Les
travailleurs des régions luttent pour leur
sécurité économique
Certains développements dans la lutte des
travailleurs de Rio Tinto d'Arvida
- Entrevue: Alain Gagnon,
président du Syndicat national
des employés de l'aluminium d'Arvida, Rio Tinto Alcan
LML : Parle-nous
un peu des
développements récents dans votre lutte sur la question
des emplois et des ressources.
Alain Gagnon : On peut dire
qu'il y a deux éléments principaux et qu'ils sont
interreliés. Dans un premier temps Rio Tinto nous a
approchés
au milieu janvier pour examiner la possibilité de
réouvrir la convention collective et de la prolonger. La
convention actuelle se termine en 2015. En contrepartie du
prolongement de la convention, Rio Tinto s'engagerait dans la phase
2 et 3 de la construction d'une nouvelle usine , l'AP 60, ce
qui représente un investissement
de 5 milliards $.La phase 1 a déjà
été octroyée et l'usine est en construction, ce
qui
donnera 38 cuves de plus et 60 000 tonnes d'aluminium
supplémentaires. Nous sommes en train de faire le travail
nécessaire pour obtenir ces retombées dans la
région et consolider nos emplois.
D'un autre côté il y a la
préoccupation constante de la possibilité que Rio Tinto
Alcan soit vendue. Nous voulons que le gouvernement du Québec
prenne position
parce nous savons que nous sommes appelés à nous faire
vendre. Nous travaillons d'arrache-pied auprès des
députés et des intervenants sociaux et politiques pour
faire
pression sur le gouvernement Charest pour qu'à tout le moins il
légifère et pose des conditions précises à
toute future prise de contrôle. Le gouvernement a
l'autorité de dire
que si une compagnie étrangère veut acheter une
entreprise, elle doit avoir telle ou telle contrainte comme le maintien
d'un niveau donné d'activités économiques, le
maintien
d'un niveau donné d'emplois, etc.
En ce qui concerne la proposition de réouvrir et
de prolonger la convention, nous sommes en train de préparer nos
demandes afin de les présenter immédiatement,
plutôt qu'en 2015. Rio Tinto pour sa part va également
présenter ses demandes pour l'occasion. Nous ne sommes pas en
mode négo mais nous nous préparons et nous avons
des discussions préparatoires avec l'entreprise.
LML : Est-ce que la
réouverture de la convention collective est une condition sine
qua non de la phase 2 et 3 de l'AP
60 ?
AG : On peut dire que oui.
Nous sommes 14 unités TCA (Travailleurs canadiens de
l'automobile) concernées par cette affaire et RTA
demande que toutes acceptent une réouverture en vue d'un
prolongement de la convention avant de s'engager dans cet
investissement de 5 milliards $.
Quand j' ai dit tout à l'heure que nos deux
grandes préoccupations sont interreliées, c'est quelque
chose de très concret pour nous. Nous avons reçu de
l'information
de gens des gouvernements fédéral et provincial plus
tôt cette année à l'effet qu'il y avait une
possibilité de vente dans un avenir immédiat. Nous avons
alerté les médias
à ce moment-là, mais Rio Tinto et le ministre Blackburn
qui est le député fédéral de
Jonquière-Alma ont nié très fermement. Nous avons
arrêté notre campagne médiatique
à ce sujet pour ne pas détourner l'attention de la
question des investissements, mais nous gardons les yeux ouverts et
nous
avons entrepris des gestes concrets pour nous
protéger parce qu'il faut bien le dire nous ne pouvons pas nous
fier sur le gouvernement. Nous travaillons en ce moment à faire
mettre des conditions dans la convention
collective si elle est réouverte au sujet d'une vente possible
de RTA. Des conditions qui nous protègent.
Nous avons toujours vivement en mémoire ce qui
s'est passé en 2007 quand Alcan a été vendue
à Rio Tinto et que le gouvernement ne nous a pas
protégés.
Il a fait la sourde oreille à notre demande à l'effet de
mettre des conditions strictes à l'achat sinon pas de vente.
Nous savons très bien qu'environ un an après la vente
à
Rio Tinto, BHP Billiton s'est amenée avec une offre d'achat de
162 milliards $ pour acheter le groupe RTA au complet. Si ce
n'avait été de la crise financière
et de la baisse du prix des métaux, nous passions aux mains de
BHP Billiton. C'est certain que cela va revenir sur le plancher. RTA
est très attrayant et l'aluminium va bien.
De plus, la technologie AP 60 est à la fine pointe de ce qui se
fait dans le monde dans l'industrie. Nous cherchons donc à
présenter nos propres conditions, nos propres balises
qui lient tout acheteur éventuel à des engagements
précis et à les inclure dans la convention collective.
Nous nous préparons à cela avant d'aller nous asseoir
avec la
compagnie au sujet de la réouverture de la convention.
Au Québec, nous n'avons aucun plan global
d'aucune sorte par rapport à la défense de nos ressources
ou de nos emplois. Même le gouvernement Harper a pris
position contre la vente de la potasse en Saskatchewan. Le
Québec est en train de redevenir un porteur d'eau. Regarde la
question d'Electrolux. Les États-Unis se plaignent
que nous subventionnons notre bois mais l'état du Tennessee, la
ville de Memphis et le comté auquel elle appartient ont offert
des centaines de millions pour amener
Electrolux à fermer ici et se bâtir là-bas. Le
gouvernement du Québec n'a soulevé aucune objection. Nous
perdons nos leviers économiques.et nos joyaux économiques.
Cela prend toute une machine pour faire virer ces
gouvernements et c'est dans ce sens que vont nos préoccupations
à l'heure actuelle.
Pertes d'emplois et menaces de fermeture
chez Xstrata à Rouyn-Noranda
La direction de la fonderie de cuivre Xstrata à
Rouyn-Noranda a annoncé récemment qu'elle va abolir entre
32 et 36 emplois à partir de septembre 2011. Elle a
dit que la haute direction de Xstrata en Europe
n'est pas satisfaite du rendement à la fonderie qui ne rapporte
pas assez d'argent à son empire (ce qui veut dire en langage
clair que la quantité de richesse qui quitte la région
pour aller vers les quartiers-généraux de l'empire n'est
pas suffisante). Xstrata demande que 10 millions $ de plus en
revenus sortent de Rouyn, ce qui va se faire
essentiellement par des pertes de salaires et d'avantages sociaux. Du
même souffle, Xstrata demande aux travailleurs d'augmenter la
production mais avec moins de
travailleurs.
Les travailleurs de Xstrata ont dénoncé
cette attaque à leurs salaires, avantages sociaux et conditions
de travail. Ils ont dit au LML que cette annonce a
été
présentée aux travailleurs par petits groupes de
10-15 afin d'éviter une réponse collective des
travailleurs. Ils disent que ce montant de 10 millions $ est un
chiffre
totalement arbitraire que Xstrata leur lance à la tête et
refuse d'expliquer. Un petit groupe de hauts dirigeants quelque part
dans le monde a décidé qu'une plus grande partie
de la richesse sociale produite par le dur labeur des travailleurs doit
être soutirée à la région et au
Québec, un point c'est tout. L'empire a parlé.
Les travailleurs s'opposent à cette perte
d'emplois manufacturiers. Ils disent que c'est un coup dur pour
l'économie régionale parce que les emplois manufacturiers
jouent
un rôle vital pour le maintien du niveau de vie de la population.
Demander une augmentation de production avec moins de travailleurs est
aussi source de désastre, disent
les travailleurs.
Des emplois qui sont importants pour l'opération
sécuritaire de la fonderie vont être
éliminés, comme l'emploi qui consiste à surveiller
le poids du cuivre dans le vaisseau
pour s'assurer qu'il ne dépasse pas la norme établie. Ce
travailleur va être remplacé par des caméras.
« En ce moment, a dit un travailleur, c'est un des
nôtres qui
s'assure que la norme est sécuritaire. Qui est-ce qui va nous
avertir dorénavant si celle-ci n'est pas respectée ?
Un excès de pression, s'il dure trop longtemps, peut
conduire à plus ou moins long terme à des fissures dans
le mur du vaisseau . »
Les travailleurs s'opposent aussi à la propagande
continuelle faite par Xstrata à l'effet qu'elle pourrait fermer
la fonderie à n'importe quel moment. La direction à Rouyn
ne cesse de dire que la fonderie est à risque parce que Xstrata
n'opère pas de mine dans la région et qu'une fonderie
à elle seule ne produit pas suffisamment de revenus.
C'est exactement la même propagande que le monopole a faite pour
préparer la fermeture du site métallurgique de Kidd Creek
en 2010 à Timmins dans le nord de l'Ontario.
Xstrata dénigrait constamment la fonderie comme étant un
fardeau, tandis qu'elle se disait satisfaite des rendements à la
mine.
« Xstrata ne cesse de nous dire combien c'est
mauvais de ne pas avoir de mine pour appuyer la fonderie, a dit un
travailleur, et que ça nous met à risque dans
les opérations mondiales de la compagnie. Pourtant, à
Kidd Creek, ils avaient une combinaison gagnante mine-fonderie et la
fonderie a tout de même été
fermée. »
Xstrata a fait son annonce alors que la moitié de
l'exécutif du syndicat local était à
l'extérieur de la ville pour participer à un
congrès syndical. Le syndicat a répliqué
à l'annonce en distribuant des tracts qui dénoncent la
situation dangereuse qui est créée par Xstrata. Le
syndicat fait remarquer que la pression pour une augmentation de
production sous des menaces de fermeture fait en sorte notamment que
l'entretien et les réparations à la fonderie sont
négligés, ce qui mène à une situation
intenable.
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