Les faux espoirs d'un nouveau départ du gouvernement libéral

Trudeau veut mettre le Canada en état d'animation suspendue pendant qu'il gouverne par décret

– Pauline Easton –

Le 6 janvier au matin, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé son intention de démissionner. Il a dit qu'il comptait rester chef du Parti libéral et donc premier ministre du Canada jusqu'à ce que le parti se choisisse un nouveau chef.

Justin Trudeau a prorogé le Parlement pour trois mois, jusqu'au 24 mars 2025. Le choix du 24 mars est sans doute lié au fait que la Chambre des communes dispose d'une période de subsides qui se termine le 26 mars, date à laquelle elle doit revoir les plans de dépenses du gouvernement pour le prochain exercice financier. C'est à ce moment-là que la Chambre vote sur les prévisions budgétaires et des projets de loi de finances. Ces projets de loi sont ensuite renvoyés au Sénat.

Le premier ministre avait à peine annoncé ses intentions en conférence de presse devant sa résidence à Ottawa, après avoir reçu l'assentiment de la gouverneure générale pour proroguer le Parlement, que les médias ont commencé à souligner la nature intéressée de cette décision.

« Cette décision signifie que les partis d'opposition ne peuvent pas déclencher des élections par une motion de censure avant que les libéraux ne se trouvent un nouveau chef et que toutes les activités parlementaires ne soient arrêtées », ont-ils dit.

Les chefs d'antenne, les panels d'experts et les représentants des partis cartellisés préparent ainsi le terrain où les partis d'opposition s'insurgent contre cette décision intéressée, tandis que les spéculations vont bon train sur qui se lancera dans la course pour remplacer Justin Trudeau. Et ainsi tournera le manège.

En effet, il n'est pas difficile de démontrer que la décision du chef libéral favorise son parti et les Canadiens vont l'entendre de partout dans les jours à venir. À toutes fins utiles, les prochaines élections fédérales viennent d'être enclenchées, contournant les règles relatives aux sommes d'argent que les candidats aux postes de privilège et de pouvoir peuvent dépenser pour se promouvoir et cacher ce qu'ils représentent réellement et qui cela sert. Tous ceux qui représentent les riches et les puissants rivalisent pour le contrôle des politiques officielles de l'État au profit de leur faction de la minorité riche : pour piller le trésor public à la lumière du naufrage protectionniste annoncé par Trump et se réinventer à l'image de ce que veulent les Canadiens (selon eux). Mais les Canadiens n'exercent aucun contrôle sur tout cela.

Quant à l'espoir évident du Parti libéral de se donner un nouveau départ, c'est plus par désespoir que d'espoir. Les libéraux disent aux Canadiens : « Oublions tout ce qui s'est passé. Ce qui s'est passé avant 9 heures ce matin n'existe plus. Partez de ce que nous vous disons aujourd'hui, commencez à vous faire un classement des préférences parmi les choix que nous vous proposons pour le prochain premier ministre et remettez votre destin et celui de la paix, de la liberté, de la démocratie et de l'environnement social et naturel entre leurs mains si vous voulez que la terre continue de tourner. »

Et les partis cartellisés vont fulminer et expliquer pourquoi les Canadiens devraient les choisir, eux, plutôt que les libéraux.

Les Canadiens peuvent facilement voir que tous ces scénarios ne les aident en rien à analyser la nature de la profonde crise politique existentielle dans laquelle sont embourbés non seulement le Parti libéral, mais tous les partis cartellisés, le système des partis cartellisés et le Canada tout entier. Les événements se succèdent à un rythme effréné dans le monde entier. Donald Trump assumera la présidence des États-Unis dans deux semaines. Au cours de cette période, les peuples du monde peuvent s'attendre à de nombreuses catastrophes. Ce divertissement n'aide en rien les Canadiens à s'y préparer. En revanche, cela leur dit qu'ils doivent compter sur eux-mêmes pour trouver une solution.

Plutôt que de présenter aux Canadiens une voie qui inspire confiance, Justin Trudeau et ses conseillers semblent penser qu'ils peuvent mettre le pays en état d'animation suspendue. Ils semblent penser que le monde va s'arrêter pendant qu'ils poursuivent les tractations de coulisses avec leurs homologues aux États-Unis, en Europe, en Israël et dans tous les pays où les laquais des impérialistes américains multiplient les pactes dans le vain espoir que les États-Unis échappent au verdict de l'histoire et soient déclarés une fois de plus la nation indispensable.

L'animation suspendue signifie que les fonctions vitales d'un organisme cessent de fonctionner juste assez pour ne pas causer la mort. En d'autres termes, au nom de grands idéaux, le Parlement est suspendu, mais il n'est pas mort. Il dort, en hibernation jusqu'au printemps !

Qui le croira ! Le vent du nord semble avoir gelé les facultés pensantes des firmes-conseils et des sociétés de marketing qui ont imaginé ce stratagème !

Si seulement les peuples du monde n'existaient pas, si seulement ils cessaient de réclamer leurs droits... mais, bien sûr, ça n'arrivera pas. Les peuples du monde existent. Ils se battent. Leurs mouvements de résistance définissent qui ils sont et ce qu'ils représentent, et c'est pourquoi toutes les tentatives des impérialistes et de leurs serviteurs et agents de les supprimer ou de les détourner les mène à leur propre perte.

L'annonce de la démission de Justin Trudeau et de la prorogation du Parlement pour trois mois ont déjà déclenché la frénésie électorale. Mais il y a aussi le fait que cette prorogation revient ni plus ni moins à la proclamation de pouvoirs d'urgence. Cela signifie que le gouvernement fonctionnera en utilisant les prérogatives ministérielles que les gouvernements successifs se sont votées pour donner à leur impunité un vernis juridique.

Pour la classe ouvrière et le peuple du Canada, cela ne passe pas.

Le Parti libéral semble penser qu'il peut ainsi retrouver un nouveau souffle, se réinventer à l'image de ce que veulent les Canadiens et que tout ira bien. Ce n'est pas une coïncidence si les résolutions du Nouvel An de Mark Carney comprennent le retour de la Coupe Stanley au Canada en tant que valeur canadienne qui nous unit ! C'est un exemple de la banalité de leur propagande électorale !

Quelle est la voie vers l'avant pour le Canada ? Qui décide de la direction de l'économie, de la nature des relations avec les États-Unis ? De la politique sociale et de toutes les questions qui intéressent les Canadiens ? Tels sont les principaux sujets de préoccupation. Avec leurs manoeuvres pitoyables, les cercles dirigeants ne réussissent qu'à convaincre davantage les Canadiens qu'ils n'ont pas d'autre choix que de se donner eux-mêmes les moyens de décider.

Le moment est venu de déjouer tous les pièges que leur tendent les riches et leurs médias, le gouvernement, les universités et les diverses courroies dont ils disposent pour transmettre leurs idées à la population. Tout cela ne suffira plus. Popeye et ses boîtes d'épinards ne sauveront pas leur navire d'État en perdition.

Les Canadiens peuvent désormais s'attendre à être gouvernés sans aucune contrainte pendant les trois prochains mois, tandis que le nouveau président américain Donald Trump montre qu'il est la personne d'État désignée pour briser toutes les barrières constitutionnelles à l'impunité totale. Le Canada devra faire face aux pouvoirs de police exécutifs qui permettront à la présidence de déclarer les États-Unis « nation indispensable » et le peuple canadien devra faire face à la fois au gouvernement Trudeau et à celui de Donald Trump.

L'entourage de Justin Trudeau est maintenant le lieu d'une rivalité pour la succession. C'est un spectacle désolant. Les sociétés de marketing s'affairent à créer des images avec lesquelles conquérir le coeur et l'âme des Canadiens. Ça ne fait que donner une image déformée de ce que les Canadiens disent quand ils s'expriment en leur nom propre. Et ils continueront de parler en leur propre nom, jour après jour, semaine après semaine, action après action.

C'est une certitude, alors que les libéraux et les partis cartellisés n'offrent que la fraude.

Les Canadiens doivent se donner les moyens de faire en sorte que le Canada arrête de payer les riches, qu'il cesse de détruire l'environnement naturel et social en attaquant toutes les couches de la population de la manière la plus brutale, qu'il cesse de commettre le génocide, qu'il cesse de militariser l'Arctique, qu'il cesse de commettre des crimes contre les droits de tous et toutes, et qu'il devienne une zone de paix.

En 2025, mettons tout en oeuvre pour faire place au renouveau politique et pour faire du Canada une zone de paix ! Donnons-nous les moyens de décider dès maintenant !

Notes

Transcription de l'annonce de Trudeau

Le 6 janvier, Justin Trudeau a présenté son plan de proroger le Parlement et de démissionner comme chef du Parti libéral après que le parti se sera trouvé un nouveau chef à sa conférence de presse devant sa résidence à Ottawa. Il l'a enveloppé dans un jargon libéral sur l'aide aux Canadiens, le service à la classe moyenne, la défense du Canada, la paix, la solution à la crise climatique, la préparation de l'économie pour l'avenir, qui sont tous des déguisements pour payer les riches, accroître l'impunité pour ceux qui occupent des positions de pouvoir et de privilège, présenter le soutien au génocide comme un soutien aux droits humains et à la démocratie, l'intégration du Canada à la machine de guerre américaine comme un libre-échange.

Voici ce qu'il a dit :

Chaque matin, je me réveille en tant que premier ministre, j'ai été inspiré par la résilience, la générosité et la détermination des Canadiens. C'est la force motrice de chaque jour où j'ai le privilège de servir dans cette fonction.

C'est pourquoi, depuis 2015, je me suis battu pour ce pays, pour vous - afin de renforcer et de développer la classe moyenne.

Nous nous sommes réunis pour nous soutenir mutuellement pendant la pandémie, pour avancer la réconciliation, pour défendre le libre-échange sur ce continent, pour rester forts aux côtés de l'Ukraine et de notre démocratie, lutter contre le changement climatique et préparer notre économie pour l'avenir. Nous sommes à un moment critique dans le monde.

Comme vous le savez, je suis un « fighter ». Dans mon for intérieur, je me suis toujours battu parce que je me soucie profondément des Canadiens.

Malgré tous les efforts déployés pour passer à travers, le Parlement est paralysé depuis des mois, après ce qui a été la plus longue session d'un Parlement minoritaire dans l'histoire de notre pays. C'est pourquoi ce matin j'ai rencontré la gouverneure générale pour lui faire savoir que nous avions besoin d'une nouvelle session du Parlement. Elle a accédé à ma demande et la Chambre sera maintenant prorogée jusqu'au 24 mars.

Pendant le temps des Fêtes, j'ai également eu le temps de réfléchir et d'avoir de longues conversations avec ma famille quant à notre avenir.

Tout au long de ma carrière, tous les succès que j'ai personnellement obtenus l'ont été grâce à leur soutien et à leurs encouragements.

Hier soir, au souper, j'ai partagé avec mes enfants la décision que je partage avec vous tous aujourd'hui.

J'ai l'intention de démissionner de mes postes de chef du Parti libéral du Canada et de premier ministre une fois que le parti aura choisi son prochain chef à l'issue d'un processus national, rigoureux et compétitif.

Ce pays mérite un vrai choix lors des prochaines élections et il est devenu évident pour moi que, si je dois me concentrer sur des batailles internes, je ne peux pas être la meilleure option à ces élections.

Je suis impatient de voir le processus se dérouler dans les mois à venir.

Nous avons été élus pour la troisième fois en 2021 pour renforcer l'économie après la pandémie et promouvoir les intérêts du Canada dans un monde compliqué, et c'est exactement le travail que nous continuerons à faire pour les Canadiens.

Justin Trudeau s'est adressé aux journalistes après avoir annoncé ses intentions. Il s'est moqué des appels insistants à sa démission et des querelles au sein de son parti. Il a répété que sa décision était nécessaire pour sortir de l'impasse législative à la Chambre des communes. Il s'est dit convaincu que son gouvernement survivrait à un vote de confiance à la rentrée parlementaire.

« Il est temps de repartir à zéro, a-t-il déclaré. Il est temps que la température redescende, que les citoyens prennent un nouveau départ au Parlement et qu'ils soient capables de naviguer dans cette période complexe, tant au niveau national qu'international. »

Il a également exprimé ses regrets de ne pas avoir réformé le processus électoral, pour se débarrasser du scrutin uninominal à un tour, après les élections de 2015, comme il l'avait promis. En fait, il a tenté d'imposer un système basé sur le vote préférentiel, un mode de scrutin qui a été rejeté résolument, ce qu'il a omis de mentionner. C'est peut-être la méthode qu'utilisera le congrès du Parti libéral pour se choisir un nouveau chef. Puisqu'il n'a pas de membres et qu'il s'enorgueillit d'être le parti de la « grande tente » qui regroupe tout le monde, il tiendra peut-être un vote par écrit qui classera les choix et les préférences et ce sera le troisième ou le quatrième choix qui deviendra chef !

Le vote préférentiel est tout ce qu'il y a de plus antidémocratique. S'il s'agit d'une méthode pour faire des choix, elle n'a absolument rien à voir avec la modification du système de représentation qui prive le peuple de son pouvoir.



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Volume 55 Numéro 1 - 7 janvier 2025

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