L'élection présidentielle aux États-Unis

Une rhétorique désespérée sur la transition pacifique du pouvoir

– Kathleen Chandler –

Une caractéristique de la campagne électorale présidentielle américaine est la crainte que l'élection ne donne pas lieu à une transition pacifique du pouvoir aux États-Unis. Assurer une transition pacifique du pouvoir est un pilier sur lequel repose la légitimité des institutions démocratiques libérales. Or, c'est précisément ce qui échappe aux États-Unis, rongés par des luttes de factions entre les intérêts privés étroits qui détiennent le pouvoir et pour lesquels les élections n'offrent plus de répit. L'insurrection du 6 janvier 2021 en a fourni la preuve à un moment où les guerres étrangères n'étaient plus une distraction suffisante.

Loin d'être une méthode pour parvenir à une trêve temporaire entre les dirigeants, suivie par la conclusion d'accords au Congrès et dans d'autres enceintes, les élections sont devenues une plate-forme pour engager les combats entre factions d'une manière qui équivaut à une guerre civile, mais pas encore violente à l'échelle nationale, ce que les dirigeants espèrent éviter.

Les factions qui se disputent le pouvoir présidentiel lors de l'élection de novembre parlent toutes deux au nom du « peuple » mais leur but est de s'emparer de la présidence afin de concentrer encore plus de pouvoir entre leurs mains. Le pouvoir présidentiel consiste à contrôler les factions opposées tout en essayant de maintenir en place un « ordre fondé sur des règles » international dominé par les États-Unis et de réprimer la résistance aux États-Unis et dans le monde.

Des factions opposées existent au sein de la bureaucratie militaire et civile et au sein et entre les intérêts commerciaux privés étroits, ainsi qu'entre et au sein du gouvernement fédéral et des gouvernements des États, de la police et des services de renseignement fédéraux et ceux au niveau des États. C'est évident lorsque des généraux et amiraux à la retraite se rangent derrière Trump ou Harris et que les conflits avec les États font rage autour des réfugiés et de l'avortement. Il est intéressant de noter que les factions comprennent celle qui est classée comme la plus grande, celle qui comprend le peuple américain, qui est complètement exclu des arrangements qui exercent ce pouvoir d'État.

Alors que l'élection a lieu le 5 novembre, le président ne sera pas assermenté avant janvier 2025 et seulement après que le Congrès ait certifié les votes du Collège électoral. Kamala Harris, en tant que vice-présidente, préside la certification, tout comme Mike Pence l'a fait en 2020.

Comme le montrent les événements de la dernière élection, ce n'est pas seulement pendant les élections que les affrontements entre factions sont évidents, mais après et avant l'investiture. C'est à ce moment-là que la transition pacifique du pouvoir est confrontée à des défis directs. Donald Trump en campagne ne cesse de répéter qu'il ne respectera pas les résultats du vote s'il ne gagne pas. En partie en réponse à cela, le 4 octobre, le président Biden a déclaré à propos de l'élection : « Je suis convaincu qu'elle sera libre et équitable », mais « je ne sais pas si elle sera pacifique ».

La question de la transition du pouvoir a également été soulevée lors du débat entre l'ancien président Donald Trump et la vice-présidente Kamala Harris, le 10 septembre, et à nouveau lors du débat vice-présidentiel entre le sénateur de l'Ohio, J.D. Vance, et le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, le 2 octobre. On y fait également référence à plusieurs reprises dans les discours de campagne, en particulier ceux de Kamala Harris dont toute la campagne est imprégnée de l'affirmation selon laquelle pour rétablir le fonctionnement des institutions démocratiques et assurer une transition pacifique du pouvoir, il est nécessaire de voter pour elle et de vaincre Donald Trump.

Les commentaires se limitent souvent à des références au 6 janvier 2021, lorsque les forces de Donald Trump se sont organisées pour ne pas reconnaître les résultats de l'élection fédérale qui a déclaré Joe Biden vainqueur. La tentative de coup d'État et d'insurrection du 6 janvier a été organisée contre le Congrès le jour où il certifiait le vote en faveur de Joe Biden, sous la présidence de Mike Pence, le vice-président de Donald Trump.

À ce jour, Donald Trump répète qu'il n'a pas perdu ces élections et il continue de défendre les manifestants du 6 janvier et son propre rôle dans l'incitation à ces manifestations, pour lesquelles il revendique l'immunité présidentielle. Pour sa part, Kamala Harris qualifie le 6 janvier de « pire attaque contre la démocratie » depuis la guerre de Sécession.

Les informations manquantes

Trois problèmes principaux sont exclus du discours sur la nécessité d'une transition pacifique. Le premier est le fait que les institutions existantes, y compris les élections, sont dysfonctionnelles et irréparables. Les peuples des États-Unis et du monde entier le reconnaissent.

Un autre problème majeur est que les énormes bureaucraties militaires et civiles sont divisées et que les moyens utilisés jusqu'à présent pour les unir ne parviennent pas à le faire.

Le troisième est le rôle des citoyens dans une situation où beaucoup rejettent le système défaillant et organisent des alternatives. Ils ne se rangeront pas si facilement derrière Donald Trump ou Kamala Harris dans une situation où la transition est incertaine. En tant que faction la plus importante, leur poursuite d'une voie politique indépendante est grandement redoutée par les dirigeants. Kamala Harris est proposée en grande partie pour faire dévier cette direction et réprimer toute révolte. Cette tentative a déjà été rejetée par beaucoup.


Manifestation à Kenosha, le 16 septembre « Pas de vote pour le génocide »

Pour ce qui est d'unir la bureaucratie militaire, les guerres à l'étranger sont un moyen de rallier les troupes derrière le commandant en chef. Une guerre étrangère après l'autre a été menée depuis l'effondrement de l'Union soviétique pour assurer l'hégémonie mondiale des États-Unis. Loin d'unir la bureaucratie, les contradictions se sont accentuées. Les administrations américaines qui se sont succédé n'ont pas réussi à réaliser cette unité. Cela est dû à la prise de contrôle totale du pouvoir de l'État par des intérêts privés étroits qui, par définition, se livrent sans relâche à des guerres intestines. Cela vient aussi de graves divergences sur les politiques stratégiques et géopolitiques que les États-Unis devraient adopter et qui, le plus souvent, sont également sous-tendues par les préoccupations et les buts d'intérêts privés étroits.

Les alliances alternatives qui s'efforcent de progresser, comme les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, etc.), contribuent à cette situation et font que les États-Unis se livrent à des tractations et marchandages pour soumettre les pays à leur diktat, un processus de plus en plus difficile et compliqué.

Loin d'unir les bureaucraties militaire et civile, la façon dont les États-Unis se conduisent dans les affaires étrangères les a jusqu'à présent isolés davantage et a érodé davantage la crédibilité et la légitimité de leurs institutions et des valeurs qu'ils prétendent démocratiques et supérieures à celles de tous les autres. Les guerres de destruction auxquelles ils ont recours sont des actes de désespoir pour contrôler les forces productives humaines qui échappent au contrôle des intérêts privés étroits qui favorisent les États-Unis dans leur lutte pour l'hégémonie mondiale. Le génocide américano-sioniste à Gaza et maintenant au Liban est le plus destructeur de tous, malgré les niveaux sans précédent de crimes commis lors des guerres précédentes. C'est en partie parce qu'elles sont menées pour que le monde entier puisse les voir.

Les États-Unis prétendent que les États-Unis sont la « nation indispensable » dans le monde qui dicte toutes les questions liées à la guerre et à la paix, qui ne sont acceptés par aucun autre pays, même ceux qui sont soumis à son contrôle comme dans le cas des pays membres de l'Union européenne. Au Canada, malgré l'assujettissement de l'État canadien et de la classe dirigeante, le peuple n'est pas d'accord avec de telles choses.

Loin d'unir les énormes bureaucraties civiles et militaires, les guerres et le refus des États-Unis de régler tout problème sur une base politique en utilisant les voies diplomatiques ont irrémédiablement terni la réputation des États-Unis et ses références démocratiques. Les États-Unis sont largement considérés comme responsables de la perte de millions de vies humaines, de crises humanitaires et de réfugiés d'une ampleur sans précédent, de l'aggravation des crises environnementales ainsi que de la commission de crimes de guerre et de crimes de génocide.

Les États-Unis et leur cartel du génocide, composé de pays qui vantent leur soi-disant ordre international fondé sur des règles, violent impunément l'état de droit international et cherchent désespérément à faire de l'impunité la nouvelle norme qu'aucun peuple, où qu'il soit, n'admet. Au contraire, comme en Palestine, le peuple mène une lutte à mort pour régler des comptes avec la démocratie américaine sous l'égide de laquelle tous les crimes contre l'humanité sont commis.

La capacité des États-Unis à imposer leur « ordre international fondé sur des règles », où leurs règles sont à la base de l'ordre, est une préoccupation majeure à l'heure actuelle. La résistance croissante des Palestiniens, ceux qui soutiennent la Palestine comme le Liban, le Yémen et l'Irak, et notamment la position indépendante de l'Iran, la contestation par la Chine et la Russie, les diverses initiatives internationales visant à supprimer le dollar comme monnaie mondiale pour le commerce, tout cela montre bien cette difficulté. L'incapacité à assurer une transition pacifique affaiblirait encore davantage les efforts de domination des États-Unis.

À l'heure actuelle, il semble que les dirigeants privilégient Kamala Harris comme étant la mieux à même d'éviter une guerre civile ouverte et de maintenir leur « ordre fondé sur des règles ». Elle s'efforce de rallier les forces divisées sous la bannière de la défense de la Constitution contre les « ennemis étrangers et nationaux », tout en prenant le peuple en otage avec l'idée qu'elle peut apporter le changement.

Mais son succès est loin d'être acquis L'absence d'une transition pacifique du pouvoir avec des élections signifie que les nombreux organismes militaires, de renseignement et de police fédérales, des États et locales, toutes fortement armées, pourraient diviser leur loyauté si leur candidat n'est pas le prochain commandant en chef. Compte tenu de la possibilité d'une guerre civile ouverte et violente entre les factions, ces divisions mettent en doute la façon dont les agences militaires et policières s'aligneront, ce qui représente un grave danger pour les peuples à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

Cette situation offre également aux peuples une ouverture pour faire avancer leurs solutions, renforcer leur organisation indépendante et refuser toute conciliation avec les dirigeants, leur génocide et leur destruction. C'est l'ensemble des rapports humains, des humains entre eux et des humains avec la nature et ce qu'ils révèlent qui détermine l'ordre existant, et non les règles américaines. Et ce sont ces rapports que les peuples ont la capacité et la nécessité de changer en créant de nouvelles structures fondées sur la reconnaissance que tous les membres du corps politique sont égaux, comme le sont tous les pays du monde, grands ou petits. Leur droit souverain de décider de leur présent et de leur avenir doit être respecté sur la base d'un processus qui les engage à prendre des décisions sur toutes les questions relatives à la direction de l'économie, à la guerre et à la paix, au crime et châtiment.


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Volume 54 Numéro 43 - 15 octobre 2024

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