La lutte pour le pouvoir de décider en Inde

Les fermiers continuent de faire valoir leurs revendications

– J. Singh –


Une mahapanchayat à Uchana, 14 septembre 2024

En Inde, les fermiers qui se battent sans relâche pour la reconnaissance de leurs réclamations font savoir qu'ils ne sont pas dupes de la constitution par la Cour Suprême de l'Inde d'un comité chargé d'examiner leurs doléances. Ces demandes sont bien connues et ont été examinées à maintes reprises. Il s'agit d'une nouvelle tentative de l'élite dirigeante de faire diversion et d'attaquer les fermiers.

Les fermiers de toute l'Inde ont célébré le 117e anniversaire de la naissance de Bhagat Singh le 27 septembre, avec des rassemblements, des manifestations et des assemblées dans les villages, les villes et les sièges de district, et ont appelé le peuple à intensifier ses luttes pour une vie de dignité et de justice. Ils ont souligné que les paroles de Bhagat Singh se sont avérées prophétiques lorsqu'il a déclaré que notre lutte contre l'injustice se poursuivrait même si les Britanniques partaient et étaient remplacés par des visages bruns, car ils poursuivaient le système de pillage des fermiers et des travailleurs. Les fermiers ont déclaré que ces sahibs bruns de Delhi veulent céder nos terres à Adani, Ambani, Birla, Tata et à d'autres entreprises. Ils ont dénoncé l'ancien ministre en chef de l'Haryana qui a déclaré que ceux qui manifestent ne sont pas de vrais fermiers. Ils ont également appelé la population à la vigilance, car l'État des grandes entreprises tente de noyer leurs luttes dans le sang en orchestrant des violences fondées sur la religion, la langue et la caste.

Depuis que les Britanniques ont promulgué la réforme agraire de 1789, d'innombrables comités et réformes ont vu le jour, mais leur objectif a toujours été de piller les fermiers. Ceux-ci savent que l'objectif du gouvernement est de voler leurs terres et de les donner à Adani, Ambani et d'autres entreprises. Ils sont déterminés à ne pas se laisser faire. Des mahapanchayats (assemblées de masse) sont appelées à Shambhu, Khanauri, Sisauli, Sangrur et dans des centaines d'autres villes et sièges de district pour renforcer l'unité et les organisations des fermiers.

Des milliers de fermiers ont manifesté dans le Madhya Pradesh pour réclamer le prix minimum de soutien (MSP) pour le soja. L'administration a tenté de les empêcher de se rassembler dans les marchés aux grains, mais les fermiers ont fait remarquer que les marchés aux grains sont leur lieu de vie et que personne ne peut les empêcher de s'y rassembler. Ils ont souligné que toutes les politiques du gouvernement central consistent à donner les terres aux entreprises et à enfermer leurs roti dans leurs Tijories (coffres-forts) pour affamer la population afin de maximiser leurs profits, quel que soit le parti au pouvoir à Delhi. Ils ont décidé qu'aucun dirigeant de parti politique n'était le bienvenu sur leur lieu de travail.

À Malkangiri, en Odisha, des milliers de tribus manifestent depuis le 13 septembre dans plus de 250 gram sabhas pour protéger leur jal, jungle et jameen (eau, forêt et terre). Ils demandent que la loi sur les droits forestiers leur permette d'obtenir des titres de propriété sur leurs terres. Depuis 2006, aucun des gouvernements n'a appliqué la loi.

Au Bihar, des manifestations sont en cours pour protester contre l'enquête foncière menée par le gouvernement. Les gens protestent contre les fonctionnaires qui versent dans la corruption et inscrivent arbitrairement des données dans le registre officiel afin de chasser les fermiers de leurs terres.

Une manifestation massive a eu lieu à Patiala le 22 septembre pour exiger la libération de Malvinder Singh Mali, militant des droits humains et commentateur politique. Des fermiers, des travailleurs et des étudiants se sont rassemblés et ont dénoncé la criminalisation de la dissidence par le gouvernement du Parti Aam Aadmi (AAP) au Pendjab. L'élite dirigeante utilise tous les partis politiques pour mener des attaques contre les droits des personnes afin de poursuivre son pillage et son oppression. Les Amis de l'Union Bharatiya Kisan aux États-Unis ont déclaré dans un communiqué :

« L'arrestation de Mali représente un autre exemple flagrant du fait que le gouvernement AAP de Bhagwant Singh Mann foule aux pieds les droits humains et criminalise la dissidence pour faire taire ses détracteurs. Les circonstances de son arrestation – une action rapide de la police quelques heures seulement après le dépôt du rapport d'enquête et le refus d'accorder à Mali la possibilité de présenter sa version des faits – constituent une grave injustice et une violation flagrante de la Constitution indienne. Mali critique depuis longtemps les politiques du gouvernement du Pendjab et cette arrestation semble être une tentative directe d'étouffer sa voix.

Au début du mois de septembre, la police de l'Haryana a tenté d'empêcher les fermiers d'organiser une mahapanchayat à Uchana en menaçant le responsable de la tente et de la sonorisation et en scellant la frontière avec le Pendjab. Mais les fermiers sont venus par centaines de milliers, brisant tous les blocages et barricades mis en place par le gouvernement. Pour sauver l'Inde, ont-ils déclaré, les fermiers doivent sauver leurs terres que l'élite dirigeante veut céder aux entreprises. Un MSP garanti est une nécessité pour sauver l'Inde.

Les fermiers du Punjab et de l'Haryana ont organisé un rail roko (barrage de chemin de fer) le 13 octobre pour faire valoir leurs revendications. L'événement a été un succès total. Le gouvernement du Pendjab tente de briser l'unité des fermiers en essayant de « négocier » avec un groupe de fermiers tout en diabolisant les autres. Bien que les fermiers aient apporté leur riz sur les marchés, le gouvernement ne l'achète pas. Il veut les forcer à le vendre à Adani à un prix inférieur. Les fermiers ont dit qu'ils devaient prendre eux-mêmes le contrôle du stockage, de la distribution et de la commercialisation et créer des mécanismes à cet effet, car le gouvernement et l'État sont complètement à la botte des entreprises. Celles-ci ravagent le Pendjab.


Un barrage ferroviaire le 13 octobre 2024

L'Uttarakhand Kisan Union a appelé une mahapanchayat à Haridwar pour le paiement d'arriérés d'un montant de 110 crores de roupies pour les deux dernières années par les sucreries. Ils prévoient manifester à Dehradun et, si leurs demandes ne sont pas satisfaites, ils marcheront jusqu'à Delhi. Depuis des années, les sucreries ont pris l'habitude d'acheter de la canne à sucre sans la payer et le gouvernement est de mèche avec les propriétaires des sucreries, quel que soit le parti au pouvoir. Les fermiers ont déclaré que ces partis n'ont pas de vichardhara (idéologie) mais une kursidhara (soif de rester au pouvoir).

La sucrerie de Shamli, dans l'Uttar Pradesh, doit plus de 220 000 roupies aux fermiers. Cela équivaut à plus de 36 millions de dollars canadiens. Les fermiers protestent depuis plus d'un mois pour obtenir leur dû et ont annoncé des assemblées de masse le 24 octobre à Bijnor, le 26 octobre à Bulandshehar et le 27 octobre à Allahabad en Uttar Pradesh.

Les fermiers assis à la frontière entre Shambhu et Khanauri depuis 240 jours ont déclaré que leur lutte se poursuivrait jusqu'à la satisfaction de leurs revendications fondamentales. Ils ont déclaré que peu importe le parti au pouvoir, c'est leur lutte qui a forcé le BJP et d'autres partis à parler du MSP et d'autres revendications.

Le gouvernement du Pendjab formé par l'AAP a mis en place une commission de développement du Pendjab dirigée par Seema Bansal du Boston Consulting Group. Elle est chargée d'élaborer des politiques globales pour le Pendjab. Des « experts » grassement payés seront chargés de mettre au point des mécanismes visant à piller les fermiers et les travailleurs. Rien de bon ne sortira de la poursuite de la mise en oeuvre de l'offensive néolibérale destructrice lancée par le gouvernement de Manmohan Singh (2004-2014), qui est à l'origine du transfert actuel des terres et des autres ressources du Pendjab aux entreprises. Des personnes issues de différents secteurs appellent à la dissolution de la commission.

Andheri raat ka ant kai tay
Kitane zulam tamay

(La nuit la plus sombre se terminera peu importe combien sombre et opprimante.)


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Volume 54 Numéro 43 - 15 octobre 2024

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