75e
anniversaire de la Guerre civile en Espagne
Rio Tinto, Franco et la Guerre civile
espagnole
À l'époque de la Guerre civile espagnole,
Rio Tinto représentait une partie importante des
intérêts britanniques, avec de gros investissements en
Espagne. Rio Tinto faisait partie de l'empire Rothschild et a
commencé à opérer des mines de cuivre en Espagne
en 1873. La compagnie est liée de près à la classe
dirigeante britannique, et on soupçonne depuis longtemps que la
famille royale britannique est un investisseur majeur. Sir Anthony
Eden, premier ministre britannique de 1955 à 1957, a
été le directeur de Rio Tinto de 1946 à 1948.
L'Espagne est très riche en fer, en cuivre,
mercure, soufre et magnésium. En 1935, Rio Tinto produisait
presque 60 % des pyrites de fer en Espagne, la matière
première de la fabrication de l'acide sulfurique. Rio Tinto
produisait presque tout le cuivre métallique de l'Espagne, ainsi
que des quantités significatives de soufre et de minerai de fer.
En juillet 1936, les forces fascistes dirigées
par le général Francisco Franco, ouvertement
appuyées par les nazis hitlériens et les fascistes de
Mussolini, et appuyées de façon non
déclarée par la politique
« non-interventionniste » de la France et de
l'Angleterre, ont attaqué le gouvernement élu de
l'Espagne et se sont emparés rapidement de la région
minière de Rio Tinto.
Les troupes de Franco ont aidé directement Rio
Tinto à écraser férocement la grève des
mineurs en 1937, dans les mines de cuivre de Huelva, en Andalousie,
où les mineurs avaient pris temporairement le contrôle des
mines. À l'assemblée générale annuelle de
la compagnie en 1937, le président de Rio Tinto, Sir Auckland
Geddes, ancien député et diplomate britannique,
rapportait triomphalement : « Depuis que la
région minière est occupée par les forces de
Franco, il n'y a plus de problèmes avec les travailleurs. Les
mineurs trouvés coupables d'avoir causé des
problèmes sont traduits en cour martiale et
fusillés. » Même avant que Franco ne renverse
le gouvernement espagnol, la majeure partie des exportations de Rio
Tinto à partir de l'Espagne allait à l'Allemagne nazie.
Avec l'arrivée de Franco au pouvoir, ce trafic s'est
intensifié. Une compagnie mixte espagnole-allemande, la
Hisma-Rowak, a été mise sur pied pour expédier des
matières premières à la machine de guerre nazie,
incluant de la pyrite de fer. Rowak était sous le contrôle
d'un groupe de monopoles allemands, qui incluait le géant des
produits chimiques I. G. Farben, la compagnie qui fournissait le gaz
Zyklon B, utilisé pour exterminer les prisonniers dans les camps
de concentration nazis.
On estime que durant la Guerre civile espagnole, qui a
fait rage de 1936 à 1939, Rio Tinto a fourni au régime de
Franco des biens et des services pour une valeur de 2,85 millions de
livres. La guerre civile a pris fin lorsque Franco a pris le pouvoir.
Il a dirigé l'Espagne jusqu'à sa mort en 1975.
Comment la Loi canadienne sur
l'enrôlement à l'étranger a fait des volontaires
antifascistes
des criminels
Des volontaires canadiens
de la guerre civile d'Espagne, membres du Bataillon Mackenzie-Papineau
de la 15e Brigade internationale de l'Armée républicaine
espagnole. Le Dr. Norman Bethune était un volontaire du
Bataillon Mackenzie-Papineau en Espagne.
Tandis que les Canadiens appuyaient les forces
antifascistes en Espagne par leurs paroles et leurs actes, les cercles
dominants appuyaient les forces fascistes, ayant déclaré
le Canada « pays neutre ». En avril 1937, le
gouvernement libéral de Mackenzie King adoptait la Loi
sur l'enrôlement à l'étranger,
loi fortement influencée par la British Imperial Foreign
Engist Act en Grande-Bretagne (1870) appliquée dans tous
les Dominions. La loi de 1937 stipule qu' « est coupable
d'une infraction quiconque s'engage dans les forces armées d'un
État étranger en guerre avec un État
étranger ami » ainsi que « quiconque,
étant un ressortissant du Canada, dans les limites ou hors du
Canada, accepte volontairement ou convient d'accepter un brevet ou
engagement dans les forces armées d'un État
étranger en guerre avec un État étranger ami, ou,
étant ou non un ressortissant du Canada, dans les limites du
Canada, incite une autre personne à accepter ou à
convenir d'accepter un brevet ou engagement dans ces forces
armées... » En réalité, la
déclaration de « neutralité » du
Canada, du Royaume-Uni, de la France, des États-Unis et d'autres
pays donnait champ libre aux forces de Franco pour écraser plus
impitoyablement le peuple espagnol et préparer le terrain
à l'invasion nazie de l'Europe qui allait venir.
Les deux principaux groupes favorables à la
« neutralité » du Canada étaient,
d'une part, les industrialistes canadiens qui avaient des
intérêts financiers en Espagne, tels que dans la
société d'électricité Barcelona Traction
(tombant ultérieurement sous le contrôle de Juan March,
multimillionnaire et soutien de Franco), et, de l'autre, la
hiérarchie de l'Église catholique, un des principaux
propriétaires terriens en Espagne. En adoptant la Loi sur
l'enrôlement à l'étranger en 1937, le
gouvernement King se prosternait devant ses vieux maîtres en
Grande Bretagne et ses nouveaux maîtres aux États-Unis[1],
ces deux pays ayant aussi adopté des lois proclamant leur
« neutralité ». La Grande-Bretagne ainsi
que les États-Unis avaient d'importants investissements en
Espagne et ils profitaient directement de leur appui à
Franco.[2] MacKenzie King était aussi un anticommuniste
enragé, un sympathisant fasciste qui faisait les louanges de
Mussolini, et un admirateur avoué de Hitler. Il avait
visité l'Allemagne en juin 1937 et avait noté qu'il
était « très favorablement
impressionné » par les assurances de Hitler à
l'effet que l'Allemagne n'irait pas en guerre en Europe, même si
l'Allemagne nazie avait déjà envoyé des milliers
de soldats et des tonnes de matériel de guerre en Espagne pour
aider le général Franco.
La Loi canadienne sur l'enrôlement à
l'étranger a fait du volontariat des travailleurs
antifascistes, voulant combattre le fascisme en Espagne, un acte
criminel, punissable sur le champ et passible d'emprisonnement. Elle
hypothéqua aussi les générations à venir en
refusant toute allocation pour le service militaire des volontaires. On
confisqua les passeports de 1 300 volontaires canadiens et la GRC les
empêcha de revenir au Canada. Seulement 646 volontaires sont
revenus en sol canadien. Le gouvernement canadien et les médias
de l'époque, loin de saluer ces gens en tant que
véritables héros de la classe ouvrière ayant
résisté au fascisme, ont plutôt diabolisé
leurs motivations et leurs convictions politiques. Les cercles
dominants ont appuyé les fascistes tout en criminalisant les
antifascistes, comme ils le font encore aujourd'hui. Julio Alvarez del
Vayo, le ministre espagnol des Affaires étrangères du
gouvernement républicain durant la majeure partie de la guerre
d'Espagne, a ainsi résumé : « ...la saga
de la non-intervention » : « C'était
le plus bel exemple de l'art de remettre les victimes entre les mains
des États agresseurs, tout en se présentant en parfait
gentleman et en créant l'illusion que la paix est l'unique but
et l'unique considération ».[3]
Les gouvernements canadiens qui se sont
succédés se sont cachés derrière la
politique de fausse neutralité prônée par MacKenzie
King pour appuyer les forces les plus réactionnaires. Par
exemple, la « neutralité » telle que
stipulée dans la Loi sur l'enrôlement à
l'étranger rend illégale la participation de
Canadiens dans des conflits auxquels le gouvernement canadien ne
participe pas. Pourtant, le 1er mars 1940, le Canada a annoncé
que tout citoyen était libre de s'enrôler dans les forces
armées finlandaises qui collaboraient avec les nazis contre
l'Union soviétique. Le 18 mai 1948, le cabinet canadien
décidait de suspendre la Loi sur l'enrôlement
à l'étranger sur la question de la Palestine afin
de faciliter le recrutement militaire de citoyens canadiens dans la
répression des Palestiniens. Dans les années 60 et 70,
plus de 100 Canadiens se sont enrôlés illégalement
dans les forces armées des États-Unis lors de leur
agression contre le Vietnam. Enfin, les récents gouvernements
libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin n'ont pas
appliqué la loi contre les groupes sionistes lorsqu'ils ont fait
du recrutement actif pour les Forces armées d'Israël
à l'Université Concordia et sur d'autres campus.
Le gouvernement Harper se sert des mêmes
définitions de « neutralité » pour
appuyer ses interventions en faveur des forces fascistes et
impérialistes et pour s'opposer à tous ceux qui leur
résistent. Le gouvernement Harper déclare que les
Canadiens qui appuient les Palestiniens sont des
« provocateurs », tout en permettant à
Israël de recruter des gens ici pour l'armée
israélienne pour commettre des crimes contre le peuple
palestinien. On donne aux mouvements de résistance qui luttent
pour les intérêts du peuple la fausse étiquette de
« terroristes » tandis que l'appui à ces
mouvements est criminalisé. Entretemps, on tourne le dos au
terrorisme d'État de certains pays contre leur peuple et contre
les peuples d'autres pays. On envoie l'armée canadienne en
Haïti, en Afghanistan et en Libye pour réprimer, tuer et
bombarder les peuples sous de nouveaux prétextes comme
« la responsabilité de protéger »,
« la guerre au terrorisme » et
« l'intervention humanitaire », tandis qu'on
espionne et on persécute ceux qui s'opposent à ces
actions. Tout comme son prédécesseur MacKenzie King, qui
proclamait la « neutralité » pendant la
Guerre d'Espagne, Stephen Harper manipule le sentiment des Canadiens et
des Québécois en faveur de la paix et de la
non-intervention pour faire du Canada un ardent défenseur des
forces les plus réactionnaires.
Les Canadiens ont défié ces ambitions en
1936 en participant courageusement à la 15e Brigade de
l'Armée républicaine et ils continuent de s'opposer
à tous les crimes contre la paix commis aujourd'hui.
Notes
1. Mackenzie King a travaillé pour la
Fondation Rockefeller de 1914 à 1918. Il a notamment
contribué à blanchir John D. Rockefeller pour son
rôle dans le massacre des mineurs en grève de Ludlow en
1913. Il a aussi assisté Rockefeller à élaborer un
ensemble de politiques et de principes visant à miner le
militantisme du mouvement ouvrier et à favoriser la
collaboration de celui-ci avec le capital. David Rockefeller a dit que
Mackenzie King était le « meilleur ami »
de son père.
2. D'autres exemples sont les
intérêts miniers de Rio Tinto, qui appartenait aux
Britanniques, le service public Telefonika, filiale de ITT aux
États-Unis, la vente de pétrole à Franco par la
Texas Oil Company et la vente de 12 000 camions militaires à
Franco par Ford, Studebaker et General Motors. José Maria
Doussinague, sous-secrétaire au ministère des Affaires
étrangères de l'Espagne, a dit : « Sans
pétrole et sans camions américains, et sans crédit
américain, nous ne serions jamais sortis victorieux de la guerre
d'Espagne. »
3. Julio Alvarez del Vayo, Freedom's Battle,
p.252
Concert
commémoratif à
Londres
Hommage à la résistance antifasciste
- Workers' Weekly, le 23 juillet 2011 -
Londres, 16 juillet
2011
Puisque
de
la douleur naît la plus douce des musiques
De l'Espagne naîtra le Cantique des cantiques
- T.E. Nicholas
Pour commémorer le 75e anniversaire du
début de la Guerre d'Espagne en 1936 et célébrer
les héros de la République et des Brigades
internationales, un spectacle de musique, de cinéma et de
poésie a été présenté au
désormais historique Bridewell Hall au centre de Londres, en
Angleterre, le samedi 16 juillet.
Quatre compositeurs, Michael
Chant, Robert Coleridge, Hugh Shrapnel et John White, ont
créé une musique spécialement pour l'occasion, et
deux nouveaux films réalisés par Stuart Monro ont
été présentés. Marlene Sidaway,
présidente de la Société commémorative des
Brigades internationales, a fait la lecture de poèmes de Dave
Marshall, un des premiers Anglais à lutter en Espagne pour la
défaite du fascisme et pour la création d'une
société nouvelle. Certains de ces poèmes ont
formé la trame narrative du film The Planet Tilts, un
hommage aux membres des Brigades internationales. Au devant de la
salle, une bannière arborant le mot d'ordre de la lutte contre
le franquisme « No Pasaran ! » ainsi qu'une
peinture inspirée de la guerre antifasciste.
La plus grande des cultures est celle qui naît des
gens ordinaires quand ils s'engagent dans la lutte pour le
progrès de la société, refusant toute conciliation
avec les forces qui se dressent en obstacle. Elle naît de ces
gens qui répondent à l'appel de l'histoire en
accomplissant des choses extraordinaires. Voilà l'essentiel de
l'introduction au concert présentée par Michael Chant,
qui a souhaité la bienvenue à tous les participants.
C'est aussi le sens du « Cantique des
cantiques », le motif du poème « En
mémoire d'un fils du pays de Galles (tombé en
Espagne) » de T.E. Nicholas, Niclas y Glais.
La musique et les vidéos rendaient hommage
à l'esprit de ces hommes et femmes qui ont résolument
combattu la guerre et le fascisme, non seulement entre 1936 et 1939,
mais aussi en contribuant à la défaite du fascisme durant
la Deuxième Guerre mondiale, et en créant, ce faisant,
quelque chose de nouveau, qui se distingue par sa vitalité et
qui est porteur d'avenir, quelque chose appelant l'aube d'une
humanité nouvelle.
Le court métrage In the Dawn (À
l'aube) a eu l'effet d'invoquer les lieux, avec ses images des
héros des Brigades internationales tombés au combat et
des collines dormant sur les rives de l'Ebre, avec comme trame de fond
la chanson De Madrugada interprétée par
Cornelius Cardew accompagné du People's Liberation Music. Le
thème de ce chant révolutionnaire est repris en un
crescendo triomphal à la fin du concert et suivi de Ay
Carmela, le chant de la 15e Brigade (l'Internationale),
interprétée par les musiciens de l'Ensemble Madrugada. Le
concert se termine sur une note exaltante, expression musicale de la
conviction née de la lutte acharnée contre le fascisme en
Espagne.
Des pièces pour piano par John White et par
Robert Coleridge étaient aussi au programme. La pièce par
John White est une interprétation musicale de la destruction
systématique de Guernica, suivie d'une réflexion plus
recueillie, plus calme, qu'inspire cette dévastation. Guernica,
au Pays basque, a été la cible de bombardements par le
Luftwaffe allemand. Ce fut l'un des premiers actes d'agression contre
une population civile sans défense. L'oeuvre de Robert
Coleridge, interprétée par le compositeur lui-même,
s'inspire des poèmes de John Cornford. Poète et
communiste engagé, Cornford est mort au combat en Espagne,
à peine âgé de 22 ans mais épris d'un grand
idéalisme politique et d'un puissant esprit
révolutionnaire.
Ont aussi été présentées au
concert deux oeuvres importantes composées pour l'Ensemble
Madrugada par Michael Chant et Hugh Shrapnel. La vivacité de la
composition Tomorrow's Seed, de Hugh Shrapnel, est une
expression musicale du poème par Langston Hughes :
« Puissantes, les racines de la
liberté/S'élancent dans l'obscurité/Et en jaillit
une flamme ». La pièce comprend la mise en
scène du poème Tomorrow's Seed,
interprété par Emily Underwood, au chant envoûtant.
L'oeuvre de Michael Chant, The Song of Songs, s'inspire du
poème de T.E. Nicholas. L'appropriation musicale de ce
poème forme l'ouverture et la finale du concert, avec son
évocation d'images de la guerre évoluant vers des
arrangements évoquant la nécessité et
l'inévitabilité de la victoire finale des forces
antifascistes.
Puiser dans l'histoire et dans les idéaux
inspirés par la Guerre civile d'Espagne pour en faire jaillir de
nouvelles oeuvres culturelles, voilà comment transmettre la
profondeur de l'héritage de ce conflit. Il s'agit d'unir nos
forces pour éviter que de telles tragédies ne se
reproduisent et faire naître une société
façonnée par les idéaux qui ont inspiré les
membres des brigades internationales qui se sont donnés
rendez-vous en sol espagnol pour se battre à la défense
des droits et pour vaincre le fascisme une fois pour toutes..
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