Le « Fonds » de la Grande-Bretagne

Le programme économique anti-travailleurs du gouvernement travailliste pour payer les riches

– Hilary LeBlanc –

Un des principaux aspects du programme promu par le Parti travailliste de Grande-Bretagne, tel qu'annoncé lors du discours du Trône à l'ouverture du Parlement le 17 juillet et depuis ce temps, est le Projet de loi sur le fonds national[1]. En tant qu'initiative de la nouvelle chancelière du gouvernement travailliste Rachel Reeves et de l'ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre Mark Carney, le groupe de travail pour le Fonds national est composé de Carney et des PDG de la banque Barclays et de la compagnie d'assurances Aviva[2].

Il s'agit d'un stratagème pour payer les riches de plusieurs milliards de livres qui consiste à détourner des fonds publics à des intérêts privés. Le fonds passera par la Banque de l'infrastructure et la Banque britannique des entreprises actuelles pour générer des ententes publiques-privées dans les secteurs de l'industrie, portuaire et de l'énergie dite renouvelable. Le Fonds serait un élément crucial pour la résolution des problèmes touchant à l'environnement, à l'infrastructure et aux investissements, mais c'est en fait la plus récente version de stratagèmes publics-privés qui font maintenant partie du principal arrangement économique néolibéral et sont un facteur clé de la politisation d'intérêts privés. L'institution financière est créée pour organiser de nouveaux partenariats publics-privés, poursuivant l'offensive antisociale et lui inspirant un nouveau souffle en changeant encore plus les arrangements de l'État à l'avantage d'intérêts privés.

La chancelière avance de vieux mots d'ordre comme « investissements et réformes ». Par le passé, ces mots d'ordre ont fait en sorte que les programmes sociaux ne recevraient désormais de l'investissement que s'ils étaient ouverts aux forces du capital et du marché. Maintenant ils sont mis de l'avant pour déclarer que les investissements d'État dans leur ensemble – en particulier dans les infrastructures – ne seront possibles que si l'État lui-même est restructuré. Le nouveau fonds doit servir à renforcer ce principe.

« La croissance est maintenant notre mission nationale », a déclaré Reeves lors d'un discours à Londres le 8 juillet après qu'elle eut été nommée chancelière par le premier ministre Keir Starmer du nouveau gouvernement travailliste. Pendant ce temps, un immense déficit budgétaire a été annoncé, laissant entrevoir des compressions dans, par exemple, les projets routiers et de chemins de fer. Les régimes de retraite seront ciblés, et le Projet de loi sur les stratagèmes pour les régimes de retraite – qui facilite la consolidation des régimes de retraite qu'on appelle « pots » – fait partie des préparatifs en ce sens. Selon ce plan, l'argent des régimes de retraite doit être investi dans des compagnies non inscrites à la cote officielle, et des changements sont promus qui augmenteront les impôts sur les régimes de retraite.

Les projets d'infrastructure

Le fonds jouera le rôle clé d'appuyer les projets d'infrastructure et de construction domiciliaire tout en fournissant aux détenteurs de capital une opportunité d'investissement sécuritaire avec des profits garantis. Le fait que le gouvernement abandonne les petits investissements pour passer aux investissements importants est évident dans le Projet de loi sur la planification et l'infrastructure. L'objectif de ce projet de loi est d'augmenter le nombre de nouvelles maisons à chaque année et de simplifier le processus d'approbation des principaux projets d'infrastructure en accélérant le temps d'attente pour les permis de planification. Le gouvernement a souligné que le projet de loi sur la planification restreindrait la possibilité pour les gens dans les localités d'empêcher de nouveaux développements. De façon malhonnête, il a tenté de dissimuler la concentration du pouvoir visant à éliminer le rôle du peuple en laissant entendre que c'est le peuple qui cherche à empêcher le développement local. L'engagement démocratique toucherait à « comment, et non si, les maisons et l'infrastructure iront de l'avant », a dit le gouvernement lors du discours du Trône. Le gouvernement compte accorder de nouveaux pouvoirs aux instances publiques qui utiliseraient des bons de commande obligatoires pour l'acquisition de terrains, sans autorisation ministérielle.

Le contrôle de l'énergie

Avec la construction domiciliaire, l'autre aspect du projet d'infrastructure du programme économique touche à l'énergie « verte », principalement sous forme d'éoliennes et d'énergie nucléaire.

Le Projet de loi sur l'énergie de la Grande-Bretagne créera Énergie de la Grande-Bretagne (GB Energy), une société d'État qui siègerait en Écosse et qui gèrerait divers projets énergétiques à grande échelle. Le Domaine royal, le domaine public de la monarchie, avec son portefeuille foncier et immobilier d'une valeur de 16 milliards de livres dû à un « droit héréditaire », ainsi que ses liens financiers, collaborera avec la nouvelle compagnie pour attirer 60 milliards de livres en investissements privés. Le Projet de loi sur le domaine royal a été présenté en ce sens.

L'objectif du Domaine royal serait « de créer une prospérité durable et partagée pour la nation ». Ses fonds proviennent de « terres de la Couronne, de droits féodaux (actualisés à partir des droits d'accise héréditaires de 1660), des profits des Postes, des permis, etc., des revenus temporaires provenant des impôts accordés au roi pour un période d'un an ou pour la vie ».

Selon l'information au sujet du Domaine royal, chaque année, le profit net sur son revenu sera versé au Fonds consolidé du Royaume-Uni, où il sera ajouté aux fonds provenant des impôts généraux » et mis « à la disposition du Trésor qui peut s'en servir pour le bien de la nation ». Ce qui est bien pour la nation est, bien sûr, décidé par les élites dirigeantes qui, par le biais de leurs positions de pouvoir et de privilège, agissent pour le bien d'intérêts privés étroits, présentés comme étant les intérêts de la nation. Les gens qui constituent la nation n'auront pas droit au chapitre.

Comme le dit le gouvernement britannique, « investir dans les projets énergétiques en partenariat avec le secteur privé...fera en sorte que le secteur public jouera un tout nouveau rôle à entreprendre le travail préparatoire de développement pour les projets éoliens en mer. Cela réduira les risques pour les entrepreneurs de futurs projets éoliens en mer... »

Le gouvernement aspire à ce que la Grande-Bretagne devienne une « superpuissance de l'énergie verte » en faisant de la Grande-Bretagne, qui contrôlerait l'énergie éolienne, une plaque-tournante de corridors énergétiques mondiaux. Bâtir des chaînes d'approvisionnement dans tout le pays serait donc la fonction première de GB Energy. Dans la même veine, le Projet de loi sur le combustible durable pour l'aviation présente un nouveau stratagème pour payer les riches, déguisé en projet de décarbonisation du voyage aérien mais visant aussi « l'indépendance énergétique » et faisant de la Grande-Bretagne une superpuissance énergétique.

Workers' Weekly, le quotidien du Parti communiste révolutionnaire de Grande-Bretagne (marxiste-léniniste) dit de ce stratagème que c'est une nouvelle version de « redonner à la Grande-Bretagne son ancienne gloire ». C'est un programme pro-guerre et il n'a rien de vert », souligne le parti.

« En effet, l'ancien gouvernement de Sunak avait déclaré plus tôt cette année que la Grande-Bretagne serait le premier pays européen à produire de l'uranium faiblement enrichi à haute teneur (HALEU), une remise en question directe de la dominance russe dans le marché des combustibles nucléaires. Les États-Unis ont aussi des investissements dans ce nouveau combustible. Le gouvernement Starmer n'abandonne aucunement ce projet, et a lancé une compétition pour l'obtention de 70 millions de livres de financement. Et il le fait en dépit des avis voulant que ce type d'uranium puisse servir à la fabrication d'armes. ».

« Tandis que ces projets de loi sont adoptés au parlement, le Projet de loi sur les droits de l'emploi est aussi promu comme une protection des travailleurs au nom de « Faire payer le travail ». C'est un véritable tour de force pour imposer la flexibilité du travail et forcer les travailleurs à se plier à toutes sortes de règlements au nom de défendre leurs droits. Une des dispositions en ce sens est :

« Nous prévoyons une nouvelle période de probation obligatoire pour les nouveaux employés d'une entreprise. Cette mesure permettra de faire une bonne évaluation de la compatibilité de l'employé dans son nouveau rôle en plus de faire connaître aux employés leurs droits dès le premier jour. Nous allons consulter sur la longueur de la période, quoique la préférence du gouvernement est de neuf mois ».

Workers' Weekly souligne : « Selon le gouvernement, le problème en est un d'investissement, lesquels sont nécessaires à la croissance, et ces investissements requièrent des stratagèmes pour payer les riches et veiller à ce que le peuple n'ait pas le pouvoir d'intervenir. De leur côté, les travailleurs ne voient pas que payer les riches est la façon de dégager des investissements dans ce dont la société a besoin. Ils se battent plutôt pour leurs réclamations individuelles, collectives et sociales, développant un mouvement sous la bannière « Assez, c'est assez ! ». Leur programme indépendant est d'arrêter de payer les riches et d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux ».

Notes

1. Le discours du Trône, le 17 juillet 2024

2. Aviva est une compagnie d'assurances britannique multinationale dont le siège social est à Londres, en Angleterre. Elle a près de 19 millions de clients dans ses marchés clés au Royaume-Uni, en Irlande et au Canada.

(Workers' Weekly, le 11 août 2024)


Cet article est paru dans
Logo
Volume 54 Numéro 43 - 15 octobre 2024

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2024/Articles/LS544314.HTM


    

Site web :  www.pccml.ca   Courriel :  redaction@pccml.ca