La Conférence de Munich sur la sécurité 2024

Les participants manifestent une obsession morbide de la défaite


Manifestation devant la Conférence de Munich sur la sécurité, 17 février 2024

La 60e Conférence annuelle de Munich sur la sécurité (CSM) s'est tenue à Munich, en Allemagne, du 16 au 18 février, à un moment où rien ne fonctionne pour les participants qui sont déterminés à faire de l'axiome pragmatique « Rien ne réussit comme le succès » une réalité. Le fait est que même la description que fait la CSM d'elle-même n'est plus vraie. Elle se présente comme « le premier forum mondial de débat sur la politique de sécurité internationale. Il s'agit d'un lieu d'initiatives diplomatiques visant à répondre aux problèmes de sécurité les plus urgents dans le monde ».

Cette année, 900 participants étaient présents, dont 50 chefs d'État et de gouvernement, plus de 100 ministres et des représentants de groupes de réflexion, d'ONG et du secteur privé. La ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, a participé à la conférence pour « souligner le soutien continu du Canada à l'Ukraine face à la guerre d'agression de la Russie », les efforts du Canada pour « renforcer l'ordre international fondé sur des règles » ainsi que pour « discuter de la crise au Moyen-Orient ». La ministre a également rencontré ses homologues du G7 lors d'une réunion distincte en marge de la CSM.

Le thème de la conférence de cette année était « Lose-Lose ? » (Perdant-Perdant ?), qui était également le titre du rapport annuel de la CSM cette année. Ce titre semble aborder l'échec des efforts déployés l'un après l'autre en politique étrangère par l'alliance États-Unis/OTAN et l'Union européenne pour établir leur hégémonie sur les peuples. Leurs politiques au nom de la lutte contre le terrorisme et pour garantir la paix, la sécurité, la démocratie et la prospérité ont plutôt conduit le monde au bord de désastres d'une ampleur sans précédent, notamment des famines, des catastrophes environnementales et le massacre de millions et de millions de personnes que les riches considèrent jetables et dont ils ont provoqué les migrations mais avec lesquelles ils ne veulent rien avoir à faire.

Au lieu d'analyser la réalité qui se déroule sous nos yeux, les auteurs du rapport recourent aux schibbolets de la guerre froide. Le cadre qu'ils adoptent donne le contexte d'une augmentation des crises et des tensions géopolitiques qui engloutissent le monde et tire la conclusion que de nombreux pays choisissent de plus en plus de s'occuper de leurs propres intérêts au détriment de la coopération mondiale. Les auteurs affirment que cela donnera lieu à une « dynamique perdant-perdant » qui « sape l'ordre international existant qui, malgré tous ses défauts, peut encore contribuer à faire croître le proverbial gâteau au bénéfice de tous ».

Une fois qu'il n'est même pas reconnu qu'accepter le génocide qu'Israël commet contre le peuple palestinien « sape l'ordre international existant », que reste-t-il ?

Décrire les sujets discutés à la CSM cette année comme « la guerre en cours en Ukraine et la crise à Gaza, ainsi que l'unité européenne, les relations avec la Russie, la Chine et l'Inde et d'autres sujets » est totalement vide de sens. En fait, la mort d'Alexeï Navalny, qu'on a présenté comme l'opposition principale à Vladimir Poutine à l'élection, un associé connu de la CIA et, selon le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg, un bon ami de l'OTAN, qui a été annoncée le premier jour de la CSM, a suscité plus de tristesse parmi les participants à la conférence que le nombre croissant de morts et de victimes du génocide sioniste à Gaza. Plus de 30 000 personnes ont été tuées à Gaza au cours des quatre derniers mois par la machine à tuer sioniste israélienne et beaucoup d'autres ont été mutilées ou ont disparu, mais la situation en Palestine a reçu beaucoup moins d'attention que la situation en Ukraine. Les participants du CSM n'ont pas non plus été troublés le moins du monde par la mort de citoyens ukrainiens et du nombre de soldats utilisés comme chair à canon pour alimenter la guerre par procuration criminelle des États-Unis /OTAN. Ce que les États-Unis demandent, et ce que le nombreux pays qui participent à ce forum mal nommé sur la sécurité soutiennent, c'est de forcer l'Ukraine à se battre jusqu'au dernier Ukrainien.

L'un des principaux thèmes répétés à maintes reprises par les orateurs, comme la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, la présidente de l'UE, Ursula von der Leyen, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, et d'autres, était l'importance cruciale pour l'« Occident » de continuer à soutenir l'Ukraine dans sa guerre pour « la liberté et la démocratie » et « nos valeurs » contre la Russie.

Le discours sur « nos valeurs » est censé être un exemple parfait de ce qu'exige la « coopération mondiale ». Tous ont déclaré que l'Ukraine se trouvait sur la ligne de front d'un monde de démocratie et de liberté menacé par la Russie, la Chine et leurs alliés comme l'Iran et la République populaire démocratique de Corée. Ils ont également affirmé que le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et le président de la Chine, Xi Jinping, avaient des ambitions expansionnistes et qu'une défaite militaire face à la Russie en Ukraine « encouragerait » ces « autocrates » à s'emparer d'autres territoires.

Bien entendu, aucun des accusateurs n'a présenté de preuves à l'appui de ces affirmations. Peut-être pensent-ils que le son de leur propre voix étouffera les cris des mères et des enfants en pleurs de Gaza, du Soudan et de ceux qui meurent dans les eaux du Rio Grande, à la frontière sud des États-Unis.

Un autre thème abordé lors de la conférence était les énormes difficultés rencontrées par l'UE et l'OTAN pour fournir des armes à l'Ukraine. Malgré un investissement de quelque 88 milliards de dollars américains au cours des deux dernières années pour fournir à l'Ukraine des formations et des armes, la Russie n'a pas été vaincue mais, au contraire, ses forces armées gagnent en puissance et en expérience. Le seul espoir des forces des États-Unis /OTAN est de créer les conditions pour que la guerre se poursuive pendant des années. Les discussions sur la manière d'acheter et de fournir des armes à l'Ukraine reposent sur ce scénario, comme si les peuples d'Ukraine, les peuples du monde et les pays qui travaillent à l'établissement d'un ordre mondial basé sur l'égalité et la résolution pacifique des problèmes n'avaient pas leur mot. Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, a une nouvelle fois appelé la conférence à envoyer davantage d'armes et de munitions, affirmant que sans cette aide, l'Ukraine perdrait la guerre et, en répétant ce que prétendent les États-Unis/l'OTAN, que cela entraînerait l'invasion des États baltes par la Russie.

En réponse, la présidente de l'UE, Ursula von der Leyen, a déclaré que « l'Europe doit renforcer sa base industrielle. (...) Je suis une transatlantiste convaincue et, en même temps, nous devons construire une Europe forte, ce qui va de pair ». Elle a indiqué que l'Union européenne présentera une proposition visant à augmenter les dépenses de défense, à accroître l'efficacité des acquisitions conjointes et des accords qui offrent « des prévisions à l'industrie » et une meilleure interopérabilité » entre les forces armées européennes. Exactement ce que les peuples européens voulaient entendre ! Elle a ajouté qu'en concentrant les dépenses en Europe sur la création de « bons emplois », les « contribuables européens » qui paient la facture seront servis. Dans ses commentaires lors d'une table ronde, Ursula von der Leyen a également indiqué que l'Ukraine doit être intégrée dans les programmes de défense européens et que l'UE ouvrirait un bureau à Kiev pour faciliter cette intégration.

Par ailleurs, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et maintenant le Danemark ont conclu des accords individuels avec l'Ukraine dans le but, pensent-ils, de contourner l'inadmissibilité de l'Ukraine au sein de l'OTAN et de l'UE et de la maintenir à flot. Cela a déjà accru les conflits au sein de l'UE, d'autant plus que l'Allemagne cherche à renforcer son rôle et ses relations indépendamment de l'UE.

Pour sa part, Jens Stoltenberg a noté que « les alliés européens de l'OTAN et le Canada augmentent leur aide à Kiev » et qu'il y a « un besoin vital et urgent pour les Etats-Unis de décider d'un ensemble de mesures pour l'Ukraine ». Le président Biden continue d'appeler le Congrès à adopter ce qui est actuellement un train de mesures de 95 milliards de dollars pour l'Ukraine, Israël et Taïwan, en promouvant que 40 milliards de dollars de cette somme iraient aux emplois américains liés aux monopoles de guerre.

Tout cela montre que les États-Unis, l'OTAN et l'UE n'ont aucune idée de ce qu'il faut faire avec la Russie et son plan de dénazification de l'Ukraine. L'espoir initial de voir l'Ukraine repousser rapidement l'« invasion » russe s'est évanoui. La seule stratégie des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN, y compris de l'UE, consiste à jeter de l'huile sur le feu dans l'espoir d'épuiser la Russie. Loin d'unifier la bureaucratie américaine ou l'Europe, la guerre n'a fait qu'accentuer les divisions et les luttes de factions, attisant l'opposition des peuples partout dans le monde.

Ce qui est complètement absent de tout cela, c'est qu'il est devenu clair que le peuple ukrainien lui-même veut un règlement négocié pour mettre fin à la guerre, tout comme les peuples d'Europe, des États-Unis, du Canada et d'autres pays. Alors qu'il est évident que cela se fera aux conditions de la Russie, les peuples de Finlande et de Suède se prépareraient à la guerre, rassembleraient des rations alimentaires et parleraient de plans d'évacuation et d'abris anti-bombes à la lumière de la propagande de guerre que leurs gouvernements ont déclenchée dans le cadre de l'adhésion à l'OTAN, la Finlande étant nouvellement admise et la Suède attendant d'y adhérer.

Les peuples d'Europe, qui ont souffert de deux guerres mondiales, ne veulent pas de la guerre ni que leurs pays soient transformés en bases pour les intérêts anglo-américains.


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Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024

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