19e Sommet du Mouvement des pays non
alignés à
Kampala,
en Ouganda, les 19 et 20 janvier
Demande et appui fermes pour un cessez-le-feu à Gaza et pour le droit d'être du peuple palestinien
Le Mouvement des pays non alignés (MNA) a eu son 19e sommet à Kampala, en Ouganda, les 19 et 20 janvier, précédé d'une rencontre ministérielle de haut niveau les 17 et 18 janvier. Le sommet avait pour thème « Approfondir la coopération pour une richesse mondiale partagée ». Le MNA est constitué de 121 pays : 53 pays d'Afrique, 39 d'Asie, 26 d'Amérique latine et des Caraïbes et 2 d'Europe, ce qui en fait le plus important rassemblement de pays de l'ONU. Vingt pays et 11 organisations y ont un statut d'observateurs. Les pays membres du MNA ne sont ni officiellement alignés ni opposés à aucun bloc de grandes puissances[1].
L'Ouganda a pris la relève de l'Azerbaïdjan à la présidence et conservera ce poste jusqu'en 2027. Le président Yoweri Kaguta Museveni a été élu président du sommet par proclamation, prenant la relève du président de l'Azerbaïdjan Ilham Aliyev. Dans son discours liminaire, il a mis en garde les dirigeants qui cherchent à imposer leur orientation uni-idéologique étroite à leur propre société et même au monde entier.
« Les oppresseurs font un mauvais calcul lorsqu'ils utilisent leur avantage temporaire en sciences et en technologie et pensent qu'ils peuvent les utiliser indéfiniment pour opprimer d'autres peuples, a dit le président Musevini. Les opprimés apprendront, se rattraperont et vaincront l'oppresseur. Voilà pourquoi les empires s'effondrent inévitablement. Le concept d'empire est un concept fondé sur le Mal. » Il a ajouté : « Pourquoi ne cherchez-vous pas à influencer les gens par l'exemple plutôt que par la manipulation, les sermons et les menaces ? Les chauvinistes sur la base de la race, de la religion, ou sur une base tribale ou de genre doivent arrêter de nous faire perdre notre temps et de restreindre nos possibilités avec leurs petites combines. L'action aura toujours pour réponse la contre-action. L'oppression, la résistance. Nous ne sommes donc pas impressionnés et refusons de nous prêter à ce sectarisme morbide de pensée uni-idéologique de tout genre. L'univers est ici depuis 30 milliards d'années et la société humaine est ici depuis 4 ½ millions d'années. »
Un des développements remarquables du sommet a été l'appui résolu réservé au droit d'être de la Palestine et la dénonciation de la campagne militaire génocidaire d'Israël dans la bande de Gaza. Le vice-président cubain Salvador Valdes Mesa, par exemple, a dit dans un discours aux délégués le 19 janvier : « Depuis le 7 octobre, nous sommes témoins d'un des actes génocidaires les plus cruels jamais vu dans l'histoire. Comment les pays occidentaux, qui prétendent être civilisés, peuvent-ils justifier l'assassinat de femmes et d'enfants à Gaza, les frappes aveugles contre les hôpitaux et les écoles, et le fait de priver le gens d'eau potable et de nourriture ? ». Moussa Faki Mahamat, co-président de la Commission de l'Union africaine, a appelé à une fin immédiate à ce qu'il a appelé « la guerre injuste contre le peuple palestinien ».
Les graves préoccupations sur la question de la Palestine ont été réitérées dans la Déclaration de Kampala publiée à la clôture du sommet, qui « réaffirme l'importance de la question de la Palestine pour le Mouvement des non-alignés et souligne que les positions de longue date, partagées et de principe qui ont été développées avec un grand sens des responsabilités au cours des soixante dernières années seront défendues, préservées et promues, y compris en participant activement aux réunions, conférences et autres événements pertinents, en particulier dans le cadre des Nations unies, dans nos efforts soutenus pour mettre fin au colonialisme, à l'oppression, l'occupation et la domination dans le territoire palestinien occupé. »
Les auteurs de la déclaration rappellent la plainte déposée par l'Afrique du Sud contre Israël à la Cour internationale de justice en vertu de la Convention sur le génocide. Ils appellent à « apporter de l'aide humanitaire pour sauver la vie des Palestiniens dans toute la bande de Gaza et veiller à la protection des acteurs humanitaires ». Ils condamnent avec force « l'agression militaire illégale israélienne dans la bande de Gaza, les attaques aveugles contre les civils palestiniens et les objets civils, et le déplacement forcé de la population palestinienne et appelle à un cessez-le-feu humanitaire immédiat et durable. »
Lors de la réunion ministérielle du 17 janvier, le ministre cubain des Relations exérieures Bruno Rodriguez a proposé que le MNA se prononce avec unité et fermeté en faveur d'une solution équitable, globale et durable à l'occupation israélienne de la Palestine. Il a fait valoir la nécessité d'un État palestinien indépendant dans les frontières d'avant 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale et le retour des réfugiés. Il a proposé que le MNA appuie l'envoi d'une mission de protection internationale dans la bande de Gaza, autorisée par l'Assemblée générale des Nations unies, avec le mandat de garantir la sécurité et la protection de la population civile, ainsi que de faciliter la livraison d'aide humanitaire et de nourriture. Le représentant cubain a fait part de l'appui de son pays à la tenue d'une Conférence internationale de la paix dont le but serait de contribuer à la protection des droits du peuple palestinien et de créer un État palestinien souverain. Plusieurs de ces propositions se sont reflétées dans la Déclaration de Kampala.
Bruno Rodriguez a aussi réitéré le rejet par Cuba des mesures coercitives imposées à plusieurs pays membres du MNA. « Cuba apprécie l'appui inestimable à sa juste demande que fin soit mise au blocus illégal des États-Unis qui est ouvertement en violation des droits humains de tous les Cubains et qui a été renforcé à l'extrême depuis 2019 », a-t-il dit. À cette fin, la Déclaration de Kampala affirme que le MNA continue d'appeler à ce que « soit totalement, immédiatement et inconditionnellement levées toutes Mesures coercitives unilatérales, y compris ces mesures manipulées pour faire pression économique et financière sur tout pays, en particulier les pays en développement ». La déclaration fait valoir que de telles mesures sont « une violation de la Charte des Nations unies et des principes du droit international » et qu'en particulier elles « nuisent à la santé et au bien-être de la population des pays affectés et créent des obstacles à la pleine réalisation des objectifs de développement durable de ces pays, de leurs droits humains et des leurs plans de développement national ».
Le ministre cubain des Relations extérierues a aussi fait part de l'appui de son pays au droit à la libre autodétermination du peuple du Sahara occidental ainsi qu'à l'autodétermination et l'indépendance de Porto Rico.
Un autre point fort du sommet du MNA fut l'engagement réitéré de l'organisation envers la Charte des Nations unies et de l'état de droit international, tout en reconnaissant que l'ONU a besoin de consolidation et de renouveau. La Déclaration de Kampala appelle tous ses pays membres à « résolument relever les défis en matière de paix et de sécurité, de développement, des droits humains et de coopération internationale, et qu'ensemble nous nous mettions à la tâche de :
« - défendre et promouvoir le respect de la Charte de l'ONU et du droit international, en particulier les principes de souveraineté, d'égalité souveraine, d'intégrité territoriale, de non-ingérence et de règlement pacifique des différends;
« - revitaliser et revigorer le rôle du MNA dans le contexte de la situation internationale contemporaine, sur la base de ses principes et objectifs initiaux, tels que stipulés à Bandung (1955) et Belgrade (1961), d'oeuvrer pour un monde pacifique, équitable et prospère;
« - renforcer les Nations unies en tant qu'organisation multilatérale première et doter l'ONU d'une capacité substantive lui permettant de respecter les objectifs et principes enchâssés dans sa Charte, et consolider tout particulièrement son caractère démocratique et inter-gouvernemental en revitalisant l'Assemblée générale et en renforçant son autorité en tant qu'instance démocratique, inclusive, équitable et représentative de l'Organisation, ainsi que de hâter la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, conformément à la résolution 62/557 de l'Assemblée générale, procédant de manière globale et intégrée, afin de faire du Conseil une instance de l'ONU plus démocratique, transparente et représentative;
« - accroître le processus en cours de consultations, coopération et coordination entre l'ONU et les organisations, ententes ou agences régionales et sous-régionales pertinentes, conformément avec le Chapitre VIII de la Charte de l'ONU, mais aussi de leurs mandats, étendue et composition, ce qui est utile et peut contribuer à maintenir la paix et la sécurité internationale et réaliser le développement durable;
« - réaffirmer et mettre en lumière la validité et la
pertinence des principes et des positions du Mouvement
concernant le droit à l'autodétermination des peuples
sous
occupation étrangère et coloniale ou domination
étrangère. »
Note
1. Le MNA a été créé en 1961 pour promouvoir les intérêts des pays en développement à l'époque de la guerre froide, rejetant les arrangements selon lesquels le monde devait être divisé en camps alignés sur les grandes puissances. En 1979, Fidel Castro a résumé l'objectif du MNA comme étant « l'indépendance nationale, la souveraineté, l'intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés » dans leur « lutte contre l'impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, le racisme, et toutes formes d'agression, occupation, domination, ingérence ou hégémonie étrangère et contre la politique des grandes puissances et de leurs blocs. »
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024
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