Génocide et responsabilité à la Cour internationale de justice
Afrique du Sud, Israël et intentionnalité
Rassemblement devant le Palais de la paix de La Haye pour
entendre la décision provisoire de la Cour internationale
de
justice, 26 janvier 2024
De l'avis du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste), il est important de discuter de la signification des délibérations de la Cour internationale de justice (CIJ) sur le génocide israélien. Les Sud-Africains ont rassemblé 84 pages de documentation et d'arguments fondés sur l'état de droit international, tandis qu'Israël a nié commettre un génocide ou avoir l'intention de le faire. Les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres anciennes puissances coloniales, ainsi que des dominions comme le Canada, se sont rangés à l'avis d'Israël.
Nous pouvons constater une nette opposition de points de vue, l'un fondé sur l'état de droit, sur les normes que la société civile a créées, et l'autre fondé sur un concept nébuleux que nous appelons intentionnalité. L'intentionnalité est le fait d'agir délibérément ou de viser un but. En philosophie, elle fait référence à la qualité des états mentaux (par exemple les pensées, les croyances, les désirs, les espoirs) qui consiste à être dirigé vers un objet ou un état de fait.
Il est significatif que, même après l'arrêt de la CIJ, tous les signataires de la Convention sur le crime de génocide n'aient pas respecté leur obligation de prévenir les actes de génocide, telle que définie par l'état de droit international. Cela inclut Israël lui-même, ainsi que le Canada et d'autres pays. Les pays donnent leurs raisons, mais le résultat est que rien n'a encore empêché Israël de perpétrer le crime de génocide. Il s'agit d'un sujet de préoccupation majeur pour les peuples du monde entier, car le massacre du peuple palestinien par Israël s'intensifie en toute impunité.
Les peuples du monde défendent les droits du peuple palestinien et saluent les succès de la résistance, y compris l'inscription du génocide américano-israélien à l'ordre du jour mondial. Les peuples sont confrontés au problème qu'Israël n'est pas le seul pays à agir sur la base d'arguments non fondés sur l'état de droit, national ou international. Outre les États-Unis et le Royaume-Uni, le Canada est l'un de ces pays. Les Canadiens veulent qu'Israël et les États-Unis soient tenus de rendre des comptes, ce qui suppose qu'ils soient également en mesure de demander des comptes au Canada. Comment le faire est la question à laquelle il faut répondre.
Pour comprendre comment le problème se pose, les récentes réunions organisées par le Centre d'études idéologiques affilié au PCC(M-L) ont souligné l'importance de discuter de l'affaire de l'Afrique du Sud sur le génocide israélien devant la CIJ et de la réponse d'Israël. Cela fait partie de l'analyse de la nécessité d'un renouveau démocratique au Canada et dans le monde. Les exigences de cette conjoncture historique particulière impliquent de reconnaître que les anciennes formes ne fonctionnent plus ou ont disparu et que de nouvelles formes qui défendent les intérêts du peuple restent à établir. Il y a une bataille pour la démocratie qui consiste à ne pas permettre aux élites dirigeantes d'agir en toute impunité et de priver les peuples des libertés civiles et de l'exercice de leurs droits. Et il y a la bataille de la démocratie qui consiste à mettre en place de nouveaux arrangements et de nouvelles formes de gouvernance qui prévoient la responsabilité, proscrivent l'impunité et donnent du pouvoir au peuple.
Les conversations menées par le Centre d'études idéologiques sur la requête de l'Afrique du Sud à la CIJ ont mis en évidence ce qui était vraiment frappant quand les délibérations ont été rapportées. Pour les personnes rationnelles, c'est le fait que l'Afrique du Sud a fondé son argumentation sur la force des allégations de génocide, alors que l'avocat d'Israël, Tal Becker, a attaqué les avocats qui présentaient la requête de l'Afrique du Sud. Pour les rabaisser, il a déclaré qu'ils n'avaient pas de base légale. Que voulait-il dire ?
Tout au long de son document de 84 pages, l'Afrique du Sud a fait référence au contexte de manière suivie – que l'argument du génocide n'avait rien à voir avec le 7 octobre, mais plutôt avec les activités d'Israël avant, pendant et après le 7 octobre. Ces éléments ont été cités comme contexte dans de nombreux exemples et comme base de l'obligation légale d'exiger d'Israël qu'il mette fin immédiatement à tout ce qu'il fait.
Tous les signataires de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ont l'obligation légale de le prévenir. La communauté mondiale a l'obligation légale de l'empêcher. Cette obligation existe depuis 1948. Le contexte donné par les Sud-Africains était une période de 75 ans, c'est-à-dire depuis 1948. Ils ont fondé leurs arguments sur cette période, sur cette expérience de 75 ans, et c'est ainsi que leur argumentation a été construite. Un nom est également attaché à cette expérience, celui de l'apartheid, ce qui a des conséquences sur l'argumentation que tout cela doit cesser.
Pour leur construction juridique, les Israéliens et Tal Becker en particulier ont soutenu que l'Afrique du Sud faisait une sélection unilatérale et partielle en utilisant le contexte d'une manière détournée. Ils ont procédé à une déconstruction postmoderniste typique. Pourquoi s'arrêter à 75 ans, pourquoi pas 1922, lorsque les Britanniques ont renoncé à leur mandat, ou 1917 et la Déclaration Balfour comme contexte, ont-ils demandé, ajoutant que les Sud-Africains sont, pour utiliser un terme péjoratif, des « shysters » (avocat malhonnête), c'est-à-dire des gens sans éthique, peu recommandables et doués pour la désinformation sur le contexte.
Dans le même ordre d'idées, un autre avocat israélien a fait des remarques sur les 15 pages de déclarations de fonctionnaires du gouvernement israélien et des membres des forces de défense israéliennes (FDI) telles que collectées par l'Afrique du Sud qui témoignent d'une intention génocidaire. Ces déclarations comprenaient des extraits de la Torah : « Tuez, tuez, tuez tous les Amalécites, ne les épargnez pas. » Tal Becker a répondu que les avocats sud-africains étaient des « shysters » parce qu'ils ne connaissaient pas la Torah, ni l'hébreu, sinon ils verraient qu'il s'agissait simplement d'une façon de parler, et non d'un appel au génocide. C'était pour détourner l'attention du fait que les Sud-Africains n'ont pas seulement présenté déclarations, mais qu'ils les ont présentées en montrant des soldats en train de faire exploser une maison où se trouvaient des gens, l'un d'entre eux dédiant le massacre à sa fille, dansant et criant les mêmes mots que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a prononcés, à savoir « tuez tout le monde ».
Les déconstructionnistes israéliens tentent d'utiliser l'intentionnalité, qui se réfère à ce que vous pensez dans votre tête. Il s'agit d'un fait mental et puisque personne ne peut entrer dans la tête de quelqu'un d'autre, on ne peut pas déterminer ce qu'il avait vraiment l'intention de faire. Cela diffère de la manière dont les Sud-Africains ont présenté la preuve d'une intention, comme l'exige la Convention sur le génocide. Il faut démontrer une intention de commettre un génocide.
Les Sud-Africains ont fait valoir que l'intention se manifeste lorsque les paroles correspondent aux actes. Comment connaître une intention ? On regarde ce qui a été fait – c'est cela l'intention. Une des utilisations du mot intentionnalité est qu'il s'agit d'une fonction privée; quelqu'un peut prétendre à tout ce qu'il veut, comme la police qui invoque la légitime défense ou le fait de craindre pour sa vie pour justifier un meurtre. L'autre est publique, et c'est ce qui est jugé. Il s'agit d'un acte public, et non d'une signification privée dans la tête de quelqu'un. Il s'agit d'une distinction cruciale en droit et en politique.
Il existe un véritable fossé que les gens perçoivent et sur lequel les déconstructionnistes s'appuient tout particulièrement. Il s'agit du fait qu'il est impossible d'entrer dans la tête de quelqu'un parce que l'individu peut lui donner le sens qu'il veut. Il y a une blague sur la fameuse citation du film Le Parrain à propos d'une offre que l'on ne peut pas refuser : « Que se passe-t-il lorsque vous croisez un mafioso faisant une offre que vous ne pouvez pas refuser avec un déconstructionniste ? » La réponse : « Vous obtenez une offre que vous ne pouvez pas comprendre. »
Une partie importante de ce que le Centre d'études idéologiques met en évidence en analysant l'affaire devant la CIJ concerne la bataille de la démocratie, les formes modernes et le contenu nécessaires à une démocratie moderne. À cet égard, il est apparu qu'en répondant à l'argument valable sur l'intentionnalité utilisé par les Sud-Africains, essentiel pour nous dans le travail actuel sur les définitions modernes, nous disons que la compréhension requiert un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir. C'est ainsi que nous considérons l'intentionnalité, comme un acte de liberté d'expression.
Dans sa forme théorique, la compréhension est liée à la liberté d'expression. Ce n'est pas la même chose qu'une description de la façon dont on se représente la situation. Notre conception de la compréhension implique des rapports : le « je » en tant que rapport, le « nous » pluriel du « je » en tant que rapport, et comment les activer. Il est en corrélation avec l'ensemble des rapports humains, les rapports entre humains et entre les humains et la nature.
Lorsque quelqu'un dit que l'antisionisme est de l'antisémitisme ou de la trahison, il s'agit d'un acte mental, privé pour la personne qui le dit. Il n'a de sens public que lorsqu'il est soutenu par des armes, des tribunaux et des prisons. La compréhension requiert un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir, en revanche, est immédiat, sans médiation. L'intentionnalité dont nous parlons est dans l'ici présent. Elle s'exprime par des actes. C'est une question sur laquelle on peut prendre une décision.
En conclusion, la réponse d'Israël à l'accusation de génocide de l'Afrique du Sud, entre autres, consiste à nous forcer d'accepter que les crimes contre l'humanité sont la nouvelle normalité. Les grandes puissances les justifient en se basant sur des concoctions mentales déconstructionnistes sur lesquelles personne ne peut se prononcer mais qu'elles ont le pouvoir de mettre en oeuvre de toute façon. Une offensive majeure a été lancée par l'élite dirigeante internationale pour utiliser la question de la démocratie non seulement pour faire avancer leurs rivalités inter-impérialistes pour la domination du monde, mais aussi pour détourner les efforts des peuples pour s'émanciper et les empêcher de saisir l'initiative pour renverser la situation en leur faveur.
Le PCC(M-L) appelle à lutter sur la base d'un point de vue avantageux qui leur est propre, un point de vue qu'ils établissent eux-mêmes en participant en tant qu'individus à des actes de recherche qui révèlent un moyen d'aller de l'avant sur cette base. Nous ne pouvons pas permettre à ceux qui présentent des arguments déconstructionnistes intéressés pour faire avancer la cause d'intérêts privés étroits et criminels de fixer l'ordre du jour de la discussion ou de définir ce qui est possible et ce qui ne l'est pas.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024
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