d'envergure et imposer enfin
l'annulation de la dette illégitime. La réalisation
à une échelle populaire d'un audit citoyen de la dette
grecque doit servir à préparer le terrain.
Prochainement : Grèce-Allemagne : qui doit
à qui ? Deuxième partie: De la dette du Troisième
Reich envers la Grèce à aujourd'hui
Notes
1. Les créances des banques privées
sur la Grèce passent grosso modo de 200 à 100 milliards
d'euros. La dette publique totale de la Grèce dépasse 360
milliards d'euros.
2. Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp
Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) »,
http://www.lainsigna.org/2003/enero...
3. Texte intégral en français de l'Accord de Londres du
27 février 1953 : http://www.admin.ch/ch/f/rs/i9/0.94...
4. 1 US dollar valait à l'époque 4,2 marks. La dette de
l'Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5
milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de
dollars.
5. Les créanciers refusent toujours d'inscrire ce type de clause
dans les contrats à l'égard des pays en
développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal,
l'Irlande, l'Europe centrale et orientale.
6. (Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes) in Philip Hersel, El
acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de
2003,http://www.lainsigna.org/2003/enero...
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
Site web: www.pccml.ca Courriel: redaction@cpcml.ca
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