Hypocrisie conservatrice

La fausse campagne de Harper
contre les criminels de guerre

Le 21 juillet, le gouvernement Harper a lancé un appel à la population à l'aider à trouver 30 individus vivant au Canada qu'il accuse de crimes de guerre. Ces personnes sont « visées par un mandat de renvoi pancanadien parce qu'elles sont interdites de territoire au Canada ». L'annonce été faite à Toronto par le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et de la Culture, Jason Kenney, et Luc Portelance, président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Le ministre Kenney a dit : « Les gens qui ont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité ne trouveront pas refuge sur nos côtes. S'ils arrivent ici clandestinement, ils seront repérés et identifiés, et en subiront les conséquences. » Luc Portelance a dit : « Nous sommes ici pour encourager le public à communiquer à l'ASFC toute information sur des infractions à la loi canadienne en matière d'immigration ou sur des activités suspectes à la frontière en téléphonant à la ligne sans frais de surveillance frontalière ou à leur service de police local. »

Que penser de ces déclarations pompeuses ? Que le gouvernement Harper ne fait que poursuivre la lutte contre les criminels de guerre entreprise par le Canada au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale ? Ce serait appuyer de fausses prétentions sur de fausses prétentions. À commencer avec le gouvernement libéral de Mackenzie King, les gouvernements du Canada ont protégé des milliers de criminels de guerre, les ont cachés au Canada comme « personnes déportées » et ont prétendu qu'ils étaient des patriotes ayant « combattu le communisme ». Un grand nombre d'individus qui ont combattu du côté des nazis et des fascistes ont été amenés ici tout de suite après la guerre et, plus tard, beaucoup d'individus qui ont épousé des causes nazies et fascistes (formés par les nazis et fascistes par des organisations comme la Ligue anticommuniste mondiale), ayant commis des crimes abominables dans des pays comme le Guatemala pour le compte de l'impérialisme américain, ont été admis au Canada.

Un de ces criminels de guerre qui ont trouvé refuge au Canada après la Deuxième Guerre mondiale est le collaborateur letton Alfred Valdmanis. Ce dernier a été conseiller spécial du président de la Reichsbank, Hjalmar Schact, et est devenu ministre letton des Finances sous le gouvernement pro-nazi d'Ulmanis. Il a participé aux déportations de Juifs vers les camps de concentration par la SS nazie et a aidé la Waffen SS lettone, sous commandement nazi, dans sa campagne contre l'Union soviétique. Valdmanis est arrivé au Canada en 1949 et est devenu conseiller au ministère de l'Immigration, où il a travaillé à l'admission au Canada de 20 000 membres de la Waffen SS. En 1950, il est devenu le directeur général du ministère du Développement économique de Terre-Neuve où il a négocié plusieurs projets avec des monopoles allemands qui avaient soutenu les nazis, comme Krupp et Hoeschst. En 1951, il a été accusé de crimes de guerre et en 1955 il a été emprisonné pour avoir fraudé le gouvernement de Terre-Neuve et investi secrètement dans des projets allemands. Il est ensuite déménagé en Alberta où il a contribué à l'organisation du Festival folklorique balte. Il est mort en 1971.

Les prétentions actuelles de « combattre les criminels de guerre » ne sont pas nouvelles. Plusieurs gouvernements canadiens ont prétendu la même chose au fil des ans, pour tenter d'apaiser la colère des Canadiens au sujet de la collaboration flagrante avec les nazis et les fascistes. Par exemple, il y a eu la Commission Deschênes créée par le gouvernement de Brian Mulroney en 1985 pour calmer la colère publique après qu'on eut prétendu que le médecin nazi Joseph Mengele se trouvait au Canada. Des citoyens et groupes de citoyens ont donné à la commission des milliers de noms, et des millions de dollars ont été consacrés aux enquêtes, mais la commission a retenu des preuves de premier examen dans uniquement 20 cas et aucun des individus en question n'a été traduit en justice.

Un autre exemple est celui du commandant de la SS, Helmut Rauca, venu au Canada en 1950.[1] Le 29 octobre 1941, Rauca a sélectionné plus de 11 000 hommes, femmes et enfants à la forteresse de Kaunas, en Lituanie, et ordonné leur exécution. Ce fut la plus grande exécution de masse de Juifs lituaniens de toute la Deuxième Guerre mondiale. Les preuves contre lui étaient accablantes et pourtant il a vécu en paix à Toronto jusqu'en 1982, lorsque le gouvernement, réagissant à un tollé de protestations, fut obligé de l'expulser vers l'Allemagne. La Commission Deschênes et l'affaire Rauca sont la réalité derrière les prétentions du gouvernement canadien de vouloir faire subir « des conséquences » aux criminels de guerre.

Alors si la fausse campagne du gouvernement Harper contre les criminels de guerre n'a rien à voir avec la poursuite des criminels de guerre, quel est le véritable but visé ? Un des objectifs déclarés est que cela permettrait de régler des cas de demandes de réfugiés qui trainent en longueur. Évidemment, cela n'explique pas qu'est-ce qui donne au gouvernement le droit de déclarer certaines personnes des criminels de guerre. C'est sûrement illégal comme procédure. La liste des noms donnée par l'Agence des services frontaliers révèle une intention de démoniser certains pays, pour servir les intérêts des monopoles. Douze des prétendus criminels de guerre, soit près de la moitié, proviennent de l'Afrique, que les États-Unis ont présentement dans leur mire, entre autres à cause de ses abondantes richesses naturelles. L'agression contre la Libye fait partie des plans pour établir des gouvernements fantoches et des bases militaires dans toute l'Afrique. Douze autres des prétendus criminels de guerre proviennent d'Afghanistan, d'Irak, du Pakistan et de l'ex-Yougoslavie, qui sont aussi dans la mire de l'impérialisme américain.

Deuxièmement, cette campagne donne au gouvernement l'occasion de faire campagne pour la « sécurité » aux frontières avec les États-Unis, pour censément empêcher les terroristes de franchir la frontière entre les deux pays. Mais les pourparlers sur la sécurité frontalière servent en réalité les plans d'annexion de la clique Harper. Le but final n'est pas la sécurité frontalière, c'est l'élimination de la frontière avec les États-Unis dans la mesure où elle représente un obstacle aux profits des monopoles.

Il est clair que les véritables criminels de guerre ne sont pas sur la liste du gouvernement Harper. On les trouve aux États-Unis et dans les pays de l'OTAN, le Canada y compris, ceux qui continuent d'embrouiller les cartes sur les auteurs de nombreux crimes de guerre commis dans les guerres incessantes contre les peuples du monde.

Note

1. Voir Criminal on Trial de Sol Littman, Key Porter Books, 1983.

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