Numéro 1
Janvier 2025
Le traumatisme du Canada face aux menaces
de tarifs douaniers
• Le spectacle honteux d'une course effrénée pour apaiser Trump
• Le dilemme
existentiel des élites canadiennes:
unies elles échouent, désunies elles échouent
• Que vaut la promesse de Legault de «protéger les Québécois»?
• Les producteurs laitiers de l'Ontario font valoir la nécessité de protéger la gestion de l'offre
De la presse du Parti
2017
• Les arguments sur le commerce ne doivent pas servir à nier le besoin de renouveau!
1995
• Pourquoi la classe ouvrière doit devenir elle-même la nation
Le traumatisme du Canada face aux menaces de tarifs douaniers
Le spectacle honteux d'une course effrénée pour apaiser Trump
Certains ministres et responsables des gouvernements fédéral et provinciaux seraient à Washington pour tenter d'éviter les tarifs douaniers qui, selon l'administration Trump, seront imposés le 1er février. Les frasques de ceux qui courent dans tous les sens n'ont aucun effet sur Trump et n'éclairent en rien les Canadiens sur la question des tarifs douaniers. Les opinions de ces personnalités publiques sont confuses et elles ne se sentent apparemment pas obligées de dire aux Canadiens la vérité sur le commerce international. Elles bombardent tout le monde d'inepties pour masquer les objectifs intéressés de leur politique.
Radio-Canada indique que lors de
son audience de confirmation devant le Sénat américain, Howard
Lutnick, le candidat de Trump au poste de secrétaire au
Commerce, qui sera responsable de la mise en oeuvre de la
politique tarifaire, a dit qu'il y aurait deux phases aux
tarifs, la première étant une mesure d'urgence le 1er février
pour faire face à la crise du fentanyl. Lors d'un échange avec
le sénateur du Michigan Gary Peters, Lutnick a dit que les
laboratoires de drogue au Canada étaient gérés par les cartels
mexicains et que le Canada doit fermer la frontière au fentanyl
en direction des États-Unis.
Radio-Canada ne pose pas la question évidente : quel rapport y a-t-il entre l'importation de fentanyl illicite et les tarifs douaniers ? Il s'agit de choses qui concernent les mouvements transfrontaliers, mais la similitude s'arrête là. Aucune de ces personnalités publiques ne tente d'expliquer pourquoi une répression plus stricte du trafic transfrontalier de stupéfiants serait un bon plan pour éviter les tarifs douaniers.
Les détails de la deuxième phase ne sont pas connus. Cependant, Lutnick a clairement indiqué que les États-Unis envisagent un large éventail d'options tarifaires qui seront éclairées par une étude que Donald Trump a commandée et qui sera terminée d'ici le 1er avril. Lutnick a dit qu'il y aura des « comptes à régler avec le Canada » et il a mentionné plus particulièrement les produits laitiers et la construction automobile. L'objectif, a-t-il dit, est de ramener la construction automobile du Canada et du Mexique aux États-Unis. Il a également indiqué qu'il préférait les tarifs généralisés et non pas secteur par secteur.
Les questions fondamentales concernant le commerce entre le Canada et les États-Unis sont les suivantes :
À qui appartiennent les exportateurs qui risquent d'être affectés par les tarifs douaniers sur les marchandises exportées vers les États-Unis ? S'agit-il d'entreprises canadiennes ou de succursales de sociétés américaines? Qui, exactement, bénéficierait des tarifs douaniers ? Et qui paie ?
Quel est l'état de la balance commerciale des marchandises entre le Canada et les États-Unis, en général et dans des secteurs spécifiques ? S'agit-il, comme le dit Trump, d'un énorme déséquilibre en faveur du Canada ? Même si c'est le cas, quelle est la part des exportations du Canada qui concerne le pillage de ressources naturelles non transformées et quelle est la part des produits manufacturés ?
Comment la balance commerciale des marchandises se compare-t-elle au déséquilibre du compte des services ? L'énorme montant de la dette publique envers les investisseurs étrangers pèse lourdement sur les ressources disponibles pour les services aux Canadiens.
Sans connaissance de ces aspects importants de l'enjeu du commerce, les Canadiens sont laissés sans défense et incapables de se forger une opinion cohérente. C'est ce qu'illustrent les comptes rendus des médias sur ce que font diverses personnalités publiques dans les dernières heures avant l'imposition par Trump, prévue pour le 1er février, de tarifs douaniers sur les marchandises en provenance du Canada et entrant aux États-Unis.
Selon un reportage de CBC News : « Les responsables
d'Ottawa ont contacté divers homologues américains, dont M.
Lutnick, et n'ont entendu que peu de choses qui les ont
rassurés. Une réponse qu'ils ont reçue à plusieurs reprises :
ils doivent convaincre personnellement Trump avec des preuves
directes des mesures de sécurité prises par le Canada. À cette
fin, les responsables canadiens ont rassemblé des séquences
vidéo pour illustrer les efforts visant à décourager les
mouvements illicites à travers la frontière ; ils ont envoyé ces
images à leurs homologues américains au cours des dernières
semaines, y compris un hélicoptère atterrissant dans la neige. »
Le niveau du discours politique est rabaissé en rendant tout personnel, épisodique, sa pertinence et son objectif occultés, comme le montrent ces reportages.
Le reportage de CBC News poursuit : « Certains premiers ministres provinciaux sont également impliqués : mercredi, la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, a déclaré qu'elle avait invité une équipe de Fox News à la frontière à Coutts, en Alberta, pour voir les mesures de contrôle aux frontières sur place et a promis des actions supplémentaires de la police provinciale. »
L'ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, a déclaré : « L'administration est pleinement informée des mesures prises par le Canada à la frontière... Mais comme l'a dit M. Lutnick dans son témoignage, l'administration veut voir si le Canada met en oeuvre son plan. C'est le cas. Nous disposons de nouveaux équipements, notamment des hélicoptères et du matériel de surveillance, qui sont en cours de déploiement. Nous mettons sur pied une force de frappe canado-américaine pour lutter contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants. Nous avons réduit de 89 % les déplacements illégaux du Canada vers les États-Unis au cours des derniers mois. Nous présentons tous ces résultats et bien plus encore à l'administration américaine. »
Les médias rapportent également que le ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, s'est rendu à Washington le 30 janvier pour rencontrer des responsables américains afin de les mettre au courant de la situation en matière de sécurité aux frontières. McGuinty aurait déclaré aux journalistes que le Canada partage activement des vidéos avec les États-Unis pour montrer le personnel de l'Agence des services frontaliers du Canada et les agents de la GRC au travail le long de la frontière. Radio-Canada a dit que la vidéo n'a pas été rendue publique, mais elle présente les nouveaux équipements et les mesures de sécurité détaillées dans le plan de 1,3 milliard de dollars du Canada, qui comprend la location de deux hélicoptères Blackhawk des États-Unis et de 60 drones, ainsi que de nouvelles équipes de surveillance mobiles et de nouvelles unités canines capables de renifler le fentanyl et de suivre les itinéraires empruntés par les migrants.
En d'autres termes, le Canada continue de concilier avec les violations des droits fondamentaux des migrants, des immigrants et des réfugiés et du droit international par les États-Unis au nom de la guerre contre la drogue, malgré tous les rapports qui confirment l'implication de la CIA dans le trafic de drogue pour financer des groupes contre-révolutionnaires en vue de renverser des gouvernements. La « guerre contre la drogue » est une couverture bien connue pour commettre des crimes contre l'humanité de multiples façons.
Le 30 janvier également, un article de la ministre fédérale des Transports et du Commerce intérieur, Anita Anand, a été publié dans le Toronto Star, dans lequel elle réclame l'élimination des barrières interprovinciales au commerce. Au mépris complet du droit des Canadiens de participer à la définition de la direction de l'économie du pays et des questions liées au partage des pouvoirs entre les niveaux de gouvernement, elle écrit que le gouvernement fédéral a pris un certain nombre de mesures pour renforcer le commerce intérieur en harmonisant les réglementations relatives aux produits agricoles, en réduisant la bureaucratie dans les transports dans le domaine du pétrole et du gaz et en aidant à financer le Registre national des médecins pour améliorer la mobilité des médecins, pour n'en citer que quelques-unes.
« La réduction de la bureaucratie » et « l'amélioration de la mobilité » sont des formules bien connues pour la mise en oeuvre de mesures antisociales.
En ce qui concerne le système de santé, les Canadiens réclament un financement accru pour s'assurer que le système dispose d'un personnel médical et infirmier suffisant. La ministre invite toutefois les provinces à collaborer avec le gouvernement fédéral pour, par exemple, modifier les procédures de reconnaissance des certificats et d'octroi des licences afin de permettre aux professionnels de la santé de se déplacer d'une province à l'autre. Les Canadiens ont raison d'être sceptiques quand ils entendent parler d'« améliorer la mobilité des médecins » et de modifier les « procédures de reconnaissance des certificats et d'octroi des licences » car c'est le langage qui est utilisé habituellement pour justifier une plus grande privatisation. La modification des réglementations afin que les producteurs de vin puissent vendre leurs produits dans d'autres provinces est présentée comme quelque chose que tout le monde souhaite, mais en fait, si l'on ne met pas fin au contrôle de l'économie par les oligopoles et les oligarques financiers internationaux, comment les Canadiens bénéficieront-ils de l'une ou l'autre de ces mesures ?
Le premier ministre Justin Trudeau, dans une allocution télévisée le 31 janvier, n'a rien expliqué. Il a répondu aux menaces de Trump en disant : « Ce n'est pas ce que nous voulons, mais s'il va de l'avant, nous agirons aussi. » Trump menace et le rôle du gouvernement est d'amplifier le son pour s'assurer qu'il se répercute dans toutes les cellules de la société. « Je ne vais pas l'édulcorer : notre pays pourrait connaître des moments difficiles dans les jours et les semaines à venir », a déclaré Trudeau.
Outre l'affectation de 1,3 milliard de dollars dans l'énoncé économique de l'automne dernier, entre autres mesures, pour militariser davantage la frontière du Canada avec les États-Unis, les Canadiens n'ont pas encore entendu de précisions sur les réponses du Canada, mais elles seront certainement répréhensibles et en tandem avec l'administration Trump pour s'assurer l'impunité. Le plan frontalier comprend une force de frappe conjointe et une unité de surveillance aérienne « 24 heures sur 24 » pour les ports d'entrée, comme l'illustre la vidéo que le ministre de la Sécurité publique fait circuler. Il est inacceptable de militariser la frontière et le Canada pour protéger les intérêts des oligopoles et s'assurer que le peuple ne joue aucun rôle et ne fasse pas avancer son propre ordre du jour dans ses propres intérêts.
« Personne – des deux côtés de la frontière – ne veut voir des tarifs douaniers américains sur les produits canadiens. J'ai rencontré aujourd'hui notre Conseil Canada-États-Unis. Nous travaillons dur pour empêcher ces tarifs douaniers, mais si les États-Unis vont de l'avant, le Canada est prêt avec une réponse forte et immédiate », a publié Justin Trudeau sur X.
Un gouvernement qui intègre le Canada à l'économie de guerre des États-Unis n'est pas apte à gouverner !
Le dilemme existentiel des
élites canadiennes: unies elles échouent, désunies elles
échouent
Aujourd'hui, dans les conditions historiques actuelles, les gouvernements doivent énoncer le but de leur action. Les peuples s'attendent naturellement à ce que le but serve leurs intérêts, ce qui veut dire que le but doit être énoncé de manière cohérente et rationnelle et doit répondre à leurs besoins. Ces besoins sont ceux de l'environnement naturel et social tels que définis par ceux qui forment le corps politique. Ce ne sont pas des intérêts privés étroits qui ont usurpé les pouvoirs de l'État, non seulement aux États-Unis, mais aussi au Canada, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France et dans les pays que les États-Unis continuent de dominer.
Face aux menaces du président Donald Trump de faire du Canada le 51e État américain, le seul but qui semble ressortir de tout ce que le gouvernement du Canada, les premiers ministres, les chefs des partis cartellisés et les principaux intervenants ont à dire est qu'il faut préserver les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis telles qu'elles sont. Ils affirment que c'est avant tout une affaire d'économie. Pour ce qui est de la politique, le problème serait que Donald Trump et ses collaborateurs extrémistes n'apprécient pas le Canada à sa juste valeur en tant plus grand allié, ami et partenaire.
Même lorsqu'ils parlent des atouts économiques du Canada, c'est pour montrer à Trump ce que le Canada est prêt à céder encore pour le convaincre que nous sommes de bons partenaires commerciaux. Plus ils parlent de la nécessité de formuler une réponse unie, plus les conflits entre les intérêts servis par les différentes autorités se manifestent. Bien qu'en fin de compte, ce soit le gouvernement fédéral qui s'occupe du commerce international, les premiers ministres provinciaux sont divisés, tout comme le sont les différentes autorités aux États-Unis. Si les accords commerciaux entre les États-Unis et le Canada sont censés garantir l'absence de barrières au libre-échange, ce qui signifie, entre autres, l'absence de tarifs, les barrières commerciales entre les provinces et les territoires demeurent. Et il n'y a pas beaucoup de terrain d'entente, faute d'un projet d'édification nationale qui réponde aux besoins des Canadiens dans les conditions d'aujourd'hui.
Et surtout, ce qui est plus important encore, le conflit entre, d'une part, les autorités fédérales, provinciales et québécoises et, d'autre part, les conditions que vivent la classe ouvrière et le peuple de ce pays, ainsi que les peuples autochtones, qui sont tous considérés comme jetables, est plus prononcé que jamais.
La
classe dirigeante vit présentement un traumatisme face aux
menaces de tarifs douaniers. Plus elle tente d'imposer son
traumatisme au peuple de ce pays, plus ce dernier se rend compte
que c'est à lui qu'incombe la tâche de proposer un projet
d'édification nationale. Il s'agit d'un plan pour humaniser
l'environnement naturel et social en plaçant les intérêts des
êtres humains et de la nature au centre.
Un examen de ce que la classe dirigeante canadienne a à dire
sur les menaces de Trump et sur la façon d'y faire face montre
que, même sur l'économie, on voit que certains faits et chiffres
sont cités sur le commerce au Canada, entre les provinces, mais
sans aller au coeur de ces relations, c'est-à-dire sans jamais
reconnaître que le Canada est entièrement soumis aux États-Unis.
On utilise des termes « libre-échange », « échanges équitables
», « mécanismes de règlement des différends » et autres, mais il
n'en reste pas moins que la majorité des produits qui sortent
sont des matières premières et des ressources, cédées pour une
bouchée de pain, et que les produits qui entrent sont des
produits de consommation, souvent fabriqués à partir de ces
mêmes ressources. Un exemple typique fait présentement la risée
du Canada dans le monde : les bleuets de l'Ontario, vendus à un
prix élevé au Canada lorsqu'ils sont frais, si on en trouve,
sont exportés aux États-Unis où ils sont congelés, puis importés
et vendus au Canada en tant que fruits congelés !
Il est important de reconnaître que le Canada a toujours, de facto, refusé d'envisager l'établissement d'une production manufacturière basée sur les besoins de sa population et sur la nécessité d'une économie qui suffit à ses besoins.
Loin d'avoir une économie indépendante, le Canada ne produit pas ses principaux moyens de production, comme le font les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et d'autres pays capitalistes développés. Pendant la pandémie de la COVID, le gouvernement n'a même pas cherché à soutenir les initiatives canadiennes pour la fabrication de nos propres masques protecteurs, sans parler des vaccins et des autres produits nécessaires à la lutte contre la pandémie. Avec des stratagèmes pour payer les riches, il a donné des milliards de dollars aux grandes sociétés pharmaceutiques américaines avec de l'argent emprunté, sur lequel les Canadiens devront payer des intérêts considérables.
La privatisation des services de santé, de l'éducation, des garderies et des maisons de retraite, les subventions accordées aux entreprises minières, souvent étrangères, pour des minéraux essentiels, et la construction de corridors de communication, de transport, d'énergie et de sécurité – tout cela se fait aux dépens des Canadiens et de leur environnement naturel et social. En fait, la même chose se produit aux États-Unis.
On parle beaucoup de la nécessité de répondre aux menaces de Trump et aux mesures qu'il est censé imposer. Il faut défendre la souveraineté du Canada, dit-on, son indépendance, son identité, ses valeurs, etc., mais on ne parle pas de cette réalité qu'est le Canada.
Que conclure ?
Au
Canada comme aux États-Unis, le problème est par qui et comment
sont exercés des pouvoirs décisionnels. Ce ne sont pas la classe
ouvrière et le peuple qui décident. Au Canada, ce n'est pas le
Parlement, ni les assemblées législatives provinciales, ni
l'Assemblée nationale du Québec qui décident, et aux États-Unis
ce n'est pas le Congrès ou les assemblées législatives des
États. Au Canada comme aux États-Unis, la raison d'État, telle
qu'elle est inscrite dans la Constitutions de chaque pays, a
toujours été de protéger le pouvoir suprême contre le peuple. Ce
pouvoir suprême a été usurpé par les intérêts privés
supranationaux les plus étroits et tout ce que les peuples du
monde attendent d'une démocratie est en train de s'effacer
rapidement.
On peut le constater non seulement dans le rôle que jouent Elon Musk, le milliardaire le plus riche du monde, et Jeff Bezos d'Amazon, le deuxième milliardaire le plus riche du monde, et leurs semblables, dans la destruction du type de gouvernance auquel les Américains s'attendent. De même au Canada, les intérêts privés les plus étroits conseillent le premier ministre sur l'élaboration des politiques gouvernementales, sur les budgets et sur les décisions à prendre. On le voit, par exemple, dans la composition du Conseil sur les relations canado-américaines créé par le premier ministre Justin Trudeau en janvier pour faire face aux menaces de Donald Trump.
Le fait que les candidats à la direction du Parti libéral doivent débourser 350 000 dollars en droit d'entrée pour se qualifier, dont la totalité va dans les caisses du Parti libéral, à l'exception de 50 000 dollars que les candidats peuvent garder pour leur propre campagne, en dit long sur ceux qui gouvernent dans ce pays.
Parmi les options ridicules proposées en réponse aux menaces de Trump, il y a l'idée qu'il faut convaincre les fonctionnaires américains que les tarifs nuiront aux deux pays ou que les dangers auxquels les États-Unis sont confrontés ne viennent pas du Canada, mais du Mexique. (C'est pour écarter toute discussion sur le fait que les dangers pour le Canada et le Mexique proviennent des États-Unis.) Il y a aussi ceux qui font des remontrances à la Elizabeth May, qui sont étonnamment mal informés sur le fonctionnement du système de représentation du Canada. (Elle se moque de Trump parce qu'il ne sait pas que le système démocratique canadien « n'élit pas les premiers ministres » – et n'est-ce pas là la preuve irréfutable de la démocratie !)
Il n'y a pas le moindre effort pour informer les Canadiens de ce que révèle l'ensemble des rapports entre humains et entre les humains et la nature à ce moment de l'histoire. Comme tous les pays, les États-Unis et le Canada sont pris dans un tournant historique qui exige une vision moderne sur la base de laquelle les peuples, leur société et leur pays peuvent s'orienter et prendre des décisions qui leur sont favorables, qui humanisent l'environnement naturel et social et l'humanité elle-même.
La raison d'État et les formes de gouvernement telles qu'elles existent actuellement sont confrontées à une crise existentielle profonde parce qu'elles ne cachent plus les objectifs et les actions antipopulaires de la classe dirigeante. La majorité de ceux qui les défendent, qui jouissent de positions de pouvoir et de privilèges, sont même incapables d'exprimer une pensée qui ait du sens dans ces circonstances.
Oui,
nous devons défendre la souveraineté du Canada, mais qui va le
faire ? Ceux qui font le serment d'allégeance au roi
d'Angleterre ou ceux qui font la génuflexion devant la personne
d'État des États-Unis, qui s'est proclamé le roi des rois ?
À défaut d'un État et de formes de pouvoir qui renversent la situation en faveur du peuple, comment les querelles sur combien le Canada est prêt à céder encore, ou à quel prix et à quelle vitesse, changeront-elles quoi que ce soit ? Les guerres commerciales mènent à des guerres. Quand on voit les rivalités actuelles entre les oligopoles qui ont usurpé le pouvoir d'État aux États-Unis, qu'ils agissent en toute impunité et que cela se répercute sur les affaires économiques et politiques du Canada, les Canadiens se demandent à juste titre combien longtemps ils pourront éviter l'invasion du Mexique et, pourquoi pas, du Canada ? Il n'est pas raisonnable de ne pas regarder la réalité telle qu'elle est et de la voir telle que nous la souhaitons. La classe ouvrière et le peuple de ce pays doivent se préparer dès maintenant en agissant pour tenir en échec les États-Unis qui semblent vouloir avaler le Canada tout rond.
À cet égard, le slogan « Achetez canadien » a un sens lorsqu'il s'agit de produits laitiers ou de la volaille, mais même sur ce front de notre système de gestion de l'offre, les Canadiens ne sont pas informés sur ce qui est canadien et ce qui ne l'est pas. Il est important de noter qu'on cite beaucoup les intérêts des entreprises agro-alimentaires pour juger de ce qu'est un « libre échange ». Les petits agriculteurs canadiens n'ont pas leur mot à dire là-dedans. Les producteurs de blé des Prairies savent très bien ce qui est advenu de la meilleure commission de gestion de blé au monde et de bien d'autres politiques essentielles aux intérêts des Canadiens.
Prenons l'exemple des accords de « libre échange » entre le Canada et les États-Unis. D'abord il y a eu l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis « négocié » par le premier ministre conservateur Brian Mulroney et le président Ronald Reagan en 1987, signé en 1988, avec le prétendu objectif d'éliminer tous les tarifs commerciaux entre les deux pays.
Vint ensuite l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), devenu loi sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien en 1994. En dépit d'une opposition à cet accord d'un bout à l'autre du pays pendant l'élection de 1993, Chrétien a déclaré que l'élection lui avait donné un mandat. Il a inventé l'« Équipe Canada » de commis-voyageurs parcourant le monde pour faire des monopoles canadiens le « numéro un » dans le monde. Sans même prendre la peine d'informer les Canadiens de ce qu'il est advenu de cette campagne de marketing, l'actuel gouvernement libéral revient sur les mérites d'une approche « Équipe Canada ». Dans quel but ? Et ça veut dire quoi en pratique ?
L'ALÉNA a formé un des blocs commerciaux les plus importants au monde en termes de PIB. Cet accord devait lui aussi éliminer tous les tarifs et tout autre obstacle au commerce et aux investissements entre les parties. Selon des rapports, il a éliminé les tarifs sur tous les produits industriels et sur la plupart des produits agricoles importés des États-Unis. Selon les termes de l'ALÉNA, les tarifs et les contingents tarifaires (CT) sont toujours en vigueur sur les taux tarifaires des produits laitiers et de la volaille.
En septembre 2018, sous la première administration Trump, l'ALÉNA a été remplacé par un accord ACEUM/TMEC/USMCA révisé et ratifié en mars 2020. Affaires mondiales Canada avait spécifiquement noté que « l'ACEUM préserve les dispositions de l'ALÉNA sur le commerce sans tarifs entres le Canada, les États-Unis et le Mexique ».
Les tarifs sont une taxe sur l'importation ou l'exportation de produits entre pays. Ils sont une forme de réglementation étrangère et une politique qui taxe les produits étrangers afin de promouvoir ou de protéger l'industrie nationale. Et ils sont spécifiques aux relations commerciales entre le pays qui exporte et le pays qui importe.
En vertu de l'ACEUM, article 5.2, un importateur peut présenter une demande de traitement tarifaire préférentiel en se fondant sur un certificat d'origine établi par l'exportateur, le producteur ou l'importateur. C'est un processus compliqué pour déterminer le pays d'origine d'un produit en termes d'extraction de ressources et de processus manufacturier (par exemple, la transformation de bois en meubles). (Pour connaître le processus au complet, voir la page de l'Agence des services frontaliers du Canada, intitulée « Certification de l'origine des marchandises ».)
Au bout du compte, quand on a fait le tour sur la question des
tarifs, avec les menaces et contre-menaces, le gouvernement du
Canada pourrait en toute légitimité demander si l'imposition de
nouveaux tarifs est légale en vertu de l'ACEUM/TMEC/USMCA.
Sinon, quels sont les recours juridiques dont disposent le
Canada et le Mexique ? L'imposition illégale de tarifs douaniers
et une déclaration d'impunité ne devraient-elles pas
entraînement de facto l'annulation de l'ACEUM/TMEC/USMCA
?
L'accord prévoit un réexamen obligatoire en 2026. Spécifiquement, la clause « d'examen et de conditions de prolongation » a fixé un cycle de vie de 16 ans selon lequel les trois pays doivent s'asseoir ensemble tous les six ans pour déterminer si tous sont toujours satisfaits. S'il n'y a pas consensus d'ici 2026, un « mécanisme d'autodestruction » est prévu qui met fin à l'accord 10 ans plus tard.
La déclaration d'impunité des États-Unis pourrait-elle déclencher « le mécanisme d'autodestruction » dès maintenant ?
La façon dont le gouvernement du Canada, les politiciens, les premiers ministres, les experts de toutes sortes et les médias monopolisés abordent toute la question de la tentative de Trump de briser les barrières à l'impunité est caractéristique du processus décisionnel au Canada (comme aux États-Unis d'ailleurs). Qui contrôle le processus décisionnel, en faveur de qui les décisions sont prises, quel est le rôle des citoyens canadiens ou américains dans ce processus décisionnel ? Comment le système de représentation fait-il en sorte que la classe ouvrière et le peuple ne jouent aucun rôle dans la prise des décisions qui affectent leur vie ?
L'objectif de Trump est peut-être de forcer une révision rapide de l'ACEUM/TMEC/USMCA dans le but d'intimider le Canada et le Mexique pour qu'ils renégocient l'accord en cédant tout ce que le président des États-Unis exigera. Mais cela démontre précisément que l'objectif premier est d'annexer le Canada et le Mexique intégralement. Trump dit que le Canada doit devenir le 51e État américain. C'est trompeur. En réalité il veut que le Canada devienne un territoire américain tout comme Porto Rico, où personne n'a de citoyenneté en bonne et due forme, avec des droits égaux lorsque vient le temps de voter ou de recevoir des avantages sociaux. Il ne veut pas s'imposer un « fardeau ».
La nécessité d'un État-nation moderne
Si les répercussions des menaces de Donald Trump semblent être d'ordre économique, le problème fondamental est d'ordre politique. Les Canadiens et les Québécois sont accablés par de vieilles formes de représentation qui confient le pouvoir décisionnel souverain à une personne d'État qui ne rend aucun compte au peuple. Il faut de nouvelles formes d'organisation de l'État, en commençant par une constitution moderne qui confère clairement le pouvoir décisionnel au peuple, qui fait en sorte que le peuple prend des décisions en son propre nom plutôt que de laisser des élites qui jouissent de privilèges et de pouvoirs décider à sa place. Le peuple ne doit plus céder son pouvoir de décision à d'autres qui agissent en son nom mais trahissent ensuite ses intérêts.
À l'heure actuelle, ceux qui s'autoproclament représentants souverains du peuple représentent une personne d'État fictive qui règne sur le peuple en faveur des intérêts privés de la classe dirigeante, et non des intérêts définis et établis par le peuple. Les dirigeants disent vouloir une position unie, mais leurs positions sont source de division à l'heure où l'unité politique de la classe ouvrière et du peuple est essentielle.
La naissance d'une nation est un long processus. Certains aspects de ce processus sont réalisés consciemment, mais il s'agit en grande partie d'un processus spontané. La naissance d'un État-nation, par contre, est un acte politique dans des conditions politiques données. Aujourd'hui la situation politique de la classe ouvrière et du peuple est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux nient leurs droits collectifs, ils nient les droits du Québec, son droit d'avoir son propre État-nation, et le droit collectif des peuples autochtones de décider eux-mêmes de leur mode de vie et de gouvernance, sans être soumis aux décisions de l'État canadien. En d'autres termes, il s'agit de faire naître le pouvoir politique du peuple canadien et du peuple québécois en tant que collectifs exerçant leur propre pouvoir décisionnel. Cela brisera les chaînes imposées au peuple et à la nation du Québec par l'État fédéral avec la coopération de ceux qui occupent des positions de privilège et de pouvoir dans toute la fédération et qui s'opposent à la naissance du pouvoir politique du peuple au Canada et au Québec.
La création d'un État-nation est un acte extrêmement conscient. La déclaration fondatrice d'un tel État-nation doit s'appuyer sur l'expérience la plus avancée en matière d'édification nationale et la refléter. Elle doit unir tous ceux et celles qui participent à l'édification nationale et non les diviser. Une déclaration sur la formation d'un État politique ne doit pas être confondue avec des déclarations sur des valeurs partagées, des croyances, des objectifs sociaux, etc. La déclaration fondatrice d'un État-nation est simplement l'annonce solennelle par une collectivité qu'elle exerce son droit inaliénable d'établir son propre pouvoir politique.
Une
déclaration solennelle sur la formation de l'État-nation doit
être strictement un document politique juridique, qui décrit le
nouveau régime en termes de principes fondamentaux qui guideront
toutes ses lois, y compris la loi fondamentale qui sera contenue
dans la constitution. Elle doit énoncer concrètement et
consciemment le processus juridique permettant d'établir un État
qui sera souverain et indépendant. En même temps, elle doit
établir une forme par laquelle tous les citoyens peuvent décider
du système qu'ils souhaitent. Les membres du corps politique
peuvent décider d'avoir un système à un moment donné et un autre
à un autre moment. La déclaration fondatrice ne doit donc pas
décréter à l'avance quel type de système le peuple se donne et
doit plutôt garantir, dans l'esprit et dans la lettre, la
liberté de conscience au vrai sens du terme, la liberté dont
découlent toutes les autres libertés.
Si la loi fondamentale reconnaît que tous les membres de la société sont en droit de faire des réclamations à la société en vertu de leur condition humaine, de nombreux problèmes – tels que les problèmes de pauvreté, d'itinérance et de manque d'accès à un niveau moderne d'éducation et de santé – pourront être résolus. Une société consciemment organisée pour créer un environnement humain protégera l'environnement naturel comme condition première.
Ce qu'il faut retenir, c'est que les gouvernements fédéral et provinciaux, les dirigeants des partis cartellisés, les politiciens des partis cartellisés, les experts et les médias utilisent les menaces de Donald Trump comme un moyen de se donner la légitimité de faire tout ce que veulent les intérêts privés étroits à qui ils obéissent. Les travailleurs doivent exiger que toute cette cabale renonce à cette voie qui provoquera des divisions au sein du peuple au lieu de favoriser l'unité politique. C'est la voie à l'incitation à des guerres commerciales qui mèneront à des guerres à proprement parler, que ce soit contre le Canada ou d'autres peuples frères, ou à des guerres qui entraîneront tout le monde.
Pour se donner les moyens d'agir, les travailleurs du Canada et du Québec doivent activement s'engager dans leur propre programme pour construire l'unité politique et entreprendre l'édification nationale. La nécessité du renouveau politique est primordiale parce que le peuple doit pouvoir délibérer et décider de toutes les questions qui le concernent.
Changeons la direction de l'économie en sortant le Canada de l'ACEUM, maintenant !
Oui à l'industrie manufacturière ! Non à l'intégration à l'économie de guerre des États-Unis !
Protégeons le système canadien de gestion de l'offre pour les produits laitiers et la volaille et réinstaurons-le pour le blé, le porc, le boeuf et tout ce que le Canada produit !
Non aux pouvoirs de police de tout gouvernement !
Canada, hors de l'OTAN et de NORAD !
Cela peut se faire !
Que vaut la promesse de Legault
de «protéger les Québécois»?
Le premier ministre du Québec, François Legault, a fait une série de déclarations en réaction à la menace du président américain Donald Trump d'imposer des tarifs sur les biens et services canadiens. La plus étonnante est sa prétention d'agir dans l'intérêt du peuple québécois : « Moi, dit-il, je veux envoyer un message très clair aux Québécois : peu importe ce que Trump va faire, on va vous protéger coûte que coûte et on va passer au travers ensemble[1]. »
Cette déclaration
montre surtout qu'il est grand temps que la classe ouvrière et
le peuple québécois parlent en leur propre nom et s'attellent à
l'élaboration de leur propre projet d'édification nationale. Il
est grand temps que les Québécois rejettent le pouvoir politique
suprême détenu par une élite dirigeante pour qui défendre le
peuple signifie attaquer son bien-être, miner la souveraineté
nationale et intégrer le Canada à la machine de guerre des
États-Unis.
François Legault jure de protéger les Québécois alors que son gouvernement est engagé dans une campagne pour réduire de 1,5 milliard de dollars le financement de la santé par des mises à pied et de coupures de services de toutes sortes. Chaque jour, de nouvelles compressions sont annoncées alors que le système de santé est en crise profonde à la suite de décennies de désinvestissement antisocial.
En matière de logement, le gouvernement de la CAQ a adopté une loi qui rend plus difficile pour les locataires de s'organiser contre les grands propriétaires qui utilisent leur position de monopole pour imposer d'énormes hausses de loyer aux nouveaux locataires. Le 1er janvier, le Tribunal administratif du logement, chargé de statuer sur tous les litiges en matière de logement, a annoncé qu'il autoriserait une nouvelle hausse de 5,9 % pour les appartements non chauffés. Il s'agit d'un record en 30 ans, qui fait suite à trois années de fortes hausses de loyers dans tout le Canada.
Il en va de même pour l'éducation. La privatisation a introduit le chaos dans les écoles, aggravant considérablement les conditions d'apprentissage, sans parler des conditions d'enseignement et de celles des travailleurs de l'éducation et du personnel scolaire. Face aux problèmes, le gouvernement utilise la « politique identitaire » pour attiser les passions, semer la division et criminaliser le droit de conscience.
Il est impossible pour les Québécois de concilier leur réalité avec les déclarations du premier ministre et des partis cartellisés. Leur conception de ce que signifie « protéger les Québécois » est aussi ignorante et narcissique que les déclarations de Donald Trump, qui a prouvé plusieurs fois qu'il ne sait absolument pas de quoi il parle la plupart du temps, si ce n'est tout le temps.
« Nous sommes bien équipés », a déclaré François Legault pour rassurer les Québécois, expliquant que : « Les minéraux critiques, les ressources naturelles, l'aéronautique, nous avons nos atouts pour passer au travers ». Ce sont ces atouts qu'il a cédés pour une bouchée de pain dans son empressement à prouver qu'il est un bon laquais de son capo du Sud. Il agit comme si les Québécois ne savaient pas que notre économie est principalement orientée vers l'économie de guerre des États-Unis et comme s'ils n'y étaient pas vigoureusement opposés.
De l'hydroélectricité aux
minéraux stratégiques critiques, en passant par les
infrastructures et les fonds publics, tout cela est cédé au nom
de grands idéaux. Cela n'a pas commencé avec Donald Trump. Le
gouvernement du Québec est déjà soumis au diktat imposé par l'Inflation
Reduction Act (IRA) de Joe Biden. Énoncé dans le langage
de l'« économie verte », l'IRA dicte aux « partenaires »
commerciaux des États-Unis qu'ils ne doivent pas chercher à
diversifier leurs échanges et doivent, au contraire, miser leur
avenir sur le « partenariat » américain. Le 20 janvier, l'IRA a
été mis en suspens par un décret de l'administration Trump qui
veut un contrôle total sur les décisions canadiennes, et non une
simple coopération.
Face aux menaces de tarifs douaniers, François Legault a dit qu'il fallait miser sur l'achat de produits fabriqués au Québec, taxer le sirop d'érable et appeler les « snowbirds » à faire moins de voyages aux États-Unis. Il a également mentionné l'aide fiscale aux entreprises et l'accélération des projets d'infrastructures, dont ceux liés à Hydro-Québec[2].
Et lorsqu'Amazon a annoncé la fermeture de tous ses entrepôts au Québec, jetant des centaines de travailleurs à la rue, François Legault a simplement déclaré qu'il ne pouvait rien faire parce qu'il s'agit du secteur privé. Où était cet argument lorsqu'il a donné à Amazon des centaines de millions de dollars de fonds publics pour l'« inciter » à venir s'installer au Québec. Cela inclut l'utilisation de fonds publics pour fournir à Amazon de l'hydroélectricité à des taux réduits et des réductions d'impôts. François Legault s'est également joint au gouvernement du Canada pour donner à Amazon un accès privilégié aux appels d'offres gouvernementaux d'une valeur de plusieurs dizaines de millions de dollars pour des services infonuagiques.
Protéger le peuple et protéger les intérêts privés étroits des oligopoles n'est pas la même chose, monsieur Legault. Personne, sauf les super riches et leurs suppôts, ne s'y méprend.
Notes
1. Le premier ministre Legault a tenu ces propos avant une réunion du caucus de la Coalition Avenir Québec (CAQ) à Saint-Sauveur le 21 janvier.
2. Hydro-Québec vend de l'électricité à bon marché aux États de la Nouvelle-Angleterre depuis les années 1980. Cette région des États-Unis représente environ la moitié des exportations de l'entreprise.
Les producteurs laitiers de l'Ontario font valoir la nécessité de protéger la gestion de l'offre

Manifestation sur la colline du Parlement en appui à la gestion
de l'offre, le 10 octobre 2024
Dans sa panoplie de menaces contre le Canada s'il n'accepte pas à devenir le 51e État des États-Unis, Donald Trump a dit, entre autres, que les États-Unis n'ont pas besoin des produits laitiers du Canada. Ce qu'il a oublié de mentionner est que le Canada peut se passer du dumping du lait et du fromage des États-Unis au Canada et de la destruction du système de gestion de l'offre canadien. Ce qui importe encore plus, comme l'ont dit à la CBC Peter et Phillip Armstrong, qui ont une ferme laitière de 400 vaches à proximité de Toronto : Trump ne comprend pas l'industrie laitière des États-Unis, ni celle du Canada.
La journaliste de la CBC, Ellen Mauro, a souligné qu'au cours de la négociation de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) pendant le premier mandat de Trump à la présidence, le Canada a octroyé aux États-Unis un accès supplémentaire sans tarifs à 3,6 % de son marché de produits laitiers fortement réglementé. Un des agriculteurs a déclaré à CBC : « Il semblerait que ce sont toujours les produits laitiers qui sont sacrifiés les premiers, et je pense que nous en sommes rendus là : assez, c'est assez, nous ne céderons plus rien. »
Les frères ont souligné que, même
si le marché laitier du Canada est relativement fermé aux
concurrents étrangers, le pays importe toujours beaucoup plus de
produits laitiers des États-Unis que les producteurs canadiens y
vendent leurs produits. Les agriculteurs ont expliqué que ce ne
sont pas les producteurs laitiers canadiens qui font du dumping
aux États-Unis et qui font chuter les prix. « Nous ne causons
aucun problème », ont-ils dit, ajoutant que Donald Trump ne
semble pas vouloir négocier, mais plutôt dicter. Ils ont dit : «
Nous allons devoir nous tenir debout. »
Un des agriculteurs a expliqué que la gestion de l'offre est basée sur le marché intérieur et que la production répond aux besoins du marché canadien. Ils ont dit que cela permet une stabilité, qu'ils obtiennent un prix équitable, que les transformateurs obtiennent un revenu équitable, et que les épiciers pouvaient également faire des profits. Reflétant leur manque de contrôle sur la prise de décision, il a aussi dit qu'ils ne voulaient pas céder une partie de leur marché, mais qu'ils étaient soulagés qu'il ne soit que de 4 %. Ils sont très inquiets et disent qu'ils ne savent pas ce qui pourrait se passer lors de la prochaine ronde de négociations commerciales.
Lorsque la journaliste leur a demandé ce qui arriverait si le système de gestion de l'offre n'existait pas, les fermiers ont fait valoir que si le choix était d'importer davantage des États-Unis, beaucoup d'emplois disparaîtraient. Dans le pire des cas, l'industrie laitière canadienne serait décimée et nous serions dépendants des États-Unis, dépendants de Donald Trump.
Les deux agriculteurs ont dit que nous devions protéger notre industrie nationale, sans quoi nous connaîtrons de graves problèmes. Au sujet d'une prochaine ronde de négociations commerciales, un des agriculteurs a dit que parfois le gouvernement cède et abandonne une industrie au détriment d'une autre. Les politiciens pourraient choisir une industrie, comme le pétrole, au détriment de la production laitière, mais ce n'est pas une bonne idée pour l'économie ou pour le pays, ont-ils dit.
La gestion de l'offre
La gestion de l'offre est un cadre national de politique agricole (produits laitiers, volaille, oeufs) qui utilise des mécanismes de contrôle de la production et de la fixation des prix de production pour assurer une stabilité de la production laitière et des prix équitables pour les fermiers. Elle fait en sorte que les Canadiens consomment un lait de grande qualité, et que les fermiers ont une plus grande sécurité sur le plan des revenus.
Un avantage est que l'industrie laitière est mieux en mesure de réagir aux fluctuations économiques. Le système offre une stabilité aux transformateurs (ce qui permet d'éviter les surplus ou les pénuries) et permet aux agriculteurs de voir plus à long terme pour ce qui est de l'économie, de l'environnement et de leurs animaux.
La production laitière est le plus important secteur agricole en Ontario. Dairy Farmers of Ontario, la commission de commercialisation qui représente plus de 4 000 agriculteurs laitiers en Ontario, explique :
Fixation de prix de production
La Commission canadienne du lait fixe le prix du lait en fonction de son prix réel de production. Elle prend en compte les coûts en capital et en travail, ainsi que l'état de l'économie canadienne.
Encadrement de la production
La production laitière canadienne doit répondre à la demande des consommateurs. L'encadrement de la production permet d'éviter la surproduction et offre une sécurité aux agriculteurs, leur permettant d'investir leur profit dans leur ferme.
Contrôle des importations
Les quotas des tarifs permettent de planifier la quantité de lait à importer à un taux préférentiel. L'absence de contrôle des importations peut mener à la surproduction et à l'instabilité du système.
De la presse du Parti
2017
Les arguments sur le commerce ne doivent pas servir à nier le besoin de renouveau!
L'article suivant a été publié par Le Marxiste-léniniste, numéro 18, 10 mai 2017.
Depuis le milieu des années 1980, les gouvernements canadiens qui se sont succédé ont orienté toutes leurs politiques en fonction de la demande des sections les plus puissantes du capital d'être concurrentielles sur les marchés mondiaux. L'objectif a été de faire en sorte que le développement économique du Canada soit subordonné à leurs objectifs et que tous les autres aspects de la vie au Canada soient façonnés en conséquence. C'est en réponse à cette demande que le Canada a signé l'Accord de libre-échange avec les États-Unis en 1987 (ALÉ) et l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) en 1994 entre le Canada, le Mexique et les États-Unis. Le Canada a également adopté d'autres mesures pour faire en sorte que tout le développement économique et le développement sur d'autres fronts soient subordonnés à la volonté des sections les plus puissantes économiquement.
Le Parti
communiste du Canada (marxiste-léniniste) s'est vigoureusement
opposé à l'accord de libre-échange avec les États-Unis et à
l'ALÉNA. Le PCC(M-L) a dénoncé toutes les tentatives de diviser
la classe ouvrière et le peuple selon qu'on est pour ou contre
les accords de commerce et d'ainsi les aligner derrière l'une ou
l'autre partie engagée dans la lutte intermonopoliste. Le Parti
a organisé des réunions et conférences sur le sujet partout au
Canada pour appeler la classe ouvrière et le peuple à s'unir
pour changer la direction de l'économie. Il a critiqué en
particulier la position prise par certains adversaires de
l'ALÉNA qui soutenaient qu'il devait être rejeté parce qu'il
n'était pas « bon pour le Canada ». Il a fait valoir qu'une
position éclairée et démocratique doit prendre en considération
les conditions et le bien-être des peuples du monde.
Lors d'une conférence sur l'économie politique organisé par le Conseil national pour le Renouveau en février 1993, le dirigeant national du Parti, Hardial Bains, a expliqué que non seulement l'économie canadienne allait souffrir des conséquences de l'ALÉNA mais que cet accord constituait un pas de plus dans la destruction de l'économie nationale de tous les pays visés par cette offensive menée sous l'enseigne qu'il y a « mondialisation de l'économie ». Voilà pourquoi il faut s'y opposer, avait-il dit. L'objectif de ces accords est de subordonner l'économie nationale au capital financier international et de faciliter le contrôle de l'économie par les grandes sociétés[1].
En octobre 1993, Hardial Bains expliquait :
« Les nationalistes dissent qu'il faut faire ce qui est avantageux pour le Canada. Mais qu'est-ce qui est avantageux pour le Canada ? Par exemple, il y a les grands monopoles dans le secteur de l'extraction des ressources. Le Canada doit-il soutenir ces monopoles et exiger qu'on leur accorde un traitement favorable dans l'Accord de libre-échange nord-américain ? S'il faut un accord de libre-échange, il doit d'abord être bénéfique aux peuples des trois pays, le Canada, les États-Unis et le Mexique, sinon cela ne mènera à rien de positif pour le Canada. Notre politique, et c'est une question de principe pour les marxistes-léninistes, est que le commerce se doit faire à l'avantage réciproque. Un accord de libre-échange ne sert à rien s'il n'est pas à l'avantage réciproque[2]. »
Hardial Bains a fait remarquer que plusieurs groupes disent qu'il faut protéger nos emplois et d'autres choses du genre, mais que cette façon de poser le problème cache une certaine réalité qu'on balaie sous le tapis : « Il est important d'éveiller les gens au fait que cette même propagande est faite aux États-Unis et au Mexique, dit-il. De guerres commerciales, ces conflits dans lesquels on veut entraîner les peuples mènent à des guerres véritables. Nous voulons l'unité des peuples d'Amérique du Nord pour l'avantage réciproque. »
La campagne de propagande faite
pour justifier le libre-échange néolibéral s'est articulée
autour d'un soi-disant « leitmotive économique » que le PCC(M-L)
a qualifié de diversion. En 1984, le gouvernement fédéral de
Brian Mulroney a commencé à changer le but de l'économie. De
l'objectif d'assurer une universalité pancanadienne, on est
passé à rendre les monopoles concurrentiels sur les marchés
mondiaux, un objectif nouveau que les libéraux de Jean Chrétien
ont proclamé officiellement quand ils sont arrivés au pouvoir en
1993. Pendant cette période, Ottawa a réduit les paiements de
transfert aux provinces. Par exemple, le montant destiné au
Québec a été réduit unilatéralement de 14 milliards de dollars.
En 1983-1984, les paiements de transfert fédéraux au Québec
représentaient 29 % du budget québécois. En 1997-1998, avec les
libéraux, ce montant ne représentait plus que 13 %. Pendant ce
temps, le Québec a continué d'envoyer les mêmes montants en
impôt à Ottawa.
Dans les années 90, les libéraux disaient ouvertement que l'époque de la souveraineté nationale et des économies nationales était révolue. Le PCC(M-L) s'y est à nouveau opposé dans une Lettre ouverte au ministre des Finances, Paul Martin, dans laquelle le Parti rejetait la campagne de propagande des libéraux de Jean Chrétien selon laquelle l'ALÉNA était important pour que « le Canada soit concurrentiel dans l'économie internationale ».
Cette propagande incendiaire visant à diviser les gens sur l'économie était telle que Paul Martin a promis aux Ontariens la création de deux millions et demi d'emplois grâce à l'ALÉNA. Ces emplois se sont-ils concrétisés avec l'ALÉNA ? Bien sûr que non, mais ça n'a pas empêché le même Paul Martin de s'ingérer dans le référendum québécois de 1995 en déclarant que si le peuple votait Oui à la souveraineté du Québec un million d'emplois disparaîtraient.
Tout ceci, a dit Hardial Bains, montre que la soi-disant nouvelle économie internationale était fondée sur la destruction des États-nations, c'est-à-dire la destruction de leurs réalisations positives. Il a expliqué que ces États-nations étaient considérés comme étant civilisés dans la mesure où ils assumaient la responsabilité de la santé générale de la population, de l'hygiène et des mesures sanitaires, de l'éducation, des travaux publics, etc. Faute d'examiner ces questions liées à l'État et à sa responsabilité envers la société, on a alimenté un débat sur la validité de deux théories en faillite, la théorie économique keynésienne et la théorie économique reaganienne ou thatchérienne.
« On élude l'essentiel, soit que ces deux théories n'ont pas su défendre l'État-nation. L'État providence ne s'est pas attaqué au problème de faire progresser la société à partir des réalisations de l'État-nation moderne. La reaganomique, telle que reprise par Mulroney et maintenant par les libéraux, préconise la privatisation et l'abdication des responsabilités de l'État », explique Hardial Bains[3].
Trente ans après la négociation du premier accord de libre-échange, l'affirmation qu'il allait mettre fin à la guerre commerciale entre le Canada et les États a été réfutée par la vie plus d'une fois. En 1987, lorsqu'a été signé l'accord de libre-échange avec les États-Unis, Hardial Bains écrivait :
« On dit généralement que les guerres commerciales sont inhérentes à l'ordre économique mondial actuel, et c'est connu également que les guerres commerciales conduisent à la guerre. L'accord de libre-échange, qu'on dit historique et qui a provoqué de tells passions de part et d'autre, est un signe que les guerres commerciales ont pris de nouvelles dimensions. Il ne met pas fin à la guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis, il marque tout simplement un niveau plus élevé. Les financiers, les banquiers, les monopolistes, bref les géants de l'économie, ont intensifié la lutte contre eux. De nombreuses fusions, acquisitions et faillites ont marqué une nouvelle étape de la concentration de la production et du capital depuis la crise de 1981-1982, et on s'est mis à réclamer des marchés de tous côtés. Des guerres commerciales toujours plus féroces devaient inévitablement s'ensuivre[4]. »
Nous sommes maintenant en 2017 et on continue de prétendre que le libre-échange garantit la prospérité et élimine les guerres commerciales, qui sont attribuées au protectionnisme, bien que le libre-échange et le protectionnisme représentent les deux faces d'une même pièce. En fait, les conflits actuels touchant aux accords de libre-échange indiquent les dimensions dangereuses qu'ont prises les guerres commerciales. Il est plus important que jamais de ne pas permettre qu'on utilise les arguments du libre-échange pour nier le besoin de changer la direction de l'économie et le besoin de renouveau. Il est plus urgent que jamais de renforcer l'unité entre la classe ouvrière du Canada, des États-Unis et du Mexique pour que le commerce repose sur l'avantage réciproque pour les peuples du monde et non sur les molochs du capital financier qui luttent pour concentrer toujours plus le pouvoir économique et politique entre leurs mains.
Sortons le Canada de l'ALÉNA !
Oui à la base manufacturière ! Non à la destruction nationale !
Notes
1. « La démission de Brian Mulroney », Le Marxiste-Léniniste, 1er mars 1993
2. Hardial Bains, « Que vont faire les libéraux ? », Le Marxiste-Léniniste, 19 octobre 1993
3. « Hardial Bains accuse les libéraux de détruire l'État-nation du Canada », Le Marxiste- Léniniste, 25 octobre 1994
4. Un accord historique de libre-échange ou l'appui sur ses propres forces et des échanges égaux pour l'avantage réciproque, La Compagnie d'édition Le Nouveau Magazine, 1987
1995
Pourquoi la classe ouvrière
doit devenir
elle-même la nation
L'article suivant d'Hardial Bains a été publié dans Le Marxiste-Léniniste quotidien en mai 1995
Pourquoi la classe ouvrière doit constituer elle-même la nation est une question cruciale. Il importe d'abord d'examiner comment le problème se pose.
Premièrement, il faut reconnaître que la question nationale est une question de classe. Le fondement même de l'État-nation européen, qui a été le modèle de tous les États-nations d'aujourd'hui, a été jeté par la bourgeoisie lorsqu'elle était une classe ascendante en tant que base territoriale, réservoir de ressources et base manufacturière dans laquelle ancrer son activité et à partir de laquelle établir des relations avec les pays étrangers. Elle était motivée par la recherche du profit maximum.
Le système de gouvernement moderne, fondé sur la notion de paix, ordre et bon gouvernement, s'est formé dans le cours de la consolidation de ces États-nations. Avec le temps, la paix a signifié la consolidation des colonies et la répression des peuples colonisés ; l'ordre a signifié l'utilisation des forces de l'ordre au pays pour maintenir la paix intérieure ; le bon gouvernement a signifié le perfectionnement du système qui permet d'élire les partis politiques de la bourgeoisie et de concentrer le pouvoir dans les mains du cabinet. À proprement parler, le bon gouvernement fait référence au système de gouvernement et au processus politique qui servent à préserver le pouvoir d'État entre les mains de la bourgeoisie, contre toute possibilité d'usurpation par le peuple.
Ainsi l'ordre mondial était-il créé sur la base de l'existence de ces États-nations et des rapports entre eux.
À l'époque, nation était synonyme des intérêts de la classe au pouvoir. En d'autres mots, la bourgeoisie s'est littéralement constituée en la nation. Le concept de nation et la classe bourgeoise au pouvoir étaient pour ainsi dire une seule et même chose. On ne pouvait concrètement parler de la bourgeoisie sans tenir compte du fait qu'elle devait son existence à l'existence de la nation. L'une était la condition de l'autre.
Aujourd'hui les intérêts de cette même bourgeoisie ne s'identifient plus à ceux de la nation. La bourgeoisie est d'abord identifiée à une oligarchie financière et la base d'opération de l'oligarchie financière est internationale, non plus nationale. Les contraintes de la nation qui au début avaient permis à la bourgeoisie d'agir sur le monde sont aujourd'hui un obstacle à la mondialisation de son activité. Aujourd'hui les capitalistes financiers internationaux sont citoyens de plusieurs pays, ce qui leur permet de détenir des propriétés dans ces différents pays. Les grandes sociétés sont incorporées dans les pays où les avantages fiscaux sont les meilleurs.
Le résultat est que les buts que la bourgeoisie avait donnés à la nation durant sa période ascendante ne lui sont plus utiles. Par exemple, à une certaine époque la bourgeoisie avait besoin des infrastructures nationales afin d'unifier le marché national et le lier au marché mondial et afin de faciliter la mobilité des forces armées et policières à la grandeur du territoire. Même dans ses colonies la bourgeoisie avait besoin d'infrastructures pour faciliter le transport des ressources naturelles vers les installations portuaires en vue d'exportation. Les grands projets d'infrastructure comme la construction des chemins de fer lui étaient extrêmement profitables car ils étaient financés à même les deniers publics alors que c'est elle qui en profitait.
Aujourd'hui la construction de ces infrastructures est financée par la nation entière qui verse des intérêts élevés aux prêteurs internationaux comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Les dettes et les paiements d'intérêts sur la dette qui en découlent sont devenus un poids énorme pour le pays. En d'autres mots, si à une époque l'édification nationale correspondait aux intérêts de la bourgeoisie, à sa réalisation du profit maximum, aujourd'hui cette même recherche du profit devient antinationale.
Un autre obstacle aux visées de la bourgeoisie sont les revendications des peuples des différents pays. La classe ouvrière est plus que jamais réduite au simple rôle de force productive. L'esclavage salarié est plus évident que jamais : ceux qui achètent la force de travail n'ont même plus la responsabilité de voir aux besoins de leurs esclaves. La réserve de main-d'oeuvre mondiale est énorme – car en plus d'une main-d'oeuvre à bon marché au pays il y a l'immigration. Par ailleurs la bourgeoisie puise librement dans la réserve intellectuelle de pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine et des pays d'Europe de l'Est.
Aujourd'hui la recherche du profit maximum par la bourgeoise est devenue destructrice pour les peuples et les nations du monde. C'est pourquoi c'est au tour de la classe ouvrière de se constituer en la nation. Elle doit venir à la rescousse du peuple. Pour ce faire, elle doit mener à bien son propre projet émancipateur, et chemin faisant ouvrir la voie au progrès de la société. La société pourra alors progresser et les collectifs des femmes, des jeunes et autres qui n'ont clairement pas les possibilités de s'affirmer dans les conditions actuelles pourront le faire.
La nation et la vie politique moderne
Certains croient que la raison pour laquelle il faut que la classe ouvrière constitue elle-même la nation est que la vie politique moderne exige que le peuple constitué en nation soit souverain. Selon cette façon de voir les choses, c'est « le peuple » constitué en nation qui doit diriger et qui doit décider.
C'est une façon assez superficielle d'aborder le sujet étant donné les conditions d'aujourd'hui. L'État-nation européen moderne, qui a été le modèle de tous les États-nations qui existent présentement, a été constitué par la bourgeoisie. C'est la classe bourgeoise au pouvoir qui a dirigé et décidé, et c'est encore le cas aujourd'hui. La différence entre alors et maintenant est qu'à l'époque la bourgeoisie défendait la souveraineté de la nation comme la prunelle de ses yeux et la souveraineté était synonyme de nation. Aujourd'hui, par contre, elle défend ses intérêts en trahissant la souveraineté. Elle prétend exercer la souveraineté au nom du « peuple » et gouverne au nom du « peuple », mais c'est et c'était uniquement pour duper le peuple et se donner de la crédibilité. En rendant le concept de peuple synonyme de nation, la bourgeoisie parvenait à mettre toute la société à la disposition de ses objectifs, que ce soit en tant que forces productives ou en tant que chair à canon.
Ainsi, lorsqu'on invoque « la vie politique moderne », il importe de préciser ce qu'on veut dire. Si on entend par là que de nos jours, puisqu'ils sont éduqués dans ce qu'on appelle les démocraties, les gens en sont venus à accepter que la démocratie est « le pouvoir par le peuple », alors il est vrai que dans la vie politique moderne les gens s'attendent à un pouvoir par le peuple : que le peuple dirige et décide. Mais quand « le peuple » du Canada a-t-il jamais gouverné ou même décidé de quoi que ce soit en ce qui concerne la politique intérieure ou extérieure de la nation ?
Au Canada, cette notion est reprise seulement lorsque des décisions sont prises qui vont à l'encontre des intérêts du peuple. Alors le peuple s'objecte et réclame que les décisions soient en sa faveur. Mais cela prend la forme très limitée de la contestation. Ce n'est qu'à l'occasion du référendum sur l'Accord de Charlottetown que la volonté du peuple a pris une expression réelle et l'accord a été rejeté. Dans ce cas, une tournure des événements a fait que le peuple a été habilité à décider.
Ainsi, dire que l'importance de la souveraineté de la nation est que le peuple dirige et décide ne répond pas à la nécessité d'aujourd'hui. C'est une interprétation très partielle du problème car cela ne tient pas compte de ce qu'est réellement la vie politique moderne et ce qu'est réellement la souveraineté nationale.
Il ne faut pas utiliser le mot « moderne » à toutes les sauces. Si par moderne on entend quelque chose qui appartient à la période actuelle, alors il faut reconnaître qu'aujourd'hui, au Canada, le peuple attend du processus politique que ses représentants élus dirigent et décident comme il faut. Les gens ne se voient pas eux-mêmes engagés dans la chose politique ; pour eux c'est un domaine qui n'est pas à leur portée. Évidemment, cela s'accompagne de notions qui lient automatiquement la politique à la corruption et à l'intérêt privé.
Cette interprétation de ce qui est politique donne tout droit d'agir aux pouvoirs en place. C'est d'ailleurs un des outils dont dispose la bourgeoisie pour sauvegarder ses positions de privilèges et de pouvoir et écarter le peuple du pouvoir de décider. Puisqu'aujourd'hui le peuple est préoccupé par l'absence d'un contrôle sur sa vie, notamment d'un contrôle sur la direction de l'économie, il importe de bien rendre ce qu'est la politique dans le cours du travail.
La politique concerne la façon dont la société est gouvernée, comment les décisions sont prises. Au centre de la politique il y a la question à savoir qui participe aux prises de décision et donc qui verra à leur mise en oeuvre. Sans cette règle, il est impossible pour le peuple d'exercer un contrôle sur sa vie. En dernière analyse, il faudra mettre un terme à la situation où l'appareil législatif est séparé de l'appareil exécutif, c'est-à-dire mettre un terme au pouvoir du cabinet non seulement sur les différents niveaux de gouvernement mais sur toute la vie de la société. Et pour cela, il faudra s'attaquer au problème de la propriété des moyens de production parce que les rapports entre les citoyens à l'heure actuelle sont déterminés par le fait que la propriété des moyens de production est privée. C'est cela qui prive les citoyens du pouvoir de prendre les décisions et d'exercer un contrôle sur leur vie. Or, même si au bout du compte il faudra régler la question de la propriété des moyens de production en faveur de la classe ouvrière et du peuple, cela ne veut pas dire qu'on doive attendre qu'elle soit réglée avant de participer à la vie politique.
Puisque la façon dont les décisions sont prises a des répercussions sur tous les aspects de la vie, et non pas seulement sur le plan du gouvernement national, provincial et local, il est clair que les gens seront confrontés à ce problème dans tous les aspects de leur vie. Cela concerne donc la vie au travail, dans la famille, en politique et dans les affaires sociales et culturelles. Aucune organisation, y compris sur le plan de la famille, n'y échappe. C'est pourquoi la bourgeoisie exerce une grande pression sur le peuple pour qu'il ne soit pas politique.
Certains aiment à répéter que les gens peuvent faire quelque chose « seulement au niveau local » parce que cela les affecte directement et qu'« ils peuvent s'impliquer directement ». C'est dire que les gens peuvent avoir un certain contrôle sur les choses de leur entourage et pas sur le reste.
On dit que c'est un esprit de clocher. Au fil du temps l'expression « querelles de clocher » en est venue à signifier étroitesse d'esprit. Par réaction on dit qu'il faut avoir l'esprit ouvert. Mais on s'écarte avec cette façon de penser. C'est peut-être un manque d'ouverture d'esprit, mais pas nécessairement parce que c'est l'esprit de clocher. Cette expression fait référence à la paroisse. Or de toute évidence le problème n'est pas seulement paroissial puisque même au niveau local les gens n'ont pas les moyens de régler les problèmes en leur faveur. Même au niveau familial, les gens n'ont pas le pouvoir de prendre les décisions qui affectent la vie des membres de la famille et de la famille comme telle. C'est la même chose pour les endroits de travail, les quartiers, etc.
Ainsi, si l'on ne donne pas une définition moderne à la vie politique, comment les uns et les autres peuvent-ils donner suite à leurs préoccupations. Il ne s'agit pas non plus pour un groupe ou pour un individu de s'occuper des « questions plus larges », comme celles qui concernent la société, par opposition aux problèmes immédiats, comme ceux qui concernent un collectif particulier. Il n'y a pas de contradiction entre les deux.
Il est vrai que si la souveraineté signifie l'autodétermination, tant que la bourgeoisie est au pouvoir c'est elle qui a le pouvoir de déterminer l'avenir de la société et de prendre toutes les décisions. Mais puisqu'il s'agit de la souveraineté de la nation et que la bourgeoisie se sert de ses positions de pouvoir et de privilège pour vendre cette souveraineté, il faut conclure qu'on ne peut plus confier la souveraineté de la nation à la bourgeoisie et que la souveraineté servira à défendre les intérêts de la société seulement une fois que la classe ouvrière se sera donné le pouvoir de prendre les décisions. Mais il ne s'agit pas d'attendre que la classe ouvrière soit au pouvoir avant de s'intéresser à qui prend les décisions. Ce problème est une préoccupation immédiate.
Aussi le PCC(M-L) a-t-il placé à l'ordre du jour immédiat le besoin pour la classe ouvrière d'élever son niveau de conscience et d'organisation en bâtissant les groupes de rédacteurs et diffuseurs. C'est le premier pas qu'ils peuvent prendre pour exercer un contrôle sur leur vie puisque participer aux prises de décision à l'intérieur de ces groupes pour ensuite appliquer eux-mêmes les décisions prises est la règle de base. Ces groupes s'intéressent nécessairement à leurs conditions concrètes, mais cela ne veut pas dire qu'ils succombent à l'esprit de clocher au sens péjoratif. Cela veut dire au contraire qu'ils deviennent politiques dans le sens le plus large du mot.
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