Le Marxiste-Léniniste

Numéro 194 - 5 novembre 2009

Abitibi-Témiscamingue

Les travailleurs et la population se battent
pour leurs droits et leur avenir

Abitibi-Témiscamingue
Les travailleurs et la population se battent pour leurs droits et leur avenir

Rouyn-Noranda
Nous devons tous défendre la dignité des travailleurs de la fonderie Horne! - Pierre Chénier
Entrevue - Marc Bouchard, coordonnateur de l'Association des travailleuses et des travailleurs accidentés de l'Abitibi- Témiscamingue (ATTAAT)
Entrevue - Jules Lemieux, travailleur accidenté
Au sujet du Bureau d'évaluation médicale (BEM)

Val-d'Or
Les travailleurs de la mine Sigma réclament les montants qui leur sont dûs

Malartic
Un appel à un débat public sur le développement minier au Québec - Entrevue: Jacques Saucier, porte-parole du Comité de vigilance de Malartic

Amos
«L'usine de papier doit rester ouverte» - Entrevue: Gilles Chapadeau, conseiller régional de la FTQ

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Abitibi-Témiscamingue

Les travailleurs et la population se battent
pour leurs droits et leur avenir

C'est le sentiment de beaucoup dans la région que l'Abitibi-Témiscamingue se trouve à la croisée des chemins. La région est magnifique et elle regorge de ressources naturelles qui pourraient servir de base à des projets d'édification nationale au Québec qui reconnaissent les droits de tous. Les gens sont cependant empêchés de prendre le contrôle de ces ressources par des arrangements économiques et politiques totalement désuets. Le trésor extraordinaire que constituent ces ressources naturelles pour le peuple est dilapidé parce que ces arrangements économiques et politiques ne sont pas centrés sur l'être humain. Une région-ressources devient ainsi une région privée de ressources tant naturelles qu'humaines par des gouvernements au service des monopoles, un phénomène qui s'exprime de façon particulièrement aiguë dans les conditions de la crise économique actuelle. Les gens de la région, non seulement les travailleurs et la population mais la région en tant que telle, ressentent profondément l'humiliation qui vient de leur manque de pouvoir politique pour pouvoir changer la situation. La vieille politique, qui promet un poids politique et des mesures qui pourraient alléger la situation à condition que l'on vote pour tel ou tel parti, ne fait qu'accroître cette humiliation et la banqueroute des arrangements politiques actuels qui appliquent le droit de monopole aux dépens du peuple. C'est cela et bien d'autres choses encore que les travailleurs et la population expriment quand ils se battent pour leurs droits et pour leur avenir. Le Marxiste-Léniniste appuie totalement l'importante lutte des travailleurs et de la population de l'Abitibi-Témiscamingue et appelle tous les travailleurs du Canada à contribuer à son succès.

Ce numéro du Marxiste-Léniniste contient plusieurs articles sur la lutte des travailleurs et de la population d'Abitibi-Témiscamingue pour leurs droits et un avenir digne de ce nom.

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Rouyn-Noranda

Nous devons tous défendre la dignité
des travailleurs de la fonderie Horne!

Tous les travailleurs, quel que soit le secteur de l'économie dans lequel ils travaillent, qu'ils soient syndiqués ou non, se doivent de défendre avec vigueur la dignité des travailleurs de la fonderie Horne qui subissent des attaques sans précédent à l'heure actuelle.

Xstrata, qui est devenue propriétaire de la Horne après avoir acheté Falconbridge il y a quelques années, fait régner une atmosphère dans la fonderie qu'on ne peut qualifier autrement que de fasciste. Xstrata continue la propagande et les mesures répressives des propriétaires précédents, Noranda et Falconbridge, sous le thème que « seule la crème des travailleurs » peut travailler à la fonderie, et elle le fait avec un cynisme et une hypocrisie comme on en a rarement vu.

Cette atmosphère prévaut dans tous les aspects de la vie des travailleurs, mais nulle part est-elle plus visible que sur les questions relatives à la santé et la sécurité des travailleurs. Le point de départ de Xstrata sur les questions de la santé et de la sécurité des travailleurs, c'est qu'elle doit à tout prix se donner une image publique d'entreprise avec un « zéro absolu » en fait d'accidents de travail et d'infractions aux normes de sécurité. Quand il y a des accidents et des infractions, Xstrata fait tout pour les camoufler et pour en blâmer les travailleurs. Xstrata criminalise les travailleurs qui se blessent ou deviennent malades à travers un système de punitions qui vont de l'entrevue aux mesures disciplinaires et au congédiement.

Les travailleurs sont divisés par équipes, et le maximum de pression est exercé sur elles pour qu'elles dénoncent tout travailleur qui se blesse et le dissuadent de rapporter l'accident. Cette pression comprend une pression sociale sous la forme d'un « système de récompenses », établi par la compagnie pour créer de l'antagonisme parmi les travailleurs, dans lequel les membres de l'équipe sont encouragés à se dissuader l'un l'autre de rapporter un accident afin d'obtenir des soupers gratuits, des certificats-cadeaux, etc.

Xstrata a un système d'heures accumulées qui correspondent soi-disant au nombre d'heures travaillées sans accident. Les heures s'accumulent tant qu'on ne rapporte pas d'accident. Quand on atteint un certain nombre d'heures, les équipes reçoivent leurs récompenses. Si on rapporte un accident, les récompensent cessent et le tout est à recommencer.

Les travailleurs rapportent que dès qu'un d'entre eux se blesse, la pression immédiate de la compagnie est de le blâmer et de chercher la cause de l'accident dans son comportement. La compagnie blâme les travailleurs, les harcèle et leur impose des mesures disciplinaires. Pendant ce temps, Xstrata se donne une image publique d'entreprise où tout marche bien et où les problèmes d'antan, attribués à la lutte militante des travailleurs à la défense de leurs droits, ont été résolus et les « fauteurs de troubles » mis à leur place.

Ce système absurde de récompenses aggrave encore la situation parce que les travailleurs sont appelés à s'espionner l'un l'autre et à se décourager l'un l'autre de déclarer des blessures ou des accidents pour ne pas perdre le flot des heures « sans accident ». Résultat : de plus en plus de travailleurs ne rapportent pas l'accident, ne vont pas à l'infirmerie ou dans les établissements de santé quand ils se blessent parce qu'ils ne veulent pas avoir de troubles non seulement avec la compagnie mais aussi avec les autres travailleurs. Le résultat c'est que les accidents et les blessures existent toujours mais ils ne sont pas rapportés et une culture du silence et du masquage des problèmes infiltre la place et cela la rend encore plus dangereuse et non sécuritaire que jamais. La résistance des travailleurs à cette atmosphère pourrie est en train de grandir, fidèle à l'expérience des travailleurs de la Horne selon laquelle la façon de défendre leur santé et leur sécurité est de s'unir dans la lutte collective à la défense de tous les travailleurs et pour leur droit à des conditions de travail saines et sécuritaires.

Quand aux infractions aux normes de sécurité, Xstrata est totalement pragmatique et elle se fout du bien-être des travailleurs. Dans la perspective centrée sur le capital d'Xstrata, les règles de santé et de sécurité sont strictement une affaire de production et de profits. C'est pourquoi elle utilise la question de la santé et de la sécurité en attaquant et criminalisant les travailleurs, tout en violant elle-même les règles de santé et de sécurité afin de pousser la production et de sortir le plus de cuivre possible.

Dans la situation qui prévaut à la Horne, n'importe quoi peut arriver et personne n'est en sécurité parce que la place est empoisonnée par une philosophie et des pratiques antiouvrières et antihumaines, ce qui est encore pire que les émanations toxiques. Xstrata ne cache pas que son ennemi est la lutte de résistance indépendante et organisée des travailleurs à la défense de leurs intérêts, qui sont diamétralement opposés à ceux d'un monopole minier comme Xstrata. Elle veut imposer un système selon lequel les intérêts de Xstrata sont déclarés l'intérêt commun et où toute lutte de résistance collective des travailleurs est considérée comme une source de troubles qui doit être criminalisée. Elle se pense tout permis et se donne le droit publiquement de réécrire la convention collective lorsqu'elle prétend par exemple que le système de punitions pour une première infraction à la sécurité est une suspension de 5 jours, puis de 30 jours pour une deuxième infraction et un congédiement à vie pour une troisième infraction. La convention dit qu'après la deuxième infraction, le dossier des infractions s'efface si le travailleur n'en commet pas pendant 9 mois mais pour la compagnie ce ne sont que des mots qui ne veulent rien dire.

Xstrata croit qu'elle peut faire fi des contradictions objectives du système économique actuel qui mettent inévitablement la santé et la sécurité des travailleurs en péril et qu'elle peut contrôler la situation en camouflant les problèmes et en punissant les travailleurs à son gré. Elle se pense au contrôle avec son système de punitions et de récompenses, avec les radars et les caméras qu'elle a installés partout et avec ses collaborateurs qui ne cachent pas qu'ils sont là pour espionner les travailleurs. Tout cela fait partie d'un effort pour créer un régime de terreur dans la place. Les déclarations continuelles des contremaîtres et des cadres à l'effet « qu'on n'a pas le choix, les ordres viennent directement des quartiers-généraux de la compagnie » font aussi partie de ce modus operandi. Les travailleurs vivent avec une bombe à retardement parmi eux. Toute la fierté accumulée au fil des années à l'effet que la fonderie est une place où les travailleurs défendent leurs droits, une fierté qui avait même gagné le respect de certains contremaîtres et cadres, est aujourd'hui remise en question.

Toute l'histoire de la place montre que les travailleurs ont pu améliorer leurs conditions de vie et de travail, notamment en matière de santé et de sécurité, quand ils ont reconnu avoir des intérêts bien à eux qui sont aussi ceux de la société. C'est dans ces conditions qu'ils ont été capables d'améliorer leurs conditions de santé et de sécurité et celles de toute la population en forçant la compagnie à reculer et à consentir des trêves qui ont amélioré les conditions de vie et de travail et que les travailleurs ont pu maintenir pendant un certain temps au prix d'une grande vigilance.

Le régime qui prévaut actuellement est la continuation directe de celui que la Noranda a essayé d'instaurer quand elle était propriétaire et surtout pendant la grève de 2002 où elle a réussi à imposer des changements régressifs concernant l'ancienneté et toute la question de la mobilité de la main-d'oeuvre. Elle a dit aux travailleurs que la survie de la place était liée à la réussite ou à l'échec des propriétaires à n'avoir que la « crème de la crème » des travailleurs dans son usine. Un harcèlement systématique a immédiatement suivi, avec des mises a pied et des congédiements de travailleurs, surtout parmi les plus âgés, et des mesures comme les soi-disant tests d'aptitude et de compétence qui ont déclaré incompétents des travailleurs qui pourtant faisaient leur travail depuis 20-30 ans.

Avec la hausse des prix du cuivre sur les marchés mondiaux, de nombreux travailleurs ont été rappelés mais l'objectif de n'avoir dans la place que « la crème de la crème » a été proclamé et reproclamé avec emphase et maintenant de façon complètement frénétique par Xstrata. Les travailleurs se font maintenant dire que bientôt ce ne seront plus seulement leurs aptitudes et leurs compétences qui seront évaluées mais leur comportement et leur attitude, comme on le fait chez Walmart. Peut-être les forcera-t-on à commencer leur quart de travail avec une petite chanson sur les beautés du cuivre, de l'acide sulfurique, du béryllium et de l'arsenic !

Après une période de choc depuis la grève de 2002-2003, les travailleurs de la Horne se regroupent et veulent rétablir leur tradition de lutte collective déterminée à la défense de leurs intérêts. Il faut saluer cette résistance et encourager ces efforts par tous les moyens possibles. Tous doivent défendre la dignité des travailleurs de la Horne, non seulement parce qu'il faut défendre tous les travailleurs qui sont attaqués mais parce que les travailleurs de la Horne ont mené une lutte acharnée à la défense des conditions de santé et de sécurité des travailleurs et des populations des régions minières. Ils l'ont fait sous la menace constante de fermeture et avec grand courage. C'est en grande partie grâce à eux que l'air de Rouyn-Noranda, ville minière, est encore respirable aujourd'hui et que des maladies industrielles liées aux émanations toxiques sont reconnues comme telles aujourd'hui.

Appuyons la lutte des travailleurs de la fonderie Horne pour leurs droits !

* Pierre Chénier est le secrétaire du Centre ouvrier du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste).

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Entrevue

LML : Vous faites état, dans un de vos communiqués, de recrudescence d'activités de harcèlement et d'intimidation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) contre les travailleurs accidentés. Pouvez-vous élaborer ?

Marc Bouchard : C'est important de placer les choses dans leur contexte. Depuis janvier, beaucoup de membres font état de harcèlement et d'intimidation de la part des agents de la CSST, d'appels téléphoniques à répétition, de menaces de coupures de leurs indemnités s'ils ne se présentent pas à leur rendez-vous ou sont en retard, etc. Nous vivons une situation où des travailleurs et travailleuses accidentés qui reçoivent des indemnités les perdent tout à coup, puis les regagnent un mois plus tard par exemple. Ils reçoivent un appel téléphonique d'un agent de la CSST qui leur dit qu'ils sont coupés, puis la coupure est confirmée par lettre. On leur dit qu'ils n'ont pas prouvé qu'ils sont encore inaptes à travailler, qu'ils n'ont pas rempli certains formulaires et autres choses du genre qui sont souvent des inventions. Ils se font couper puis tout à coup dans certains cas les indemnités reprennent. La CSST a tous les pouvoirs et elle se permet d'abuser de ses pouvoirs.

Les travailleurs accidentés se retrouvent dans une situation très vulnérable et cela affecte tous les aspects de leur vie, y compris leur condition psychologique. Souvent ils sont frappés par le désespoir. J'ai vécu un cas où la personne était si désespérée que si elle avait eu un fusil en sa possession ou un objet contondant je ne serais pas là pour vous parler aujourd'hui. Il y a des gens qui nous appellent pour nous dire qu'ils ne sont plus capables de continuer, qu'ils pensent à mettre fin à leurs jours.

Tout cela est relié au processus qui entoure la relation des travailleurs accidentés avec la CSST. Il faut garder en tête que les travailleurs accidentés sont souvent dans un état de grande douleur physique et qu'ils n'obtiennent pas les soins requis parce que la CSST traite les accidentés du travail comme une réclamation plutôt que des êtres humains. Les gens ne sont pas soignés adéquatement parce qu'ils sont engagés dans un processus de contestation après contestation. Par exemple, ils se présentent devant le Bureau de l'évaluation médicale (BEM), qui est contrôlé par les employeurs. Ils se font dire que leur médecin traitant n'y connaît rien et souvent les médecins du BEM annulent les traitements ordonnés par le médecin traitant. Selon nous, le médecin traitant est celui qui est le plus apte parmi les médecins à pouvoir faire un diagnostic sur la maladie du travailleur accidenté. Mais l'avis des médecins traitants est ouvertement contesté par le BEM. À l'ATTAAT, nous disons que la CSST et le BEM traitent plus la réclamation que le patient. Des pressions continuelles sont faites par le BEM et la CSST pour forcer les travailleurs accidentés à retourner au travail sans qu'ils soient prêts et aient reçu le traitement approprié. Il y a des travailleurs qui finissent par démissionner dans le cours du processus et retournent travailler sans y être prêts. Ils sortent alors du système mais leur condition s'aggrave et ils doivent reprendre tout le processus. C'est inhumain, tordu et cruel. C'est de la cruauté envers les êtres humains.

Tout cela doit être mis dans son contexte. La direction régionale de la CSST à Rouyn-Noranda dit ouvertement que cela va être de plus en plus difficile pour les accidentés du travail de la région d'obtenir une compensation et les soins nécessaires. La CSST veut tout faire pour les retourner au travail sans s'assurer que les conditions soient prêtes. Quand les travailleurs se font refuser la compensation et les soins, c'est la dépression qui s'en mêle, l'alcoolisme, la violence, l'aggravation des problèmes conjugaux.

Certains professionnels agissent de manière totalement irrespectueuse envers l'accidenté du travail. Ce qu'on remarque, c'est que les travailleurs accidentés, qui sont déjà très pauvres, deviennent de plus en plus une source de revenus pour certains professionnels. La CSST paie des montants exorbitants pour référer des travailleurs accidentés à leurs médecins à eux plutôt que d'accepter le verdict des médecins traitants. On observe que les travailleurs accidentés doivent de plus en plus dépenser des montants de leur poche pour se faire soigner ou se faire représenter. Plusieurs services médicaux n'existent pas ou n'existent plus dans la région. Les travailleurs accidentés qui contestent des décisions qui les privent de compensation ou de soins demandent souvent une contre-expertise, par exemple, et il est courant qu'ils doivent payer de leurs poches les frais de transport pour se rendre là où les soins sont disponibles et parfois même pour l'expertise médicale.

Des recherches ont montré que l'Abitibi-Témiscamingue est, avec la Mauricie, la région du Québec où les accidentés du travail perdent le plus grand nombre de causes devant la CSST. Au Québec, les accidents du travail sont devenus totalement judiciarisés. C'est de la contestation après contestation, un processus sans fin et ce sont les travailleurs les plus vulnérables qui sont pris dans cet engrenage.

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Entrevue

LML : Les assauts contre la dignité et le bien-être des travailleurs accidentés de la part de la CSST sont constants et en hausse. Pouvez-nous brièvement nous présenter votre cas ?

Jules Lemieux : J'ai eu mon accident de travail en mai 2007. J'étais camionneur-livreur et je suis tombé entre le camion et le débarcadère lorsque je livrais des sacs postaux à un bureau de poste. J'ai un diagnostic complexe : ménisque du genou gauche arraché, ligament croisé postérieur arraché, entorses à la hanche et lombaires et tumeur dorsale. Mon cas s'est encore aggravé lorsque suite à mon accident j'ai développé des problèmes d'oreille interne qui me rendent tout étourdi et me font parfois perdre connaissance. C'est un diagnostic bien documenté établi par des médecins mais mon histoire est celle de tant de travailleurs accidentés qui font face à la CSST et aux médecins du BEM qui contestent systématiquement ces diagnostics dans le but inhumain de refuser de nous payer la compensation qui nous est due en vertu de notre situation.

Dans mon cas, suite à l'accident, la CSST m'a refusé huit fois pendant la première année sous toutes sortes de raisons qui ne tiennent pas. Ils m'ont même refusé une fois parce qu'ils s'étaient trompés de dossier. Ils ne voulaient pas payer, point final. J'ai réussi à obtenir des paiements de compensations de temps en temps, qui ont été coupés, puis parfois repris quand j'ai contesté la décision de me couper. Sur une période de deux ans et quelque, je pense avoir reçu des paiements de compensation pendant à peine huit mois. J'ai fait une rechute en août 2007 et le médecin à ce moment-là m'a prescrit d'arrêter de travailler pour une période indéterminée. Préalablement à cela, j'avais continué de travailler en dépit de ma condition parce que la CSST me refusait tout paiement. Suite à ma rechute, je suis allé voir un spécialiste et ma situation était devenue si sérieuse que le spécialiste m'a opéré pour le genou le lendemain de ma visite. Malheureusement, après l'opération, j'avais encore plus mal qu'avant. Les agents de la CSST m'ont néanmoins demandé de retourner au travail, sans même que j'aie eu de la physio. Ils m'ont présenté assignation après assignation à retourner au travail. Mon médecin n'était pas d'accord. On m'a envoyé au BEM et j'ai été coupé absolument sans raison. J'avais beau leur dire que je venais juste d'être opéré, que je n'étais pas en état de travailler, cela tombait dans l'oreille d'un sourd. J'ai la preuve que la CSST a ordonné que mon dossier soit fermé. Je l'ai entendu moi-même de vive voix. L'idée qu'ils ont toujours c'est de nous faire passer pour des fraudeurs et des abuseurs du système. Ils m'ont coupé. Même ma physio, qui m'avait finalement été accordée, a été coupée. Je devais avoir huit semaines de physio, j'en ai eues trois. J'ai porté plainte à la direction régionale des plaintes et plutôt que de me défendre on m'a dit que je ne serais jamais plus éligible à des paiements de compensation.

Je continue de me battre parce que j'ai droit à ces prestations. Ce n'est pas ma faute si j'ai eu cet accident de travail et si ma situation s'est aggravée. Avec la CSST, c'est contestation après contestation. Ils nous coupent sous n'importe quelle raison et nous devons alors contester sans cesse. C'est tellement absurde qu'à un moment donné, ils sont passés par-dessus mon médecin pour ordonner des examens pour le coeur même si rien dans mon dossier indique que j'ai des problèmes avec le coeur. L'idée était de prétendre que mes problèmes d'oreille interne et de perte de connaissance n'avaient rien à voir avec mon accident de travail.

Présentement, je travaille avec mon avocat pour les forcer à me payer ce qui m'est dû.

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Au sujet du Bureau d'évaluation médicale (BEM)

Le processus entourant la demande des travailleurs accidentés pour des paiements de compensation les oblige à se soumettre à des expertises médicales commandées par leur employeur et par la CSST et à comparaître devant un médecin du Bureau d'évaluation médicale (BEM). Suite à ce processus, les travailleurs et les travailleuses voient très souvent la CSST mettre fin aux traitements prescrits par leur médecin traitant ainsi qu'au versement de leur indemnité de remplacement de revenu. L'opinion du médecin traitant est renversée par le BEM plus de trois fois sur quatre.

Lors d'une manifestation organisée l'an dernier à l'occasion de l'Halloween, l'Union des travailleurs et travailleuses accidenté-e-s de Montréal (UTTAM) a dénoncé comme étant une mascarade le processus d'évaluation médicale en vigueur à la CSST. Des milliers de victimes d'accidents et de maladies du travail sont forcées de se présenter à la demande de leur employeur ou de la CSST. La manifestation avait rappelé que ce processus a été décrié depuis longtemps par les travailleurs accidentés et a aussi été unanimement critiqué par les députés d'une commission parlementaire dont le rapport a été déposé au ministre du Travail il y a près de deux ans.

« Le BEM, c'est le département des miracles ; on a vu des gens entrer au BEM avec des hernies discales prouvées cliniquement et radiologiquement et sortir de là, 15 minutes plus tard, avec une entorse lombaire », avait alors déclaré Roch Lafrance, porte-parole de l'UTTAM. « Une fois la décision rendue par la CSST, l'accidenté peut contester mais cela interrompt tout de même ses traitements ainsi que ses indemnités. Après 1 an ou 2 d'attente, les personnes qui ont contesté un avis du BEM devant la Commission des lésions professionnelles verront cet avis renversé plus de 2 fois sur 3. »

La manifestation avait aussi dénoncé le BEM pour le lieu de patronage médical qu'il constitue. Selon les données obtenues du ministère du Travail, une dizaine de médecins a réalisé plus de 45 % de toutes les évaluations depuis 10 ans. La manifestation avait dénoncé le fait qu'il y a une poignée de médecins privilégiés, « les amis du régime », qui font partie du club des millionnaires du BEM, ajoutant que cet « à-côté » fort lucratif s'ajoute aux revenus qu'ils tirent de leur pratique en centre hospitalier ou en clinique privée.

« Dans un contexte de pénurie des ressources médicales, il est incompréhensible que des médecins passent des dizaines de milliers d'heures annuellement à s'enrichir en contestant des rapports médicaux plutôt qu'à soigner des patients », avait ajouté Roch Lafrance.

Les manifestants avaient demandé au ministre du Travail de transformer en profondeur ce régime médical en réclamant l'abolition du BEM, l'abolition des pouvoirs de contestation des employeurs en matière médicale et la modification des pouvoirs de contrôle de la CSST dans cette même matière.

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Val-d'Or

Les travailleurs de la mine Sigma réclament
les montants qui leur sont dûs

Du 19 au 23 octobre, les travailleurs de la mine Sigma-Lamaque à Val-d'or ont manifesté devant l'entrée de la mine pour réclamer le paiement de leurs salaires et d'autres montants qui leur sont maintenant dûs depuis 15 mois. Les propriétaires de la mine, la compagnie minière américaine Century Mining, ont fermé la mine en juillet 2008 en invoquant leur impossibilité de rencontrer divers paiements. La mine est restée inactive et pendant plus de 15 mois les 150 travailleurs ont réclamé plus d'un million de dollars en salaires non payés de même qu'en cotisations syndicales, épargne annuelle, fonds de pension, bonus et préavis de licenciement. Le 3 novembre, les travailleurs ont finalement reçu leurs salaires et leur bonus et les autres montants leur sont toujours dûs. Les médias de la région rapportent aussi que la compagnie doit plus de 250 000 $ en taxes à la ville de Val-d'Or.

Pendant cinq jours, les travailleurs se sont relayés devant l'entrée de l'usine pour exiger le paiement des sommes qui leur sont dues. Les travailleurs ont décidé de manifester devant l'entrée de l'usine après avoir appris qu'une compagnie était sur le site pour faire du forage. Pendant deux jours, les travailleurs ont bloqué l'accès de la mine à la compagnie de forage. « On les a empêchés de rentrer pendant deux jours », a confié au Marxiste-Léniniste Michel St-Yves, le secrétaire du Syndicat des employés de la mine Sigma. « On a été capable de les empêcher d'entrer sur le site pendant deux jours, mais depuis avant-hier ils viennent à bout de passer sous la clôture ou par-dessus la clôture C'est grand ici alors il y a bien des endroits pour passer. Nous étions supposés être payés aujourd'hui. Le directeur est venu nous rencontrer et il nous a dit que la compagnie était près de signer une entente de financement de 5.3 millions $ auprès de financiers après quoi nous serons payés. Il nous a dit que la patronne américaine nous offrait des beignes et du café. » Les travailleurs ont persévéré dans leurs actions, affirmant que « si Century Mining a de l'argent pour du forage, elle a de l'argent pour nous payer. » Suite aux actions des travailleurs, la minière a finalement cessé d'essayer de faire entrer la compagnie de forage.

Les travailleurs et la population sont extrêmement choqués par les manigances de la compagnie minière qui leur a promis pendant des mois de les payer et leur a même donné des dates où les paiements étaient supposés être faits mais rien ne se passait et cela pendant quinze mois. Environ 80 % des travailleurs ont dû se trouver de l'emploi ailleurs et les autres 20 % doivent survivre avec l'assurance-emploi ou l'assistance sociale. Les travailleurs et la population sont aussi choqués de l'inaction complète du gouvernement provincial qui a bien quelques mots de blâme pour la compagnie minière mais n'a absolument rien fait pour la forcer à payer les travailleurs.

Les travailleurs sont particulièrement choqués du manque total de recours légaux prévus par les lois du travail dans une situation comme la leur. « Tout ce que la loi nous donne comme recours légal, c'est de faire des griefs contre la compagnie. Tout cela va prendre des années et au bout du compte le tribunal du travail va probablement dire que la compagnie se doit de nous payer mais il n'y a rien dans la loi qui les force à payer », a dit au Marxiste-Léniniste Robert Marcoux, le président du Syndicat des employés de la mine Sigma. « Les lois ne sont pas assez sévères et elles n'ont pas de dents. Si nous on agissait comme Century Mining, ça fait longtemps que nous serions en prison. La mine a un grand potentiel mais tant que les lois ne seront pas plus sévères, nous serons confrontés à de telles situations. Nous avons ici une compagnie qui accumule de la richesse à même nos richesses naturelles puis elle envoie cette richesse ailleurs et nous n'avons aucun contrôle là-dessus. »

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Malartic

Un appel à un débat public
sur le développement minier au Québec

LML : Pouvez-nous nous dire dans quelles circonstances est né le Comité de vigilance de Malartic ?

Jacques Saucier : Le comité a été créé en août 2007 suite à l'annonce que la compagnie minière Osisko va creuser une mine à ciel ouvert en pleine ville de Malartic et déplacer 200 maisons familiales. Nous avons alors tenu une assemblée publique à Malartic où nous avons pu voir l'inquiétude manifestée par une partie importante de la population et, suite à l'assemblée, nous avons fondé le comité et débuté nos activités. Nous avons interpellé la compagnie et nous avons interpellé la municipalité également qui avait donné à la minière l'autorisation de forer, ce qui avait choqué beaucoup de gens notamment à cause du bruit et des émanations de carburant. La municipalité et la minière ont alors mis sur pied un groupe de consultation de la communauté qui selon nous était un simple organe d'information de la compagnie. Nous étions informés par ce groupe des activités de la minière et de la municipalité mais nous n'étions pas consultés. En février 2008, une coalition provinciale s'est formée, la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine, qui réclame un débat public sur tout le développement minier au Québec, surtout en ce moment où le gouvernement Charest prépare une réforme de la Loi sur les mines. Par notre travail, nous avons été un peu la bougie d'allumage de la coalition provinciale parce que notre exemple montre de façon concrète le pouvoir que la Loi sur les mines donne aux minières sur les populations, comme celui de les déplacer sans les consulter. Le projet d'Osisko à Malartic est un projet de mine d'or à ciel ouvert qui va extraire 55 000 tonnes de minerai par jour pour en extraire l'or. C'est une quantité de minerai gigantesque avec une faible teneur en or. En général on parle de 2-5 000 tonnes de minerai par jour. Les propriétaires de la minière sont d'ex-dirigeants de Cambior et d'autres compagnies qui ont pris leur expérience dans les mines à ciel ouvert en Amérique du Sud et en Afrique.

Dès le début, nous avons dit que nous ne sommes pas opposés au développement économique et à la création d'emplois mais que nous étions opposés à la façon dont la minière opère en collaboration avec la municipalité en nous informant, mais en refusant de consulter la population et sans égard pour l'impact environnemental réel et l'impact en santé publique. Nous sommes inquiets que la mine à ciel ouvert peut créer des problèmes d'alimentation en eau potable sans parler du taux de poussières dans l'air.

Nous avons été très choqués de voir la minière commencer à relocaliser les familles avant même d'avoir reçu l'autorisation du gouvernement d'exploiter la mine. Les gens devaient accepter que leur maison soit déménagée et relocalisée dans un autre quartier de Malartic ou bien que leur maison soit achetée par la compagnie avec une majoration de 20 % sur le prix du marché. Tout cela malgré que le projet n'était pas encore autorisé à l'époque. La compagnie a également entrepris la construction du moulin qui va extraire l'or du minerai brut avant que le projet ne soit autorisé. En juillet 2009, le rapport du Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE), a recommandé que le projet soit autorisé sous certaines conditions et le gouvernement Charest a donné son aval au projet en août.

LML : Quel est le point de vue et le travail du Comité maintenant que le projet a été accepté par le gouvernement du Québec ?

JS : Il y aura bien sûr de la création d'emplois avec le projet et la compagnie a payé pour le déménagement des maisons et la création d'un quartier flambant neuf et de nouvelles infrastructures. Cela est un plus pour Malartic, surtout avec la crise actuelle qui a éliminé tellement d'emplois mais notre comité de vigilance continue son travail pour s'assurer que les intérêts de la population soient défendus,

Nous disons tout d'abord que le Comité de vigilance a joué un rôle positif. Au début, par exemple, les nouvelles maisons étaient garanties pour un an seulement ( par exemple en ce qui concerne les solages) et maintenant la garantie est de cinq ans. Nous avons demandé des réunions publiques sur le projet et nous les avons obtenues. Résultat très important, nous avons joué un rôle prépondérant dans la création de la coalition provinciale Pour que le Québec ait meilleure mine.

Même si le projet est maintenant accepté, nous continuons d'exiger un débat public sur les mines à ciel ouvert et sur tout le développement minier au Québec, en particulier sur la Loi sur les mines. Cette loi date de la ruée vers l'or et elle donne tout pouvoir aux compagnies minières. Il faut l'invalider et en mettre une sur pied qui est adaptée aux années 2 000 et aux exigences d'un développement durable. Le gouvernement Charest est en train de renouveler la Loi sur les mines et nous voulons influencer le débat et le contenu de la loi.

Maintenant, il faut être bien conscient qu'une mine à ciel ouvert en plein Malartic, cela signifiera un trou énorme de 2 km de long par 800 mètres de large et 400 mètres de profondeur en pleine ville. La création de cette mine à ciel ouvert aura un effet domino. Quel est l'héritage que nous voulons laisser aux prochaines générations ? Nous demandons entre autres choses que le trou soit remblayé lorsque la mine va fermer. Nous ne voulons pas nous retrouver avec un grand trou qui sera convoité par les grandes villes pour venir y enfouir leurs déchets. Nous maintenons le lien avec les groupes environnementaux et sociaux et notre demande qu'il doit y avoir un débat sur le développement minier au Québec dans lequel tous participent.

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Amos

«L'usine de papier doit rester ouverte»

LML : Un de vos communiqués sur la lutte pour garder cette usine ouverte dit qu'elle est importante pour les travailleurs et la région. Pouvez-vous commenter ?

Gilles Chapadeau : L'usine d'Amos est la seule usine qui utilise les copeaux des usines d'AbitibiBowater à Senneterre et à Comtois. La fermeture de l'usine d'Amos aurait des répercussions sur les deux autres usines qui risqueraient elles aussi de fermer. Il y a 240 travailleurs dans l'usine d'AbitibiBowater à Amos, qui produit du papier journal. Notre approche face à l'avenir de cette usine est de créer des conditions qui la rendent moins susceptible d'être fermée par AbitibiBowater qui s'apprête à fermer encore plus d'usines au Québec qu'il n'en a déjà fermées.

Dans ce sens, nous soulevons qu'Hydro-Québec a soumissionné pour obtenir 125 megawatts d'énergie produite à partir de la biomasse. AbitibiBowater pensait être capable de produire 11 megawatts immédiatement à partir de l'usine d'Amos. Parmi les garanties exigées des soumissionnaires par le gouvernement pour les 125 mégawatts, il y avait celle que l'usine devait rester ouverte pour au moins 15 ans. Évidemment, dans la conjoncture actuelle, AbitibiBowater n'allait pas donner cette garantie et la compagnie n'a pas soumissionné. Ce que nous avons appris tout récemment, c'est que des 125 megawatts en appel d'offre, Hydro-Québec a réussi à trouver seulement 65 megawatts. Il y a donc encore de la place pour que nous puissions nous assurer que 25 megawatts soient mis de côté pour un éventuel projet impliquant l'usine d'Amos. Nous pensons qu'en produisant de l'énergie à même la biomasse, cela augmenterait les revenus de l'entreprise et contribuerait à la maintenir en vie. Advenant que l'usine ferme, cela permettrait à l'usine de garder de sa valeur en produisant de l'électricité.


Amos, 23 octobre 2009: Manifestation pour sauver
l'usine de papier. (Photo: FTQ)

Nous ne voulons pas créer une situation où tout ce que l'usine ferait c'est de produire de l'énergie. Ce que nous cherchons à faire, c'est de donner de la valeur ajoutée à l'usine pour la rendre plus difficile à fermer. Les travailleurs se sont aussi penchés là-dessus et ils pensent que l'usine a la possibilité de fabriquer du papier de plus haute qualité que le papier-journal, Pour cela, il faut des investissements mais il n'y en a pas eu dans cette usine depuis longtemps, alors elle devient plus facile à fermer. Nous disons que c'est inacceptable que nos usines de la région ferment. Allons-nous accepter que l'usine ferme et que les copeaux de la région soient envoyés ailleurs ? La production du papier-journal est en baisse, nous en sommes conscients, mais il va s'en fabriquer encore et nous voulons mettre toutes les conditions de notre bord pour que AbitibiBowater ou ses créanciers ni personne ne puissent dire que cette usine est un dinosaure et qu'elle devrait fermer. Nous vivons déjà avec des usines qui font très peu de transformation dans la région, au-delà du 2 x 4 qui est un niveau de transformation très rudimentaire. Nous cherchons à diversifier la production au lieu d'envoyer la matière première ailleurs.

Nous essayons de susciter un débat public sur la nécessité de la deuxième et troisième transformation. Un tel débat public, qui est aussi nécessaire pour le secteur forestier que le secteur minier, n'existe pas en ce moment. Ne sommes-nous pas assez intelligents pour trouver autre chose que d'envoyer nos ressources naturelles se faire développer ailleurs ? Nous sommes une région de ressources et leur économie est cyclique alors nous devons trouver comment faire pour continuer de produire et créer des conditions de stabilité pour nos gens et aussi cesser de se faire exploiter comme sur la question des redevances. Les débats doivent se faire en région.

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