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Abitibi-Témiscamingue
Les travailleurs et la population se battent
pour leurs droits et leur avenir
C'est le sentiment de beaucoup dans la région que
l'Abitibi-Témiscamingue se trouve à la croisée des
chemins. La région est magnifique et elle regorge de ressources
naturelles qui pourraient servir de base à des projets
d'édification nationale au Québec qui reconnaissent les
droits de tous. Les gens sont cependant empêchés de
prendre le contrôle de
ces ressources par des arrangements économiques et politiques
totalement désuets. Le trésor extraordinaire que
constituent ces ressources naturelles pour le peuple est
dilapidé parce que ces arrangements économiques et
politiques ne sont pas centrés sur l'être humain. Une
région-ressources devient ainsi une région privée
de ressources tant naturelles
qu'humaines par des gouvernements au service des monopoles, un
phénomène qui s'exprime de façon
particulièrement aiguë dans les conditions de la crise
économique actuelle. Les gens de la région, non seulement
les travailleurs et la population mais la région en tant que
telle, ressentent profondément l'humiliation qui vient de leur
manque de pouvoir
politique pour pouvoir changer la situation. La vieille politique, qui
promet un poids politique et des mesures qui pourraient alléger
la situation à condition que l'on vote pour tel ou tel parti, ne
fait qu'accroître cette humiliation et la banqueroute des
arrangements politiques actuels qui appliquent le droit de monopole aux
dépens du peuple. C'est cela et
bien d'autres choses encore que les travailleurs et la population
expriment quand ils se battent pour leurs droits et pour leur avenir. Le
Marxiste-Léniniste appuie totalement l'importante lutte
des travailleurs et de la population de l'Abitibi-Témiscamingue
et appelle tous les travailleurs du Canada à contribuer à
son succès.
Ce numéro du Marxiste-Léniniste contient
plusieurs articles sur la lutte des travailleurs et de la population
d'Abitibi-Témiscamingue pour leurs droits et un avenir digne de
ce nom.
Rouyn-Noranda
Nous devons tous défendre la dignité
des travailleurs de la fonderie Horne!
- Pierre Chénier* -
Tous les travailleurs, quel que soit le secteur de
l'économie dans lequel ils travaillent, qu'ils soient
syndiqués ou non, se doivent de défendre avec vigueur la
dignité des travailleurs de la fonderie Horne qui subissent des
attaques sans précédent à l'heure actuelle.
Xstrata, qui est devenue propriétaire de la
Horne après avoir acheté Falconbridge il y a quelques
années, fait régner une atmosphère dans la
fonderie qu'on ne peut qualifier autrement que de fasciste. Xstrata
continue la propagande et les mesures répressives des
propriétaires précédents, Noranda et Falconbridge,
sous le thème que
« seule la crème des travailleurs » peut
travailler à la fonderie, et elle le fait avec un cynisme et une
hypocrisie comme on en a rarement vu.
Cette atmosphère prévaut dans tous les
aspects de la vie des travailleurs, mais nulle part est-elle plus
visible que sur les questions relatives à la santé et la
sécurité des travailleurs. Le point de départ de
Xstrata sur les questions de la santé et de la
sécurité des travailleurs, c'est qu'elle doit à
tout prix se donner une image publique d'entreprise
avec un « zéro absolu » en fait
d'accidents de travail et d'infractions aux normes de
sécurité. Quand il y a des accidents et des infractions,
Xstrata fait tout pour les camoufler et pour en blâmer les
travailleurs. Xstrata criminalise les travailleurs qui se blessent ou
deviennent malades à travers un système de punitions qui
vont de l'entrevue aux
mesures disciplinaires et au congédiement.
Les travailleurs sont divisés par
équipes, et le maximum de pression est exercé sur elles
pour qu'elles dénoncent tout travailleur qui se blesse et le
dissuadent de rapporter l'accident. Cette pression comprend une
pression sociale sous la forme d'un « système de
récompenses », établi par la compagnie pour
créer de l'antagonisme
parmi les travailleurs, dans lequel les membres de l'équipe sont
encouragés à se dissuader l'un l'autre de rapporter un
accident afin d'obtenir des soupers gratuits, des certificats-cadeaux,
etc.
Xstrata a un système d'heures accumulées
qui correspondent soi-disant au nombre d'heures travaillées sans
accident. Les heures s'accumulent tant qu'on ne rapporte pas
d'accident. Quand on atteint un certain nombre d'heures, les
équipes reçoivent leurs récompenses. Si on
rapporte un accident, les récompensent cessent et le tout est
à
recommencer.
Les travailleurs rapportent que dès qu'un
d'entre eux se blesse, la pression immédiate de la compagnie est
de le blâmer et de chercher la cause de l'accident dans son
comportement. La compagnie blâme les travailleurs, les
harcèle et leur impose des mesures disciplinaires. Pendant ce
temps, Xstrata se donne une image publique d'entreprise
où tout marche bien et où les problèmes d'antan,
attribués à la lutte militante des travailleurs à
la défense de leurs droits, ont été résolus
et les « fauteurs de troubles » mis à leur
place.
Ce système absurde de récompenses aggrave
encore la situation parce que les travailleurs sont appelés
à s'espionner l'un l'autre et à se décourager l'un
l'autre de déclarer des blessures ou des accidents pour ne pas
perdre le flot des heures « sans accident ».
Résultat : de plus en plus de travailleurs ne rapportent
pas
l'accident, ne vont pas à l'infirmerie ou dans les
établissements de santé quand ils se blessent parce
qu'ils ne veulent pas avoir de troubles non seulement avec la compagnie
mais aussi avec les autres travailleurs. Le résultat c'est que
les accidents et les blessures existent toujours mais ils ne sont pas
rapportés et une culture du silence et du masquage des
problèmes infiltre la place et cela la rend encore plus
dangereuse et non sécuritaire que jamais. La résistance
des travailleurs à cette atmosphère pourrie est en train
de grandir, fidèle à l'expérience des travailleurs
de la Horne selon laquelle la façon de défendre leur
santé et leur sécurité est de s'unir dans la
lutte collective à la défense de tous les
travailleurs et pour leur droit à des conditions de travail
saines et sécuritaires.
Quand aux infractions aux normes de
sécurité, Xstrata est totalement pragmatique et elle se
fout du bien-être des travailleurs. Dans la perspective
centrée sur le capital d'Xstrata, les règles de
santé et de sécurité sont strictement une affaire
de production et de profits. C'est pourquoi elle utilise la question de
la santé et de la sécurité en
attaquant et criminalisant les travailleurs, tout en violant
elle-même les règles de santé et de
sécurité afin de pousser la production et de sortir le
plus de cuivre possible.
Dans la situation qui prévaut à la Horne,
n'importe quoi peut arriver et personne n'est en sécurité
parce que la place est empoisonnée par une philosophie et des
pratiques antiouvrières et antihumaines, ce qui est encore pire
que les émanations toxiques. Xstrata ne cache pas que son ennemi
est la lutte de résistance indépendante et
organisée
des travailleurs à la défense de leurs
intérêts, qui sont diamétralement opposés
à ceux d'un monopole minier comme Xstrata. Elle veut imposer un
système selon lequel les intérêts de Xstrata sont
déclarés l'intérêt commun et où toute
lutte de résistance collective des travailleurs est
considérée comme une source de troubles qui doit
être criminalisée. Elle se
pense tout permis et se donne le droit publiquement de
réécrire la convention collective lorsqu'elle
prétend par exemple que le système de punitions pour une
première infraction à la sécurité est une
suspension de 5 jours, puis de 30 jours pour une deuxième
infraction et un congédiement à vie pour une
troisième infraction. La convention dit qu'après la
deuxième infraction, le dossier des infractions s'efface si le
travailleur n'en commet pas pendant 9 mois mais pour la compagnie ce ne
sont que des mots qui ne veulent rien dire.
Xstrata croit qu'elle peut faire fi des contradictions
objectives du système économique actuel qui mettent
inévitablement la santé et la sécurité des
travailleurs en péril et qu'elle peut contrôler la
situation en
camouflant les problèmes et en punissant les travailleurs
à son gré. Elle se pense au contrôle avec son
système de punitions et de récompenses, avec
les radars et les caméras qu'elle a installés partout et
avec ses collaborateurs qui ne cachent pas qu'ils sont là pour
espionner les travailleurs. Tout cela fait partie d'un effort pour
créer un régime de terreur dans la place. Les
déclarations continuelles des contremaîtres et des cadres
à l'effet « qu'on n'a pas le choix, les ordres
viennent directement
des quartiers-généraux de la compagnie » font
aussi partie de ce modus operandi. Les travailleurs vivent
avec une bombe à retardement parmi eux. Toute la fierté
accumulée au fil des années à l'effet que la
fonderie est une place où les travailleurs défendent
leurs droits, une fierté qui avait même
gagné le respect de certains
contremaîtres et cadres, est aujourd'hui remise en question.
Toute l'histoire de la place montre que les
travailleurs ont pu améliorer leurs conditions de vie et de
travail, notamment en matière de santé et de
sécurité, quand ils ont reconnu avoir des
intérêts bien à eux qui sont aussi ceux de la
société. C'est dans ces conditions qu'ils ont
été capables d'améliorer leurs conditions de
santé et de sécurité et
celles de toute la population en forçant la compagnie à
reculer et à consentir des trêves qui ont
amélioré les conditions de vie et de travail et que les
travailleurs ont pu maintenir pendant un certain temps au prix d'une
grande vigilance.
Le régime qui prévaut actuellement est la
continuation directe de celui que la Noranda a essayé
d'instaurer quand elle était propriétaire et surtout
pendant la grève de 2002 où elle a réussi à
imposer des changements régressifs concernant
l'ancienneté et toute la question de la mobilité de la
main-d'oeuvre. Elle a dit aux travailleurs que la
survie de la place était liée à la réussite
ou à l'échec des propriétaires à n'avoir
que la « crème de la crème » des
travailleurs dans son usine. Un harcèlement systématique
a immédiatement suivi, avec des mises a pied et des
congédiements de travailleurs, surtout parmi les plus
âgés, et des mesures comme les soi-disant tests d'aptitude
et de
compétence qui ont déclaré incompétents des
travailleurs qui pourtant faisaient leur travail depuis 20-30 ans.
Avec la hausse des prix du cuivre sur les
marchés mondiaux, de nombreux travailleurs ont été
rappelés mais l'objectif de n'avoir dans la place que
« la crème de la crème » a
été proclamé et reproclamé avec emphase et
maintenant de façon complètement frénétique
par Xstrata. Les travailleurs se font maintenant dire que bientôt
ce ne seront plus seulement leurs aptitudes et leurs compétences
qui seront évaluées mais leur comportement et leur
attitude, comme on le fait chez Walmart. Peut-être les
forcera-t-on à commencer leur quart de travail avec une petite
chanson sur les beautés du cuivre, de l'acide sulfurique, du
béryllium et de l'arsenic !
Après une période de choc depuis la
grève de 2002-2003, les travailleurs de la Horne se regroupent
et veulent rétablir leur tradition de lutte collective
déterminée à la défense de leurs
intérêts. Il faut saluer cette résistance et
encourager ces efforts par tous les moyens possibles. Tous doivent
défendre la dignité des travailleurs de la Horne,
non seulement parce qu'il faut défendre tous les travailleurs
qui sont attaqués mais parce que les travailleurs de la Horne
ont mené une lutte acharnée à la défense
des conditions de santé et de sécurité des
travailleurs et des populations des régions minières. Ils
l'ont fait sous la menace constante de fermeture et avec grand courage.
C'est en grande partie
grâce à eux que l'air de Rouyn-Noranda, ville
minière, est encore respirable aujourd'hui et que des maladies
industrielles liées aux émanations toxiques sont
reconnues comme telles aujourd'hui.
Appuyons la lutte des travailleurs de la fonderie Horne
pour leurs droits !
Entrevue
- Marc Bouchard, coordonnateur de
l'Association des travailleuses
et des travailleurs accidentés de l'Abitibi-Témiscamingue
(ATTAAT) -
LML : Vous faites état, dans
un de vos communiqués, de recrudescence d'activités de
harcèlement et d'intimidation de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail (CSST) contre
les travailleurs accidentés. Pouvez-vous élaborer ?
Marc Bouchard : C'est important de placer
les choses dans leur contexte. Depuis janvier, beaucoup de membres font
état de harcèlement et d'intimidation de la part des
agents de la CSST, d'appels téléphoniques à
répétition, de menaces de coupures de leurs
indemnités s'ils ne se présentent pas à leur
rendez-vous ou sont en retard, etc.
Nous vivons une situation où des travailleurs et travailleuses
accidentés qui reçoivent des indemnités les
perdent tout à coup, puis les regagnent un mois plus tard par
exemple. Ils reçoivent un appel téléphonique d'un
agent de la CSST qui leur dit qu'ils sont coupés, puis la
coupure est confirmée par lettre. On leur dit qu'ils n'ont pas
prouvé qu'ils sont
encore inaptes à travailler, qu'ils n'ont pas rempli certains
formulaires et autres choses du genre qui sont souvent des inventions.
Ils se font couper puis tout à coup dans certains cas les
indemnités reprennent. La CSST a tous les pouvoirs et elle se
permet d'abuser de ses pouvoirs.
Les travailleurs accidentés se retrouvent dans
une situation très vulnérable et cela affecte tous les
aspects de leur vie, y compris leur condition psychologique. Souvent
ils sont frappés par le désespoir. J'ai vécu un
cas où la personne était si
désespérée que si elle avait eu un fusil en sa
possession ou un objet contondant je ne serais pas là pour
vous parler aujourd'hui. Il y a des gens qui nous appellent pour nous
dire qu'ils ne sont plus capables de continuer, qu'ils pensent à
mettre fin à leurs jours.
Tout cela est relié au processus qui entoure la
relation des travailleurs accidentés avec la CSST. Il faut
garder en tête que les travailleurs accidentés sont
souvent dans un état de grande douleur physique et qu'ils
n'obtiennent pas les soins requis parce que la CSST traite les
accidentés du travail comme une réclamation plutôt
que des êtres
humains. Les gens ne sont pas soignés adéquatement parce
qu'ils sont engagés dans un processus de contestation
après contestation. Par exemple, ils se présentent devant
le Bureau de l'évaluation médicale (BEM), qui est
contrôlé par les employeurs. Ils se font dire que leur
médecin traitant n'y connaît rien et souvent les
médecins du BEM annulent les
traitements ordonnés par le médecin traitant. Selon nous,
le médecin traitant est celui qui est le plus apte parmi les
médecins à pouvoir faire un diagnostic sur la maladie du
travailleur accidenté. Mais l'avis des médecins traitants
est ouvertement contesté par le BEM. À l'ATTAAT, nous
disons que la CSST et le BEM traitent plus la réclamation que le
patient. Des pressions continuelles sont faites par le BEM et la CSST
pour forcer les travailleurs accidentés à retourner au
travail sans qu'ils soient prêts et aient reçu le
traitement approprié. Il y a des travailleurs qui finissent par
démissionner dans le cours du processus et retournent travailler
sans y être prêts. Ils sortent alors du système mais
leur
condition s'aggrave et ils doivent reprendre tout le processus. C'est
inhumain, tordu et cruel. C'est de la cruauté envers les
êtres humains.
Tout cela doit être mis dans son contexte. La
direction régionale de la CSST à Rouyn-Noranda dit
ouvertement que cela va être de plus en plus difficile pour les
accidentés du travail de la région d'obtenir une
compensation et les soins nécessaires. La CSST veut tout faire
pour les retourner au travail sans s'assurer que les conditions soient
prêtes. Quand les travailleurs se font refuser la compensation et
les soins, c'est la dépression qui s'en mêle,
l'alcoolisme, la violence, l'aggravation des problèmes conjugaux.
Certains professionnels agissent de manière
totalement irrespectueuse envers l'accidenté du travail. Ce
qu'on remarque, c'est que les travailleurs accidentés, qui sont
déjà très pauvres, deviennent de plus en plus une
source de revenus pour certains professionnels. La CSST paie des
montants exorbitants pour référer des travailleurs
accidentés à
leurs médecins à eux plutôt que d'accepter le
verdict des médecins traitants. On observe que les travailleurs
accidentés doivent de plus en plus dépenser des montants
de leur poche pour se faire soigner ou se faire représenter.
Plusieurs services médicaux n'existent pas ou n'existent plus
dans la région. Les travailleurs accidentés qui
contestent des décisions
qui les privent de compensation ou de soins demandent souvent une
contre-expertise, par exemple, et il est courant qu'ils doivent payer
de leurs poches les frais de transport pour se rendre là
où les
soins sont disponibles et parfois même pour l'expertise
médicale.
Des recherches ont montré que
l'Abitibi-Témiscamingue est, avec la Mauricie, la région
du Québec où les accidentés du travail perdent le
plus grand nombre de causes devant la CSST. Au Québec, les
accidents du travail sont devenus totalement judiciarisés. C'est
de la contestation après contestation, un processus sans fin et
ce sont les
travailleurs les plus vulnérables qui sont pris dans cet
engrenage.
Entrevue
- Jules Lemieux, travailleur
accidenté -
LML : Les assauts contre la
dignité et le bien-être des travailleurs accidentés
de la part de la CSST sont constants et en hausse. Pouvez-nous
brièvement nous présenter votre cas ?
Jules Lemieux : J'ai eu mon accident de
travail en mai 2007. J'étais camionneur-livreur et je suis
tombé entre le camion et le débarcadère lorsque je
livrais des sacs postaux à un bureau de poste. J'ai un
diagnostic complexe : ménisque du genou gauche
arraché, ligament croisé postérieur
arraché, entorses à la hanche et lombaires
et tumeur dorsale. Mon cas s'est encore aggravé lorsque suite
à mon accident j'ai développé des problèmes
d'oreille interne qui me rendent tout étourdi et me font parfois
perdre connaissance. C'est un diagnostic bien documenté
établi par des médecins mais mon histoire est celle de
tant de travailleurs accidentés qui font face à la CSST
et aux médecins du
BEM qui contestent systématiquement ces diagnostics dans le but
inhumain de refuser de nous payer la compensation qui nous est due en
vertu de notre situation.
Dans mon cas, suite à l'accident, la CSST m'a
refusé huit fois pendant la première année sous
toutes sortes de raisons qui ne tiennent pas. Ils m'ont même
refusé une fois parce qu'ils s'étaient trompés de
dossier. Ils ne voulaient pas payer, point final. J'ai réussi
à obtenir des paiements de compensations de temps en temps, qui
ont été
coupés, puis parfois repris quand j'ai contesté la
décision de me couper. Sur une période de deux ans et
quelque, je pense avoir reçu des paiements de compensation
pendant à peine huit mois. J'ai fait une rechute en août
2007 et le médecin à ce moment-là m'a prescrit
d'arrêter de travailler pour une période
indéterminée. Préalablement à cela, j'avais
continué de travailler en dépit de ma condition parce que
la CSST me refusait tout paiement. Suite à ma rechute, je suis
allé voir un spécialiste et ma situation était
devenue si sérieuse que le spécialiste m'a
opéré pour le genou le lendemain de ma visite.
Malheureusement, après l'opération, j'avais encore plus
mal qu'avant. Les agents de la CSST m'ont
néanmoins demandé de retourner au travail, sans
même que j'aie eu de la physio. Ils m'ont présenté
assignation après assignation à retourner au travail. Mon
médecin n'était pas d'accord. On m'a envoyé au
BEM et j'ai été coupé absolument sans raison.
J'avais beau leur dire que je venais juste d'être
opéré, que je n'étais pas en état de
travailler, cela
tombait dans l'oreille d'un sourd. J'ai la preuve que la CSST a
ordonné que mon dossier soit fermé. Je l'ai entendu
moi-même de vive voix. L'idée qu'ils ont toujours c'est de
nous faire passer pour des fraudeurs et des abuseurs du système.
Ils m'ont coupé. Même ma physio, qui m'avait finalement
été accordée, a été coupée.
Je devais avoir huit semaines
de physio, j'en ai eues trois. J'ai porté plainte à la
direction régionale des plaintes et plutôt que de me
défendre on m'a dit que je ne serais jamais plus éligible
à des paiements de compensation.
Je continue de me battre parce que j'ai droit à
ces prestations. Ce n'est pas ma faute si j'ai eu cet accident de
travail et si ma situation s'est aggravée. Avec la CSST, c'est
contestation après contestation. Ils nous coupent sous n'importe
quelle raison et nous devons alors contester sans cesse. C'est
tellement absurde qu'à un moment donné, ils
sont passés par-dessus mon médecin pour ordonner des
examens pour le coeur même si rien dans mon dossier indique que
j'ai des problèmes avec le coeur. L'idée était de
prétendre que mes problèmes d'oreille interne et de perte
de connaissance n'avaient rien à voir avec mon accident de
travail.
Présentement, je travaille avec mon avocat pour
les forcer à me payer ce qui m'est dû.
Au sujet du Bureau d'évaluation médicale
(BEM)
Le processus entourant la demande des travailleurs
accidentés pour des paiements de compensation les oblige
à se soumettre à des expertises médicales
commandées par leur employeur et par la CSST et à
comparaître devant un médecin du Bureau
d'évaluation médicale (BEM). Suite à ce processus,
les travailleurs et les travailleuses voient très souvent
la CSST mettre fin aux traitements prescrits par leur médecin
traitant ainsi qu'au versement de leur indemnité de remplacement
de revenu. L'opinion du médecin traitant est renversée
par le BEM plus de trois fois sur quatre.
Lors d'une manifestation organisée l'an dernier
à l'occasion de l'Halloween, l'Union des travailleurs et
travailleuses accidenté-e-s de Montréal (UTTAM) a
dénoncé comme étant une mascarade le processus
d'évaluation médicale en vigueur à la CSST. Des
milliers de victimes d'accidents et de maladies du travail sont
forcées de se présenter
à la demande de leur employeur ou de la CSST. La manifestation
avait rappelé que ce processus a été
décrié depuis longtemps par les travailleurs
accidentés et a aussi été unanimement
critiqué par les députés d'une commission
parlementaire dont le rapport a été déposé
au ministre du Travail il y a près de deux ans.
« Le BEM, c'est le département des
miracles ; on a vu des gens entrer au BEM avec des hernies
discales prouvées cliniquement et radiologiquement et sortir de
là, 15 minutes plus tard, avec une entorse
lombaire », avait alors déclaré Roch Lafrance,
porte-parole de l'UTTAM. « Une fois la décision
rendue par la
CSST, l'accidenté peut contester mais cela interrompt tout de
même ses traitements ainsi que ses indemnités.
Après 1 an ou 2 d'attente, les personnes qui ont contesté
un avis du BEM devant la Commission des lésions professionnelles
verront cet avis renversé plus de 2 fois sur 3. »
La manifestation avait aussi dénoncé le
BEM pour le lieu de patronage médical qu'il constitue. Selon les
données obtenues du ministère du Travail, une dizaine de
médecins a réalisé plus de 45 % de toutes les
évaluations depuis 10 ans. La manifestation avait
dénoncé le fait qu'il y a une poignée de
médecins privilégiés, « les
amis du régime », qui font partie du club des
millionnaires du BEM, ajoutant que cet
« à-côté » fort lucratif
s'ajoute aux revenus qu'ils tirent de leur pratique en centre
hospitalier ou en clinique privée.
« Dans un contexte de pénurie des
ressources médicales, il est incompréhensible que des
médecins passent des dizaines de milliers d'heures annuellement
à s'enrichir en contestant des rapports médicaux
plutôt qu'à soigner des patients », avait
ajouté Roch Lafrance.
Les manifestants avaient demandé au ministre du
Travail de transformer en profondeur ce régime médical en
réclamant l'abolition du BEM, l'abolition des pouvoirs de
contestation des employeurs en matière médicale et la
modification des pouvoirs de contrôle de la CSST dans cette
même matière.
Val-d'Or
Les travailleurs de la mine Sigma réclament
les montants qui leur sont dûs
Du 19 au 23 octobre, les travailleurs de la mine
Sigma-Lamaque à Val-d'or ont manifesté devant
l'entrée de la mine pour réclamer le paiement de leurs
salaires et d'autres montants qui leur sont maintenant dûs depuis
15 mois. Les propriétaires de la mine, la compagnie
minière américaine Century Mining, ont fermé la
mine en juillet 2008 en
invoquant leur impossibilité de rencontrer divers paiements. La
mine est restée inactive et pendant plus de 15 mois les 150
travailleurs ont réclamé plus d'un million de dollars en
salaires non payés de même qu'en cotisations syndicales,
épargne annuelle, fonds de pension, bonus et préavis de
licenciement. Le 3 novembre, les travailleurs ont finalement
reçu leurs salaires et leur bonus et les autres montants leur
sont toujours dûs. Les médias de la région
rapportent aussi que la compagnie doit plus de 250 000 $ en taxes
à la ville de Val-d'Or.
Pendant cinq jours, les travailleurs se sont
relayés devant l'entrée de l'usine pour exiger le
paiement des sommes qui leur sont dues. Les travailleurs ont
décidé de manifester devant l'entrée de l'usine
après avoir appris qu'une compagnie était sur le site
pour faire du forage. Pendant deux jours, les travailleurs ont
bloqué l'accès de la mine à
la compagnie de forage. « On les a empêchés de
rentrer pendant deux jours », a confié au Marxiste-Léniniste
Michel St-Yves, le secrétaire du Syndicat des
employés de la mine Sigma. « On a été
capable de les empêcher d'entrer sur le site pendant deux jours,
mais depuis avant-hier ils viennent à bout de passer sous la
clôture ou par-dessus la clôture C'est grand ici alors il y
a bien des endroits pour passer. Nous étions supposés
être payés aujourd'hui. Le directeur est venu nous
rencontrer et il nous a dit que la compagnie était près
de signer une entente de financement de 5.3 millions $
auprès de financiers après quoi nous serons payés.
Il nous a dit que la
patronne américaine nous offrait des beignes et du
café. » Les travailleurs ont
persévéré dans leurs actions, affirmant que
« si Century Mining a de l'argent pour du forage, elle a de
l'argent pour nous payer. » Suite aux actions des
travailleurs, la minière a finalement cessé d'essayer de
faire entrer la compagnie de forage.
Les travailleurs et la population sont
extrêmement choqués par les manigances de la compagnie
minière qui leur a promis pendant des mois de les payer et leur
a même donné des dates où les paiements
étaient supposés être faits mais rien ne se passait
et cela pendant quinze mois. Environ 80 % des travailleurs ont
dû se trouver de
l'emploi ailleurs et les autres 20 % doivent survivre avec
l'assurance-emploi ou l'assistance sociale. Les travailleurs et la
population sont aussi choqués de l'inaction complète du
gouvernement provincial qui a bien quelques mots de blâme pour la
compagnie minière mais n'a absolument rien fait pour la forcer
à payer les travailleurs.
Les travailleurs sont particulièrement
choqués du manque total de recours légaux prévus
par les lois du travail dans une situation comme la leur.
« Tout ce que la loi nous donne comme recours légal,
c'est de faire des griefs contre la compagnie. Tout cela va prendre des
années et au bout du compte le tribunal du travail va
probablement dire que la compagnie se doit de nous payer mais il n'y a
rien dans la loi qui les force à payer », a dit au Marxiste-Léniniste
Robert Marcoux, le président du Syndicat des
employés de la mine Sigma. « Les lois ne sont pas
assez sévères et elles n'ont pas de dents. Si nous on
agissait comme Century Mining, ça fait
longtemps que nous serions en prison. La mine a un grand potentiel
mais tant que les lois ne seront pas plus sévères, nous
serons confrontés à de telles situations. Nous avons ici
une compagnie qui accumule de la richesse à même nos
richesses naturelles puis elle envoie cette richesse ailleurs et nous
n'avons aucun contrôle là-dessus. »
Malartic
Un appel à un débat public
sur le développement minier au Québec
- Entrevue: Jacques Saucier, porte-parole
du Comité de vigilance de Malartic -
LML : Pouvez-nous nous dire dans
quelles circonstances est né le Comité de vigilance de
Malartic ?
Jacques Saucier : Le comité a
été créé en août 2007 suite à
l'annonce que la compagnie minière Osisko va creuser une mine
à ciel ouvert en pleine ville de Malartic et déplacer 200
maisons familiales. Nous avons alors tenu une assemblée publique
à Malartic où nous avons pu voir l'inquiétude
manifestée par une partie importante de
la population et, suite à l'assemblée, nous avons
fondé le comité et débuté nos
activités. Nous avons interpellé la compagnie et nous
avons interpellé la municipalité également qui
avait donné à la minière l'autorisation de forer,
ce qui avait choqué beaucoup de gens notamment à cause du
bruit et des émanations de carburant. La municipalité et
la minière
ont alors mis sur pied un groupe de consultation de la
communauté qui selon nous était un simple organe
d'information de la compagnie. Nous étions informés par
ce groupe des activités de la minière et de la
municipalité mais nous n'étions pas consultés. En
février 2008, une coalition provinciale s'est formée, la
coalition Pour que le Québec ait meilleure
mine, qui réclame un débat public sur tout le
développement minier au Québec, surtout en ce moment
où le gouvernement Charest prépare une réforme de
la Loi sur les mines. Par notre travail, nous avons été
un peu la bougie d'allumage de la coalition provinciale parce que notre
exemple montre de façon concrète le pouvoir que la Loi
sur les mines
donne aux minières sur les populations, comme celui de les
déplacer sans les consulter. Le projet d'Osisko à
Malartic est un projet de mine d'or à ciel ouvert qui va
extraire 55 000 tonnes de minerai par jour pour en extraire l'or. C'est
une quantité de minerai gigantesque avec une faible teneur en
or. En général on parle de 2-5 000 tonnes de minerai par
jour. Les propriétaires de la minière sont
d'ex-dirigeants de Cambior et d'autres compagnies qui ont pris leur
expérience dans les mines à ciel ouvert en
Amérique du Sud et en Afrique.
Dès le début, nous avons dit que nous ne
sommes pas opposés au développement économique et
à la création d'emplois mais que nous étions
opposés à la façon dont la minière
opère en collaboration avec la municipalité en nous
informant, mais en refusant de consulter la population et sans
égard pour l'impact environnemental réel et l'impact en
santé publique. Nous sommes inquiets que la mine
à ciel ouvert peut créer des problèmes
d'alimentation en eau potable sans parler du taux de poussières
dans l'air.
Nous avons été très choqués
de voir la minière commencer à relocaliser les familles
avant même d'avoir reçu l'autorisation du gouvernement
d'exploiter la mine. Les gens devaient accepter que leur maison soit
déménagée et relocalisée dans un autre
quartier de Malartic ou bien que leur maison soit achetée par la
compagnie avec une
majoration de 20 % sur le prix du marché. Tout cela
malgré que le projet n'était pas encore autorisé
à l'époque. La compagnie a également entrepris la
construction du moulin qui va extraire l'or du minerai brut avant que
le projet ne soit autorisé. En juillet 2009, le rapport du
Bureau
des audiences publiques sur l'environnement (BAPE), a
recommandé que le projet soit autorisé sous certaines
conditions et le gouvernement Charest a donné son aval au projet
en août.
LML : Quel est le point de vue et
le travail du Comité maintenant que le projet a
été accepté par le gouvernement du
Québec ?
JS : Il y aura bien sûr de la
création d'emplois avec le projet et la compagnie a payé
pour le déménagement des maisons et la création
d'un quartier flambant neuf et de nouvelles infrastructures. Cela est
un plus pour Malartic, surtout avec la crise actuelle qui a
éliminé tellement d'emplois mais notre comité de
vigilance continue son
travail pour s'assurer que les intérêts de la population
soient défendus,
Nous disons tout d'abord que le Comité de
vigilance a joué un rôle positif. Au début, par
exemple, les nouvelles maisons étaient garanties pour un an
seulement ( par exemple en ce qui concerne les solages) et maintenant
la garantie est de cinq ans. Nous avons demandé des
réunions publiques sur le projet et nous les avons obtenues.
Résultat très important, nous avons joué un
rôle prépondérant dans la création de la
coalition provinciale Pour que le Québec ait meilleure mine.
Même si le projet est maintenant accepté,
nous continuons d'exiger un débat public sur les mines à
ciel ouvert et sur tout le développement minier au
Québec, en particulier sur la Loi sur les mines. Cette loi date
de la ruée vers l'or et elle donne tout pouvoir aux compagnies
minières. Il faut l'invalider et en mettre une sur pied qui est
adaptée aux années 2 000 et aux exigences d'un
développement durable. Le gouvernement Charest est en train de
renouveler la Loi sur les mines et nous voulons influencer le
débat et le contenu de la loi.
Maintenant, il faut être bien conscient qu'une
mine à ciel ouvert en plein Malartic, cela signifiera un trou
énorme de 2 km de long par 800 mètres de large et 400
mètres de profondeur en pleine ville. La création de
cette mine à ciel ouvert aura un effet domino. Quel est
l'héritage que nous voulons laisser aux prochaines
générations ?
Nous demandons entre autres choses que le trou soit remblayé
lorsque la mine va fermer. Nous ne voulons pas nous retrouver avec un
grand trou qui sera convoité par les grandes villes pour venir y
enfouir leurs déchets. Nous maintenons le lien avec les groupes
environnementaux et sociaux et notre demande qu'il doit y avoir un
débat sur le
développement minier au Québec dans lequel tous
participent.
Amos
«L'usine de papier doit rester ouverte»
- Entrevue: Gilles Chapadeau, conseiller
régional de la FTQ -
LML : Un de vos communiqués
sur la lutte pour garder cette usine ouverte dit qu'elle est importante
pour les travailleurs et la région. Pouvez-vous commenter ?
Gilles Chapadeau : L'usine d'Amos est la
seule usine qui utilise les copeaux des usines d'AbitibiBowater
à Senneterre et à Comtois. La fermeture de l'usine d'Amos
aurait des répercussions sur les deux autres usines qui
risqueraient elles aussi de fermer. Il y a 240 travailleurs dans
l'usine
d'AbitibiBowater à Amos, qui produit du papier journal. Notre
approche face à l'avenir de cette usine est de créer des
conditions qui la rendent moins susceptible d'être fermée
par AbitibiBowater qui s'apprête à fermer encore plus
d'usines au Québec qu'il n'en a déjà
fermées.
Dans ce sens, nous soulevons qu'Hydro-Québec a
soumissionné pour obtenir 125 megawatts d'énergie
produite à partir de la biomasse. AbitibiBowater pensait
être capable de produire 11 megawatts immédiatement
à partir de l'usine d'Amos. Parmi les garanties exigées
des soumissionnaires par le
gouvernement pour les 125 mégawatts, il y avait celle que
l'usine devait rester ouverte pour au moins 15 ans. Évidemment,
dans la conjoncture actuelle, AbitibiBowater n'allait pas donner cette
garantie et la compagnie n'a pas soumissionné. Ce que nous avons
appris tout récemment, c'est que des 125 megawatts
en appel d'offre, Hydro-Québec a réussi à trouver
seulement 65 megawatts. Il y a donc encore de la place pour que nous
puissions nous assurer que 25 megawatts soient mis de côté
pour un éventuel projet impliquant l'usine d'Amos. Nous pensons
qu'en produisant de l'énergie à même la biomasse,
cela augmenterait
les revenus de l'entreprise et contribuerait à la maintenir en
vie. Advenant que l'usine ferme, cela permettrait à l'usine de
garder de sa valeur en produisant de l'électricité.